10358 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. – Présentation par clause – Accès au juge
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 10358 (8 octobre 2025)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE CIVIL ET EN DROIT COMMUN
SANCTION DIRECTE DES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS - DROIT POSTÉRIEUR À L’ORDONNANCE DU 10 FÉVRIER 2016 – LOI DE RATIFICATION DU 20 AVRIL 2018 : ARTICLE 1171 DU CODE CIVIL
NOTION DE CLAUSE ABUSIVE – PRÉSENTATION PAR CLAUSES
CLAUSES D’ACCÈS AU JUGE (CONCILIATION, MÉDIATION, ARBITRAGE, COMPÉTENCE)
Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2025)
Clause de saisine facultative de l’Ordre à l’initiative de l’expert-comptable. La clause de la lettre de mission, qui stipule qu’« en cas de contestation par le client des conditions d'exercice de la mission ou du différend sur les honoraires, l'expert-comptable s'efforce de faire accepter la conciliation ou l'arbitrage du président du conseil régional de l'ordre avant toute action en justice », met à la charge de l'expert-comptable l'obligation de saisir le président du conseil régional de l'ordre et n'impose pas aux clients de le faire. CA Riom (3e ch. civ. com.), 6 décembre 2023 : RG n° 22/00949 ; arrêt n° 540 ; Cerclab n° 10598.
Clause de saisine facultative de l’Ordre à l’initiative des deux parties. Pour une clause rédigée différemment et stipulant que « les litiges qui pourraient éventuellement survenir entre le membre de l'Ordre et son client, pourront être portés avant toute action judiciaire, devant le Président du Conseil régional de l'Ordre compétent aux fins de conciliation. » Selon la Cour de Paris, le recours à la conciliation en cas de litige prévu par cette clause ne constitue pas un préalable obligatoire à l'instruction d'une demande de dommages et intérêts, alors que l'introduction d'une telle demande dans le délai de trois mois est une obligation ; la faculté ouverte aux parties en litige de recourir à une conciliation préalable ne dispense, ni n'empêche le client, auteur de la demande de dommages et intérêts, d'introduire sa demande dans le délai de trois mois suivant la prise de connaissance du sinistre. CA Paris (pôle 5 ch. 8), 16 septembre 2025 : RG n° 22/19745 ; Cerclab n° 24318 (mission d’expertise comptable pour une société de gestion de portefeuille ; N.B. l’affaire a donné lieu à des sanctions pénales et la décision retient la responsabilité du commissaire aux comptes), sur appel de TJ Paris (1re ch. 3e sect.), 17 octobre 2022 : RG n° 15/06682 ; Dnd.
N.B. L’articulation entre la clause de conciliation et le délai de forclusion semble, contrairement à ce qu’indique cet arrêt, particulièrement difficile, pour ne pas dire totalement absurde. Le raisonnement suivi présuppose donc que le client ou l’expert saisissent l’Ordre en vue de se concilier et d’éviter une action en justice, mais qu’en parallèle, le client assigne l’expert dans les trois mois de sa connaissance du sinistre, étant noté que l’art. 2238 C. civ. prévoit une suspension de la prescription en cas de demande de médiation ou de conciliation mais que celle-ci n’est pas applicable aux délais de forclusion.
Clause de saisine obligatoire de l’Ordre. Ne crée aucun déséquilibre significatif la clause de la lettre de mission qui prévoit que les litiges éventuels « seront portés, avant toute action judiciaire, devant le Président du Conseil Régional de l’Ordre des experts comptables » dont il dépend « aux fins de conciliation », dès lors qu’elle a simplement pour objet d’instaurer une phase de conciliation préalable à toute action en justice, ce qui est d’ailleurs conforme à l’évolution récente de la procédure civile. TJ Limoges (1re ch. civ.), 24 juin 2025 : RG n° 23/01119 ; Cerclab n° 24238 (mission comptable conclue le 23 novembre 2017 par une entreprise forestière). § Si le Code déontologie professionnelle de l’expertise comptable prévoit en ses art. 159 et 160, une procédure de conciliation facultative, le principe de la liberté contractuelle n’interdit pas à l’expert-comptable et à son client de convenir d’une clause prévoyant une procédure de conciliation obligatoire dès lors que, comme en l’espèce, celle-ci n’a pas pour effet de restreindre les devoirs de l’expert-comptable tels prévus dans le code de déontologie. En ce sens, la clause litigieuse ne porte pas atteinte aux dispositions d’ordre public du code de déontologie. TJ Limoges (1re ch. civ.), 24 juin 2025 : précité (clause obligatoire impliquant une fin de non-recevoir si elle n’est pas respectée). § L’apparition du litige postérieurement à la résiliation du contrat ne peut avoir pour effet de faire obstacle à la mise en œuvre de cette clause dès lors que le litige concerne la mise en jeu de la responsabilité de l’expert-comptable du fait d’un manquement allégué à la mission qui lui a été confiée. Même jugement.
Clause compromissoire. Crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, et doit être déclarée non écrite, la clause compromissoire d’un contrat de sous-traitance, en ce qu’elle instaure une procédure complexe et coûteuse de règlement des litiges, puisque nécessitant pour chacun de désigner un arbitre et de recourir au juge d'appui en cas de difficultés, lequel n'était effectivement pas désigné au contrat, seul l'application de l'art. 1459 CPC, alors que le donneur d’ordre a une assise financière beaucoup plus importante que le sous-traitant (dont le chiffre d’affaires en 2018 a été de 5.620 €), et que, par ailleurs, la clause stipule que les arbitres devront rendre leur sentence dans un délai de 10 mois à compter du jour où le dernier arbitre aura accepté sa mission, délai qui peut être prorogé, soit un délai de 4 mois supérieur à celui fixé à l'art. 1463 CPC, délai qui, sans être illégal, a pour effet d'augmenter la durée de la procédure de règlement du litige, ce qui est préjudiciable à une entreprise de taille modeste qui se prévaut d'impayés. CA Amiens (ch. écon.), 10 mars 2022 : RG n° 21/04192 ; Cerclab n° 9451, sur appel de T. com. Saint-Quentin, 23 juillet 2021 : Dnd.