CJUE (9e ch. - ord.), 7 décembre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 10.003
CJUE (9e ch. - ord.), 7 décembre 2022 : affaire n° C-566/21
Publication : Site Curia
Extrait : « L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que : il s’oppose à ce que la juridiction nationale, qui a constaté le caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat de prêt conclu entre un professionnel et un consommateur et dont la suppression n’empêche pas le contrat de subsister, modifie la portée de cette clause, de manière à ce que, à la faculté, prévue au seul bénéfice du professionnel, de procéder, dans certaines conditions, à la conversion en monnaie nationale de la devise dans laquelle ce contrat était libellé, soit substituée une obligation d’y procéder à la demande du consommateur. ».
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE
NEUVIÈME CHAMBRE
ORDONNANCE DU 7 DÉCEMBRE 2022
Dans l’affaire C‑566/21, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie), par décision du 27 mai 2021, parvenue à la Cour le 14 septembre 2021, dans la procédure
S
contre
AA,
LA COUR (neuvième chambre),
composée de M. J.-C. Bonichot, faisant fonction de président de chambre, M. S. Rodin (rapporteur) et Mme O. Spineanu-Matei, juges,
Avocat général : M. A. M. Collins,
Greffier : M. A. Calot Escobar,
Vu la procédure écrite,
Considérant les observations présentées :
- pour S, par MM. I. Dragne, A. O. Dumitrescu et B. M. Iordache, avocaţi,
- pour AA, par Mme B. A. Ancău,
- pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane et L. Liţu, en qualité d’agents,
- pour la Commission européenne, par Mme M. Carpus Carcea et M. N. Ruiz García, en qualité d’agents,
Vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Ordonnance
1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant AA (ci-après le « consommateur ») à S au sujet du caractère prétendument abusif d’une clause contractuelle, insérée dans un contrat de crédit conclu entre le consommateur et VV, un établissement bancaire auquel S a succédé, par laquelle celui-ci se réservait le droit, dans certaines conditions, de convertir en monnaie nationale la devise dans laquelle ce contrat avait été libellé.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3. Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 :
« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
4. L’article 7, paragraphe 1, de cette directive prévoit :
« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »
Le droit roumain
5. L’article 6 de la Legea nr. 193/2000 privind clauzele abuzive din contractele încheiate între profesioniști și consumatori (loi n° 193/2000 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs), du 6 novembre 2000, dans sa version applicable au litige au principal, qui transpose en droit roumain la directive 93/13, dispose :
« Les clauses abusives incluses dans le contrat et constatées soit personnellement, soit par l’intermédiaire des organismes légalement habilités, ne produisent pas d’effets à l’égard du consommateur, et le contrat se poursuit, avec l’accord de ce dernier, uniquement si cela est encore possible après la suppression desdites clauses. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
6. Le 25 juillet 2008, le consommateur a conclu avec VV un contrat de crédit portant sur un montant de 117 400 francs suisses (CHF) (environ 119 000 euros), pour une période de 300 mois. L’article 4.2, point 1, sous a), des conditions générales de ce contrat prévoyait, en substance, que, dans le cas où, pendant la durée du prêt, le taux de change de la devise dans laquelle le prêt était libellé varierait de plus de 10 % par rapport au taux en vigueur à la date de signature du contrat, VV se réservait le droit mais sans obligation, de convertir unilatéralement cette devise en monnaie nationale, en utilisant à cette fin le taux de change pratiqué par celle-ci à la date de l’éventuelle conversion (ci-après la « clause de conversion en cause »). Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la clause de conversion en cause a été insérée dans le contrat aux fins de permettre à S (ci-après l’« établissement bancaire ») de procéder unilatéralement à une telle conversion dans la seule hypothèse où la variation à la baisse de ce taux de change entraînerait une réduction du montant de la prestation du consommateur, tandis que, en cas de hausse dudit taux de change, cette clause ne serait pas mise en œuvre.
7. Le consommateur a toutefois demandé à l’établissement bancaire de procéder à la conversion du montant de son prêt en lei roumains, selon le taux de change applicable le 2 octobre 2008, date à laquelle ce taux avait augmenté de 10 % par rapport à celui qui était en vigueur à la date de signature du contrat. Face au refus opposé par l’établissement bancaire, le consommateur a saisi le Judecătoria Cluj-Napoca (tribunal de première instance de Cluj-Napoca, Roumanie) d’une demande visant à faire constater le caractère abusif de la clause de conversion en cause, à enjoindre à l’établissement bancaire, ayant succédé à VV, de mettre cette clause en œuvre au profit du consommateur et à obtenir le remboursement des sommes indûment perçues. Cette juridiction a rejeté la demande du consommateur, au motif qu’il existait une décision judiciaire intervenue antérieurement entre les mêmes parties et à laquelle s’attachait l’autorité de la chose jugée.
8. Le Tribunalul Specializat Cluj (tribunal spécialisé de Cluj, Roumanie) a accueilli l’appel interjeté par le consommateur, a constaté le caractère abusif de la clause de conversion en cause, a condamné l’établissement bancaire à faire application de celle-ci au profit du consommateur et à rembourser le trop-perçu, augmenté des intérêts.
9. L’établissement bancaire a formé un pourvoi contre cette décision devant la juridiction de renvoi, la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie), laquelle doute de la légalité de la décision du Tribunalul Specializat Cluj (tribunal spécialisé de Cluj) par laquelle ce dernier, après avoir constaté le caractère abusif de la clause de conversion en cause, en a modifié la portée, en substituant au droit que s’était réservé l’établissement bancaire une obligation à sa charge de mettre en œuvre cette clause si le consommateur le demande.
10. Dans ces circonstances, la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 6, paragraphe 1, de la [directive 93/13], tel qu’il est analysé dans la jurisprudence de la Cour, permet-il de modifier une clause de sorte que le droit purement potestatif du professionnel de transformer la devise du contrat de crédit soit en fait une obligation qui lui incombe lorsque cette modification est pleinement favorable au consommateur et que, à elle seule, l’élimination de la clause abusive du contrat ne lui procure aucun bénéfice ? »
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur la question préjudicielle :
11. En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à une telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.
12. Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent renvoi préjudiciel.
13. À cet égard, il importe de préciser que, dans la présente affaire, la Cour n’est pas interrogée sur les critères d’appréciation concernant le caractère abusif de la clause de conversion en cause. En revanche, la question préjudicielle porte uniquement sur les conséquences de la constatation du caractère abusif d’une telle clause.
14. Par sa question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 6 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que la juridiction nationale qui a constaté le caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat de prêt conclu avec un consommateur et dont la suppression n’empêche pas le contrat de subsister, peut modifier la portée de cette clause, de manière à ce que, au droit, prévu au seul bénéfice du professionnel, de procéder, dans certaines conditions, à la conversion en monnaie nationale de la devise dans laquelle ce contrat était libellé, soit substituée une obligation d’y procéder à la demande du consommateur.
15. Afin de répondre à la question préjudicielle, il convient de rappeler, à titre liminaire, que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité par rapport au professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci. Eu égard à une telle situation d’infériorité, cette directive oblige les États membres à prévoir un mécanisme assurant que toute clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle puisse être contrôlée afin d’apprécier son caractère éventuellement abusif (arrêt du 3 octobre 2019, Dziubak, C‑260/18, EU:C:2019:819, point 37 et jurisprudence citée).
16. À ce titre, il incombe au juge national, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, d’écarter l’application des clauses abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur, sauf si le consommateur s’y oppose (arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 29 et jurisprudence citée). Cependant, le contrat doit subsister, en principe, sans aucune autre modification que celle résultant de la suppression des clauses abusives, dans la mesure où, conformément aux règles du droit interne, une telle persistance du contrat est juridiquement possible (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 2019, GT, C‑38/17, EU:C:2019:461, point 42 ; du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 58, et du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 29).
17. Par conséquent, lorsque le juge national constate la nullité d’une clause abusive dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, ce juge ne saurait compléter le contrat en révisant le contenu de cette clause (voir, en ce sens, arrêts du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 59, et du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 30).
18. En effet, la Cour a jugé que, s’il était loisible au juge national de réviser le contenu des clauses abusives figurant dans un tel contrat, une telle faculté serait susceptible de porter atteinte à la réalisation de l’objectif à long terme visé à l’article 7 de la directive 93/13. Cette faculté contribuerait à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de telles clauses abusives, dans la mesure où ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser lesdites clauses, en sachant que, même si celles-ci devaient être invalidées, le contrat pourrait néanmoins être complété, dans la mesure nécessaire, par le juge national de sorte à garantir ainsi l’intérêt desdits professionnels (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, points 77 et 79 ; du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 56 ; du 3 octobre 2019, Dziubak, C‑260/18, EU:C:2019:819, point 48 ; du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 61, ainsi que du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 31).
19. En revanche, lorsqu’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive, la Cour a admis que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne s’oppose pas à ce que le juge national, en application de principes du droit des contrats, supprime la clause abusive en lui substituant une disposition de droit national à caractère supplétif dans des situations dans lesquelles l’invalidation de la clause abusive obligerait le juge à annuler le contrat dans son ensemble, exposant par là le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, de sorte que ce dernier en serait pénalisé (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, points 80 et 83 ; du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 56 ; du 3 octobre 2019, Dziubak, C‑260/18, EU:C:2019:819, point 48 ; du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 61, ainsi que du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 32).
20. Une telle substitution est pleinement justifiée au regard de la finalité de la directive 93/13. En effet, elle est conforme à l’objectif de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, dès lors que cette disposition tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers et non pas à annuler tous les contrats contenant des clauses abusives (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, points 81 et 82 ; du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 57 ; du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 62, ainsi que du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 33).
21. Si, dans une situation telle que celle décrite au point 19 de la présente ordonnance, le juge national ne pouvait pas substituer à une clause abusive une disposition de droit national à caractère supplétif et était tenu d’annuler le contrat dans son ensemble, le consommateur pourrait être exposé à des conséquences particulièrement préjudiciables, de sorte que le caractère dissuasif résultant de l’annulation du contrat risquerait d’être compromis. En effet, s’agissant d’un contrat de prêt, une telle annulation aurait en principe comme conséquence de rendre immédiatement exigible le montant du prêt restant dû dans des proportions risquant d’excéder les capacités financières du consommateur et, de ce fait, tendrait à pénaliser celui-ci plutôt que le prêteur qui, par voie de conséquence, ne serait pas dissuadé d’insérer de telles clauses dans les contrats qu’il propose (arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, points 83 et 84 ; du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 58 ; du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 63, ainsi que du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 34).
22. Par ailleurs, la Cour a jugé que les dispositions de la directive 93/13 s’opposent à ce qu’une clause jugée abusive soit maintenue en partie, moyennant la suppression des éléments qui la rendent abusive, lorsqu’une telle suppression reviendrait à réviser le contenu de ladite clause en affectant sa substance (arrêt du 29 avril 2021, Bank BPH, C‑19/20, EU:C:2021:341, point 70).
23. En l’occurrence, une révision, par le juge national, du contenu de la clause de conversion en cause, en ce qu’elle prévoit la faculté, pour l’établissement bancaire, de procéder à la conversion en monnaie nationale de la devise dans laquelle le contrat était libellé, de telle manière que cette faculté, qu’il peut mettre en œuvre à son seul bénéfice, serait transformée en une obligation de cet établissement de procéder à une telle conversion si le consommateur en formule la demande, correspondrait à une modification substantielle de cette clause. Dès lors qu’il ressort par ailleurs de la demande de décision préjudicielle que l’annulation de ladite clause en raison du constat de son caractère abusif ne serait pas de nature à empêcher le contrat de subsister, il découle des motifs exposés aux points 16 à 22 de la présente ordonnance qu’une telle révision ne serait pas compatible avec l’objectif à long terme visé à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, qui est, aux termes de cette disposition, de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.
24. Cependant, selon la juridiction de renvoi, la situation en cause au principal serait différente de celle des affaires ayant donné lieu aux arrêts de la Cour visés ci-dessus en ce que, en l’occurrence, la simple suppression de la clause de conversion en cause n’apporterait aucun bénéfice ou avantage patrimonial au consommateur par rapport à sa situation contractuelle antérieure à l’introduction de sa demande visant la constatation du caractère abusif de ladite clause.
25. À cet égard, il convient de rappeler que l’objectif de la directive 93/13 est de protéger les consommateurs contre les clauses abusives insérées dans les contrats conclus avec ces derniers par les professionnels (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, Kanyeba e.a., C‑349/18 à C‑351/18, EU:C:2019:936, point 63 ainsi que jurisprudence citée), et non de procurer un avantage économique aux consommateurs.
26. Il convient également de relever que la suppression de la clause de conversion en cause serait de nature à décourager le professionnel d’insérer une telle clause dans un futur contrat avec un consommateur, ce qui est conforme à l’objectif à long terme visé à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13.
27. En revanche, la directive 93/13 ne prévoit pas que le consommateur puisse bénéficier d’un avantage allant au-delà de cette protection.
28. Ainsi, dans une situation telle que celle au principal, dans laquelle le contrat peut subsister sans la clause de conversion en cause, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne permet pas à un juge national de modifier le contenu de cette clause du simple fait que la suppression de ladite clause ne procurerait pas de bénéfice économique au consommateur.
29. En effet, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 19 de la présente ordonnance, le pouvoir du juge national ne saurait aller au-delà d’une substitution, à titre exceptionnel, de la clause jugée abusive par une réglementation nationale supplétive au regard du préjudice plus important qu’encourrait le consommateur du fait d’une annulation du contrat dans son ensemble.
30. Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que la juridiction nationale, qui a constaté le caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat de prêt conclu entre un professionnel et un consommateur et dont la suppression n’empêche pas le contrat de subsister, modifie la portée de cette clause, de manière à ce que, à la faculté, prévue au seul bénéfice du professionnel, de procéder, dans certaines conditions, à la conversion en monnaie nationale de la devise dans laquelle ce contrat était libellé, soit substituée une obligation d’y procéder à la demande du consommateur.
Sur les dépens :
31 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :
L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que : il s’oppose à ce que la juridiction nationale, qui a constaté le caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat de prêt conclu entre un professionnel et un consommateur et dont la suppression n’empêche pas le contrat de subsister, modifie la portée de cette clause, de manière à ce que, à la faculté, prévue au seul bénéfice du professionnel, de procéder, dans certaines conditions, à la conversion en monnaie nationale de la devise dans laquelle ce contrat était libellé, soit substituée une obligation d’y procéder à la demande du consommateur.
Signatures
* Langue de procédure : le roumain.