CJUE (9e ch.), 28 février 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10120
CJUE (9e ch.), 28 février 2023 : affaire n° C-254/22
Publication : Site Curia
Extrait : « 2) Les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens que : ils ne s’opposent pas à une législation et à une jurisprudence nationales qui dispensent le professionnel de fournir au consommateur, lors de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire, l’information relative à l’évolution passée de l’indice de référence, au moins au cours des deux dernières années, en opérant la comparaison par rapport à au moins un indice différent tel que l’indice Euribor, à la condition que cette législation et cette jurisprudence nationales permettent au juge de s’assurer que, eu égard aux éléments d’information publiquement disponibles et accessibles ainsi qu’aux informations fournies, le cas échéant, par le professionnel, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, a été en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul du taux d’intérêt et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une clause fixant un taux d’intérêt variable sur ses obligations financières.
3) Les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que : ils s’opposent à une législation et à une jurisprudence nationales selon lesquelles l’absence de bonne foi du professionnel est une condition préalable nécessaire à tout contrôle du contenu d’une clause non transparente d’un contrat conclu avec un consommateur. Il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer si, eu égard à l’ensemble des circonstances pertinentes du litige au principal, le professionnel doit être considéré comme ayant agi de bonne foi, en fixant le taux d’intérêt d’un prêt hypothécaire par référence à un indice prévu par la loi, et si la clause incorporant un tel indice est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat.
4) L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que : ils ne s’opposent pas à ce que, en cas de nullité d’une clause abusive fixant le taux d’intérêt variable d’un prêt hypothécaire en recourant à un indice de référence, le juge national substitue à cet indice un indice légal, applicable en l’absence d’accord contraire des parties au contrat, pour autant que le contrat de prêt hypothécaire concerné ne puisse subsister en cas de suppression de ladite clause abusive, et que l’annulation de ce contrat dans son ensemble expose le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables. ».
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE
NEUVUIÈME CHAMBRE
ORDONNANCE DU 28 FÉVRIER 2023
Dans l’affaire C‑254/22, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de Primera Instancia n° 17 de Palma de Mallorca (tribunal de première instance de Palma de Majorque, Espagne), par décision du 4 avril 2022, parvenue à la Cour le 12 avril 2022, dans la procédure
AW, PN
contre
Caixabank SA,
LA COUR (neuvième chambre),
composée de Mme L. S. Rossi, présidente de chambre, MM. J.‑C. Bonichot et S. Rodin (rapporteur), juges,
Avocat général : M. N. Emiliou,
Greffier : M. A. Calot Escobar,
Vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément aux articles 53 et 99 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Ordonnance
1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3 à 8 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), ainsi que des articles 7, 14 et 16 de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014, sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n° 1093/2010 (JO 2014, L 60, p. 34).
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant AW et PN à Caixabank SA au sujet d’une clause relative au taux d’intérêt variable d’un contrat de prêt hypothécaire conclu entre ces parties.
Le cadre juridique :
Le droit de l’Union :
La directive 93/13
3. Les treizième, seizième, dix-neuvième, vingtième et vingt-quatrième considérants de la directive 93/13 énoncent :
« considérant que les dispositions législatives ou réglementaires des États membres qui fixent, directement ou indirectement, les clauses de contrats avec les consommateurs sont censées ne pas contenir de clauses abusives ; que, par conséquent, il ne s’avère pas nécessaire de soumettre aux dispositions de la présente directive les clauses qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des principes ou des dispositions de conventions internationales dont les États membres ou la Communauté sont parties ; que, à cet égard, l’expression « dispositions législatives ou réglementaires impératives » figurant à l’article 1er paragraphe 2 couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu ;
[...]
considérant que l’appréciation, selon les critères généraux fixés, du caractère abusif des clauses notamment dans les activités professionnelles à caractère public fournissant des services collectifs prenant en compte une solidarité entre usagers, nécessite d’être complétée par un moyen d’évaluation globale des différents intérêts impliqués ; que ceci constitue l’exigence de bonne foi ; que, dans l’appréciation de la bonne foi, il faut prêter une attention particulière à la force des positions respectives de négociation des parties, à la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause et si les biens ou services ont été vendus ou fournis sur commande spéciale du consommateur ; que l’exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes ;
[...]
considérant que, pour les besoins de la présente directive, l’appréciation du caractère abusif ne doit pas porter sur des clauses décrivant l’objet principal du contrat ou le rapport qualité/prix de la fourniture ou de la prestation ; que l’objet principal du contrat et le rapport qualité/prix peuvent, néanmoins, être pris en compte dans l’appréciation du caractère abusif d’autres clauses ; [...]
considérant que les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles ; que le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses, et que, en cas de doute, doit prévaloir l’interprétation la plus favorable au consommateur ;
[...]
considérant que les autorités judiciaires et organes administratifs des États membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’application de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ».
4. L’article 1er, paragraphe 2, de cette directive dispose :
« Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou [l’Union européenne] sont parties, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »
5. L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :
« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »
6. L’article 4 de la même directive énonce :
« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.
2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »
7. L’article 5 de la directive 93/13 prévoit :
« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. [...] »
8. L’article 6, paragraphe 1, de cette directive dispose :
« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
9. Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de cette directive :
« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »
10. L’article 8 de ladite directive dispose :
« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »
11. L’annexe de la directive 93/13, qui contient une liste indicative de clauses qui peuvent être déclarées abusives, est rédigée comme suit :
« 1. Clauses ayant pour objet ou pour effet :
[...] l) de prévoir que le prix des biens est déterminé au moment de la livraison, ou d’accorder au vendeur de biens ou au fournisseur de services le droit d’augmenter leurs prix, sans que, dans les deux cas, le consommateur n’ait de droit correspondant lui permettant de rompre le contrat au cas où le prix final est trop élevé par rapport au prix convenu lors de la conclusion du contrat ;
[...] 2. Portée des points g), j) et l)
[...] c) Les points g), j) et 1) ne sont pas applicables aux :
– transactions concernant les valeurs mobilières, instruments financiers et autres produits ou services dont le prix est lié aux fluctuations d’un cours ou d’un indice boursier ou d’un taux de marché financier que le professionnel ne contrôle pas,
[...] d) Le point l) ne fait pas obstacle aux clauses d’indexation de prix pour autant qu’elles soient licites et que le mode de variation du prix y soit explicitement décrit. »
La directive 2014/17
12. L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2014/17, intitulé « Règles de conduite pour la fourniture de crédits à des consommateurs », énonce :
« Les États membres exigent que, dans le cadre de l’élaboration, l’octroi, l’intermédiation ou la fourniture de services de conseil relatifs à des formules de crédits et, le cas échéant, de services auxiliaires destinés aux consommateurs ou dans le cadre de l’exécution d’un contrat de crédit, les prêteurs, les intermédiaires de crédit ou les représentants désignés agissent d’une manière honnête, équitable, transparente et professionnelle, en tenant compte des droits et des intérêts des consommateurs. [...] »
13. L’article 14 de cette directive, intitulé « Informations précontractuelles », énonce :
« 1. Les États membres veillent à ce que le prêteur ou, le cas échéant, l’intermédiaire de crédit ou son représentant désigné, fournisse au consommateur les informations personnalisées dont il a besoin pour comparer les crédits disponibles sur le marché, évaluer leurs implications et prendre une décision en connaissance de cause quant à l’opportunité de conclure un contrat de crédit :
a) dans les meilleurs délais, une fois que le consommateur a transmis les informations nécessaires concernant ses besoins, sa situation financière et ses préférences conformément à l’article 20 ; et
b) en temps voulu avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de crédit ou une offre.
[...] »
14. L’article 16 de ladite directive, intitulé « Explications adéquates », dispose :
« 1. Les États membres veillent à ce que les prêteurs ou, le cas échéant, les intermédiaires de crédit ou leurs représentants désignés fournissent au consommateur des explications adéquates sur le ou les contrats de crédit proposés et les éventuels services auxiliaires, afin de permettre au consommateur de déterminer si les contrats de crédit et les services auxiliaires proposés sont adaptés à ses besoins et à sa situation financière. [...] »
Le droit espagnol
15. Le Real Decreto Legislativo 1/2007 por el que se aprueba el texto refundido de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios y otras leyes complementarias (décret royal législatif 1/2007, portant adoption du texte consolidé de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers et d’autres lois complémentaires), du 16 novembre 2007 (BOE n° 287, du 30 novembre 2007, p. 49181, ci-après le « décret royal législatif 1/2007 ») dispose, au paragraphe 1 de son article 8, tel que modifié par l’article 1er, paragraphe 2, de la loi 4/2022, du 25 février 2022, sur la protection des consommateurs et des usagers en situation de vulnérabilité sociale et économique (BOE nº 51, du 1er mars 2022, p. 23787), entré en vigueur le 2 mars 2022, intitulé « Droits fondamentaux des consommateurs et des usagers » :
« Les droits fondamentaux des consommateurs, des usagers et des consommateurs vulnérables sont les suivants :
[...]
b) La protection de leurs intérêts économiques et sociaux légitimes, tout particulièrement face aux pratiques commerciales déloyales et à l’insertion de clauses abusives dans les contrats.
[...] »
16. L’article 60 du décret royal législatif 1/2007, intitulé « Informations précontractuelles », tel que modifié par l’article 1er, paragraphe 8, de la loi 4/2022, du 25 février 2022, sur la protection des consommateurs et des usagers en situation de vulnérabilité sociale et économique (BOE nº 51, du 1er mars 2022, p. 23787), entré en vigueur le 2 mars 2022, prévoit :
« 1. Avant que le consommateur ou l’usager ne soit lié par un contrat ou une offre du même type, le professionnel lui fournit, d’une manière claire, compréhensible et accessible, les informations pertinentes, correctes et suffisantes sur les principales caractéristiques du contrat, notamment sur ses conditions juridiques et économiques.
[...] »
17. Aux termes de l’article 80 du décret royal législatif 1/2007, intitulé « Exigences à l’égard des clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle » :
« 1. Dans les contrats conclus avec des consommateurs et des usagers qui comprennent des clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, y compris les contrats conclus par l’administration publique et les entités et entreprises qui en dépendent, ces clauses doivent respecter les exigences suivantes :
[...]
c) bonne foi et juste équilibre entre les obligations des parties, ce qui exclut, en tout état de cause, l’utilisation de clauses abusives.
[...] »
18. L’article 82 du décret royal législatif 1/2007, intitulé « Notion de clauses abusives », dispose :
« 1. Sont considérées comme abusives toutes les clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle ainsi que toutes les pratiques qui ne résultent pas d’un accord exprès et qui, en dépit de l’exigence de bonne foi, créent au détriment du consommateur et de l’usager un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.
[...] »
19. L’article 83 du décret royal législatif 1/2007 précise en outre que « [l]es clauses abusives sont nulles de plein droit et sont réputées non écrites ».
20. L’article 27 de l’Orden EHA/2899/2011 de transparencia y protección del cliente de servicios bancarios (arrêté ministériel EHA/2899/2011, relatif à la transparence et à la protection des utilisateurs de services bancaires), du 28 octobre 2011 (BOE n° 261, du 29 octobre 2011, p. 113242), intitulé « Taux d’intérêt officiels », prévoit, à son paragraphe 1, sous a) :
« En vue de leur application par les organismes de crédit, selon les conditions établies dans le présent arrêté ministériel, les taux d’intérêt officiels suivants seront publiés sur une base mensuelle:
a) Taux moyen des prêts hypothécaires d’une durée supérieure à trois années visant à l’acquisition d’un logement dont le prix est librement fixé accordés par les établissements de crédit en Espagne. »
21. La Ley 14/2013 de apoyo a los emprendedores y su internacionalización (loi 14/2013 de soutien aux entrepreneurs et à leur internationalisation), du 27 septembre 2013 (BOE n° 233, du 28 septembre 2013, p. 78787), prévoit, à sa quinzième disposition additionnelle, que les taux supprimés mentionnés au paragraphe 1 de cette disposition, dont l’indice basé sur le taux moyen des prêts hypothécaires des caisses d’épargne espagnoles, sont remplacés par le taux ou l’indice de référence de substitution prévu dans le contrat, et que, à défaut d’un taux de substitution contractuel, le taux de substitution est le « taux d’intérêt officiel dénommé “taux moyen des prêts hypothécaires d’une durée supérieure à trois années visant à l’acquisition d’un logement dont le prix est librement fixé accordés par les établissements de crédit en Espagne”, auquel est appliqué une marge équivalente à la moyenne arithmétique des différences entre le taux supprimé et le taux susmentionné, calculées selon les informations disponibles entre la date de conclusion du contrat et celle où le taux a effectivement été remplacé ».
22. Aux termes de l’article 43 de la Ley 1/2000 de Enjuiciamiento Civil (loi 1/2000 portant code de procédure civile), du 7 janvier 2000 (BOE n° 7, du 8 janvier 2000, p. 575, ci-après le « code de procédure civile ») :
« [L]orsque, pour statuer sur l’objet du litige, il est nécessaire de trancher une question qui constitue elle-même l’objet principal d’une autre procédure pendante devant le même tribunal ou un autre tribunal, si la jonction d’affaires est impossible, le tribunal peut décider par voie d’ordonnance, à la demande des deux parties ou de l’une d’entre elles, après avoir entendu la partie adverse, de suspendre l’affaire au stade de son avancement jusqu’à ce que la procédure portant sur la question préjudicielle soit close. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles :
23. Le 31 janvier 2001, les requérants au principal ont souscrit auprès de la partie défenderesse au principal un contrat de prêt hypothécaire de 78.131,57 euros, visant à financer l’acquisition d’un logement. Le contrat en cause au principal contenait une clause fixant un taux d’intérêt variable, égal à l’indice de référence de prêts hypothécaires (ci-après l’« IRPH ») majoré de 0,50 %. L’IRPH est un taux d’intérêt légal utilisé en Espagne par les institutions financières qui correspond à la moyenne des taux annuels effectifs globaux accordés par les établissements de crédit pour les prêts hypothécaires d’une durée supérieure à trois années visant l’acquisition d’un logement dont le prix est librement fixé.
24. Les requérants au principal (ci-après « les consommateurs ») ont saisi le Juzgado de Primera Instancia n° 17 de Palma de Mallorca (tribunal de première instance n° 17 de Palma de Majorque, Espagne) d’un recours dans le cadre duquel ils allèguent, premièrement, qu’aucune information précontractuelle relative à l’IRPH et à son utilisation minoritaire dans les contrats de prêts ne leur a été donnée par l’entité financière, partie défenderesse au principal (ci-après « le professionnel »), et, deuxièmement, que ledit indice n’a pas été clairement identifié dans le contrat en cause au principal selon sa dénomination habituelle, à savoir « IRPH », mais figure dans une clause rédigée d’une façon incompréhensible pour le consommateur moyen. Une telle pratique abusive de la part du professionnel leur aurait causé un préjudice économique, étant donné qu’ils ont dû payer des intérêts considérablement plus élevés que ceux qu’ils auraient dû payer si l’Euribor avait été choisi comme indice de référence de calcul du taux d’intérêt de leur contrat. Partant, ils demandent, à titre principal, de déclarer nulle la clause se référant à l’IRPH (ci-après la « clause litigieuse »), ainsi que d’ordonner au professionnel de restituer les sommes indûment perçues en application de cette clause et, à titre subsidiaire, de substituer le taux Euribor à l’IRPH. De son côté, le professionnel, partie défenderesse au principal, estime que la clause litigieuse, rédigée de façon claire et simple, a fait l’objet d’une négociation. Elle soutient que les requérants au principal ont été informés par le notaire avant la signature du contrat du contenu de cette clause, et que l’IRPH est un indice de référence contrôlé et fixé par la Banco de España (Banque d’Espagne) dont le fonctionnement, le calcul et l’évolution font l’objet d’une publication officielle.
25. À cet égard, la juridiction de renvoi souligne que la clause litigieuse est une clause générale incorporée dans un contrat conclu avec des consommateurs et qu’il incombe donc au professionnel de prouver qu’il a fourni une information préalable et transparente aux consommateurs, compte tenu de la position d’infériorité dans laquelle se trouvent ceux‑ci, provoquant une asymétrie de l’information, et si un tel acte de transparence n’était pas effectué, il s’agirait non seulement d’une position d’abus de la part du professionnel, mais aussi d’une pratique trompeuse. Elle insiste également sur le fait que l’IRPH est constitué par la moyenne des taux d’intérêt effectifs, qui sont calculés par l’addition à l’intérêt nominal des diverses marges et divers frais. En revanche, l’Euribor est un taux d’intérêt nominal, de telle sorte qu’il serait toujours inférieur et plus avantageux pour le consommateur. La juridiction de renvoi rappelle que l’ordre juridique espagnol prévoit l’obligation de procéder à des ajustements à l’IRPH afin d’assurer sa parité avec les autres taux du marché. En outre, ledit contrat omet le fait que les taux d’intérêt utilisés pour le calcul de l’IRPH sont non pas des taux d’intérêt nominaux, mais des taux annuels effectifs globaux, et indique expressément que l’IRPH sera pris en compte « comme s’il était exprimé en termes d’intérêt nominal annuel ». Au vu de ces considérations, la juridiction de renvoi estime que le professionnel n’a pas transmis au consommateur une information adéquate et suffisante pour comprendre l’élément essentiel du contrat, à savoir les caractéristiques de l’IRPH et son fonctionnement.
26. C’est dans ces conditions que le Juzgado de Primera Instancia n° 17 de Palma de Mallorca (tribunal de première instance de Palma de Majorque) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Les articles 3 à 5 et 7 de la directive 93/13/CEE s’opposent-ils à la décision d’une juridiction nationale qui constate la nullité, en raison de son caractère abusif, d’une clause non transparente qui a causé un préjudice financier avéré au consommateur en entraînant un coût sensiblement plus élevé comparativement aux autres indices disponibles au moment de la souscription du prêt, lorsque ladite clause impose un indice de référence spécifique sans que le professionnel ait au minimum informé le consommateur de l’incorporation au contrat de cet indice spécifique (et non d’un autre indice parmi ceux existant au moment de la commercialisation du prêt), privant ainsi le consommateur de la possibilité d’analyser et d’évaluer les conséquences économiques de la souscription de cette clause ? Une telle décision est-elle contraire aux objectifs poursuivis par les articles 7, 14 et 16 de la directive 2014/17/UE ?
2) Les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13/CEE s’opposent-ils à la décision d’une juridiction nationale qui constate la nullité, en raison de son caractère abusif, d’une clause appliquant l’indice IRPH dans un contrat de prêt conclu entre un professionnel et un consommateur, au motif que celle-ci renvoie à une réglementation obsolète, non actualisée, qui omet des données particulièrement importantes pour que le consommateur ait la possibilité de procéder à une identification et à une évaluation minimales des conséquences économiques de l’éventuelle souscription de ladite clause ?
3) Les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13/CEE s’opposent-ils à la décision d’une juridiction nationale qui constate la nullité, en raison de son caractère abusif, d’une clause qui introduit l’indice IRPH de manière non transparente lorsque le professionnel n’a pas informé le consommateur du fait que l’indice IRPH est un taux effectif et non un taux nominal, ce qui implique que cet indice sera toujours supérieur à d’autres indices de référence existants et qu’il est même possible qu’il puisse augmenter alors que le reste des indices du marché baissent ?
4) Les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13/CEE s’opposent-ils à la décision d’une juridiction nationale qui constate le caractère abusif d’une clause qui introduit de manière non transparente l’indice IRPH dans un contrat de prêt conclu entre un professionnel et un consommateur et dont la rédaction laisse entendre que ledit indice est un taux nominal au lieu d’un taux effectif, lorsque l’établissement financier omet d’inclure l’indication prévue dans la réglementation selon laquelle il est nécessaire d’associer un différentiel négatif audit indice au motif qu’il représente un taux effectif, ou lorsque le contrat renvoie à une réglementation obsolète et que le professionnel omet cette indication qui aurait été susceptible d’alerter le consommateur sur les conséquences économiques préjudiciables de ladite clause ?
5) L’article 7 de la directive 93/13/CEE s’oppose-t-il à la décision d’une juridiction nationale qui constate la nullité, en raison de son caractère abusif, d’une clause prévoyant l’application de l’indice IRPH, lorsque le contrat de prêt peut subsister sans cette clause et sans qu’il soit nécessaire de remplacer l’indice IRPH par un autre indice de référence, dans la mesure où le professionnel perçoit toujours une rémunération au travers du différentiel positif appliqué ?
6) Les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13/CEE s’opposent-ils à la décision d’une juridiction nationale qui constate la nullité, en raison de son caractère abusif, d’une clause qui impose de manière non transparente, dans un contrat de prêt à taux variable, une période pendant laquelle le taux est initialement fixe, convertissant ainsi, de manière temporaire, ce prêt en prêt à taux fixe, lorsque ladite clause a causé un préjudice économique au consommateur en ce qu’il a payé plus d’intérêts que ceux normalement prévus ?
7) Les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13/CEE s’opposent-ils à la décision d’une juridiction nationale qui constate la nullité, en raison de son caractère abusif, d’une clause d’un contrat de prêt conclu entre un professionnel et un consommateur qui subordonne la détermination du taux d’intérêt à un évènement futur et incertain, telle qu’une clause renvoyant à une future décision du conseil des ministres qui établira ce taux d’intérêt de manière arbitraire, sans que le consommateur puisse préalablement connaître les critères et la méthode de calcul des intérêts qui seront appliqués au contrat, de manière à pouvoir évaluer les conséquences économiques ?
8) L’article 5 de la directive 93/13/CEE s’oppose-t-il à une jurisprudence qui considère que l’introduction de l’indice IRPH dans un contrat de prêt conclu avec un consommateur n’est pas transparente, mais n’est pas non plus abusive, alors que la clause qui introduit cet indice n’est ni claire, ni compréhensible par un consommateur moyen en ce qu’elle omet des éléments essentiels pour que ledit consommateur puisse en évaluer les conséquences économiques, tels que l’indication du fait que l’indice est un taux effectif et doit être associé à un différentiel négatif pour pouvoir être utilisé comme un taux nominal lorsque le contrat stipule qu’il sera considéré comme tel ?
9) L’article 3 de la directive 93/13/CEE s’oppose-t-il à une jurisprudence qui ne constate pas la nullité, en raison de son caractère abusif, d’une clause introduite de manière non transparente dans un contrat de prêt et qui a causé un préjudice financier au consommateur, en ce qu’il a dû payer, au titre des intérêts, une somme significativement plus élevée comparativement aux autres indices existant au moment de la conclusion du contrat ?
10) L’article 3 de la directive 93/13/CEE s’oppose-t-il à une jurisprudence nationale qui considère que le professionnel est dispensé de fournir au consommateur, préalablement à la conclusion du contrat de prêt, l’information relative aux conditions qui seront appliquées audit contrat, telle que l’information contenue dans la clause [litigieuse], qui est un des indices existant au moment de la conclusion du contrat mais dont l’utilisation n’est pas impérative ?
11) Les articles 3 et 7 de la directive 93/13/CEE s’opposent-ils à une jurisprudence nationale qui considère que le fait que le professionnel ait introduit de manière non transparente la clause imposant l’indice de référence IRPH, sans fournir au consommateur les informations préalables minimales nécessaires sur les conditions du prêt, ne crée aucun déséquilibre au détriment dudit consommateur, lorsque cette clause a eu pour conséquence que le consommateur a payé au titre des intérêts une somme significativement plus élevée comparativement à n’importe quel autre indice existant au moment de la conclusion du contrat ? Les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13/CEE et les articles 7, 14 et 16 de la directive 2014/17/UE s’opposent-ils à une jurisprudence qui ne constate pas la nullité d’une clause non transparente au motif que le professionnel n’est pas tenu de conseiller et d’informer le client sur l’introduction de la clause [litigieuse] dans le contrat de prêt qu’il s’apprête à conclure, alors que, selon les informations disponibles, le professionnel savait que ce prêt serait économiquement préjudiciable pour le consommateur comparativement aux prêts habituels existant au moment de la conclusion du contrat ?
12) Les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13/CEE s’opposent-ils à une jurisprudence qui considère qu’une clause qui introduit l’indice IRPH dans un contrat de prêt entre un consommateur et un professionnel n’est ni transparente, ni abusive, en dépit du fait que ledit indice a été introduit en l’associant à un différentiel positif alors que la réglementation nationale prévoit que, pour pouvoir l’appliquer comme un taux nominal, il y avait lieu de l’associer à un différentiel négatif afin de compenser le surcoût généré par sa nature de taux effectif ?
13) Les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13/CEE s’opposent-ils à une jurisprudence nationale qui considère qu’il n’y a pas lieu de constater la nullité d’une clause non transparente au motif que le professionnel qui a introduit la clause qui impose l’indice IRPH de manière non transparente, sans même avoir communiqué au consommateur le nom de l’indice à appliquer, n’a pas causé de préjudice important aux droits et aux obligations des parties au détriment du consommateur, alors que, ce faisant, le professionnel prive ce dernier du droit de procéder à une comparaison, à une analyse et à une évaluation avant de conclure le contrat ?
14) Les articles 3 et 7 de la directive 93/13/CEE s’opposent-ils à une jurisprudence qui considère qu’il n’y a pas lieu de constater la nullité, en raison de son caractère abusif, d’une clause [...] introduite de manière non transparente, au motif que l’évolution de l’IRPH ne pouvait être prévue et qu’il n’y a donc pas de déséquilibre, alors que, en raison de sa simple méthode de calcul et de sa nature de taux effectif, l’IRPH n’aurait en réalité jamais pu être inférieur à l’Euribor ou à un autre indice et aurait toujours entraîné un coût supérieur pour le consommateur ?
15) Les articles 3 à 5, 7 et 8 de la directive 93/13/CEE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une décision d’une juridiction nationale qui considère que l’article 83, second alinéa, du texto refundido de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios (texte de refonte de la loi générale pour la défense des consommateurs et des usagers) approuvé par le [décret royal législatif 1/2007], dans sa rédaction actuelle qui prévoit que les clauses non transparentes sont toujours nulles de plein droit dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, s’applique à une affaire telle que la présente, au motif que le législateur a voulu accorder un niveau de protection qui soit même supérieur à celui mis en place par la directive 93/13/CEE, conformément à son article 8, et que cette approche est celle qui doit inspirer les juridictions nationales lorsqu’elles appliquent la réglementation en matière de protection des consommateurs depuis son entrée en vigueur, ou doivent-ils être interprétés en ce sens que la juridiction nationale doit s’en tenir au libellé de la disposition en vigueur au moment de la conclusion du contrat ? En tout état de cause, une clause est-elle nulle lorsque le professionnel n’a pas [au minimum] informé le consommateur de l’application de l’IRPH dans son contrat de prêt malgré le préjudice prévisible que cet indice allait lui causer, qu’il a omis une information fondamentale telle que la nature de taux effectif, et non de taux nominal, de l’IRPH, que le contrat de prêt définit l’indice en renvoyant à une réglementation obsolète qui n’indique pas la nécessité d’appliquer un différentiel négatif, et que le contrat implique indiscutablement l’application d’un indice générateur d’un surcoût significativement supérieur comparativement à tout autre indice applicable au moment de sa conclusion ? »
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur les questions préjudicielles :
27. En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à une telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée. La Cour peut également statuer par cette voie, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsqu’elle est manifestement incompétente pour connaître d’une affaire ou lorsqu’une demande est manifestement irrecevable.
28. Il y a lieu de faire application de ces dispositions dans le cadre du présent renvoi préjudiciel.
Sur la recevabilité des questions relatives à la directive 2014/17 :
29. Dans la seconde partie de la première question, la juridiction de renvoi demande à la Cour si les articles 7, 14 et 16 de la directive 2014/17 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une décision d’une juridiction nationale qui déclare nulle, en raison de son caractère abusif, une clause non transparente qui a causé un préjudice financier avéré au consommateur en entraînant un coût significativement plus élevé par rapport à l’application d’autres indices disponibles au moment de la souscription d’un prêt hypothécaire, lorsque cette clause impose un indice de référence spécifique, sans que le professionnel ait informé le consommateur du recours à cet indice spécifique, privant ainsi le consommateur de la possibilité d’analyser et d’évaluer les conséquences financières de ladite clause. Dans la seconde partie de la onzième question, la juridiction de renvoi demande à la Cour si les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13 et les articles 7, 14 et 16 de la directive 2014/17 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une jurisprudence nationale qui ne déclare pas nulle une clause non transparente au motif que le professionnel n’est pas tenu de conseiller et d’informer le consommateur de l’application de l’IRPH dans le prêt hypothécaire contracté alors qu’il savait que cet indice serait économiquement préjudiciable au consommateur.
30. Selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 44 ainsi que jurisprudence citée).
31. Dès lors que la décision de renvoi sert de fondement à cette procédure, la juridiction nationale est tenue d’expliciter, dans la décision de renvoi elle-même, le cadre factuel et réglementaire du litige au principal et de fournir les explications nécessaires sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis [voir en ce sens, notamment, arrêt du 4 juin 2020, C.F. (Contrôle fiscal), C‑430/19, EU:C:2020:429, point 23 et jurisprudence citée].
32. À cet égard, il importe de souligner également que les informations contenues dans les décisions de renvoi doivent permettre, d’une part, à la Cour d’apporter des réponses utiles aux questions posées par la juridiction nationale et, d’autre part, aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés d’exercer le droit qui leur est conféré par l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne de présenter des observations. Il incombe à la Cour de veiller à ce que ce droit soit sauvegardé, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux intéressés (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Irish Ferries, C‑570/19, EU:C:2021:664, point 134 et jurisprudence citée).
33. Ces exigences cumulatives concernant le contenu d’une décision de renvoi figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure, dont la juridiction de renvoi est censée, dans le cadre de la coopération instaurée à l’article 267 TFUE, avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement (ordonnance du 3 juillet 2014, Talasca, C‑19/14, EU:C:2014:2049, point 21, et arrêt du 9 septembre 2021, Toplofikatsia Sofia e.a., C‑208/20 et C‑256/20, EU:C:2021:719, point 20 ainsi que jurisprudence citée). Elles sont, en outre, rappelées aux points 13, 15 et 16 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1).
34. En l’occurrence, la décision de renvoi ne comporte pas l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction nationale à s’interroger sur l’interprétation des articles 7, 14 et 16 de la directive 2014/17. Dans la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi se limite à apporter un raisonnement sur le choix des dispositions à interpréter contenues dans la directive 93/13 et leur lien avec la législation nationale en la matière, en omettant toute justification à propos des dispositions de la directive 2014/17 dont elle demande l’interprétation et n’expose pas le lien qui existerait entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal, de sorte que la Cour ne peut pas apprécier dans quelle mesure une réponse tant à la seconde partie de la première question qu’à la seconde partie de la onzième question de la présente demande de décision préjudicielle est nécessaire pour permettre à cette juridiction de rendre sa décision.
35. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, que la seconde partie de la première question et la seconde partie de la onzième question sont manifestement irrecevables.
Sur la recevabilité de la quinzième question :
36 Par la première partie de la quinzième question, la juridiction de renvoi demande si les articles 3 à 8 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une décision d’une juridiction nationale qui considère applicable, à un cas tel que celui de l’affaire au principal, l’article 83, alinéa 2, du décret royal législatif 1/2007 dans sa rédaction actuelle, aux termes duquel les clauses non transparentes sont toujours nulles de plein droit dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, au motif que le législateur national a entendu accorder un niveau de protection encore plus élevé en vertu de l’article 8 de ladite directive. La juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si, au moment d’appliquer la législation relative à la protection des consommateurs, les juridictions nationales doivent utiliser ce nouveau critère dès l’entrée en vigueur de ladite législation, ou si, en revanche, elles doivent se limiter à appliquer le texte législatif dans sa rédaction en vigueur au moment de la conclusion du contrat.
37 Cette première partie de la quinzième question a pour objet la détermination du champ d’application ratione temporis de dispositions nationales. Or, à cet égard, la Cour a itérativement jugé qu’il ne lui appartient pas, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, de se prononcer sur l’interprétation des dispositions nationales et de juger si l’interprétation qu’en donne la juridiction nationale est correcte, une telle interprétation relevant en effet de la compétence exclusive des juridictions nationales (arrêts du 16 février 2017, IOS Finance EFC, C‑555/14, EU:C:2017:121, point 21, ainsi que du 14 juin 2017, Online Games e.a., C‑685/15, EU:C:2017:452, point 45).
38. Concernant la seconde partie de la quinzième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, en tout état de cause, une clause telle que la clause litigieuse est nulle lorsque le professionnel n’a pas informé le consommateur au minimum de l’introduction de cette clause dans un contrat de prêt hypothécaire et du préjudice économique que cette clause pourrait lui causer de façon prévisible, en omettant des informations fondamentales comme le fait que l’IRPH est un taux effectif, et non un taux d’intérêt nominal.
39. Or, l’article 6 de la directive 93/13 impose aux États membres l’obligation d’assurer que des clauses abusives « ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux ». En l’occurrence, la nullité d’une clause abusive résulte de la législation nationale, à savoir de l’article 83 du décret royal législatif 1/2007. Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour interpréter et appliquer des dispositions de droit national, tandis que la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’un texte de l’Union, à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale (arrêts du 21 décembre 2021, Trapeza Peiraios, C‑243/20, EU:C:2021:1045, point 26 et jurisprudence citée, ainsi que du 31 mars 2022, Lombard Lízing, C‑472/20, EU:C:2022:242, point 29).
40. Il convient de constater que la quinzième question préjudicielle porte sur l’interprétation du droit national et ne relève donc pas de la compétence de la Cour.
41. Partant, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a lieu de constater que la quinzième question est manifestement irrecevable.
Sur les première à quatrième, huitième à dixième, première partie de la onzième et treizième questions, relatives à l’information pré contractuelle du consommateur :
42. Par ses première à quatrième, huitième à onzième et treizième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, quelles sont, selon les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13, les informations précontractuelles que le professionnel doit fournir au consommateur afin que celui-ci soit mis en mesure d’évaluer les conséquences économiques de son engagement contractuel.
43. En particulier, il ressort de la décision de renvoi que cette juridiction souhaite savoir si ces dispositions s’opposent à une législation et à une jurisprudence nationales qui dispensent le professionnel de fournir au consommateur, lors de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire, l’information relative à l’évolution passée de l’indice de référence, au moins au cours des deux dernières années, en opérant la comparaison par rapport à au moins un indice différent tel que l’indice Euribor.
44. À cet égard, il découle de l’arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch (C‑125/18, EU:C:2020:138, point 56), que l’article 5 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, aux fins de respecter l’exigence de transparence d’une clause contractuelle fixant un taux d’intérêt variable dans le cadre d’un contrat de prêt hypothécaire, cette clause doit non seulement être intelligible sur les plans formel et grammatical, mais également permettre qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de ce taux et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières. Constituent des éléments particulièrement pertinents aux fins de l’appréciation que le juge national doit effectuer à cet égard, d’une part, la circonstance que les éléments principaux relatifs au calcul de ce taux sont aisément accessibles à toute personne envisageant de contracter un prêt hypothécaire, en raison de la publication du mode de calcul dudit taux, ainsi que, d’autre part, la fourniture d’informations sur l’évolution passée de l’indice sur la base duquel est calculé ce même taux.
45. Or, ainsi qu’il découle du point 55 de l’arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch (C‑125/18, EU:C:2020:138), il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, à la lumière de ces éléments d’interprétation donnés dans cet arrêt et notamment de ses points 53 et 54, si, dans le cadre de la conclusion du contrat en cause au principal, le professionnel a effectivement respecté toutes les obligations d’information prévues par la réglementation nationale.
46. En effet, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national (arrêt du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, point 46).
47. Ainsi, comme la Cour l’a déjà souligné au point 52 de l’arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch (C‑125/18, EU:C:2020:138), sa compétence porte uniquement sur l’interprétation des dispositions du droit de l’Union, en l’occurrence de la directive 93/13, et il appartient donc à la seule juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires à cet égard, au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents, au nombre desquels figurent la publicité et l’information fournies par le prêteur dans le cadre de la négociation d’un contrat de prêt (arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 74, ainsi que du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, point 46).
48. Partant, c’est également à la juridiction de renvoi, qui a seule connaissance de l’ensemble des éléments pertinents du litige au principal, de procéder à l’appréciation de l’ensemble de ces éléments, pour déterminer si, eu égard aux éléments d’information publiquement disponibles et accessibles ainsi qu’aux informations fournies, le cas échéant, par le professionnel, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, a été mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de l’indice IRPH et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une clause fixant un taux d’intérêt variable sur ses obligations financières.
49. Il s’ensuit qu’il y a lieu de répondre aux première à quatrième, huitième à onzième et treizième questions que les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation et à une jurisprudence nationales qui dispensent le professionnel de fournir au consommateur, lors de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire, l’information relative à l’évolution passée de l’indice de référence, au moins au cours des deux dernières années, en opérant la comparaison par rapport à au moins un indice différent tel que l’indice Euribor, à la condition que cette législation et cette jurisprudence nationales permettent au juge de s’assurer que, eu égard aux éléments d’information publiquement disponibles et accessibles ainsi qu’aux informations fournies, le cas échéant, par le professionnel, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, a été en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de l’indice de référence et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une clause fixant un taux d’intérêt variable sur ses obligations financières.
Sur les sixième, septième, douzième et quatorzième questions, relatives aux critères d’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle :
50. Par ses sixième, septième, douzième et quatorzième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation et à une jurisprudence nationales selon lesquelles l’absence de bonne foi du professionnel est une condition préalable nécessaire à tout contrôle du contenu d’une clause non transparente introduisant volontairement l’IRPH dans un contrat conclu avec un consommateur, compte tenu du fait que le professionnel peut être considéré comme étant de bonne foi en raison du choix d’un indice prévu par la loi lors de la conclusion du contrat et que, par suite, il ne peut être conclu que cette clause crée un déséquilibre significatif entre les parties.
51. À cet égard, la Cour a déjà jugé que l’article 3, paragraphe 1, et l’article 4 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, dès lors qu’une juridiction nationale considère qu’une clause contractuelle relative au mode de calcul des intérêts applicables à un contrat de prêt hypothécaire n’est pas rédigée de manière claire et compréhensible, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, auquel correspond en substance l’exigence de transparence visée à l’article 5 de ladite directive, il lui incombe d’examiner si cette clause est « abusive », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la même directive (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus, C‑421/14, EU:C:2017:60, point 67).
52. Il convient également de rappeler que, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme étant abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant de ce contrat.
53. Il importe de préciser, par ailleurs, que, selon une jurisprudence constante, la compétence de la Cour en la matière porte sur l’interprétation de la notion de « clause abusive », visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 et à l’annexe de celle-ci, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de cette directive, étant entendu qu’il appartient audit juge de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce. Il en ressort que la Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée (arrêt du 14 mars 2013, Aziz, C‑415/11, EU:C:2013:164, point 66 et jurisprudence citée).
54. Dans ce cadre, il incombe au juge national de déterminer, en tenant compte des critères énoncés à l’article 3, paragraphe 1, ainsi qu’à l’article 5 de la directive 93/13, si, eu égard aux circonstances propres au cas d’espèce, une telle clause satisfait aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence posées par cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 50 et jurisprudence citée).
55. En faisant référence aux notions de « bonne foi » et de « déséquilibre significatif » au détriment du consommateur entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne définit que de manière abstraite les éléments qui donnent un caractère abusif à une clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle (arrêt du 14 mars 2013, Aziz, C‑415/11, EU:C:2013:164, point 67 et jurisprudence citée).
56. Il en découle que la notion de bonne foi est inhérente à l’examen de la nature abusive d’une clause contractuelle.
57. S’agissant de la question de savoir dans quelles circonstances un tel déséquilibre est créé « en dépit de l’exigence de bonne foi », eu égard au seizième considérant de la directive 93/13, la Cour a indiqué, dans sa jurisprudence, aux juridictions nationales de vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 50, ainsi que du 7 novembre 2019, Profi Credit Polska, C‑419/18 et C‑483/18, EU:C:2019:930, point 55 et jurisprudence citée).
58. En ce qui concerne l’examen du déséquilibre significatif créé par des clauses prévoyant, à la charge du consommateur, des frais autres que les intérêts, un tel examen ne saurait se limiter à une appréciation économique de nature quantitative, reposant sur une comparaison entre, d’une part, le montant total de l’opération ayant fait l’objet du contrat, et, d’autre part, les coûts mis à la charge du consommateur par cette clause. En effet, la Cour a déjà jugé qu’un déséquilibre significatif peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle le consommateur, en tant que partie au contrat en cause, est placé en vertu des dispositions nationales applicables, que ce soit sous la forme d’une restriction au contenu des droits que, selon ces dispositions, il tire de ce contrat ou d’une entrave à l’exercice de ceux-ci ou encore de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 51).
59. Par ailleurs, il ressort de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 que le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou des services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 52).
60. C’est à la lumière de ces critères qu’il appartient à la juridiction de renvoi, le cas échéant, d’apprécier le caractère éventuellement abusif de la clause litigieuse et de déterminer si, eu égard à l’ensemble des circonstances pertinentes du litige au principal, le professionnel doit être considéré comme ayant agi de bonne foi en choisissant un indice prévu par la loi.
61. Il découle de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre aux sixième, septième, douzième et quatorzième questions que les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation et à une jurisprudence nationales selon lesquelles l’absence de bonne foi du professionnel est une condition préalable nécessaire à tout contrôle du contenu d’une clause non transparente d’un contrat conclu avec un consommateur. Il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer si, eu égard à l’ensemble des circonstances pertinentes du litige au principal, le professionnel doit être considéré comme ayant agi de bonne foi, en fixant le taux d’intérêt d’un prêt hypothécaire par référence à un indice prévu par la loi, et si la clause incorporant un tel indice est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat.
Sur la cinquième question, relative à la substitution d’une clause abusive :
62. Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que, en cas de nullité d’une clause abusive fixant un indice de référence pour le calcul des intérêts variables d’un prêt hypothécaire, le juge national substitue à cet indice un autre indice afin que le professionnel ne puisse plus bénéficier de l’avantage conféré par l’indice initial.
63. Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler, à titre liminaire, que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité par rapport au professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci. Eu égard à une telle situation d’infériorité, cette directive oblige les États membres à prévoir un mécanisme assurant que toute clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle puisse être contrôlée afin d’apprécier son caractère éventuellement abusif (arrêt du 3 octobre 2019, Dziubak, C‑260/18, EU:C:2019:819, point 37 et jurisprudence citée).
64. À ce titre, il incombe au juge national, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, d’écarter l’application des clauses abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur, sauf si le consommateur s’y oppose. Cependant, le contrat doit subsister, en principe, sans aucune autre modification que celle résultant de la suppression des clauses abusives, dans la mesure où, conformément aux règles du droit interne, une telle persistance du contrat est juridiquement possible (arrêts du 5 juin 2019, GT, C‑38/17, EU:C:2019:461, point 42, ainsi que du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 29).
65. Par conséquent, lorsque le juge national constate la nullité d’une clause abusive dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, ce juge ne saurait compléter le contrat en révisant le contenu de cette clause (arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 59 et jurisprudence citée, ainsi que, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 30).
66. En effet, la Cour a jugé que, s’il était loisible au juge national de réviser le contenu des clauses abusives figurant dans un tel contrat, une telle faculté serait susceptible de porter atteinte à la réalisation de l’objectif à long terme visé à l’article 7 de la directive 93/13. Cette faculté contribuerait à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de telles clauses abusives, dans la mesure où ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser lesdites clauses, en sachant que, même si celles-ci devaient être invalidées, le contrat pourrait néanmoins être complété, dans la mesure nécessaire, par le juge national de sorte à garantir ainsi l’intérêt desdits professionnels (arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 79 ; du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 54 ; du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 60, ainsi que du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 31).
67. En revanche, lorsqu’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive, la Cour a admis que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne s’oppose pas à ce que le juge national, en application de principes du droit des contrats, supprime la clause abusive en lui substituant une disposition de droit national à caractère supplétif dans des situations dans lesquelles l’invalidation de la clause abusive obligerait le juge à annuler le contrat dans son ensemble, exposant par là le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, de sorte que ce dernier en serait pénalisé (arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, points 80 et 83 ; du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 56 ; du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 61, ainsi que du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 32).
68. Une telle substitution est pleinement justifiée au regard de la finalité de la directive 93/13. En effet, elle est conforme à l’objectif de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, dès lors que cette disposition tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers, et non pas à annuler tous les contrats contenant des clauses abusives (arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, points 81 et 82 ; du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 57 ; du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 62, ainsi que du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 33).
69. Si, dans une situation telle que celle décrite ci-dessus, le juge national ne pouvait pas substituer à une clause abusive une disposition de droit national à caractère supplétif et était tenu d’annuler le contrat dans son ensemble, le consommateur pourrait être exposé à des conséquences particulièrement préjudiciables, de sorte que le caractère dissuasif résultant de l’annulation du contrat risquerait d’être compromis. En effet, s’agissant d’un contrat de prêt, une telle annulation aurait en principe comme conséquence de rendre immédiatement exigible le montant du prêt restant dû dans des proportions risquant d’excéder les capacités financières du consommateur et, de ce fait, tendrait à pénaliser celui-ci plutôt que le prêteur qui, par voie de conséquence, ne serait pas dissuadé d’insérer de telles clauses dans les contrats qu’il propose (arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, points 83 et 84 ; du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 58 ; du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 63, ainsi que du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 34).
70. En l’occurrence, une révision, par le juge national, du contenu de la clause litigieuse en cause, et son remplacement par l’indice Euribor, correspondrait à une modification de cette clause. Dès lors qu’il ressort, par ailleurs, de la demande de décision préjudicielle que l’annulation de ladite clause en raison du constat de son caractère abusif ne serait pas de nature à empêcher le contrat de subsister, il découle des motifs exposés aux points 64 à 66 de la présente ordonnance qu’une telle révision ne serait pas compatible avec l’objectif à long terme visé à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, qui est, aux termes de cette disposition, de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.
71. Cependant, selon la juridiction de renvoi, la situation découlant du contrat en cause au principal serait différente de celles visées par la jurisprudence de la Cour citée ci-dessus, vu que, en l’occurrence, la simple suppression de la clause litigieuse n’apporterait aucun bénéfice ou avantage patrimonial au consommateur par rapport à sa situation contractuelle antérieure à l’introduction de sa demande visant la constatation du caractère abusif de ladite clause.
72. À cet égard, il convient de rappeler que l’objectif de la directive 93/13 est non pas de procurer un avantage économique aux consommateurs, mais de les protéger contre les clauses abusives insérées dans les contrats conclus avec les professionnels (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, Kanyeba e.a., C‑349/18 à C‑351/18, EU:C:2019:936, point 63 et jurisprudence citée).
73. Il convient également de relever que la suppression de la clause litigieuse serait de nature à décourager le professionnel d’insérer une telle clause dans un futur contrat avec un consommateur, ce qui est conforme à l’objectif à long terme visé à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13.
74. Ainsi, dans une situation telle que celle au principal, dans laquelle le contrat peut subsister sans la clause litigieuse, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne permet pas à un juge national de modifier le contenu de cette clause du simple fait que la suppression de ladite clause ne procurerait pas de bénéfice économique au consommateur.
75. En effet, le pouvoir du juge national ne saurait aller au-delà d’une substitution, à titre exceptionnel, de la clause jugée abusive par une réglementation nationale supplétive au regard du préjudice plus important qu’encourrait le consommateur du fait d’une annulation du contrat dans son ensemble.
76. À cet égard, la Cour a déjà jugé que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que, en cas de nullité d’une clause contractuelle abusive fixant un indice de référence pour le calcul des intérêts variables d’un prêt hypothécaire, le juge national substitue à cet indice un indice légal, applicable en l’absence d’accord contraire des parties au contrat, pour autant que le contrat de prêt hypothécaire concerné ne puisse subsister en cas de suppression de ladite clause abusive, et que l’annulation de ce contrat dans son ensemble exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables (arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 67).
77. Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la cinquième question que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que, en cas de nullité d’une clause abusive fixant le taux d’intérêt variable d’un prêt hypothécaire en recourant à un indice de référence, le juge national substitue à cet indice un indice légal, applicable en l’absence d’accord contraire des parties au contrat, pour autant que le contrat de prêt hypothécaire concerné ne puisse subsister en cas de suppression de ladite clause abusive, et que l’annulation de ce contrat dans son ensemble expose le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables.
Sur les dépens :
78. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :
1) La seconde partie de la première question préjudicielle, la seconde partie de la onzième question préjudicielle et la quinzième question préjudicielle du Juzgado de Primera Instancia n° 17 de Palma de Mallorca (tribunal de première instance n° 17 de Palma de Majorque, Espagne) sont manifestement irrecevables.
2) Les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens que : ils ne s’opposent pas à une législation et à une jurisprudence nationales qui dispensent le professionnel de fournir au consommateur, lors de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire, l’information relative à l’évolution passée de l’indice de référence, au moins au cours des deux dernières années, en opérant la comparaison par rapport à au moins un indice différent tel que l’indice Euribor, à la condition que cette législation et cette jurisprudence nationales permettent au juge de s’assurer que, eu égard aux éléments d’information publiquement disponibles et accessibles ainsi qu’aux informations fournies, le cas échéant, par le professionnel, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, a été en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul du taux d’intérêt et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une clause fixant un taux d’intérêt variable sur ses obligations financières.
3) Les articles 3, 5 et 7 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que : ils s’opposent à une législation et à une jurisprudence nationales selon lesquelles l’absence de bonne foi du professionnel est une condition préalable nécessaire à tout contrôle du contenu d’une clause non transparente d’un contrat conclu avec un consommateur. Il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer si, eu égard à l’ensemble des circonstances pertinentes du litige au principal, le professionnel doit être considéré comme ayant agi de bonne foi, en fixant le taux d’intérêt d’un prêt hypothécaire par référence à un indice prévu par la loi, et si la clause incorporant un tel indice est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat.
4) L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que : ils ne s’opposent pas à ce que, en cas de nullité d’une clause abusive fixant le taux d’intérêt variable d’un prêt hypothécaire en recourant à un indice de référence, le juge national substitue à cet indice un indice légal, applicable en l’absence d’accord contraire des parties au contrat, pour autant que le contrat de prêt hypothécaire concerné ne puisse subsister en cas de suppression de ladite clause abusive, et que l’annulation de ce contrat dans son ensemble expose le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables.
Signatures
* Langue de procédure : l’espagnol.
Langue faisant foi: espagnol