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CA PARIS (pôle 5 ch. 2), 17 février 2023

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 2), 17 février 2023
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 2
Demande : 21/17811
Date : 17/02/2023
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 11/10/2021
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10240

CA PARIS (pôle 5 ch. 2), 17 février 2023 : RG n° 21/17811 ; arrêt n° 30

Publication : Judilibre

 

Extrait : « L'article 1355 du code civil dispose que : « L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».

Selon l'article 122 du code de procédure civile, la chose jugée constitue une fin de non-recevoir et aux termes de l'article 480 du même code, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal revêt l'autorité de la chose jugée dès son prononcé.

Ainsi, en application de ces articles les demandes formées en référé devant la cour d'appel, lorsqu'elles ont déjà été tranchées par un jugement au fond, même s'il est frappé d'appel, doivent être déclarées irrecevables.

Il ressort du jugement du tribunal de commerce du 6 septembre 2022 que les demandes et leurs fondements sont strictement identiques à ceux de la présente procédure et que les parties sont également les mêmes, ce qui n'est pas contesté par les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France.

Les sociétés appelantes arguent cependant de l'absence d'autorité de la chose jugée dudit jugement en invoquant des événements postérieurs au jugement qui viendraient modifier la situation antérieurement reconnue en justice et ce en se référant à un arrêt du le 6 mai 2010 de la Cour de cassation (Civ. 2e, n° 09-14.737).

L'arrêt de la Cour de cassation du 6 mai 2010 a cassé un arrêt de la cour d'appel de Montpellier qui avait opposé l'autorité de la chose jugée à un syndicat de copropriétaires dont l'action avait été reconnue irrecevable par un premier jugement en date du 7 juin 2004 faute d'habilitation du syndic à agir en justice alors que depuis lors l'assemblée générale des copropriétaires avait voté l'habilitation permettant d'engager l'action.

La Cour de cassation avait critiqué l'arrêt de la cour d'appel en indiquant que « les résolutions d'habilitation du syndic, prises postérieurement au jugement du 7 juin 2004 constituaient des faits juridiques nouveaux privant celui-ci de l'autorité de la chose jugée à l'égard de la seconde instance ».

Les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France se prévalent de 9 événements qui seraient intervenus postérieurement au jugement du 6 septembre 2022 pour lui dénier l'autorité de la chose jugée.

Il s'agit de :

1) L'appel interjeté du jugement': pour autant l'article 480 du code de procédure civile précise expressément que le jugement qui tranche le fond d'un litige est revêtu de l'autorité de la chose jugée dès son prononcé, et ce même s'il a fait l'objet d'un recours.

2) La prétendue partialité des juges du tribunal de commerce ayant statué sur le fond du litige : outre qu'il ne s'agit pas d'un fait postérieur au jugement, la cour de céans ne peut statuer de ce chef. Une telle critique du jugement ne pouvant être effectuée que par la voie d'appel-nullité dudit jugement.

3) La décision de l'Ordre des médecins dans l'affaire du Professeur [L], 4) la relaxe de médecins pour avoir prescrit de l'Hydroxycloroquine et/ou de l'ivermectine, 5) la reconnaissance d'effets indésirables des vaccins à ARNm, 6) la reconnaissance par la société Pfizer que le vaccin n'a pas été testé sur la transmission du virus 7) l'ouverture par la Commission de l'Union européenne d'une enquête sur les contrats Pfizer, 8) le jugement de la Cour suprême de New York sur la réintégration d'agents licenciés faute d'avoir été vaccinés et 9) le placement sous statut de témoin assisté de l'ancien Premier ministre [K] [M]': si ces éléments peuvent venir enrichir le débat relatif à la pertinence des solutions préconisées pour lutter contre la covid, ils ne peuvent être considérés au sens de l'arrêt susvisé de la Cour de cassation comme des faits juridiques nouveaux privant (le jugement du 6 septembre 2022) de l'autorité de la chose jugée».

Le jugement du 6 septembre 2022 ne repose pas sur une analyse de la légitimité ou du bien-fondé du consensus scientifique existant mais sur la détermination du bien-fondé des sociétés Google de sanctionner la société Shopper Union France au regard des règles d'utilisation des services de Google Actualités, YouTube et Ad, alors qu'elle publiait de nombreux articles en opposition avec ledit consensus existant.

La cour dès lors constate que l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal de commerce du 6 septembre 2022 s'impose dans le cadre de la présente procédure et qu'ainsi les demandes en référé formées devant elle par les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France doivent être déclarées irrecevables. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 2

ARRÊT DU 17 FÉVRIER 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/17811. Arrêt n° 30 (9 pages). N° Portalis 35L7-V-B7F-CEO4B. Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du 2 juin 2021 - Tribunal de commerce de PARIS - RG n°2021015207.

 

APPELANTES :

SA FRANCE SOIR GROUPE

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [Adresse 2], [Localité 3], Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro XXX

SAS SHOPPER UNION FRANCE

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [Adresse 2], [Localité 3], Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro YYY, Représentées par Maître Nathalie LESENECHAL, avocate au barreau de PARIS, toque D 2090, Assistées de Maître Arnaud DIMEGLIO, avocat au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉES :

EURL GOOGLE FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [Adresse 5], [Localité 4], Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro ZZZ

Société GOOGLE LLC

société de droit américain, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [Adresse 1], [Adresse 1], [Adresse 1], ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Société GOOGLE IRELAND LIMITED

société de droit irlandais, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [Adresse 7], [Adresse 7], [Localité 6], IRLANDE

Représentées par Maître Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN - MOISAN ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, Assistées de Maître Sébastien PROUST plaidant pour HERBERT SMITH FREEHILLS, avocat au barreau de PARIS, toque J 025

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Agnès MARCADE, Conseillère.

Mmes Laurence LEHMANN et Agnès MARCADE ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, Mme Agnès MARCADE, Conseillère, Mme Françoise BARUTEL, Conseillère.

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRÊT : Contradictoire Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'ordonnance de référé rendue le 2 juin 2021 par le Président du tribunal de commerce de Paris,

Vu l'appel interjeté le 11 octobre 2021 par les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France,

Vu les dernières conclusions, avant clôture, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 7 juin 2022 par les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France, appelantes,

Vu les dernières conclusions, avant clôture, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 mars 2022 par la société Google France, intimée,

Vu les dernières conclusions, avant clôture, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 juin 2022 par les sociétés Google Ireland Limited et Google LLC, intimées,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 16 juin 2022,

Vu le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 6 septembre 2022,

Vu l'arrêt de la présente cour, en date du 14 octobre 2022, qui a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à conclure sur les conséquences du jugement rendu le 6 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Paris au regard de l'autorité de la chose jugée dudit jugement,

Vu les dernières conclusions postérieures à l'arrêt de réouverture des débats remises au greffe et notifiées par voie électronique le 28 décembre 2022 par les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France,

Vu les dernières conclusions postérieures à l'arrêt de réouverture des débats remises au greffe et notifiées par voie électronique le 3 janvier 2023 par les sociétés Google France, Google Ireland Limited et Google LLC.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

La société France Soir Groupe indique être titulaire de la marque FRANCE SOIR et l'avoir donnée en licence à la société Shopper Union, sa filiale à 100 %, créée en avril 2013, qui exploite le site en ligne htpps://www.francesoir.fr.

Les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union reprochant aux trois sociétés Google intimées, la société irlandaise Google Ireland Limited, la société américaine Google LLC et la société française Google France, d'avoir désindexé brutalement les articles de Francesoir.fr sur les services de Google Actualité et Google Discover et d'avoir supprimé la chaîne Youtube de France soir, ont obtenu le 23 mars 2021 l'autorisation du président du tribunal de commerce de Paris d'assigner les trois sociétés Google en référé à bref délai pour une audience fixée au 19 mai 2021.

L'ordonnance de référé rendue le 2 juin 2021 dont appel a au visa des articles L. 225-231 et R. 225-163 du code de commerce :

- dit n'y avoir lieu à référé, ni à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens de l'instance à la charge des sociétés France Soir Groupe et Shopper Union dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 92,91 euros TTC dont 15,27 euros de TVA.

Les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France ont interjeté appel de cette ordonnance et ajouté à leurs demandes de première instance des griefs et demandes liés à des mesures prises par les sociétés Google visant à priver, à compter du 3 août 2021, le site francesoir.fr de monétisation via les services AdSense, Adexchange et Admanager.

[*]

Par leurs dernières conclusions notifiées avant la clôture, le 7 juin 2022, les appelantes sollicitent de la cour, au vu de l'article 873 du code de procédure civile, l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), les articles L. 420-2 et L. 442-1 du code de commerce et l'article 1240 du code civil de :

In limine, Juger que sont recevables les prétentions de la société France Soir Groupe, et celles relatives aux services Adsense, Adexchange et Admanager.

Sur le fond, infirmer l'ordonnance de référé entreprise et statuant à nouveau :

Principalement,

* juger que les sociétés Google LLC, Google Ireland Limited et Google France :

- en désindexant brutalement de Google News (Actualité), et Discover l'intégralité des contenus du site www.francesoir.fr de la société Shopper Union France,

- en supprimant l'intégralité de la chaîne Youtube de France Soir accessible à l'adresse : https://www.youtube.com/channel,

- en supprimant du site France Soir ses services Adsense, Adexchange, ainsi que Admanager,

- en imposant des règles relatives aux contenus médicaux, non objectives, de manière unilatérale, et disproportionnée à la société Shopper Union France,

- en faisant une application discriminatoire de ses règles à la société Shopper Union France,

- en négociant de mauvaise foi la rémunération de la société Shopper Union France pour la reprise de ses contenus protégés conformément aux articles L. 218-1 et s. du code de la propriété intellectuelle,

- en ne communiquant pas les informations visées à l'article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle,

- en faisant dépendre l'acceptation de leurs conditions d'utilisation, et par voie de conséquence de leurs règles sanitaires, au seul fait que les appelantes utilisent leurs services,

- en dénigrant France Soir,

- en ne communiquant pas à la société Shopper Union France le contenu des signalements émanant de tiers, qui ont conduit à la décision de Google de désindexer les contenus de France Soir de ses services «Actualité», «Découverte», et «Youtube», ainsi qu'une référence aux motifs applicables à ces décisions,

Ont manifestement :

- porté atteinte à la liberté d'expression de la société Shopper Union France, et au droit à l'information de son public sur le fondement de l'article 10 de la CEDH,

- abusé de leur position dominante au sens de l'article L. 420-2 du code de commerce, et de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

- exercé des pratiques abusives au sens de l'article L. 442-1 du code de commerce,

- concurrencé de manière déloyale les appelantes sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

* juger que la société Shopper Union France apporte donc la preuve d'un trouble manifestement illicite.

* ordonner par voie de conséquence les mesures conservatoires et de remise en état ci-après :

* condamner in solidum les sociétés Google LLC, Ireland Limited et France à :

- rétablir l'indexation des contenus du site https://www.francesoir.fr dans ses services Google News (Actualité), et Discover (découvertes), telle qu'elle existait avant le 4 février 2021,

- rétablir la chaîne Youtube de France Soir accessible à l'adresse https://www.youtube.com/channel telle qu'elle existait avant le 9 mars 2021,

- rétablir les services Adsense, Adexchange, ainsi que Admanager, du site https://www.francesoir.fr

- négocier de bonne foi la rémunération due à la société Shopper Union France pour la reprise des contenus de son site sur ses services Actualités, conformément aux modalités prévues à l'article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle selon des critères transparents, objectifs et non discriminatoires. Cette rémunération devra couvrir la période de reprise des contenus depuis le 24 octobre 2019,

- communiquer à la société Shopper Union France les informations prévues à l'article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle concernant le contenu référencé dans Google Actualité,

Subsidiairement,

* Juger que la suppression des articles et vidéos de France Soir de la société Shopper Union, dont le contenu est sans lien avec le Covid 19, respectivement dans les services GoogleActualités, Discover et Youtube constitue un trouble manifestement illicite,

* ordonner par voie de conséquence les mesures de remise en état ci-après :

* condamner in solidum les sociétés Google LLC, Ireland Limited et France à :

- rétablir l'indexation des articles non liés au Covid 19 du site https://www.francesoir.fr

dans ses services Google News (Actualité), et Discover (découvertes), telle qu'elle existait avant le 4 février 2021,

- rétablir les vidéos non liées au Covid 19 de la chaîne Youtube de France Soir accessible à l'adresse https://www.youtube.com/channel telles qu'elles existaient avant le 9 mars 2021,

En tout état de cause,

* ordonner ces obligations sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard dans un délai de 7 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir et se réserver la possibilité de liquider l'astreinte, et d'en réévaluer le montant,

* condamner in solidum les sociétés Google LLC, Google Ireland Limited et Google France à verser aux sociétés Shopper Union et France Soir Groupe la somme de 1.200.000 euros à titre de provision,

* débouter les sociétés Google LLC, Google Ireland Limited et Google France de toutes leurs demandes,

* condamner in solidum les sociétés Google LLC, Google Ireland Limited et Google France à verser aux sociétés Shopper Union et France Soir Groupe la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

Les sociétés Google Ireland Limited et Google LLC sollicitent de la cour de confirmer l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a débouté les sociétés Google Ireland Limited et Google LLC de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant :

- déclarer irrecevables les demandes formées contre les sociétés Google LLC et Google Ireland tendant à :

- juger qu'en (...) « supprimant du site France Soir son service Adsense, Adexchange, ainsi que Admanager » (...) les sociétés Google LLC et Google Ireland auraient commis plusieurs agissements fautifs constitutifs d'un prétendu « trouble manifestement illicite » ;

- condamner in solidum les sociétés Google LLC et Ireland Limited à (...) « Rétablir les services // Adsense, Adexchange, ainsi que Admanager, du site https://www.francesoir.fr».

- déclarer irrecevables et à défaut mal fondées les demandes formées par la société France Soir Groupe et Shopper Union ;

- débouter les sociétés Shopper Union et France Soir Groupe de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

- condamner solidairement les sociétés Shopper Union et France Soir Groupe aux dépens,

ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 35.000 euros à chacune des sociétés Google Ireland et Google LLC au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance, et 35.000 euros supplémentaires au titre des frais irrépétibles en appel.

La société Google France demande à la cour de dire irrecevables et subsidiairement mal fondées les demandes formées à son encontre et de confirmer l'ordonnance entreprise. Elle sollicite également la condamnation des sociétés Shopper Union et France Soir Groupe aux dépens et à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Parallèlement à la présente procédure devant la cour d'appel, les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union ont fait assigner les trois sociétés Google intimées, par acte du 15 juillet 2021 devant le tribunal de commerce de Paris pour qu'il soit statué au fond sur les demandes telles que présentées devant la juridiction des référés auxquelles étaient ajouté les demandes relatives aux services de monétisation via les services AdSense, Adexchange et Admanager.

Le jugement a été rendu par le tribunal de commerce de Paris le 6 septembre 2022 et communiqué à la cour en cours de délibéré, c'est à dire postérieurement à l'audience des plaidoiries qui s'était tenue le 16 juin 2022.

Ce jugement a :

- dit irrecevables, pour défaut d'intérêt à agir, l'action des sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France à l'encontre des sociétés Google LLC et Google France,

- mis hors de la cause les sociétés Google LLC et Google France,

- débouté la société Google Ireland de sa fin de non-recevoir, pour défaut de qualité à agir, de la société France Soir Groupe,

- dit la société France Soir Groupe recevable,

- dit que la société Google Ireland n'a pas, en déréférençant France-Soir de son moteur de recherche Actualité, en suspendant l'accès de ses vidéos à sa plateforme You Tube, et en désactivant son compte AdSense, porté atteinte à la liberté d'expression de la société Shopper Union France, l'éditeur de ces services,

- dit que la société Google lreland Limited n'a, pas en déréférençant France-Soir de ses services Actualités, You Tube et AdSense, abusé de sa position dominante à l'égard de la société Shopper Union France, éditrice et gestionnaire du titre France-Soir,

- débouté les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France de leurs demandes au titre d'un abus de position dominante de Google et relatives à la loi sur les droits voisins,

- s'est déclaré incompétent pour l'exécution des mesures conservatoires édictées par l'Autorité de la Concurrence dans sa décision du 9 avril 2020 sur les droits voisins,

- dit que la société Google Ireland Limited n'a pas bénéficié d'un avantage sans contrepartie, ni soumis la société Shopper Union France à un déséquilibre significatif, ni ne s'est rendu coupable d'une rupture brutale de ses relations avec cette dernière,

- débouté les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France de leurs demandes sur le fondement de l'article L. 442-1 du code de commerce,

- dit que la société Google Ireland Limited n'a pas dénigré les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France et les a débouté de leurs demandes sur le fondement du dénigrement,

- dit que la société Google Ireland n'a pas violé le Règlement UE 2019/1150 du 20 juin 2019 promouvant l'équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d'intermédiation en ligne dit « Platform to Business »,

- dit, sur le fondement de l'article 31 du code de procédure civile, les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France irrecevables en leur action sur le fondement de l'article L. 111-7-II du code la consommation,

- dit les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France irrecevables dans leur action sur le fondement de l'article 6 Il de la loi du 21 juin 2004 pour la Confiance dans l'Économie Numérique loi de 2004 dite LCEN,

- débouté les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France de toutes leurs autres demandes à titre principal comme subsidiaire,

- condamné in solidum les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes suivantes :

-10.000 euros à la société Google LLC,

-10.000 euros à la société Google France,

- 50.000 euros à la société Google Ireland Limited

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné in solidum les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 131.1 euros dont 21.64 euros de TVA.

C'est dans ces circonstances que la cour a prononcé, par arrêt du 14 octobre 2022, la réouverture des débats sans rabat de l'ordonnance de clôture et a demandé aux parties de s'expliquer sur les conséquences du jugement rendu le 6 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Paris au regard de l'autorité de la chose jugée dudit jugement.

Les sociétés Google LLC, Google Ireland Limited et Google France par leurs dernières écritures sur réouverture des débats demandent à la cour de constater qu'un jugement au fond revêtu de l'autorité de la chose jugée a été rendu dans le même litige le 6 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Paris et, en conséquence, déclarer les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France irrecevables en leurs demandes formées en appel devant la cour.

Les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France par leurs dernières écritures sur réouverture des débats demandent à la cour de juger que le jugement rendu au fond le 6 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Paris est dépourvu de l'autorité de la chose jugée compte tenu d'événements postérieurs venant modifier la situation antérieurement reconnue en justice et de débouter les sociétés intimées de leurs demandes.

 

L'article 1355 du code civil dispose que :

« L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».

Selon l'article 122 du code de procédure civile, la chose jugée constitue une fin de non-recevoir et aux termes de l'article 480 du même code, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal revêt l'autorité de la chose jugée dès son prononcé.

Ainsi, en application de ces articles les demandes formées en référé devant la cour d'appel, lorsqu'elles ont déjà été tranchées par un jugement au fond, même s'il est frappé d'appel, doivent être déclarées irrecevables.

Il ressort du jugement du tribunal de commerce du 6 septembre 2022 que les demandes et leurs fondements sont strictement identiques à ceux de la présente procédure et que les parties sont également les mêmes, ce qui n'est pas contesté par les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France.

Les sociétés appelantes arguent cependant de l'absence d'autorité de la chose jugée dudit jugement en invoquant des événements postérieurs au jugement qui viendraient modifier la situation antérieurement reconnue en justice et ce en se référant à un arrêt du le 6 mai 2010 de la Cour de cassation (Civ. 2e, n° 09-14.737).

L'arrêt de la Cour de cassation du 6 mai 2010 a cassé un arrêt de la cour d'appel de Montpellier qui avait opposé l'autorité de la chose jugée à un syndicat de copropriétaires dont l'action avait été reconnue irrecevable par un premier jugement en date du 7 juin 2004 faute d'habilitation du syndic à agir en justice alors que depuis lors l'assemblée générale des copropriétaires avait voté l'habilitation permettant d'engager l'action.

La Cour de cassation avait critiqué l'arrêt de la cour d'appel en indiquant que « les résolutions d'habilitation du syndic, prises postérieurement au jugement du 7 juin 2004 constituaient des faits juridiques nouveaux privant celui-ci de l'autorité de la chose jugée à l'égard de la seconde instance ».

Les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France se prévalent de 9 événements qui seraient intervenus postérieurement au jugement du 6 septembre 2022 pour lui dénier l'autorité de la chose jugée.

Il s'agit de :

1) L'appel interjeté du jugement': pour autant l'article 480 du code de procédure civile précise expressément que le jugement qui tranche le fond d'un litige est revêtu de l'autorité de la chose jugée dès son prononcé, et ce même s'il a fait l'objet d'un recours.

2) La prétendue partialité des juges du tribunal de commerce ayant statué sur le fond du litige : outre qu'il ne s'agit pas d'un fait postérieur au jugement, la cour de céans ne peut statuer de ce chef. Une telle critique du jugement ne pouvant être effectuée que par la voie d'appel-nullité dudit jugement.

3) La décision de l'Ordre des médecins dans l'affaire du Professeur [L], 4) la relaxe de médecins pour avoir prescrit de l'Hydroxycloroquine et/ou de l'ivermectine, 5) la reconnaissance d'effets indésirables des vaccins à ARNm, 6) la reconnaissance par la société Pfizer que le vaccin n'a pas été testé sur la transmission du virus 7) l'ouverture par la Commission de l'Union européenne d'une enquête sur les contrats Pfizer, 8) le jugement de la Cour suprême de New York sur la réintégration d'agents licenciés faute d'avoir été vaccinés et 9) le placement sous statut de témoin assisté de l'ancien Premier ministre [K] [M]': si ces éléments peuvent venir enrichir le débat relatif à la pertinence des solutions préconisées pour lutter contre la covid, ils ne peuvent être considérés au sens de l'arrêt susvisé de la Cour de cassation comme des faits juridiques nouveaux privant (le jugement du 6 septembre 2022) de l'autorité de la chose jugée».

Le jugement du 6 septembre 2022 ne repose pas sur une analyse de la légitimité ou du bien-fondé du consensus scientifique existant mais sur la détermination du bien-fondé des sociétés Google de sanctionner la société Shopper Union France au regard des règles d'utilisation des services de Google Actualités, YouTube et Ad, alors qu'elle publiait de nombreux articles en opposition avec ledit consensus existant.

La cour dès lors constate que l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal de commerce du 6 septembre 2022 s'impose dans le cadre de la présente procédure et qu'ainsi les demandes en référé formées devant elle par les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France doivent être déclarées irrecevables.

 

Sur les frais et dépens :

Les dispositions prises par l'ordonnance de référé relatives aux dépens de la première instance et au débouté des demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont confirmées par la cour, étant précisé qu'elles ne se heurtent pas à la chose jugée du jugement rendu au fond le 6 septembre 2022.

Les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France sont en outre condamnées aux dépens d'appel.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant des frais irrépétibles d'appel et les parties seront déboutées de leurs demandes de ce chef.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Vu l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 6 septembre 2022,

Déclare irrecevables les demandes formées par les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France devant la cour d'appel statuant en référé,

Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes en cause d'appel fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France aux dépens d'appel.

La Greffière                                      La Conseillère,

Faisant Fonction de Présidente