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CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 22 février 2023

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 22 février 2023
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 4
Demande : 21/07159
Date : 22/02/2023
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 14/04/2021
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10242

CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 22 février 2023 : RG n° 21/07159 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Le déséquilibre significatif de la version 2010 des CGA n'est pas spécialement invoqué par la société RBC Investment pour les écarter. Néanmoins pour résoudre le litige opposant les parties, la Cour fait les observations suivantes :

D'une part, dans la version 2010 des CGA, et à la différence de celles opposées par la société CRT à l'appui de sa pièce n°3 (version 2019) il n'est pas mentionné dans la préparation de la remise l'obligation pour l'Affilié de noter un ou plusieurs numéros de titres pris au hasard dans sa remise renseignée. Il ressort des termes de l'article 3.4 que les « Normes » CRT sont en réalité destinées à faciliter le traitement matériel de la remise pour CRT et qu'à défaut CRT peut facturer des frais supplémentaires, sans qu'il soit précisé que ces exigences conditionnent d'éventuelles investigations en cas de réclamation. D'ailleurs la société CRT n'explique pas en quoi, le relevé de numéros pris au hasard aurait permis d'élucider l'écart du nombre de Titre entre le récépissé et l'avis de règlement. Il en est de même pour le détachement du coin sécable du Titre qui vise à invalider le Titre mais non pas à justifier de sa remise effective.

D'autre part, dans la version 2010 des CGA, et à la différence des stipulations de l'article 7 de la version 2019 des CGA, il n'est pas expressément indiqué que l'Affilié accepte que le remboursement des titres soit fait sur la seule base des informations recueillies par CRT via sa lecture informatique des titres et que cette lecture informatique fait seule foi.

L'article 3.4 de la version 2010 précise seulement que la preuve de dépôt de la partie détachable du bordereau de remise ne peut valoir reçu du nombre de Titre et de leur valeur et que la bonne réception de ces éléments seront validés par la CRT après traitement informatique des Titres remis. Le récépissé (pièce RBC n° 3) indique en outre que « ce récépissé atteste de la réception matérielle d'une remise. Il ne peut constituer une garantie du nombre de titres et du montant mentionnés sur le bordereau. Seul le décompte de la CRT fera foi. Pour toute contestation, il conviendra de fournir le présent récépissé et le talon détachable dûment complété du bordereau de remise correspondant. »

Il ressort de ces éléments que si le récépissé de remise de titre produit aux débats ne permet pas à lui seul de justifier du nombre de Titres effectivement remis, ce document en ce qu'il émane du CRT et s'inscrit dans une procédure de remise organisé par celui-ci rend vraisemblable les informations qu'il comporte, à savoir le nombre de Titres déposés et leur valeur. Ensuite, la Cour constate que dans les échanges courant 2017 qui ont immédiatement suivi la réclamation de la société RBC Investment (pièce RBC n°5), la société CRT ne lui a fourni aucune explication sur l'écart entre la valeur déclarée et le montant effectivement payé pour la remise litigieuse, après avoir dans un premier temps évoqué un problème de chèques volés ou falsifiées (Pièce RBC n°6). Ce n'est que dans le courrier du 14 mai 2019 que la société CRT fait état d'une lecture de seulement 1918 titres pour une valeur de 14 326,70 euros, et évoque une vérification par comptage manuel et une impossibilité d'investigations complémentaires.

Or force est de constater que si la société CRT se retranche derrière son décompte par lecture informatique et de sa vérification par comptage manuel, elle n'en justifie pas.

Comme le relève la société RBC Investment, la société CRT indique dans sa documentation de présentation (pièce n°12) que :

Toutes les remises de Titres, quel que soit leur montant, suivent le même processus de traitement. La capacité de traitement de la CRT Traitement est inégalée et fait d'elle un établissement unique en son genre dans le monde. Toutes les remises de titres sont sécurisées et suivies dès leur réception. Après une préparation minutieuse, les titres sont lus sur des machines de haute technologie et à haute vitesse avec un module d'invalidation exclusif afin de rende le titre inutilisable. Ces machines lisent 90.000 titres à l'heure. Un processus de capture d'images de nouvelle génération a été développé spécialement pour la CRT Traitement et ses volumes. Ce processus facilite la traçabilité, la consultation et l'archivage des titres.

La seule pièce produite aux débats par la société CRT pour justifier de son décompte par lecture informatique est la pièce n° 7 se résumant à un tableau excel dans lequel est seulement renseigné le n° de remise 65237419 et les colonnes valeur faciale, montant payé, quantité payée et corrigée. Les colonnes quantités bordereau et pointage ne sont pas renseignées, de même que ce tableau ne comporte aucun numéro des Titres lus. Ce tableau n'est qu'un retraitement de données, qui ne peut manifestement pas attester d'un comptage informatique du contenu du bordereau de remise et encore moins de la lecture informatique des titres y figurant. La société CRT ne donne aucune explication sur son processus sécurisé de traitement informatique des bordereaux de remise ni d'élément concernant le suivi entre la remise de Titres attestée par le récépissé et le comptage de ceux-ci, ainsi que le processus d'alerte ou de traçabilité lorsque, comme en l'espèce, il existe un écart particulièrement important entre le nombre de titres remis déclaré (3169) et le nombre de titres effectivement réglé (1918).

Aussi, à défaut pour la société CRT de justifier de sa lecture informatique de la remise n° 65237419 effectuée par la société RBC Investment suivant récépissé du 3 octobre 2017, il y a lieu de se référer au décompte et à la valeur des Titres figurant sur celui-ci et faire droit à la demande en paiement de la somme de 10.894,05 euros de la société RBC Investment.

Dès lors que la société RBC Investment n'a obtenu des informations précises sur sa réclamation formulée dès le 23 octobre 2017 que par courrier du 14 mai 2019 de la part de la société CRT, et ce après plusieurs relances et mises en demeure, et compte tenu du sens de la décision rendue, il sera fait droit à la demande de la société RBC Investment de dommages-intérêts pour résistance abusive, limitée à la somme de 1.500 euros. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 4

ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 21/07159. Arrêt n° 39 (10 pages). N° Portalis 35L7-V-B7F-CDPT5. Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 janvier 2021 - Tribunal de Commerce de BOBIGNY RG n° 2020F00075.

 

APPELANTE :

SARL RBC INVESTMENT

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de LYON sous le numéro XXX [Adresse 2], [Localité 3], Représentée par Maître Laure GENETY de la SELEURL CABINET L, avocat au barreau de PARIS, toque E0833, avocat postulant, Assistée de Maître Mathieu ALLARD de la SELARL ALLARD NEKAA, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

 

INTIMÉE :

SAS CRT SERVICES

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro YYY, [Adresse 1], [Localité 4], Représentée et assistée par Maître Christophe THÉVENET de la SELAS LIBRATO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque R183

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 4 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère, Monsieur Julien RICHAUD, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame [W] [L] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE

ARRÊT : - Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La société RBC Investment exerce une activité de restauration rapide sous l'enseigne Speed Tacos.

La Centrale de Règlement des Titres Services (ci-après la CRT) a pour activité le traitement des données de lecture des titres restaurant acceptés par ses affiliés, restaurateurs ou commerces de bouche.

Depuis janvier 2012, la société RBC Investment est affiliée à la CRT. Le 3 octobre 2017, elle a déposé des titres restaurant au centre de collecte de la CRT à [Localité 6] qui lui a remis un bordereau n° 65237419 avec l'indication d'un dépôt de 3'169 titres pour une valeur de 25'220,75 euros.

Suivant avis de règlement du 18 octobre 2017, la CRT a payé la somme de 14.326,70 euros à la société RBC Investment au titre du bordereau n° 65237419.

Dès le 23 octobre 2017, la société RBC Investment a procédé à une réclamation auprès du CRT pour obtenir la paiement intégral des tickets remis suivant bordereau n° 65237419. Après plusieurs échanges par courrier électronique, la société RBC Investment a adressé une lettre avec accusé de réception le 2 novembre 2017 à la société CRT pour obtenir le paiement des tickets non réglés.

Par lettre du 8 novembre 2017, la CRT a accusé réception de la demande de vérification concernant le bordereau n° 65237419, et a indiqué que le traitement de la remise a révélé la présence d'un titre falsifié pour un montant global de 7,62 euros.

Par lettre de son conseil du 24 avril 2019, la société RBC Investment a mis en demeure la société CRT de lui régler la somme de 11.000 euros correspondant à 1200 titres non payés.

Par lettre 24 avril 2019, la CRT lui a opposé, qu'après vérification, elle n'avait été destinataire que de 1918 titres et que la remise litigieuse des titres n'ayant pas été faite conformément aux conditions générales d'affiliation, des investigations supplémentaires ne pouvaient être engagées.

Par acte du 31 décembre 2019, la société RBC Investment a assigné la CRT devant le tribunal de commerce de Bobigny pour obtenir sa condamnation à lui régler la somme de 10.894,05 euros, correspondant au non-paiement de 1200 titre remis le 3 novembre 2017.

Par jugement du 26 janvier 2021, le tribunal de commerce de Bobigny a :

- Débouté la SARL RBC Investment de l'ensemble de ses demandes ;

- Dit que chaque partie supportera les frais irrépétibles qu'elle a encourus dans le cadre des présentes ;

- Condamne la SARL RBC Investment aux dépens ;

- Liquide les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 74,54 € TTC dont 12,42 € de TVA.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 14 avril 2021, la société RBC Investment a interjeté appel de ce jugement.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 7 juillet 2021, la société RBC Investment, demande à la Cour de :

Vu les pièces versées au débat,

Vu l'article 9 du Code de procédure civile,

Vu l'article 1315 du Code civil,

Vu l'article 1109 du Code civil,

Vu l'article 1104 du Code civil,

Vu l'article 1231-1 du Code civil,

Vu l'article L. 442-6 2° du Code de commerce,

Vu la jurisprudence,

Vu le jugement du Tribunal de Commerce de Bobigny en date du 26 janvier 2021,

Infirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Bobigny du 26 janvier 2021 en ce qu'il a :

Débouté la SARL RBC INVESTMENT de l'ensemble de ses demandes, lesquelles demandes tendaient à :

- Faire condamner la société CRT à payer à la société RBC INVESTMENT la somme de 10.894,05 euros à titre de dommages et intérêts au titre du non-paiement des 1251 titres manquants remis le 3 novembre 2017 ;

-Faire déclarer les conditions générales invoquées par la société CRT inopposable à la société R BC ;

- Faire constater à titre subsidiaire la déséquilibre significatif des conditions générales invoquées par la société C.R.T et écarter en conséquence l'application des clauses litigieuses ;

- Faire condamner la société C.R.T au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 5.000 euros pour résistance abusive et injustifiée à la société RBC INVESTMENT ;

- Faire condamner la société C.R.T à payer à la société RBC INVESTMENT la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Faire condamner la société C.R.T aux entiers dépens de l'instance.

Dit que chaque partie supportera les frais irrépétibles qu'elle a encourus dans le cadre des présentes ;

Condamné la SARL RBC INVESTMENT aux dépens

Et plus généralement en toutes ses dispositions lui causant grief ;

Statuant à nouveau,

Dire et juger que la société CRT échoue à démontrer le fait juridique qu'elle invoque à savoir la réception de 1918 titres sur les 3169 remis ;

Déclarer les conditions générales invoquées par la société CRT inopposables à la société RBC car postérieures à la remise intervenue et n'ayant jamais fait l'objet ni d'une communication ni d'une approbation ;

Dire et juger que la société RBC ne peut se voir reprocher le non-respect des stipulations contenues dans les conditions générales d'affiliation invoquées par la société CRT ;

Condamner la société CRT à payer à la société RBC INVESTMENT la somme de 10.894,05 euros, correspondant au non-paiement des 1251 titres manquants remis le 3 novembre 2017 ;

Constater à titre subsidiaire, le déséquilibre significatif des conditions générales invoquées par la société CRT et écarter en conséquence l'application des clauses litigieuses ;

Condamner la société CRT au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 5.000 euros pour résistance abusive et injustifiée à la société RBC INVESTMENT ;

Condamner la société CRT à payer à la société RBC INVESTMENT la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile ;

Condamner la société CRT aux entiers dépens de l'instance.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 5 octobre 2021, la CRT demande à la Cour de :

Vu les articles 1217, 1240, 1231-1, 1988 et 1989 du code civil

Vu l'article L. 442-6-1-2 du code de commerce

Vu les Conditions Générales d'Affiliation de la CRT Services

Vu la jurisprudence précitée

Vu les pièces versées au débat,

Il est demandé à la cour d'appel de confirmer l'arrêt rendu par le tribunal de commerce de Bobigny le 26 janvier 2021 en ce qu'il a débouté la Société RBC INVESTMENT de l'ensemble de ses demandes et ce faisant :

- Déclarer la CRT S recevables et bien fondées en ses demandes,

- Juger que la Société RBC INVESTEMENT a pris connaissance et a accepté les conditions générales d'affiliation de la CRT S, qu'en conséquence, celles-ci lui sont opposables ;

- Juger que les conditions générales d'affiliation ne créent pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations de la CRT S et de la Société RBC INVESTEMENT ;

- Juger que les conditions générales d'affiliation sont opposables à la Société RBC INVESTMENT qui doit les respecter ;

- Juger que la CRT S a fait ses meilleurs efforts pour retrouver les 1.251 Titres restaurant parmi les 3.169 que la Société RBC INVESTMENT prétend lui avoir envoyé ;

- Juger que la CRT S n'a commis aucune faute dans le cadre du traitement des Titres Restaurants qui lui ont été transmis par la Société RBC INVESTMENT ;

- Juger que la CRT S ne peut être tenue responsable du préjudice allégué par la société RBC INVESTMENT tant au regard de l'article 1231-1 du Code civil qu'au regard de l'article 7 des Conditions Générales d'Affiliation ;

En conséquence,

- Débouter la société RBC Investment de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Y ajoutant,

- Condamner la société RBC Investment à verser à la CRT Services la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner la société RBC Investment aux entiers dépens de l'instance

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2022.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société RBC Investment fait valoir pour l'essentiel que :

- à compter de la remise des titres justifiée par l'établissement d'un bordereau le 3 octobre 2017, la CRT devient responsable du traitement des titres déposés, que celle-ci ne produit aucun document démontrant le montant ou le contenu des titres prétendument scannés et archivés et qu'elle n'a pas effectué les recherches nécessaires permettant d'expliquer l'écart du nombre de titres, en sorte que la CRT est responsable de la perte des titres et doit indemniser la valeur perdue,

- la validité ou la falsification n'a été invoquée par CRT que pour un titre après vérification,

- les conditions générales d'affiliation ne lui sont pas opposables puisqu'elle ne les a jamais approuvées, et même ne lui ont jamais été communiquées et qu'elle ne les a donc ni acceptées ni signées ; que lors de son adhésion elle a seulement signé les conditions particulières du Pack Express, conditions qui indiquaient que la signature du pack emporte approbation des CGA, étant observé que les CGA dont il est question sont datées de 2019 alors même que l'adhésion de la société RBC Investment remonte à décembre 2011et le dépôt litigieux à octobre 2017,

- les articles 4 et 7 des CGA de la CRT présentent un caractère déséquilibré entre les parties en ce que la CRT restreint de manière injustifiée la preuve relative aux titres remis par leurs affiliés, présume de la mauvaise foi de l'affilié quant à la remise des titres, s'accorde des avantages anormaux et écarte sa responsabilité, s'accorde de manière abusive des droits et obligations et impose une procédure de remise non contradictoire ne permettant pas à l'affilié de faire respecter ses droits.

La CRT réplique pour l'essentiel que :

- le processus de traitement des titres est automatisé, les lecteurs de titres font foi sauf preuve contraire, elle a engagé une procédure de vérification à la suite de la réclamation de la société RBC Investment, qui s'est soldée par la confirmation des mêmes chiffres que les lecteurs de titres de la CRT; qu'elle a effectué toutes les recherches utiles pour tenter de retrouver les titres litigieux et a donc correctement exécuté ses obligations, en sorte qu'il appartient à la société RBC Investment de prouver qu'elle a remis 3.169 titres et non seulement 1.918 suivant les CGA et que la perte des titres est imputable à la CRT,

- le contrat d'affiliation mentionne les CGA et y renvoi expressément, la CRT a mis ses CGA à la disposition de la société RBC Investment qui a pu en prendre connaissance et que ces conditions étaient librement accessibles sur le site de la CRT ; que la société RBC Investment a bien eu connaissance des CGA dès le 22 décembre 2011 et a accepté les CGA le 13 janvier 2012, date de la prise d'effet de son contrat d'affiliation, puisque le processus d'affiliation ne permet pas l'activation du compte sans acceptation des CGA ; que les conditions générales Pack Express, signées par l'appelante pour ce service particulier en 2012, renvoient aux CGA et que les bordereaux de remise de titres restaurant précisent eux aussi que leur utilisation implique l'acceptation desdites CGA et qu'elle met à jour les CGA de manière régulière et qu'à chaque mise à jour, elles sont de nouveau soumises à l'acceptation et à la connaissance des affiliés,

- selon les articles 4,4 et 4,5 des CGA, la remise des titres en vue de leur remboursement suppose le respect de certaines obligations, notamment de noter 4 numéros de titres pris au hasard dans la remise renseignée, qui n'ont pas été respectées par la société RBC

Investment comme l'a relevé le tribunal, ne permettant pas de poursuivre davantage les investigations,

- l'article 442-6-I-2° n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce car aucun déséquilibre ne peut survenir dans le temps ; que le contrat contient des droits et des obligations réciproques et que la société RBC Investment ne démontre pas que le contrat présente un caractère déséquilibré et encore moins comment ce déséquilibre aurait pu lui causer un préjudice ; que chaque clause préalablement mise en cause par la société RBC Investment et notamment le processus de remise des titres répond à l'objectif de sécuriser la concordance entre la demande de paiement et les titres transmis.

Réponse de la Cour,

La société RBC Investment a déposé le 3 octobre 2017 des titres restaurants au centre de collecte de [Localité 5] de la CRT à laquelle elle était affiliée, contre la remise d'un récépissé établi par CRT mentionnant le n° de remise 65237419, une quantité de titre de 3169 et un montant dépôt de 25.220,75 euros (pièce RBC n°3). Un avis de règlement de la remise n°65237419 a été émis pour la société RBC Investment le 18 octobre 2017 pour la somme de 13.925,32 euros, correspondant à un montant de « titres papiers » de 14.326,70 euros avant déduction des frais de traitement (pièce RBC n°4).

A la suite d'une réclamation initiée par la société RBC Investment dès le 23 octobre 2017 (pièce RBC n° 5), relancée par courrier du 8 novembre 2017 (pièce n° 5) puis d'un courrier de mise en demeure du 24 avril 2019 (pièce RBC n° 7), la société CRT a finalement expliqué par courrier du 14 mai 2019 (pièce RBC n° 8) avoir procédé à une vérification et un comptage manuel, confirmant le traitement de la remise par les lecteurs de titres à 1918 titres pour une valeur de 14.326,70 euros. Dans ce même courrier du 14 mai 2019, la société CRT a indiqué l'impossibilité d'investigations complémentaires à défaut pour la société RBC Investment d'avoir noté 4 numéros de titres pris au hasard dans sa remise, et a rappelé la teneur des articles 4.4 et 7 des conditions générales d'affiliation (CGA) figurant sur le site internet :

- article 4.4 : Préparation de sa remise de titres conformément aux dispositions des présentes CGA dans lequel article figure la demande suivante : Détacher le talon du bordereau après l'avoir complété en reportant un numéro de titre (composé de 9 chiffres) pris au hasard pour chaque émetteur présent dans la remise,

- article 7 Responsabilité et exclusion : Les affiliés sont informés et acceptent que les émetteurs assurent le remboursement des titres sur la seule base des informations recueillies par CRT S via la lecture informatique des titres par CRT T et non en fonction des informations figurant sur le bordereau de remise ou sur tout autre document établi de façon non contradictoire par l'affilié, la relecture des titres par la CRT T faisant seule foi,

La CRT n'est responsable des titres qu'à compter de leur réception par CRT T, la validation des confirmée par l'émission du règlement des titres valides décomptés, Les éléments figurant sur la partie détachable du bordereau de remise conservée par l'affilié ne peuvent valoir reçu du nombre de titres et de leur valeur déclarés par l'affilié.

Dans la présente instance, la société CRT oppose à la société RBC Investment ces conditions générale d'affiliation (ci-après « CGA »), pour prétendre que seule la lecture informatique des titres fait foi pour la preuve du nombre de titre lors de la remise et que la société RBC Investment n'ayant pas respecté les conditions de remises des titres, des investigations complémentaires n'ont pu être entreprises pour expliquer l'écart de valeur entre la déclaration lors du dépôt et l'avis de règlement.

La Cour constate que les conditions générales d'affiliation, en particulier les articles 4.4 et 7, opposées à la société RBC Investment et produites aux débats en pièce n°3, sont une version TR 3.3 (12/2019) dont il n'est pas établi qu'il s'agissait des CGA en vigueur lors de la remise litigieuse en octobre 2017.

La société RBC Investment s'est affiliée courant décembre 2011. La société CRT produit un relevé informatique (pièce n°4) portant la mention d'une acceptation de « CGU » le 13 janvier 2012 mais sans produire ces conditions générales d'utilisation pour permettre à la Cour d'en connaître la teneur.

Il n'est pas contesté que lors de son affiliation la société RBC Investment a également souscrit un service particulier dit « pack Express » dont les conditions particulières mentionnent que « la souscription de ce service emporte approbation des conditions générales d'affiliation reproduites ci-après dont l'affilié reconnaît avoir pris connaissance » (pièce RBC n°2). Aucune des parties ne produit aux débats la version des CGA applicable en 2011/2012. La société CRT produit une version 2014 (pièce CRT n°2) des conditions particulières du service Pack Express intégrant un extrait des conditions générales d'affiliation dite « version octobre 2010-1.6 ». L'article 3 « obligation de l'affilié » reproduit dans cet extrait (pièce CRT n°2) dispose que :

L'Affilié s'engage à :

3.1 Acceptation des Titres

L'Affilié s'engage à accepter les Titres émis sans surcoût pour les Bénéficiaires (…)

3.4 Préparer sa Remise de Titres conformément aux normes de la CRT

L'Affilié devra détacher le coin sécable du Titre dès son acceptation. Dans chaque Remise, les Titres doivent tous être rangés dans la même sens (recto/verso) et avoir été tous invalidés par l'apposition du cachet commercial de l'Affilié et le retrait du coin sécable.

L'Affilié appose son cachet commercial (encre noire) au recto du Titre, le cachet comportant (...)

Chaque Remise de Titre doit être impérativement accompagnée d'un bordereau normé de remise CRT personnalisé et dument complété par l'Affilié à l'encre noire ou au stylo bille noire.

Chaque remise doit comporter uniquement des Titres Restaurant et des Chèques d'Accompagnement Personnalisé (portant la mention alimentation). Tout autre document sera soit transféré sur un compte approprié soit retourné à l'Affilié.

Afin de permettre le traitement de chaque Remise, l'Affilié devra lier les Titres et le bordereau à l'aide d'un élastique croisé ou en croix ; l'utilisation d'agrafes, de trombones ou de ruban adhésif est prohibée.

Le non-respect de ces règles pourra faire l'objet d'une facturation complémentaire par la CRT selon les modalités décrites dans les conditions tarifaires disponibles sur internet (…).

3.5 Faire parvenir sa Remise à la CRT de façon sécurisé

Chaque Affilié a la possibilité de

- Déposer les Titres dans un centre de collecte agrée par la CRT (…)

- Utiliser l'option d'envoi sécurisé ColiSUr (…)

- Appointer, à ses frais et risques exclusifs, un transporteur de fonds ou un coursier (…)

- Adresser les Titres par voie postale (…)

L'Affilié devra conserver la partie détachable du bordereau de remise (« partie à conserver ») et sa preuve de dépôt ou d'envoi. Ces éléments ne peuvent valoir reçu du nombre de Titres et de leur valeur déclarés par l'Affilié à chaque Remise, celle-ci se faisant sans contrôle contradictoire. La bonne réception de la Remise, le nombre de Titre remis et la valeur des Titres figurant dans la Remise seront validés par la CRT après traitement informatique des Titres remis ; la CRT n'étant pas responsable des Titres qu'à compter de leur réception ; la validation est confirmée par l'émission du règlement du ou des émetteurs des Titres valides décomptés.

En l'état des éléments soumis aux débats, la Cour retient que seule cette version 2010 des CGA est supposée régir les relations entre les parties lors de la remise litigieuse en octobre 2017.

Le déséquilibre significatif de la version 2010 des CGA n'est pas spécialement invoqué par la société RBC Investment pour les écarter. Néanmoins pour résoudre le litige opposant les parties, la Cour fait les observations suivantes :

D'une part, dans la version 2010 des CGA, et à la différence de celles opposées par la société CRT à l'appui de sa pièce n°3 (version 2019) il n'est pas mentionné dans la préparation de la remise l'obligation pour l'Affilié de noter un ou plusieurs numéros de titres pris au hasard dans sa remise renseignée. Il ressort des termes de l'article 3.4 que les « Normes » CRT sont en réalité destinées à faciliter le traitement matériel de la remise pour CRT et qu'à défaut CRT peut facturer des frais supplémentaires, sans qu'il soit précisé que ces exigences conditionnent d'éventuelles investigations en cas de réclamation. D'ailleurs la société CRT n'explique pas en quoi, le relevé de numéros pris au hasard aurait permis d'élucider l'écart du nombre de Titre entre le récépissé et l'avis de règlement. Il en est de même pour le détachement du coin sécable du Titre qui vise à invalider le Titre mais non pas à justifier de sa remise effective.

D'autre part, dans la version 2010 des CGA, et à la différence des stipulations de l'article 7 de la version 2019 des CGA, il n'est pas expressément indiqué que l'Affilié accepte que le remboursement des titres soit fait sur la seule base des informations recueillies par CRT via sa lecture informatique des titres et que cette lecture informatique fait seule foi.

L'article 3.4 de la version 2010 précise seulement que la preuve de dépôt de la partie détachable du bordereau de remise ne peut valoir reçu du nombre de Titre et de leur valeur et que la bonne réception de ces éléments seront validés par la CRT après traitement informatique des Titres remis. Le récépissé (pièce RBC n° 3) indique en outre que « ce récépissé atteste de la réception matérielle d'une remise. Il ne peut constituer une garantie du nombre de titres et du montant mentionnés sur le bordereau. Seul le décompte de la CRT fera foi. Pour toute contestation, il conviendra de fournir le présent récépissé et le talon détachable dûment complété du bordereau de remise correspondant. »

Il ressort de ces éléments que si le récépissé de remise de titre produit aux débats ne permet pas à lui seul de justifier du nombre de Titres effectivement remis, ce document en ce qu'il émane du CRT et s'inscrit dans une procédure de remise organisé par celui-ci rend vraisemblable les informations qu'il comporte, à savoir le nombre de Titres déposés et leur valeur. Ensuite, la Cour constate que dans les échanges courant 2017 qui ont immédiatement suivi la réclamation de la société RBC Investment (pièce RBC n°5), la société CRT ne lui a fourni aucune explication sur l'écart entre la valeur déclarée et le montant effectivement payé pour la remise litigieuse, après avoir dans un premier temps évoqué un problème de chèques volés ou falsifiées (Pièce RBC n°6). Ce n'est que dans le courrier du 14 mai 2019 que la société CRT fait état d'une lecture de seulement 1918 titres pour une valeur de 14 326,70 euros, et évoque une vérification par comptage manuel et une impossibilité d'investigations complémentaires.

Or force est de constater que si la société CRT se retranche derrière son décompte par lecture informatique et de sa vérification par comptage manuel, elle n'en justifie pas.

Comme le relève la société RBC Investment, la société CRT indique dans sa documentation de présentation (pièce n°12) que :

Toutes les remises de Titres, quel que soit leur montant, suivent le même processus de traitement. La capacité de traitement de la CRT Traitement est inégalée et fait d'elle un établissement unique en son genre dans le monde. Toutes les remises de titres sont sécurisées et suivies dès leur réception. Après une préparation minutieuse, les titres sont lus sur des machines de haute technologie et à haute vitesse avec un module d'invalidation exclusif afin de rende le titre inutilisable. Ces machines lisent 90.000 titres à l'heure. Un processus de capture d'images de nouvelle génération a été développé spécialement pour la CRT Traitement et ses volumes. Ce processus facilite la traçabilité, la consultation et l'archivage des titres.

La seule pièce produite aux débats par la société CRT pour justifier de son décompte par lecture informatique est la pièce n° 7 se résumant à un tableau excel dans lequel est seulement renseigné le n° de remise 65237419 et les colonnes valeur faciale, montant payé, quantité payée et corrigée. Les colonnes quantités bordereau et pointage ne sont pas renseignées, de même que ce tableau ne comporte aucun numéro des Titres lus. Ce tableau n'est qu'un retraitement de données, qui ne peut manifestement pas attester d'un comptage informatique du contenu du bordereau de remise et encore moins de la lecture informatique des titres y figurant. La société CRT ne donne aucune explication sur son processus sécurisé de traitement informatique des bordereaux de remise ni d'élément concernant le suivi entre la remise de Titres attestée par le récépissé et le comptage de ceux-ci, ainsi que le processus d'alerte ou de traçabilité lorsque, comme en l'espèce, il existe un écart particulièrement important entre le nombre de titres remis déclaré (3169) et le nombre de titres effectivement réglé (1918).

Aussi, à défaut pour la société CRT de justifier de sa lecture informatique de la remise n° 65237419 effectuée par la société RBC Investment suivant récépissé du 3 octobre 2017, il y a lieu de se référer au décompte et à la valeur des Titres figurant sur celui-ci et faire droit à la demande en paiement de la somme de 10.894,05 euros de la société RBC Investment.

Dès lors que la société RBC Investment n'a obtenu des informations précises sur sa réclamation formulée dès le 23 octobre 2017 que par courrier du 14 mai 2019 de la part de la société CRT, et ce après plusieurs relances et mises en demeure, et compte tenu du sens de la décision rendue, il sera fait droit à la demande de la société RBC Investment de dommages-intérêts pour résistance abusive, limitée à la somme de 1.500 euros.

En conséquence le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la société RBC Investment de l'ensemble de ses demandes et la société CRT sera condamnée à lui payer la somme de 10.894,05 euros au titre de la valeur des titres remis et la somme de 1500 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société RBC Investment aux dépens de première instance et dit que chaque partie supportera les frais irrépétibles qu'elle a encourus.

La société CRT, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société CRT sera déboutée de sa demande et condamnée à payer à la société RBC Investment la somme de 4.000 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société CRT à payer à la société RBC Investment la somme de 10.894,05 euros,

Condamne la société CRT à payer à la société RBC Investment la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Condamne la société CRT aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société CRT à payer à la société RBC Investment la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIERE                             LA PRÉSIDENTE