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CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 1er mars 2023

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 1er mars 2023
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 4
Demande : 21/13085
Décision : 23/49
Date : 1/03/2023
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 16/07/2021
Numéro de la décision : 49
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10248

CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 1er mars 2023 : RG n° 21/13085 ; arrêt n° 49

Publication : Judilibre

 

Extrait : « La Cour rappelle, d'abord, que le contrat de sous-traitance de transport a pour objet de définir les conditions dans lesquelles une personne physique ou morale, l'opérateur de transport, chargée de l'exécution d'opérations de transport, confie, de façon régulière et significative, la réalisation de la totalité ou d'une partie du déplacement de la marchandise, à une autre personne physique ou morale, le transporteur dénommé sous-traitant.

La Cour retient, ensuite, que l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ne s'applique pas dans le cadre des relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, lorsque le contrat-type - qui prévoit la durée des préavis de rupture, institué par la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982, dite LOTI - régit, faute de dispositions contractuelles, les rapports du sous-traitant et de l'opérateur de transport (Cass. com, 4 octobre 2011, pourvoi n° 10-20.240).

Cette interprétation reste inchangée en droit positif, puisque sont sur ce point sans conséquence, les modifications tant législatives (codification de la loi LOTI à l'article L. 1432-4 du code des transports, entrée en vigueur de l'article L. 442-1 du code de commerce) que réglementaires (modifications successives du contrat type de 2003 notamment en 2007, 2017 et 2019 et allongement du délai de préavis, lequel est désormais de quatre mois quand la durée de relation est supérieure à trois ans, auxquels s'ajoute une semaine par année complète de relations commerciales, sans pouvoir excéder une durée maximale de six mois).

En effet, la règle spéciale propre aux transports publics routiers de marchandises dérogeant à la règle générale, cette activité n'est pas soumise aux dispositions de droit commun relatives à la rupture brutale des relations commerciales établies dès qu'un contrat-type trouve à s'appliquer. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 4

ARRÊT DU 1er MARS 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/13085. Arrêt n° 49 (9 pages). N° Portalis 35L7-V-B7F-CEBGI. Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 février 2021 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2020045730.

 

APPELANTE :

SARL RIVIERE PERE ET FILS

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de SAINT PIERRE DE LA REUNION sous le numéro XXX, [Adresse 3], [Adresse 3], [Localité 2], Représentée par Maître Elodie CARPENTIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque PC129, avocat postulant

 

INTIMÉE :

SA CEMENTIS REUNION anciennement dénommée HOLCIM REUNION

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de SAINT DENIS DE LA RÉUNION sous le numéro YYY, [Adresse 4], [Localité 1], Représentée par Maître Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER - MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque P0240 avocat postulant, Assistée de Maître Laétitia RIGAULT, de la SELARL PRAGMA, avocat au barreau de SAINT DENIS DE LA REUNION, avocat plaidant

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de la chambre 5.4, Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre, Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère.

Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE

ARRÊT : - Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de la chambre et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société Rivière Père et Fils (ci-après dénommée la société Rivière) a pour activité le transport public de béton et marchandises diverses et la location de véhicules industriels avec chauffeur. Sa spécificité consiste à livrer du béton prêt à l'emploi avec des camions toupies.

La société Cementis Réunion, anciennement dénommée Holcim Réunion (ci-après dénommée la société Holcim, laquelle n'appartient plus depuis 2020 au groupe Lafarge Holcim) a pour activité la fabrication et la commercialisation de ciments ou de produits se rapportant au ciment ainsi que le transport de béton prêt à l'emploi.

Monsieur Rivière indique avoir été chauffeur poids-lourd depuis 1997 à l'usine de granulats du groupe Holcim située sur l'Ile de La Réunion, activité qu'il a exercé sous couvert de la société Rivière, dont il est gérant.

Les deux sociétés ont signé le 11 octobre 2011 un contrat de location de véhicule industriel avec conducteur pour le transport de béton et/ou de mortier prêts à l'emploi, lequel visait deux camions et trois chauffeurs.

Par lettres en date du 15 octobre 2019, la société Holcim a informé ses partenaires de l'arrêt prochain de l'activité de granulats ainsi que d'une réorganisation de ses activités « béton » et « précontraint », entraînant « de possibles changements en ce qui concerne la logistique ». Elle a annoncé la création de groupes de travail avec l'ensemble des transporteurs, afin de les tenir informés de la situation et recueillir leurs remarques et propositions.

Par LRAR du 26 décembre 2019 mentionnant : « Objet : Fin de contrat, Invitation à l'appel d'offre », la société Holcim a informé la société Rivière de la résiliation anticipée du contrat du 11 octobre 2011 « dans un délai de six mois à compter de la réception du présent courrier » et l'a invitée à soumissionner, au plus tard le 28 février 2020, à l'appel d'offres joint au courrier, ce dont la société Rivière s'est abstenue.

Pendant ce délai de préavis, un certain nombre de transporteurs non concernés par la présente instance ont saisi la société Holcim d'une demande de report de ce délai. L'augmentation d'un mois du préavis, soit jusqu'au 31 juillet 2020, a notamment été accordée à la société Rivière dans le cadre des négociations menées.

Par acte du 23 janvier 2020, 17 transporteurs, dont la société Rivière, ont assigné la société Holcim devant la présidente du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion afin de faire constater un trouble manifestement illicite résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies. L'ordonnance du 29 mai 2020 a dit n'y avoir lieu à référé en considération du délai de préavis donné à l'ensemble des défendeurs, lequel est supérieur à celui convenu dans les stipulations des contrats produits. Par un arrêt du 25 novembre 2020, la cour d'appel de Saint-Denis a infirmé cette ordonnance au motif que les transporteurs s'étaient fondés, pour obtenir les mesures provisoires, sur la violation des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, dont l'application relève de juridictions spécialisées, l'article D. 442-3 attribuant compétence au tribunal de commerce de Paris s'agissant du ressort de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion.

Par acte du 23 octobre 2020, la société Rivière a assigné la société Holcim devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir des dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie.

Le 6 janvier 2021, M. Rivière a parallèlement saisi le conseil des prud'hommes de Saint-Denis aux fins de requalifier la relation contractuelle en contrat de travail et réparer son préjudice en raison d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 15 février 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté la Société Rivière Père et Fils de sa demande au titre d'une rupture brutale de relation commerciale établie ;

- Débouté la Société Rivière Père et Fils de sa demande pour manquement à l'obligation de bonne foi ;

- Débouté la Société Rivière Père et Fils de sa demande pour préjudice moral ;

- Débouté les parties de leurs autres demandes, fins et conclusions ;

- Condamné la Société Rivière Père et Fils au paiement de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la Société Rivière Père et Fils aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA.

Par déclaration reçu au greffe le 16 juillet 2021, la société Rivière a interjeté appel de ce jugement.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 17 octobre 2021, la société Rivière demande à la Cour de :

Vu les dispositions du code de commerce et notamment l'article L. 442-1, II (anciennement L. 442-6-I-5°),

Vu les dispositions du code civil et notamment l'article 1143,

Vu les dispositions du code de procédure civile et notamment les articles 699 et 700,

Vu les pièces produites aux débats, et surtout le courrier de résiliation du 26 décembre 2019 ensemble le socle contractuel,

Vu la jurisprudence en la matière,

- Dire l'appel recevable et bien fondé,

- Infirmer le jugement querellé dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- Constater l'existence les relations commerciales établies qui durent depuis 23 ans,

- Constater que le préavis de 6 mois est délivré le 26 décembre 2019,

- Constater l'état de dépendance économique,

En conséquence,

- Dire le préavis manifestement insuffisant au cas d'espèce,

- Dire la rupture brutale et abusive,

- Condamner la société Holcim Réunion au paiement de la somme de 158.364,00 euros en principal, correspondant à l'indemnité de préavis de 18 mois restant dû, assorti des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande.

Sur le manquement à l'obligation de bonne foi, caractérisé par l'état de dépendance économique :

- Constater l'absence de motif grave ou de manquement contractuel,

- Constater l'exclusivité des relations contractuelles,

- Constater l'état de dépendance économique,

- Constater que la société Holcim Réunion a tenté d'imposer à son cocontractant des nouvelles conditions exorbitantes en raison de sa position dominante,

En conséquence :

- Dire que la société Holcim Réunion a manqué à son obligation de bonne foi,

- Dire que la résiliation abusive assortie d'un appel d'offre est, au cas d'espèce, constitutive d'une violence économique,

- Dire que l'appelante a été placée dans une situation de dépendance économique et que les obligations contenues dans la relation contractuelle ont créées un déséquilibre significatif au détriment de l'appelante,

- Condamner la société Holcim Réunion au paiement de la somme de 178.198,00 euros en réparation de son préjudice matériel et financier,

- Condamner la société Holcim Réunion au paiement de la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Et en tout état de cause,

- Condamner la société Holcim Réunion au paiement de la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 7 mars 2022, la société Holcim demande à la Cour de :

Vu le contrat versé aux débats par l'appelante et signé entre les parties le 11 octobre 2011,

Vu le décret n° 2002-566 du 17 avril 2002 portant approbation du contrat type de location d'un véhicule industriel avec conducteur pour le transport routier de marchandises et la loi d'orientation des transports intérieurs n° 82-1153 du 30 décembre 1982, tels que modifiés,

Vu l'article L. 442-1 du code de commerce et, à titre subsidiaire, l'ancien article L. 442-6-I-5° du même code,

A titre principal :

- Juger que la déclaration d'appel n'est pas de nature à opérer dévolution et qu'elle n'est saisie d'aucune demande,

A titre subsidiaire :

- Juger l'appelante à la présente procédure mal fondée en toutes ses demandes,

- Confirmer la décision déférée rendue par le Tribunal de commerce de Paris le 15 février 2021 en toutes ses dispositions

- Y ajoutant, condamner la Société Rivière Père et Fils à payer à la société Cementis Réunion la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la Société Rivière Père et Fils (SRPF) aux entiers dépens de l'instance.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022.

La Cour renvoie à la décision attaquée et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Sur l'absence alléguée d'effet dévolutif :

Exposé du moyen :

La société Holcim fait valoir que suite à l'appel interjeté par la société Rivière et à défaut de constitution, la déclaration d'appel lui a été signifiée le 1er octobre 2021. Or cette dernière (pièce Holcim n°13) mentionne seulement « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués ». Elle ne sollicite donc ni la réformation ni l'infirmation de la décision de 1e instance, ni ne critique expressément aucun des chefs du jugement, alors que l'article 901 du code de procédure civile le prescrit à peine de nullité. L'intimée en déduit que l'effet dévolutif n'a pas opéré et n'a pas pu être régularisé par des conclusions notifiées au fond. Elle ajoute que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement, à l'exclusion de toute annexe par ailleurs jointe (Civ. 2e, 13 janvier 2022, n° 20-17.516).

 

Réponse de la Cour :

Il est constant qu'au cas présent, la déclaration d'appel remise au greffe et valant demande d'inscription au rôle comporte une annexe de quatre pages comprenant l'indication des chefs du jugement critiqués.

Cette hypothèse est expressément visée par l'article 901 du code de procédure civile depuis le décret du 25 février 2022, lequel est applicable aux instances en cours. En conséquence, même dans l'hypothèse où une irrégularité aurait été précédemment caractérisée, elle ne l'est plus au regard du droit positif.

La circonstance que l'intimée, qui ne s'était pas manifestée suite à l'envoi par le greffe d'un exemplaire de la déclaration d'appel avec l'indication de l'obligation de constituer avocat, se soit ensuite vue signifier par huissier en application de l'article 902 du code de procédure civile une déclaration d'appel dépourvue, semble-t-il, de l'annexe énonçant les dispositions critiquées du jugement, est sans incidence sur l'effet dévolutif de l'appel.

La Cour est donc valablement saisie.

 

Sur le droit applicable à la rupture des relations commerciales établies en matière de transports publics routiers de marchandises :

Il peut être observé qu'à titre liminaire, l'appelante soutient que le tribunal s'est fondé, en violation de l'alinéa 3 de l'article 16 du code de procédure civile, sur décret n° 2017-461 du 31 mars 2017, alors que les écritures des parties n'y faisaient pas référence. Elle ne formule cependant aucune demande en lien, étant rappelé qu'en application de l'article 561 du code de procédure civile, l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel et qu'il est statué à nouveau en fait et en droit.

 

Exposé du moyen :

La société Rivière prétend que la loi LOTI (loi d'orientation des transports intérieurs) n'est pas applicable aux relations entre les parties et que la motivation du jugement attaqué est en conséquence juridiquement infondée. Elle fait valoir que le décret visé dans le contrat litigieux a été abrogé le 19 juin 2014, si bien qu'il ne peut plus s'appliquer. Elle en déduit que la seule règle régissant les relations entre les parties est l'article L. 442-1, II du code de commerce dans sa version du 24 avril 2019, étant rappelé que ce texte est d'ordre public.

La société Rivière considère que le préavis accordé au cas présent est insuffisant en raison de l'ancienneté des relations, de l'impossibilité de se reconvertir avec le matériel existant et de la dépendance économique du fait de l'exclusivité des relations à hauteur de 52,80 % (2018) et de 60,55 % (2015) de ses relations avec Holcim.

La société Holcim répond que le droit commun ne s'applique pas en l'espèce car le secteur du transport terrestre obéit à des usages et/ou des délais légaux spéciaux. Elle ajoute qu'en application de la loi LOTI, à défaut de stipulation contractuelle entre les parties, la durée du préavis est fixée par un contrat type institué par décret. Elle se réfère à un arrêt par lequel la Cour de cassation précise que si les relations sont régies par le contrat-type institué par la loi LOTI, l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce doit être écarté (Com. 19 novembre 2013, pourvoi n°Y 12-26.404) ainsi qu'à un arrêt de la cour d'appel de Paris dans une espèce où le contrat-cadre liant les parties se référait expressément audit contrat type (20 octobre 2016, n°15/02996).

La société Hocim observe aussi que l'usage en cas de rupture est de fixer un préavis de trois mois, comme le confirme l'Institut des usages (pièce Holcim n°1). Elle fait valoir que cette durée est plus spécifiquement retenue comme suffisante pour la rupture d'un contrat de location de véhicule industriel avec chauffeur, pour les contrats conclus avant l'entrée en vigueur du contrat type de 2014, qui lui-même entérine ce préavis maximum de trois mois (CA Paris, 30 juin 2016, n°15/5907). Elle ajoute que le dispositif réglementaire le plus récent (décret n°2017-461 du 31 mars 2017 relatif à l'annexe II à la partie 3 réglementaire du code des transports) fixe un délai de préavis maximum de 6 mois, étant rappelé que 7 mois ont été en l'espèce accordés.

 

Réponse de la Cour :

La Cour rappelle, d'abord, que le contrat de sous-traitance de transport a pour objet de définir les conditions dans lesquelles une personne physique ou morale, l'opérateur de transport, chargée de l'exécution d'opérations de transport, confie, de façon régulière et significative, la réalisation de la totalité ou d'une partie du déplacement de la marchandise, à une autre personne physique ou morale, le transporteur dénommé sous-traitant.

La Cour retient, ensuite, que l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ne s'applique pas dans le cadre des relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, lorsque le contrat-type - qui prévoit la durée des préavis de rupture, institué par la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982, dite LOTI - régit, faute de dispositions contractuelles, les rapports du sous-traitant et de l'opérateur de transport (Cass. com, 4 octobre 2011, pourvoi n° 10-20.240).

Cette interprétation reste inchangée en droit positif, puisque sont sur ce point sans conséquence, les modifications tant législatives (codification de la loi LOTI à l'article L. 1432-4 du code des transports, entrée en vigueur de l'article L. 442-1 du code de commerce) que réglementaires (modifications successives du contrat type de 2003 notamment en 2007, 2017 et 2019 et allongement du délai de préavis, lequel est désormais de quatre mois quand la durée de relation est supérieure à trois ans, auxquels s'ajoute une semaine par année complète de relations commerciales, sans pouvoir excéder une durée maximale de six mois).

En effet, la règle spéciale propre aux transports publics routiers de marchandises dérogeant à la règle générale, cette activité n'est pas soumise aux dispositions de droit commun relatives à la rupture brutale des relations commerciales établies dès qu'un contrat-type trouve à s'appliquer.

En l'espèce, le contrat du 11 octobre 2011 dispose :

« La présente convention est un contrat de location de véhicule industriel avec conducteur soumis aux dispositions du décret n°2002-566 du 17 avril 2002 tel que modifié par le décret n°2007-1226 du 20 août 2007. (…)

Article 11.2 a) : Le présent contrat pourra être résilié par l'une ou l'autre des parties par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis d'un mois quand le temps déjà écoulé depuis le début de l'exécution du contrat n'est pas supérieur à six mois. Le préavis est porté à deux mois quand ce temps est supérieur à six mois et inférieur à un an et il sera de quatre mois pour un temps de un an et plus ».

La Cour constate que les dispositions réglementaires visées dans le contrat portent sur d'autres dispositions que le délai de préavis de rupture et que leur abrogation (suite à l'entrée en vigueur d'un décret substitutif) est, contrairement à ce qui est allégué par l'appelante, sans conséquence sur la solution du litige.

Dans ces circonstances, en premier lieu, la Cour retient, d'une part, que le contrat du 11 octobre 2011 prévoit une durée du préavis de résiliation du contrat de sous-traitance de transport contractuellement convenue et, d'autre part, que cette dernière, si elle était à l'époque plus favorable que le contrat type dont dépendaient alors les professionnels concernés, est devenue moins favorable que celle prévue dans le contrat type le plus récent.

En second lieu, la Cour estime, comme le tribunal, que le préavis de 7 mois consenti en l'espèce ne peut être utilement critiqué, dès lors que ce dernier est supérieur au préavis de 6 mois, lequel est en droit positif (décret n° 2017-461 du 31 mars 2017) le plus favorable accordé à une relation commerciale entre un donneur d'ordre et son transporteur.

Il s'ensuit que le préavis accordé est suffisant et que la responsabilité d'Holcim ne peut être recherchée de ce chef. La décision attaquée est confirmée.

 

Sur les manquements allégués par la société Rivière et les demandes de dommages et intérêts formulées :

Dans la décision attaquée, le tribunal observe que la société Rivière fait valoir que la relation a été résiliée sans motif grave ou inexécution de sa part, qu'Holcim a abusé de sa dépendance économique et a tenté de lui imposer de nouvelles conditions exorbitantes et qu'en exigeant un camion de moins de 12 ans d'âge pour soumissionner, elle a mis à sa charge des obligations contractuelles qui ont créé à son détriment un déséquilibre significatif, le tout constitutif d'une véritable violence économique.

Le tribunal retient, pour débouter la société Rivière, qu'il est constant qu'une partie a toujours la faculté de rompre une relation pourvu que ce ne soit pas fautivement ; que la société Rivière, sur laquelle pèse la charge de la preuve, ne démontre pas en quoi Holcim aurait, au visa de l'article L. 420-2-2° du code de commerce abusé de sa dépendance économique ce qui aurait eu pour conséquence possible d'affecter le fonctionnement de la structure de concurrence ; que la condition posée de détenir un camion de moins de 12 ans d'ancienneté pour soumissionner n'est pas exorbitante et ne peut constituer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties puisque le principe d'un appel d'offres est que celui qui y répond est libre de construire son offre comme il l'entend et donc d'incorporer le coût éventuel d'un renouvellement de son matériel dans le prix qu'il propose ; et qu'enfin la sanction de la violence économique n'est pas l'allocation de dommages intérêts mais la nullité de l'engagement, étant rappelé qu'en l'espèce, aucun engagement n'a été souscrit puisque la société Rivière a choisi de ne pas soumissionner.

 

Exposé du moyen :

Dans ses écritures, la société Rivière prétend que les conditions imposées par Holcim dans le cadre de l'appel d'offres sont aberrantes, en ce qu'elles ont conduit à la proposition de remises croisées, à la disparition du minimum de garantie mensuel et journalier et qu'ellesexigeaient un véhicule de moins de 12 ans, contrairement à l'usage existant depuis des décennies, compte tenu par ailleurs des conditions économiques sur l'Ile de la Réunion, ce qui était de nature à créer un déséquilibre significatif dans les rapports contractuels.

L'appelante allègue par ailleurs d'une dépendance économique, mais sans s'en prévaloir de façon autonome. Elle rappelle à cet égard qu'il s'agit d'un facteur aggravant pouvant conduire à une appréciation plus protectrice de la durée du préavis nécessaire.

La société Holcim répond que le dossier de la société Rivière ne rapporte aucun élément susceptible d'être considéré comme le début d'un commencement de preuve. Elle observe que dans son dispositif, cette dernière évoque la position dominante d'Holcim, mais sans préciser dans ses écritures sur quel marché, et la part d'Hocim Réunion dans le marché considéré, une fois celui-ci déterminé. Elle sollicite la confirmation du jugement.

 

Réponse de la Cour :

Ni la société Rivière, ni la société Hocim, ne versent aux débats l'appel d'offres litigieux, ce qui ne met pas en mesure la Cour d'apprécier le caractère supposément déséquilibré de ce dernier.

La Cour rappelle, d'une part, que ce n'est pas la rupture de la relation commerciale établie qui est sanctionnée, mais la brutalité de celle-ci, en ce qu'elle n'a pas prévenu le partenaire délaissé suffisamment en amont afin que ce dernier puisse anticiper les conséquences de cette rupture et, d'autre part, que la règle spéciale propre aux transports publics routiers de marchandises conduit à fixer des délais de préavis plus courts dans ce domaine, lesquels ne prennent pas en compte l'éventuel état de dépendance économique du transporteur.

La Cour retient qu'il appartenait à la société Rivière de démontrer, puisqu'elle l'allègue, qu'Holcim Réunion a tenté d'imposer à son co-contractant des nouvelles conditions exorbitantes en raison de sa position dominante ; qu'elle a manqué à son obligation de bonne foi et que la résiliation au motif qu'il y aura lieu à un appel d'offre est, au cas d'espèce, consécutive d'une violence économique. Or l'appelante n'assortit ses affirmations d'aucune offre de preuve.

La société Rivière n'établit en conséquence l'existence ni d'un préjudice matériel et financier, d'un préjudice moral. Le jugement attaqué est confirmé.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles d'appel qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits devant la Cour.

La société Rivière sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Rivière, qui succombe en toutes ses prétentions, sera condamnée aux dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 15 février 2021 en ses dispositions qui lui sont soumises ;

Y ajoutant,

Se déclare valablement saisie ;

Condamne la société Rivière Père et Fils à verser à la société Cementis Réunion anciennement dénommée Holcim Réunion la somme supplémentaire de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIERE                             LA PRÉSIDENTE