10410 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 - Loi 20 avril 2018) - Application dans l’espace
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 10410 (13 octobre 2023)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE CIVIL ET EN DROIT COMMUN
SANCTION DIRECTE DES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS - DROIT POSTÉRIEUR À L’ORDONNANCE DU 10 FÉVRIER 2016 – LOI DE RATIFICATION DU 20 AVRIL 2018 : ARTICLE 1171 DU CODE CIVIL
APPLICATION DANS L’ESPACE
Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2023)
Droit applicable : Brexit. Le Règlement (UE) n°1215/2012 du 12 décembre 2012, dit Bruxelles I bis, a cessé de s'appliquer aux relations entre les État-membres et le Royaume-Uni à compter du 1er janvier 2021, date d'effet définitif du Brexit ; à compter de cette date, et donc à la date de la transmission de la demande de remise de l'assignation délivrée à la société danoise, le Royaume-Uni était devenu un Etat-tiers à l'Union Européenne ; l’art. 25 du Règlement précité, concernant les clauses attributives de compétence, n'était donc plus applicable à la clause attributive de compétence litigieuse qui désignait les juridictions du Royaume-Uni. CA Pau (2e ch. sect. 1), 19 janvier 2023 : RG n° 22/00261 ; arrêt n° 23/221 ; Cerclab n° 10048 (litige entre un commerçant français et une société de droit danois exploitant une plate-forme numérique internationale d'hébergement d'avis de consommateurs, permettant à toute personne de déposer et de consulter gratuitement un avis sur une expérience vécue avec une entreprise, et à cette dernière de lui répondre ; clause attributive de compétence au profit des juridictions anglaises et galloises ; N.B. la solution semble discutable, puisque les deux parties étaient membres de l’Union européenne), sur appel de T. com. Bayonne (pdt), 13 janvier 2022 : Dnd.
La convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les accords d'élection de for (ci-après la Convention ») a donc vocation à s'appliquer à cette clause, dès lors que cette convention a été ratifiée : - le 15 juin 2015 par l'Union Européenne, pour le compte des Etats-membres, à l'exception du Danemark, suite à la décision 2014/887/UE - par le Royaume-Uni le 1er avril 2019, avec effet à compter de sa sortie effective de l'Union Européenne - par le Danemark, en 2019. CA Pau (2e ch. sect. 1), 19 janvier 2023 : RG n° 22/00261 ; arrêt n° 23/221 ; Cerclab n° 10048 ; précité.
Loi de police. L’art. 9.2 du règlement (CE) n°593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) énonce que « les dispositions [du règlement] ne pourront porter atteinte à l'application des lois de police du juge saisi » ; « une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un État membre pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d'après le présent règlement » ; en droit, il ne s'évince pas des termes généraux de l'art. 1171 C. civ., la vocation de ce texte à protéger spécialement les intérêts publics de l'Etat sur un champ d'application déterminé, de sorte que cette disposition ne peut être qualifiée de loi de police au sens de l'article 9.1 du règlement (CE) n°593/2008 du 17 juin 2008. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 20 janvier 2023 : RG n° 22/13154 ; Cerclab n° 10061 (action en responsabilité de la titulaire d’un compte Instagram en raison de détournement de contenus et de rupture de son compte ; points n° 21 à 26 ; l’arrêt note aussi au point n° 35, « surabondamment », que le règlement (UE) 2022/1925 du 14 septembre 2022 ne prévoit pas de dérogation ou d'aménagement des règles de prorogation de compétence ou de clause attributive de juridiction telles qu'elles sont régies par les règlements (CE) n°593/2008 du 17 juin 2008 et n°1215/2012 du 12 décembre 2012), confirmant TJ Paris (JME), 7 juillet 2022 : Dnd.
Validité de la clause attributive. Application de la clause attributive de juridiction aux juridictions irlandaises, après refus de qualifier l’art. 1171 C. civ. de loi de police, la preuve qu’une telle clause créerait une disproportion avec l'un ou l'autre des obligations ou des droits réciproques des parties au contrat n’étant pas rapportée (point n° 22), pas plus que celle de sa nullité au regard du droit irlandais. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 20 janvier 2023 : RG n° 22/13154 ; Cerclab n° 10061 ; précité.
L'article 6 a) de la convention de La Haye du 30 juin 2005 précise que tout tribunal d'un Etat contractant autre que celui du tribunal élu sursoit à statuer ou se dessaisit lorsqu'il est saisi d'un litige auquel un accord exclusif d'élection de for s'applique, sauf si l'accord est nul en vertu du droit de l'Etat du tribunal élu ; la nullité de la clause d'élection de for, à laquelle doit être assimilée toute autre sanction de droit interne ayant pour effet de priver la clause de tout effet légal, doit donc, en l'espèce, être examinée selon les règles du droit anglais, la société ayant conclu à la compétence du juge anglais ; dès lors, le moyen tiré du caractère réputé non-écrit de la clause attributive de compétence litigieuse, fondé sur les dispositions du droit interne français de l'art. 1171 C. civ., sanctionnant les clauses insérées dans un contrat d'adhésion créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, n'est donc pas opérant. CA Pau (2e ch. sect. 1), 19 janvier 2023 : RG n° 22/00261 ; arrêt n° 23/221 ; Cerclab n° 10048, sur appel de T. com. Bayonne (pdt), 13 janvier 2022 : Dnd.
Dans l'ordre international, exclusif de toute application de l'art. 48 CPC français, la désignation globale des juridictions d'un État dans une clause attributive de compétence est licite dès lors que le droit interne de cet État permet de déterminer le tribunal spécialement compétent, ce qui n'est pas contesté en l'espèce, de sorte que le moyen tiré de l'imprécision de la clause désignant les juridictions anglaises et galloises sans indication de leur localisation ni de leur nature, n'est pas fondé ; en déclinant la compétence du juge français au profit du juge anglais, la société a respecté les dispositions de l’art. 75 CPC, sans être tenue de désigner spécialement la juridiction anglaise matériellement et territorialement compétente. CA Pau (2e ch. sect. 1), 19 janvier 2023 : RG n° 22/00261 ; arrêt n° 23/221 ; Cerclab n° 10048, sur appel de T. com. Bayonne (pdt), 13 janvier 2022 : Dnd.