CA LYON (3e ch. A), 5 octobre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10435
CA LYON (3e ch. A), 5 octobre 2023 : RG n° 20/07321
Publication : Judilibre
Extrait : « Eu égard aux textes susvisés, il convient de rappeler que la prescription est fixée en son point de départ à la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé, ou à défaut, à la date à laquelle le tableau d'amortissement définitif est remis.
Dans la présente instance, il est relevé que l'offre de prêt n° 081XX13 a été émise le 28 janvier 2010, soit en application des textes, une prescription au 29 janvier 2015.
Les appelants entendent faire valoir qu'ils n'ont pu se rendre compte de l'erreur que lors de la remise du rapport d'expertise privée.
La lecture simple et l'examen de l'offre de prêt permettent de constater l'erreur invoquée par les appelants, sans qu'il ne soit besoin d'avoir recours à une mesure d'expertise privée.
Dès lors, le délai de prescription a commencé à courir dès la remise de l'offre de prêt et a trouvé son terme le 29 janvier 2015. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 5 OCTOBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/07321. N° Portalis DBVX-V-B7E-NJ3Z. Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 16 septembre 2020 : RG n° 2019j967.
APPELANTS :
M. X.
né le [Date naissance 2] à [Localité 7], [Adresse 6], [Localité 4]
Mme X. née Y.
née le [Date naissance 1] à [Localité 8], [Adresse 6], [Localité 4]
Représentés par Maître Géraldine DUSSERRE-ALLUIS, avocat au barreau de LYON, toque : 955, postulant et ayant pour avocat plaidant Maître Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉE :
BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES
à capital variable, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON, sous le numéro XXX, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités de droit audit siège, venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE DU MASSIF CENTRAL, [Adresse 3], [Localité 5], Représentée par Maître Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547, postulant et ayant pour avocat plaidant Maître Prisca WUIBOUT de la SELARL UNITE DE DROIT DES AFFAIRES
Date de clôture de l'instruction : 16 juin 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 juin 2023
Date de mise à disposition : 5 octobre 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Patricia GONZALEZ, présidente, - Marianne LA-MESTA, conseillère, - Aurore JULLIEN, conseillère, assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière. A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt : contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 28 janvier 2010, la Banque populaire du Massif Central (ci-après « la BPMC »), désormais Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes (ci-après « la BPAURA »), a consenti un prêt portant sur un crédit immobilier à Mme X. née Y. et M. X. pour un montant de 127.536,71 euros remboursable en 240 mensualités au taux nominal de 4 % l'an et un TEG de 5,27 % l'an.
Le 3 avril 2013 puis le 7 juillet 2016, deux avenants ont été régularisés portant le taux d'intérêt à 3,7 % l'an puis 1,6 % l'an.
Le 9 septembre 2019, Mme X., née Y., et M. X. ont fait réaliser une analyse financière de leur prêt qui les a conduits à considérer que l'offre de prêt et ses avenants étaient entachés d'irrégularités.
Par acte d'huissier du 2 mai 2019, Mme X., née Y., et M. X. ont assigné la BPAURA devant le tribunal de commerce de Lyon.
Par jugement contradictoire du 16 septembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :
- jugé que l'action de Mme X., née Y., et de M. X. en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels et en déchéance du droit aux intérêts de la BPAURA, venant aux droits de la BPMC, est prescrite,
- jugé que Mme X., née Y., et M. X. sont irrecevables en toutes leurs demandes,
- condamné solidairement Mme X., née Y., et M. X. à payer à la BPAURA, venant aux droits de la BPMC, la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné Mme X., née Y., et M. X. aux entiers dépens de l'instance.
M. et Mme X. ont interjeté appel par acte du 23 décembre 2020.
[*]
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 18 mars 2022 fondées sur les articles 1907, 1147 et 1231 et suivants du code civil et les articles L. 313-1 et suivants, R. 313-1 et suivants et L. 312-33 désormais L. 341-34 du code de la consommation, Mme X., née Y., et M. X. demandent à la cour de :
- déclarer leur appel recevable,
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau, et y ajoutant,
- déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,
- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt 081XX13 qu'ils ont souscrit auprès de la BPAURA venant aux droits de la BPMC,
- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels des avenants au prêt 081XX13 qu'ils ont souscrit auprès de la BPAURA venant aux droits de la BPMC,
en tout état de cause,
- condamner la BPMC à leur restituer le montant des intérêts indûment par l'effet de la pratique du diviseur de 360, soit 5,76 euros,
- condamner la BPAURA, venant aux droits de la BPMC à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle,
- condamner la BPAURA, venant aux droits de la BPMC, à leur payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeter toutes demandes et prétentions contraires de la BPAURA, venant aux droits de la BPMC,
- condamner la société BPAURA, venant aux droits de la BPMC, aux entiers dépens de première instance et d'appel.
[*]
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 28 février 2022 fondées sur l'article L. 313-1 du code de la consommation, la BPAURA, venant aux droits de la BPMC, demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
par conséquent,
à titre principal,
- déclarer l'action engagée par M. et Mme X. prescrite,
à titre subsidiaire,
sur les demandes en nullité et en restitution,
- déclarer l'action engagée par M. et Mme X. irrecevable,
à titre infiniment subsidiaire,
- débouter M. et Mme X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- prendre acte du renoncement de M. et Mme X. à leurs demandes à ce titre aux termes de leurs conclusions déposées le 18 février 2022,
sur les demandes en déchéance,
- déclarer l'action engagée par M. et Mme X. prescrite,
à titre subsidiaire,
- débouter M. et Mme X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
à titre infiniment subsidiaire sur le tout,
- juger que le taux de l'intérêt sera calculé en fonction du taux applicable à chaque période semestrielle,
à titre reconventionnel et en tout état de cause,
- débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes,
- les condamner à lui verser la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les même aux entiers dépens de l'instance.
[*]
La procédure a été clôturée par ordonnance du 16 juin 2022, les débats étant fixés au 29 juin 2023.
Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la prescription :
Les époux X. font valoir sur ce point :
- la recevabilité de leur en action en raison du déséquilibre de droit dans le litige qui oppose des consommateurs à un professionnel établissement de crédit
- l'existence d'une novation du fait de l'avenant, s'agissant d'un nouvel événement contractuel qui a renouvelé la volonté des parties
- la fixation du point de départ de la prescription à la date à laquelle le justiciable a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'agir
- la nécessité d'adopter une interprétation protectrice au profit du consommateur, en application du principe d'effectivité
- l'impossibilité d'avoir connaissance des irrégularités de calcul lors de la signature du contrat de prêt et la connaissance de celles-ci uniquement lors de l'obtention de l'expertise sur le calcul des intérêts
- le droit à l'égalité des armes et auprès équitable en vertu de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et la position favorable de la banque qui bénéficie d'un nouveau point de report de la prescription à chaque impayé, alors que ce n'est pas le cas du consommateur même si des irrégularités sont commises
- l'exécution du contrat de prêt, en cours, qui fait obstacle à la prescription et démontre que la situation n'est pas passée mais relève du présent.
Sur ce point, la BPAURA fait valoir :
- la prescription quinquennale de l'action en déchéance du droit aux intérêts
- la fixation du point de départ de l'action à la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé, ou à la date de l'établissement du tableau d'amortissement définitif dont l'examen permettait de constater l'erreur invoquée par les appelants sachant que l'offre de prêt n°081XX13 a été émise le 28 janvier 2010 soit une prescription au 29 janvier 2015, le tableau d'amortissement définitif ayant été remis dans le délai légal
- à défaut la fixation du point de départ de la prescription à la date du paiement de la première échéance
- le caractère potestatif de la fixation du point de départ de la prescription lors de la remise du rapport d'expertise, ce qui a pour effet de rendre imprescriptible l'action, le rapport produit, établi de manière non contradictoire, datant du 9 septembre 2019 et se fondant sur les offres de prêts et tableaux d'amortissement, alors que la démonstration opérée ne relève d'aucune complexité
- le défaut d'incidence des deux avenants des 3 avril 2013 et 7 juillet 2016 quant à l'acquisition de la date de la prescription
- le caractère indifférent de la prescription de 20 ans prévue à l'article 2232
- la prescription quinquennale des actions fondées sur les clauses abusives.
Sur ce,
L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 1304 alinéa 1 du code civil, dans sa version applicable au litige dispose que dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
L'article L. 110-4 alinéa 1 du code de commerce dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
Eu égard aux textes susvisés, il convient de rappeler que la prescription est fixée en son point de départ à la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé, ou à défaut, à la date à laquelle le tableau d'amortissement définitif est remis.
Dans la présente instance, il est relevé que l'offre de prêt n° 081XX13 a été émise le 28 janvier 2010, soit en application des textes, une prescription au 29 janvier 2015.
Les appelants entendent faire valoir qu'ils n'ont pu se rendre compte de l'erreur que lors de la remise du rapport d'expertise privée.
La lecture simple et l'examen de l'offre de prêt permettent de constater l'erreur invoquée par les appelants, sans qu'il ne soit besoin d'avoir recours à une mesure d'expertise privée.
Dès lors, le délai de prescription a commencé à courir dès la remise de l'offre de prêt et a trouvé son terme le 29 janvier 2015.
Dès lors, le moyen soulevé par M. et Mme X. est dépourvu d'effet, ces derniers ne pouvant faire abstraction de la nature du contrat et de son contenu.
En outre, il ne saurait être fait application des dispositions de l'article 2232 du code civil ne saurait être appliqué en la présente instance comme n'étant pas en vigueur lors de la signature du contrat de crédit.
M. et Mme X. ont entendu faire valoir qu'une novation est intervenue en raison de la signature de deux avenants les 3 avril 2013 et 7 juillet 2016.
Or, la novation est un effet contractuel qui modifie les conditions d'exécution d'un contrat, et affecte l'existence même d'une obligation qui est remplacée par une autre. Elle ne se présume pas et doit résulter sans ambiguïté des faits et actes intervenus entre les parties conformément aux dispositions de l'article 1237 du code civil dans sa version applicable au litige.
En l'espèce, M. et Mme X. ne peuvent valablement prétendre que les avenants au contrat, qui portaient uniquement sur des éléments annexes aux obligations, ont porté novation, les obligations principales du contrat à savoir l'obligation de prêt d'argent contre une obligation de remboursement n'ayant été nullement modifiées, seul un aménagement des montants du remboursement ayant été opéré en raison de la modification du taux d'intérêt.
Dès lors, ce moyen ne saurait prospérer.
Enfin, s'agissant du droit à l'égalité des armes et du droit au procès équitable en application de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et au fait que la banque pourrait bénéficier d'un report de prescription à chaque impayé, alors que les droits des appelants sont limités en cas de difficultés liées à la conclusion même du contrat, M. et Mme X. entendent comparer deux droits sans rapport, ayant chacun un régime propre, de même qu'une prescription propre.
Les appelants ne justifient d'aucune rupture dans leur accès au droit ou bien du non-respect du droit fondamental au procès équitable.
Enfin, il est rappelé que le régime de la prescription, propre à chaque droit, permet d'assurer la stabilité juridique de la situation de chaque partie.
Ce moyen ne pourra qu'être rejeté, n'étant pas de nature à modifier la date d'acquisition de la prescription.
Eu égard à ce qui précède, il convient de déclarer l'intégralité des demandes présentées par M. et Mme X. irrecevables et de confirmer la décision déférée dans son intégralité.
Sur les demandes accessoires :
M. et Mme X. échouant en leurs prétentions, ils seront condamnés à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande d'accorder à la BPAURA une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En conséquence, M. et Mme X. seront condamnés à lui verser la somme de 3.000 euros sur ce fondement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel
Confirme la décision déférée dans son intégralité,
Y ajoutant
Condamne Mme Y. épouse X. et M. X. à supporter les entiers dépens de l'instance d'appel,
Condamne Mme Y. épouse X. et M. X. à payer à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes venant aux droits de la Banque Populaire du Massif Central la somme de 3.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE