CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 18 octobre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10486
CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 18 octobre 2023 : RG n° 22/02884 ; arrêt n° 456/23
Publication : Judilibre
Extrait : « Si, aux termes de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, il n'en demeure pas moins que ces dispositions, relevant des pratiques restrictives de concurrence, n'ont pas été rendues applicables aux organismes et activités bancaires et financiers, l'article L. 511-4 du code monétaire et financier limitant cette extension aux seules pratiques anti-concurrentielles du titre II (voir Com., 15 janvier 2020, pourvoi n° 18-10.512, publié au Bulletin).
Dès lors qu'en l'espèce, est en cause un contrat de financement de stock, dont il n'est pas contesté qu'il a bien été octroyé par un organisme financier, d'ailleurs lié au Crédit Agricole comme cela ressort des pièces versées aux débats, la société L. se bornant, sur ce point, à contester sa propre qualité d'intermédiaire en opération de banque, de sorte que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le surplus de l'argumentation des parties, il convient d'écarter la fin de non-recevoir invoquée par la société L. et de déclarer, en conséquence, la société Consumer recevable en son action, l'ordonnance entreprise devant, ainsi, être infirmée de ce chef.
La cour étant saisie dans les limites de l'appel, portant sur une décision du juge de la mise en état, il ne lui appartient pas de statuer sur le fond du litige, dont l'examen se poursuivra devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1 A 22/02884. Arrêt n° 456/23. N° Portalis DBVW-V-B7G-H4NU. Décision déférée à la Cour : 7 juillet 2022 par le Juge de la mise en état de la chambre commerciale du Tribunal judiciaire de COLMAR.
APPELANTE :
SA CA CONSUMER FINANCE exerçant sous la marque VIAXEL
prise en la personne de son représentant légal, [Adresse 4], [Adresse 4], [Localité 3], Représentée par Maître Guillaume HARTER, avocat à la Cour
INTIMÉE :
SAS K. L. AUTOMOBILE
prise en la personne de son représentant légal, [Adresse 1], [Localité 2], Représentée par Maître Valérie SPIESER, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 juin 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. WALGENWITZ, Président de chambre, M. ROUBLOT, Conseiller, Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'assignation délivrée le 27 août 2021, par laquelle la SA CA Consumer Finance, ci-après également dénommée « la société Consumer » a fait citer la SAS K. L. Automobile, ci-après également dénommée « la société L. » devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar,
Vu l'ordonnance rendue le 7 juillet 2022, à laquelle il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par laquelle le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Colmar, chambre commerciale a :
- déclaré la demande de la SA Consumer Finance exerçant sous la marque Viaxel irrecevable,
- condamné les parties à supporter chacune leurs propres dépens et débouté les parties de leurs demandes respectives en application de l'article 700 du code de procédure civile,
aux motifs, notamment, que la juridiction se trouvait privée du pouvoir juridictionnel de statuer sur l'ensemble du litige, alors que la SAS K. L. Automobile entendait mettre en cause sur demande reconventionnelle la responsabilité de la SA Consumer Finance sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce.
Vu la déclaration d'appel formée par la SA CA Consumer Finance contre cette ordonnance, et déposée le 22 juillet 2022,
Vu l'ordonnance du 1er septembre 2022 autorisant l'assignation à jour fixe par la partie appelante à l'audience du 7 décembre 2022, et l'assignation délivrée à la partie intimée le 6 septembre 2022,
Vu la constitution d'intimée de la SAS K. L. Automobile en date du 5 décembre 2022,
[*]
Vu les dernières conclusions en date du 8 juin 2023, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SA Consumer Finance demande à la cour de :
« Voir déclarer CA Consumer Finance recevable et bien fondée en sa demande ainsi qu'en les présentes conclusions ;
Vu les articles 795 alinéa 3 et 4, 83 et 90 alinéa 2 et l'article 568 du Code de Procédure civile, les articles L. 442-1 et suivants du Code de Commerce invoqués par la société K. L. Automobile, l'arrêt rendu le 15 janvier 2020 par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation (n°18-10512), les articles 1103, 1231 et 1231-1 du Code civil, les pièces versées au débat et notamment les « contrat cadre - conditions générales » et contrat de financement « concours stock » du 26 novembre 2018 ainsi que la lettre de change établie le 23 novembre 2018 :
- Infirmer l'ordonnance rendue par Madame le Juge de la Mise en Etat de la Chambre Commerciale du Tribunal Judiciaire de Colmar le 7 juillet 2022, et annuler celle-ci en ce qu'elle a statué dans cadre d'une fin de non-recevoir sur la compétence :
- en déclarant irrecevable la demande de la SA CA Consumer Finance exerçant sous la marque Viaxel,
- la condamnant à supporter ses propres dépens,
- la déboutant de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Statuant à nouveau par voie d'évocation :
- Juger pleinement recevable l'action introduite par CA Consumer Finance visant à obtenir paiement de sa créance ;
- Condamner la société K. L. Automobile à payer à CA Consumer Finance la somme de 111.962,41€ (cent onze mille neuf cent soixante-deux euros et quarante et un centimes) avec intérêts au taux contractuel de 3 % l'an à compter du 30 octobre 2020 jusqu'à complet règlement ;
- Condamner la société K. L. Automobile à payer la somme de 3.000 € (trois mille euros) à CA Consumer Finance en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile
- Condamner la société K. L. Automobile aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel',
et ce, en invoquant, notamment :
- à titre principal, l'inapplication des articles L. 442-1 et suivants du code de commerce invoqués par la société K. L. Automobile au litige, dès lors que serait en cause une opération de crédit, mise en œuvre par un établissement financier,
- un engagement « d'apport de production » à la charge de la société K. L. Automobile, en sa qualité « d'intermédiaire en opération de banque » constituant une cause déterminante du crédit accordé à cette dernière aux termes de l'engagement « concours stocks » souscrit par les parties, tout renouvellement éventuel de ce financement auprès de la concluante donnant lieu à une étude approfondie à laquelle cette dernière était en droit de donner la suite qu'elle estimait opportune,
- le non-renouvellement, en raison du volume de production insuffisant par rapport aux objectifs contractuels, du contrat « concours stocks » consenti à la société K. L. Automobile, qui ne disposait d'aucun droit à renouvellement de ce contrat à durée déterminée, les affirmations adverses quant aux causes de la rupture du contrat étant contestées, et ce alors que la concluante disposait du droit de refuser les prêts que lui proposait la société L. au bénéfice de ses clients,
- le caractère « non potestatif » de la condition relative à l'engagement d'apport de production souscrit par la société K. L. Automobile, dès lors que la reconduction éventuelle du contrat en cause, exécuté en toute connaissance de cause, dépendrait avant tout du nombre d'engagements de candidats emprunteurs présenté au « Financier » par la société L., dont la concluante serait en droit d'apprécier la situation et de contrôler l'aptitude à procéder au remboursement des sommes avancées, référence étant faite à l'argumentation retenue dans une décision du juge de l'exécution rendue entre les parties, sur demande visant à la rétractation d'une ordonnance de saisie,
- la demande que la cour se prononce sur l'ensemble du litige l'opposant à K. L. Automobiles en vue de mettre fin à celui-ci, en application de l'article 568 du code de procédure civile.
[*]
Vu les dernières conclusions en date du 6 décembre 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SAS K. L. Automobile demande à la cour de :
« DÉCLARER la SA CA Consumer Finance mal fondée en son appel
LE REJETER
CONFIRMER la décision entreprise
REJETER la demande d'évocation
Très très subsidiairement s'il était fait droit à cette demande il conviendrait de ré-ouvrir les débats et d'inviter la concluante à conclure au fond
CONDAMNER la SA CONSUMER FINANCE aux entiers dépens de l'instance et à payer à la société concluante la somme de 2000 euros par application de l'article 700 du CPC »,
et ce, en invoquant, notamment :
- l'application des articles L. 442-1 et suivants du code de commerce, en présence d'un contrat qui se serait poursuivi après son échéance et aurait été rompu sans préavis raisonnable, et ce sur le fondement d'une obligation conditionnelle à caractère potestatif, car dépendant de la seule volonté du débiteur de l'obligation de financement, alors que serait en cause une ouverture de crédit, sans condition liée au profil des clients, à laquelle aurait pourtant eu recours la société Consumer,
- l'impossibilité d'évoquer le dossier au fond, la cour étant limitée par la compétence du juge de la mise en état.
[*]
Vu le renvoi de l'affaire à la demande de la partie appelante et les débats à l'audience du 26 juin 2022,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la demande principale :
Tout d'abord, la cour observe que si la société Consumer apparaît poursuivre l'annulation de la décision entreprise 'en ce qu'elle a statué dans cadre d'une fin de non-recevoir sur la compétence', elle n'explique pourtant pas en quoi cette décision encourrait, le cas échéant, l'annulation, alors même que le juge de la mise en état, saisi par la partie défenderesse d'une demande d'irrecevabilité et à titre subsidiaire de renvoi de l'affaire devant le tribunal de commerce de Nancy, a déclaré la demande de la SA CA Consumer France irrecevable, statuant ainsi dans le cadre de sa saisine, alors que les dispositions invoquées des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce sont sanctionnées par l'irrecevabilité des demandes, et à l'issue d'un débat contradictoire entre les parties.
Par ailleurs, la société Consumer entend invoquer l'inapplicabilité au litige des dispositions précitées du code de commerce, dont ne relèverait pas l'activité en cause exercée dans le cadre d'opérations financières, et contester l'argumentation adverse quant à l'existence d'une rupture 'brutale et abusive ' et l'obligation conditionnelle, constitutive, pour la société L., d'une condition potestative, et susceptible de créer un déséquilibre entre les droits et obligations des parties, de réaliser un volume de production suffisant dépendant de la volonté de CA Consumer Finance, qui accepte ou refuse les dossiers de financement, et ce alors que pour l'appelante, aux termes des dispositions contractuelles, la société L. était investie comme intermédiaire en opérations de banque, dont l'engagement « d'apport de production » constituerait une cause déterminante du crédit accordé à cette dernière aux termes de l'engagement « concours stocks » souscrit par les parties, tout renouvellement éventuel de ce financement auprès de CA Consumer Finance devant donner lieu à une étude approfondie à laquelle cette dernière était en droit de donner la suite qu'elle estimait opportune. Elle ajoute que la société L. n'aurait bénéficié d'aucun droit à renouvellement de l'engagement stock à son arrivée à expiration, en l'absence de réalisation de « l'objectif de production » contractuellement prévu et de respect des termes de son obligation de rembourser les véhicules financés par CA Consumer Finance dans les conditions stipulées au contrat, là où la société L. invoque une poursuite du contrat au-delà du terme prévu, suivie d'une rupture sans préavis.
Sur ce, la cour rappelle que les parties étaient liées par un « contrat cadre » en date du 26 novembre 2018, la société Consumer ayant, par acte signé de cette même date, consenti à la SAS K. L. Automobile un « concours stocks » pour un montant en principal de 150.000 euros avec intérêts de 3 % l'an, utilisable par fractions et reconstituable « au fur et à mesure des remboursements » effectués sur chacun des véhicules financés, la durée de validité de ce contrat de crédit, dont le remboursement était garanti par une lettre de change, étant fixée au 30 novembre 2019, et la société L. s'engageant, en contrepartie de cette avance de trésorerie, à réaliser un « objectif annuel de production » de 650.000 euros, pour la période du « 1/03/2018 au 28/02/2019 », soit à atteindre un volume de financements souscrits par sa clientèle auprès de CA Consumer Finance à hauteur de ce montant.
Si, aux termes de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, il n'en demeure pas moins que ces dispositions, relevant des pratiques restrictives de concurrence, n'ont pas été rendues applicables aux organismes et activités bancaires et financiers, l'article L. 511-4 du code monétaire et financier limitant cette extension aux seules pratiques anti-concurrentielles du titre II (voir Com., 15 janvier 2020, pourvoi n° 18-10.512, publié au Bulletin).
Dès lors qu'en l'espèce, est en cause un contrat de financement de stock, dont il n'est pas contesté qu'il a bien été octroyé par un organisme financier, d'ailleurs lié au Crédit Agricole comme cela ressort des pièces versées aux débats, la société L. se bornant, sur ce point, à contester sa propre qualité d'intermédiaire en opération de banque, de sorte que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le surplus de l'argumentation des parties, il convient d'écarter la fin de non-recevoir invoquée par la société L. et de déclarer, en conséquence, la société Consumer recevable en son action, l'ordonnance entreprise devant, ainsi, être infirmée de ce chef.
La cour étant saisie dans les limites de l'appel, portant sur une décision du juge de la mise en état, il ne lui appartient pas de statuer sur le fond du litige, dont l'examen se poursuivra devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La société L. succombant pour l'essentiel sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, sans qu'il n'y ait lieu, en outre, à infirmer l'ordonnance entreprise sur ce point.
L'équité commande en outre de mettre à la charge de la société L., au titre de la première instance et de l'appel, une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2.000 euros au profit de la société Consumer, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière, tout en confirmant les dispositions de la décision déférée de ce chef.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme l'ordonnance rendue le 7 juillet 2022 par le juge de la mise en état de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar, en ce qu'elle a déclaré la demande de la SA CA Consumer Finance exerçant sous la marque Viaxel irrecevable,
Confirme l'ordonnance entreprise pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs de demande infirmés et y ajoutant,
Déclare l'action de la SA CA Consumer Finance exerçant sous la marque Viaxel recevable,
Dit que l'instance au fond se poursuivra devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar,
Condamne la SAS K. L. Automobile aux dépens de l'appel,
Condamne la SAS K. L. Automobile à payer, au titre de la procédure d'appel, à la SA CA Consumer Finance exerçant sous la marque Viaxel la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SAS K. L. Automobile.
La Greffière : le Président :