CA PAU (1re ch.), 24 octobre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10493
CA PAU (1re ch.), 24 octobre 2023 : RG n° 22/01038 ; arrêt n° 23/03466
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « En l'espèce, le contrat d'assurance souscrit couvre un risque limité à des sinistres survenant en France, et il est souscrit par des assurés ayant leur résidence habituelle en Allemagne. Les sous-paragraphes a) et le b) du texte précité sont applicables, les parties bénéficiaient donc du choix entre la loi française ou loi allemande.
Le contrat souscrit désigne la loi allemande comme loi applicable au contrat dans sa dans la section XI 1, cette disposition ne contrevient pas au traité Rome 1, et il convient donc d'appliquer la loi allemande au litige, étant rappelé que la compétence du juge français n'est pas discutée. »
2/ « La SA Hiscox oppose également à ses assurés l'article 23 de la même loi auquel l'article 24 fait d'ailleurs référence, selon lequel : « § 23 Augmentation du risque : (1) Après l'émission de sa déclaration de conclure le contrat, le preneur d'assurance ne doit pas procéder à une augmentation du risque sans l'accord de l'assureur ou permettre à un tiers de le faire.
(2) Si le preneur d'assurance s'aperçoit ultérieurement qu'il a procédé ou permis une aggravation du risque sans l'accord de l'assureur, il doit immédiatement déclarer l'aggravation du risque à l'assureur.
(3) Si une aggravation du risque survient indépendamment de la volonté du preneur d'assurance après la remise de sa déclaration de contrat, il doit déclarer immédiatement l'aggravation du risque à l'assureur après en avoir pris connaissance. »
Les clauses contractuelles reprennent ces dispositions, que ce soit dans la police mise à jour en 2017 dans des conditions d'opposabilité discutées par les assurés, ou par les conditions en vigueur en 2008 auxquelles ils ont pleinement adhéré, précisant :
- qu'il y a augmentation du risque lorsqu'un bâtiment ou la majeure partie d'un bâtiment n'est plus utilisé (point IV.2), ce qui est conforme à la loi VVG,
- que l'assureur est libéré de l'obligation de fournir une prestation, si le sinistre survient après que l'assuré a permis une augmentation risque ou s'il a augmenté le risque et s'il a manqué à son obligation de manière intentionnelle ; qu'en cas de négligence grave, l'assureur peut réduire sa prestation proportionnellement à la gravité de sa faute, et que l'assuré supporte la charge de la preuve de l'absence de négligence grave (point IV.5)
Cette dernière clause aggrave la situation de l'assuré par rapport à la loi allemande, il faut donc en examiner la compatibilité avec cette loi puisque le juge français est tenu en l'espèce d'appliquer le droit allemand dans son intégralité.
Or, celui-ci protège le consommateur de clauses qui le désavantagent excessivement, comme il existe en droit français un contrôle des clauses abusives. Ainsi l'article 307 du BGB dispose : […] En français (traduction libre par internet) : […]
« Code civil allemand (BGB)
Section 307 Contrôle du contenu
(1) Les dispositions des conditions générales sont invalides si elles désavantagent de manière déraisonnable le partenaire contractuel de l'utilisateur contrairement aux exigences de bonne foi. Une discrimination déraisonnable peut également résulter du fait que la disposition n'est pas claire et compréhensible.
2) En cas de doute, un désavantage déraisonnable doit être présumé si une disposition
1. est incompatible avec les idées fondamentales essentielles de la disposition légale à partir de laquelle il est dérogé, ou
2. restreint les droits ou obligations essentiels découlant de la nature du contrat de telle manière que la réalisation de l'objet du contrat soit compromise.
(3) Les paragraphes (1) et (2) ainsi que les articles 308 et 309 ne s'appliquent qu'aux dispositions des conditions générales par lesquelles des dispositions dérogeant ou complétant des dispositions légales sont convenues. D'autres dispositions peuvent être invalides conformément à la phrase 2 du paragraphe 1 en liaison avec la phrase 1 du paragraphe 1. »
En l'espèce la cour considère que la clause contractuelle en vigueur en 2008 excluant la garantie de l'assureur au point IV.5 en cas de « négligence grave » sans donner une définition précise de celle-ci et surtout en faisant peser sur l'assuré la preuve d'un fait négatif, à savoir son absence de négligence grave, créé un désavantage déraisonnable au détriment de l'assuré en ce qu'il restreint les droits ou obligations essentiels découlant de la nature du contrat de telle manière que la réalisation de l'objet du contrat soit compromise, au sens de l'article 307 du BGB.
La SA Hiscox, qui assure un bien immobilier constituant depuis l'origine une résidence secondaire en France, par définition inoccupée une grande partie de l'année par ses propriétaires allemands, ne peut donc appliquer à ses assurés une clause contractuelle qui permettrait de présumer leur négligence grave exclusive de toute garantie dès lors que le bien resterait inoccupé.
Ainsi, la cour juge que la SA Hiscox doit sa garantie aux consorts X. : le sinistre correspond au risque assuré, et a été déclaré dans les délais contractuels alors que le contrat était en vigueur. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PAU
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/01038. Arrêt n° 23/03466. N° Portalis DBVV-V-B7G-IFVH. Nature affaire : Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance de dommages.
ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 24 octobre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
APRÈS DÉBATS à l'audience publique tenue le 12 septembre 2023, devant : Madame FAURE, Présidente, Madame BLANCHARD, Conseillère, magistrate chargée du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame REHM, Magistrate honoraire, assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SA HISCOX, Niederlassung für Deutschland
société au capital social de XXX EUR (quarante-huit millions sept cent trente mille euros), succursale indépendante de la HISCOX SA dont le siège social est sis à [Adresse 1], [Localité 9] (Grand-Duché de Luxembourg), immatriculée au registre de commerce et des sociétés de LUXEMOURG sous le numéro YYY, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés du tribunal d'instance de MUNICH (Allemagne) sous le numéro HRB ZZZ, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, audit siège, [Adresse 3], [Localité 2] (ALLEMAGNE), Représentée par Maître LAGARDE, avocat au barreau de PAU, Assistée de Maître BAYER, avocat au barreau de BERLIN et de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur W. X.
né le [date] à [Localité 10] (Allemagne), de nationalité Allemande, [Adresse 8], [Localité 6] (ALLEMAGNE)
Monsieur R. X.
né le [date] à [Localité 10] (Allemagne), de nationalité Allemande, [Adresse 8], [Localité 6] (ALLEMAGNE)
Madame Y. épouse X. X.
née le [date] à [Localité 12] (Allemagne), de nationalité Allemande, [Adresse 8], [Localité 6] (ALLEMAGNE)
Représentés par Maître CREPIN de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de PAU, Assistés de la SCP LIENHARD & PETITOT, avocats au barreau de STRASBOURG
sur appel de la décision en date du 21 SEPTEMBRE 2021 rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU : RG numéro : 20/02040
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. X. X. et Mme X. ont acquis le 30 juillet 1996, selon acte notarié reçu en l'étude de Maître Z., notaire à [Localité 13] (département), une résidence secondaire située sur la commune d'[Localité 11], [Adresse 14], connue sous le nom « [Adresse 5] » consistant en une maison d'habitation, une maison de colon, des bâtiments d'exploitation, des terres de diverses natures, pour une contenance de plus de 3 hectares.
M. X. X. est décédé le 22 novembre 2017 laissant, selon certificat d'hérédité du tribunal d'instance de Bonn du 9 octobre 2018, son épouse Mme X., pour moitié, et ses deux enfants R. et W., pour un quart chacun héritiers.
Les consorts X. résident à titre habituel en Allemagne.
Les terres agricoles ont été données en exploitation à M. V. qui, lors de l'absence des époux X., devait surveiller l'immeuble.
Dans le courant de l'année 2018, l'immeuble a été saccagé par des tiers qui ont pénétré dans les lieux par effraction.
Sur demande des consorts X., Maître A., huissier de justice, a dressé un procès-verbal de constat des dégâts le 27 juin 2018.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 juin 2018, les consorts X. ont procédé à la déclaration du sinistre auprès de leur compagnie d'assurances Hiscox Versicherung à [Localité 2].
Celle-ci a mandaté un expert en France : le Cabinet Sedgwick France, aux fins d'organiser une expertise contradictoire sur l'immeuble en accord avec les consorts X. et leur conseil.
L'expert a convoqué les parties pour la visite des lieux le 29 août 2019.
L'expert mandaté par la compagnie Hiscox assurances a déposé son rapport contradictoire le 6 novembre 2019 en indiquant « ce constat ne tient pas compte d'autres pathologies constructives importantes qui affectent également le bien assuré » ;
Il a chiffré les travaux de remise en état comprenant le lot menuiserie-vitrerie, le lot plomberie-sanitaire-chauffage, le lot électricité, le lot maçonnerie-plâtrerie, le lot peinture papiers-peints, le lot démolition déblai-nettoyage, pour un montant total de 280.451,60 euros.
Par lettre du 2 janvier 2020, le conseil de la Compagnie Hiscox a proposé une indemnité de 10.000 euros pour solde de tout compte.
Les consorts X. ont refusé cette offre.
Par acte d'huissier traduit en langue allemande délivré le 23 octobre 2020, et signifié par dépôt dans la boîte aux lettres des locaux commerciaux de ladite compagnie, M. X., M. R. X., et Mme Y. épouse X. ont fait assigner la compagnie d'assurances Hiscox Europe (« Versicherungsgesellschaft Hiscox Europe »), devant le tribunal judiciaire de Pau, sur le fondement de l'article 1104 du code civil, aux fins de voir :
- condamner la compagnie Hiscox assurances Europe à indemniser les consorts X. du préjudice résultant du sinistre subi dans leur immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 11],
- condamner la compagnie Hiscox assurances Europe à payer aux consorts X. une somme de 280.451,60 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2019,
- condamner la compagnie Hiscox assurances Europe à payer aux consorts X. une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner aux entiers frais et dépens,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Suivant jugement réputé contradictoire du 21 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Pau a :
- condamné la compagnie Hiscox assurances Europe à indemniser les consorts X. du préjudice résultant du sinistre subi dans leur immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 11],
- condamné la compagnie Hiscox assurances Europe à payer aux consorts X. une somme de 280.451,60 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter 6 novembre 2019,
- rejeté les autres demandes,
- condamné la compagnie Hiscox assurances Europe à payer aux consorts X. une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la compagnie Hiscox assurances Europe aux entiers dépens.
Le premier juge a retenu que la compagnie d'assurance, défaillante, devait sa garantie aux consorts X., garantie qu'elle ne contestait pas puisqu'elle avait fait une proposition d'indemnisation à hauteur de 10.000 € ; il a donc condamné la compagnie Hiscox Assurances Europe à régler aux consorts X. une indemnité correspondant aux frais de remise en état chiffrés lors de l'expertise.
La SA Hiscox a relevé appel par déclaration du 13 avril 2022, critiquant le jugement dans l'ensemble de ses dispositions.
[*]
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 7 septembre 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la société Hiscox SA, appelante, au visa du règlement n° 593/2008 du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008, des articles 23, 24 et 26 VVG et des articles 538, 543, 546, 561, 562, 565, 644, 901 et suivants, 908, 954 du code de procédure civile, demande à la cour :
- d'infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Pau en date du 21 septembre 2021 en ce qu'il a :
- condamné la compagnie Hiscox assurances Europe à indemniser les consorts X. du préjudice résultant du sinistre subi dans leur immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 11] ;
- condamné la compagnie Hiscox assurances Europe à payer aux consorts X. une somme de 280.451,60 euros augmentés des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2019,
- condamné la compagnie Hiscox assurances Europe à payer aux consorts X. une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la compagnie Hiscox assurances Europe aux entiers frais et dépens ;
et par conséquent,
- rejeter toutes les demandes des consorts X. : X., R. X. et Y., épouse X.,
- condamner les consorts X. : X., R. X. et Y., épouse X., à payer une indemnité de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la société Hiscox SA, Niederlassung für Deutschland,
- condamner les consorts X. : X., R. X. et Y., épouse X. aux dépens.
La SA Hiscox fait valoir :
- que la société Hiscox Assurances Europe en tant que telle n'existe pas, de sorte que c'est à tort que les consorts X. ont assigné cette société puis obtenu sa condamnation ;
- qu'il résulte des documents contractuels que l'assureur de l'immeuble est 'HISCOX INSURANCE COMPANY LIMITED NIEDERLASSUNG FÜR DEUTSCHLAND' dont le mandataire est « HISCOX UNDERWRITING EUROPE LTD Zweigniederlassung für die Bundesrepublik Deutschland », sans démontrer une quelconque faute du mandataire dans l'exercice du mandat ;
- qu'il convient en l'espèce de faire application de l'article 7 du règlement « Rome 1 » et des dispositions contractuelles conduisant à retenir la loi allemande comme loi applicable au contrat, même si les dispositions du règlement « Bruxelles 1 bis » permettaient au tribunal judiciaire de Pau de statuer puisqu'il s'agit de la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ;
- que les clauses contractuelles (conditions « mundial-by-hiscox 06/2017 ») sont applicables même si elles ont évolué depuis la signature du contrat en 2013 et même si les consorts X. ne les ont pas signées, car elles font corps avec le contrat initial tacitement reconduit chaque année et sont mentionnées sur les avis d'échéance, la loi allemande n'exigeant pas de formalité supplémentaire à la rencontre de volonté des parties contrairement à la loi française ;
- que ces conditions stipulent au point VI. 2. sur la page 18 des dispositions générales mundial-by-hiscox qu'en cas d'aggravation du risque par l'assuré, notamment en cas d'inutilisation de l'immeuble, l'assureur peut résilier sa garantie, ou refuser celle-ci partiellement en proportion de la faute de l'assuré ou totalement ; or en l'espèce il ressort des investigations policières que le bien était inoccupé depuis de nombreuses années, et en état de délabrement important ce qui exclut une occupation des lieux jusqu'en 2017 comme le déclarent les consorts X. ; il s'agit d'une aggravation du risque non signalé à l'assureur par les assurés ;
- que de plus, les consorts X. ont fait preuve d'une grossière légèreté en assignant une société Hiscox Europe qui n'existe pas, de sorte que la garantie doit également leur être refusée.
[*]
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 4 septembre 2023, auxquelles il est expressément fait référence, Mme X. née Y., M. X. et M. R. X., intimés, demandent à la cour de :
- constater que la compagnie Hiscox SA Niederlassung für Deutschland Société au capital de 48.730.000 euros, succursale indépendante de la HISCOX SA inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le n° B YYY dont le siège social est [Adresse 1] à [Localité 9] (Grand Duché du Luxembourg) prise en sa succursale inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de München sous le n° HRB ZZZ dont le siège est [Adresse 3] à [Localité 7] est venue aux droits de la Société Hiscox assurance,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Pau du 21 septembre 2021 en toutes ses dispositions, sauf à substituer la compagnie Hiscox SA Niederlassung für Deutschland à la compagnie d'assurances Hiscox Europe ;
en conséquence,
- condamner la compagnie Hiscox SA Niederlassung für Deutschland à indemniser les consorts X. du préjudice résultant du sinistre subi dans leur immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 11],
- condamner la compagnie Hiscox SA Niederlassung für Deutschland à payer aux consorts X. une somme de 280.451,60 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter 6 novembre 2019,
- rejeter les autres demandes,
- condamner la compagnie Hiscox SA Niederlassung für Deutschland à payer aux consorts X. une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la compagnie Hiscox SA Niederlassung für Deutschland aux entiers dépens ;
y ajoutant,
- condamner la compagnie Hiscox SA Niederlassung für Deutschland à payer aux consorts X. une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel.
Les intimés font valoir :
- que la compagnie d'assurances Hiscox est une compagnie de droit anglais, ayant son siège social à Londres, et a été assignée par les consorts X. comme étant prise en son établissement secondaire situé [Adresse 3], à [Localité 2],
- que la SA Hiscox a relevé appel par l'intermédiaire de cet établissement secondaire ;
- que le contrat d'assurance mentionne d'ailleurs Hiscox Europe comme établissement de la compagnie Hiscox sise à Londres ;
- qu'en outre Hiscox SA a fait diligenter une expertise ;
- qu'en tout état de cause, Hiscox SA est intervenue volontairement à l'instance ce qui régularise la procédure sinon elle n'aurait aucun intérêt à agir ;
- que les dispositions de l'article 1104 du code civil sont d'ordre public, et qu'il n'y a pas lieu d'appliquer le droit allemand ;
- que l'immeuble assuré n'était nullement abandonné : il était surveillé par M. V., exploitant agricole auquel ont d'ailleurs été cédées les terres jouxtant l'immeuble en 2023 ; les fissures sont apparues dans l'immeuble non pas en raison de son abandon mais en raison de la sécheresse de 2022 ;
- que les conditions contractuelles de 2017 dont se prévaut l'appelante sont inopposables aux intimés, lesquels ont signé le contrat en 2013 ;
- qu'en tout état de cause l'assureur ne peut se prévaloir de son droit de résiliation faute d'avoir exercé celui-ci dans le délai maximal d'un mois à compter de la déclaration du sinistre, effectuée le 22 juin 2018, la lettre de résiliation étant du 24 septembre 2018.
[*]
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 septembre 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Il existe entre les parties un débat préalable sur la possibilité pour les consorts X. d'assigner et voir condamner Hiscox Europe qui « n'existerait pas » selon l'appelante ; or ce débat est vain faute de respecter les formes procédurales applicables à la fin non-recevoir tirée du défaut de qualité ou de pouvoir de l'une des parties mises en cause, dans la mesure où l'appelante ne soulève aucune irrecevabilité des demandes formulées à son encontre et ne conclut qu'au débouté ce qui suppose un examen au fond par la cour.
Il n'est pas davantage formé d'appel-nullité du jugement pour avoir condamné une « partie inexistante » comme le soutient l'appelante.
Surabondamment, il est constaté que la compagnie d'assurances Hiscox Europe (en allemand « Versicherungsgesellschaft Hiscox Europe ») est un établissement secondaire de Hiscox SA situé à [Localité 2], et a bien reçu l'assignation dans sa boîte au 31 Arnulstrasse, elle est expressément désignée par le contrat (§ « interlocuteurs », section XII 3) comme le gestionnaire des contrats ; enfin la SA Hiscox est intervenue volontairement aux débats après avoir fait diligenter une expertise et proposé une indemnité transactionnelle aux consorts X.
Il sera donc constaté que la compagnie Hiscox SA Niederlassung für Deutschland, succursale indépendante de la société HISCOX SA inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le n° B YYY dont le siège social est [Adresse 1] à [Localité 9] (Grand Duché du Luxembourg) prise en sa succursale inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de München sous le n° HRB ZZZ dont le siège est [Adresse 3] à [Localité 7] est venue aux droits de la Société Hiscox assurances Europe.
Sur la loi applicable au contrat conclu entre les parties :
Il résulte du § 3 de l'article 7 du traité dit « Rome 1 » que :
« Dans le cas d'un contrat d'assurance autre qu'un contrat relevant du paragraphe 2 (NB : contrat couvrant les « grands risques »), les parties peuvent uniquement choisir comme loi applicable conformément à l'article 3 :
a) la loi de tout État membre où le risque est situé au moment de la conclusion du contrat ;
b) la loi du pays dans lequel le preneur d'assurance a sa résidence habituelle ;
c) dans le cas d'un contrat d'assurance vie, la loi de l'État membre dont le preneur d'assurance est ressortissant ;
d) dans le cas d'un contrat d'assurance couvrant des risques limités à des sinistres survenant dans un État membre autre que celui où le risque est situé, la loi de l'État membre de survenance ;
e) lorsque le titulaire d'un contrat d'assurance relevant du présent paragraphe exerce une activité commerciale, industrielle ou libérale et que le contrat d'assurance couvre deux ou plusieurs risques relatifs à ces activités et situés dans différents États membres, la loi de l'un des États membres concernés ou la loi du pays de résidence habituelle du preneur d'assurance.
Lorsque, dans les cas visés aux points a), b) ou e), les États membres mentionnés accordent une plus large liberté de choix de la loi applicable au contrat d'assurance, les parties peuvent faire usage de cette liberté. »
En l'espèce, le contrat d'assurance souscrit couvre un risque limité à des sinistres survenant en France, et il est souscrit par des assurés ayant leur résidence habituelle en Allemagne.
Les sous-paragraphes a) et le b) du texte précité sont applicables, les parties bénéficiaient donc du choix entre la loi française ou loi allemande.
Le contrat souscrit désigne la loi allemande comme loi applicable au contrat dans sa dans la section XI 1, cette disposition ne contrevient pas au traité Rome 1, et il convient donc d'appliquer la loi allemande au litige, étant rappelé que la compétence du juge français n'est pas discutée.
Sur la garantie due par la SA Hiscox :
La validité du contrat d'assurance n'est pas discutée entre les parties, toutefois la SA Hiscox oppose un certain nombre de dispositions pour écarter le bénéfice de sa garantie pour le sinistre déclaré.
L'article 24 de loi allemande sur les contrats d'assurances « VVG » dispose :
« § 24 Résiliation pour cause d'aggravation du risque :
(1) Si le preneur d'assurance ne respecte pas l'obligation, qui lui incombe en vertu de l'article 23, alinéa 1, l'assureur peut résilier le contrat sans préavis, à moins que le preneur d'assurance n'ait violé cette obligation ni intentionnellement ni par négligence grave. Si la violation est due à une simple négligence, l'assureur peut résilier le contrat moyennant un préavis d'un mois.
(2) Dans les cas d'aggravation du risque conformément à l'article 23, paragraphes 2 et 3, l'assureur peut résilier le contrat moyennant un préavis d'un mois.
(3) Le droit de résiliation visé aux paragraphes 1 et 2 s'éteint s'il n'est pas exercé dans un délai d'un mois à compter du moment où l'assureur a eu connaissance de l'aggravation du risque ou si la situation qui existait avant l'aggravation du risque est rétablie ».
En l'espèce, la SA Hiscox fait valoir que ce texte lui permet de refuser sa garantie aux consorts X., au motif qu'ils auraient aggravé le risque assuré en laissant l'immeuble inoccupé sur une longue durée.
Or, la SA Hiscox a dénoncé le contrat dans un courrier du 24 septembre 2018, soit deux mois après la déclaration du sinistre. Cette résiliation ne saurait avoir d'effet rétroactif. En outre, elle est inefficace puisqu'elle ne respecte pas le délai d'un mois fixé au point 3) de l'article 24 VVG visé ci-dessus.
La SA Hiscox oppose également à ses assurés l'article 23 de la même loi auquel l'article 24 fait d'ailleurs référence, selon lequel :
« § 23 Augmentation du risque :
(1) Après l'émission de sa déclaration de conclure le contrat, le preneur d'assurance ne doit pas procéder à une augmentation du risque sans l'accord de l'assureur ou permettre à un tiers de le faire.
(2) Si le preneur d'assurance s'aperçoit ultérieurement qu'il a procédé ou permis une aggravation du risque sans l'accord de l'assureur, il doit immédiatement déclarer l'aggravation du risque à l'assureur.
(3) Si une aggravation du risque survient indépendamment de la volonté du preneur d'assurance après la remise de sa déclaration de contrat, il doit déclarer immédiatement l'aggravation du risque à l'assureur après en avoir pris connaissance. »
Les clauses contractuelles reprennent ces dispositions, que ce soit dans la police mise à jour en 2017 dans des conditions d'opposabilité discutées par les assurés, ou par les conditions en vigueur en 2008 auxquelles ils ont pleinement adhéré, précisant :
- qu'il y a augmentation du risque lorsqu'un bâtiment ou la majeure partie d'un bâtiment n'est plus utilisé (point IV.2), ce qui est conforme à la loi VVG,
- que l'assureur est libéré de l'obligation de fournir une prestation, si le sinistre survient après que l'assuré a permis une augmentation risque ou s'il a augmenté le risque et s'il a manqué à son obligation de manière intentionnelle ; qu'en cas de négligence grave, l'assureur peut réduire sa prestation proportionnellement à la gravité de sa faute, et que l'assuré supporte la charge de la preuve de l'absence de négligence grave (point IV.5)
Cette dernière clause aggrave la situation de l'assuré par rapport à la loi allemande, il faut donc en examiner la compatibilité avec cette loi puisque le juge français est tenu en l'espèce d'appliquer le droit allemand dans son intégralité.
Or, celui-ci protège le consommateur de clauses qui le désavantagent excessivement, comme il existe en droit français un contrôle des clauses abusives.
Ainsi l'article 307 du BGB dispose :
« [Adresse 4] (BGB)
§ 307 Inhaltskontrolle
(1) Bestimmungen in Allgemeinen Geschäftsbedingungen sind unwirksam, wenn sie den Vertragspartner des Verwenders entgegen den Geboten von Treu und Glauben unangemessen benachteiligen. Eine unangemessene Benachteiligung kann sich auch daraus ergeben, dass die Bestimmung nicht klar und verständlich ist.
(2) Eine unangemessene Benachteiligung ist im Zweifel anzunehmen, wenn eine Bestimmung
1. mit wesentlichen Grundgedanken der gesetzlichen Regelung, von der abgewichen wird, nicht zu vereinbaren ist oder
2. wesentliche Rechte oder Pflichten, die sich aus der Natur des Vertrags ergeben, so einschränkt, dass die Erreichung des Vertragszwecks gefährdet ist.
(3) Die Absätze 1 und 2 sowie die §§ 308 und 309 gelten nur für Bestimmungen in Allgemeinen Geschäftsbedingungen, durch die von Rechtsvorschriften abweichende oder diese ergänzende Regelungen vereinbart werden. Andere Bestimmungen können nach Absatz 1 Satz 2 in Verbindung mit Absatz 1 Satz 1 unwirksam sein »
En français (traduction libre par internet) :
« Code civil allemand (BGB)
Section 307 Contrôle du contenu
(1) Les dispositions des conditions générales sont invalides si elles désavantagent de manière déraisonnable le partenaire contractuel de l'utilisateur contrairement aux exigences de bonne foi. Une discrimination déraisonnable peut également résulter du fait que la disposition n'est pas claire et compréhensible.
2) En cas de doute, un désavantage déraisonnable doit être présumé si une disposition
1. est incompatible avec les idées fondamentales essentielles de la disposition légale à partir de laquelle il est dérogé, ou
2. restreint les droits ou obligations essentiels découlant de la nature du contrat de telle manière que la réalisation de l'objet du contrat soit compromise.
(3) Les paragraphes (1) et (2) ainsi que les articles 308 et 309 ne s'appliquent qu'aux dispositions des conditions générales par lesquelles des dispositions dérogeant ou complétant des dispositions légales sont convenues. D'autres dispositions peuvent être invalides conformément à la phrase 2 du paragraphe 1 en liaison avec la phrase 1 du paragraphe 1. »
En l'espèce la cour considère que la clause contractuelle en vigueur en 2008 excluant la garantie de l'assureur au point IV.5 en cas de « négligence grave » sans donner une définition précise de celle-ci et surtout en faisant peser sur l'assuré la preuve d'un fait négatif, à savoir son absence de négligence grave, créé un désavantage déraisonnable au détriment de l'assuré en ce qu'il restreint les droits ou obligations essentiels découlant de la nature du contrat de telle manière que la réalisation de l'objet du contrat soit compromise, au sens de l'article 307 du BGB.
La SA Hiscox, qui assure un bien immobilier constituant depuis l'origine une résidence secondaire en France, par définition inoccupée une grande partie de l'année par ses propriétaires allemands, ne peut donc appliquer à ses assurés une clause contractuelle qui permettrait de présumer leur négligence grave exclusive de toute garantie dès lors que le bien resterait inoccupé.
Ainsi, la cour juge que la SA Hiscox doit sa garantie aux consorts X. : le sinistre correspond au risque assuré, et a été déclaré dans les délais contractuels alors que le contrat était en vigueur.
Au surplus il est constaté que la SA Hiscox ne refusait pas sa garantie initialement puisqu'elle a, après avoir fait diligenter une expertise par ses services, proposé une indemnité de 10.000 € aux consorts X.
L'expertise effectuée à la diligence de l'assureur conclut le 6 novembre 2019 à un sinistre dont la réparation exige des travaux à hauteur de 280.451,60 € en précisant que ce chiffrage ne tient pas compte de l'état de vétusté de l'immeuble préexistant.
Le jugement déféré, dont les motifs sont substitués puisqu'il a appliqué le droit français, sera donc confirmé en ce qu'il a indemnisé les consorts X. à hauteur de 280.451,60 €.
Il sera encore confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La SA Hiscox, succombante en son recours, sera condamnée à payer aux consorts X. la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour, outre les dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, avec la précision que la compagnie Hiscox SA Niederlassung für Deutschland, succursale indépendante de la société HISCOX SA inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le n° B YYY dont le siège social est [Adresse 1] à [Localité 9] (Grand Duché du Luxembourg) prise en sa succursale inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de München sous le n° HRB XXX dont le siège est [Adresse 3] à [Localité 7] est venue aux droits de la Société Hiscox assurances Europe,
y ajoutant,
Condamne la SA Hiscox à payer à M. X., M. R. X., et Mme Y. épouse X. la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel,
Condamne la SA Hiscox aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBON Caroline FAURE