CA DOUAI (ch. 8 sect. 3), 23 novembre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10544
CA DOUAI (ch. 8 sect. 3), 23 novembre 2023 : RG n° 22/03644 ; arrêt n° 23/934
Publication : Judilibre
Extrait : « Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, […]. La Cour de justice des Communautés européennes devenue la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que le juge national était tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il disposait des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considérait une telle clause comme étant abusive, il ne l'appliquait pas, sauf si le consommateur s'y opposait (CJCE, 4 juin 2009, C-243/08). Par arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit […]. Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), elle a dit pour droit […]. Il en résulte que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement. (Cassation 1ère civile - 22 mars 2023 - pourvois n° 21-16.476 et 21-16.044).
Selon les dispositions de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf disposition contraire, être formée après l'audience d'orientation, à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.
Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient le Crédit immobilier de France développement, les dispositions de l'article R. 311-5 ne s'opposent pas à l'examen d'office du caractère abusif d'une clause contractuelle par le juge national, qui y est au contraire tenu dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. En outre, une évolution de jurisprudence s'applique immédiatement aux contrats en cours, en l'absence de droit acquis à une jurisprudence figée et de privation d'un droit d'accès au juge. Les arrêts du 22 mars 2023 ont donc, contrairement à ce que soutient le Crédit immobilier de France développement, vocation à s'appliquer, peu important l'antériorité de la mise en demeure et du contrat de prêt. Si la Cour de cassation avait entendu moduler dans le temps les effets de sa jurisprudence, elle l'aurait prévu dans sa décision. De plus, dans l'hypothèse où la clause de déchéance du terme serait déclarée abusive, le Crédit immobilier de France développement ne serait pas privé d'un droit d'accès au juge puisqu'il lui reste, d'une part, la possibilité de poursuivre l'exécution forcée en vue du recouvrement des échéances impayées, si elles n'ont pas été régularisées, et d'autre part, de solliciter devant le juge compétent la résolution judiciaire du contrat de prêt.
En l'espèce, l'article IX A des conditions générales du prêt du 27 juin 2008 stipule : « Le contrat de prêt sera résilié de plein droit et les sommes prêtées deviendront immédiatement et intégralement exigibles, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par acte extrajudiciaire, mentionnant l'intention du prêteur de se prévaloir de la clause de résiliation dans l'un ou l'autre des cas mentionnés ci-après, l'emprunteur ne pouvant opposer aucune exception, pas même celle du paiement des intérêts échus : (...) défaut de paiement de tout ou partie des échéances à leur date ou de toute somme avancée par le prêteur. »
Cette clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de M. X., ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement. Il convient donc de constater que la clause susvisée est abusive et de la déclarer non écrite.
Le Crédit immobilier de France développement ne peut donc plus opposer à M. X. la déchéance du terme fondée sur la mise en œuvre de cette clause, peu important que le prêteur ait attendu le 10 mars 2020, soit plus de huit jours après la délivrance de la mise en demeure du 10 février 2020, pour enregistrer la déchéance du terme. Il en résulte que les sommes correspondant, dans le commandement valant saisie immobilière du 17 septembre 2020, au capital restant dû pour un montant de 108.817,01 euros et à l'indemnité d'exigibilité de 7 % pour un montant de 7.617,19 euros ne sont pas exigibles. […] Le Crédit immobilier de France développement ne pouvait donc se prévaloir d'aucune créance exigible à la date de la délivrance du commandement valant saisie du 17 septembre 2020. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/03644. Arrêt n° 23/934. N° Portalis DBVT-V-B7G-UNII. Jugement (R.G. n° 20/00023) rendu le 1er juillet 2022 par le Juge de l'exécution d'Avesnes-sur-Helpe.
APPELANTE :
SA Crédit Immobilier de France Développement
agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 8], [Localité 14], Représentée par Maître Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assisté de Maître Mathieu Roquel, avocat au barreau de Lyon, avocat plaidant
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [Date naissance 1] à [Localité 17] - de nationalité Française, [Adresse 2], [Localité 11], Représenté par Maître Patrick Houssière, avocat au barreau d'Avesnes sur Helpe
Établissement Trésor Public
agissant par Monsieur le Comptable Public [Adresse 15], [Localité 10], Défaillante à qui l'assignation a été délivrée le 18 juillet 2023 par acte remis à personne morale
DÉBATS à l'audience publique du 19 octobre 2023 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Sylvie Collière, président de chambre, Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, Catherine Ménegaire conseiller
ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte notarié du 27 juin 2008, la société Crédit immobilier de France Rhônes Alpes Auvergne a consenti à M. X. un prêt de restructuration d'un montant principal de 163.858 euros, remboursable sur une durée maximale de 396 mensualités au taux d'intérêt révisable de 5,15 % l'an.
Le remboursement de ce prêt était garanti par une inscription d'hypothèques conventionnelles sur l'immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 2] à [Localité 11] cadastré section C n° [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 12] et [Cadastre 13] et sur l'immeuble situé [Adresse 9] à [Localité 17] cadastré section AR n° [Cadastre 4] devenu BW n°[Cadastre 3].
Ces hypothèques ont été publiées le 7 août 2008 au service de la publicité foncière d'[Localité 16] sous les références volume 2008 V n° 1996.
Par acte du 16 mai 2019, la société Crédit immobilier de France développement, venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, a fait signifier à M. X., en vertu de l'acte notarié du 27 juin 2008, un commandement de payer valant saisie-vente pour une somme de 2.057,36 euros.
Par courrier recommandé en date du 10 février 2020 non réclamé par M. X., le Crédit immobilier de France développement a mis en demeure ce dernier de lui régler la somme de 3.973,03 euros au titre du solde débiteur du prêt lui précisant qu'à défaut de règlement dans les huit jours de la réception du courrier, il entendait se prévaloir de la déchéance du terme.
Par actes du 17 septembre 2020, la société Crédit immobilier de France développement a fait signifier à M. X. un commandement de payer valant saisie-vente portant sur la somme de 118.340,14 euros ainsi qu'un commandement de payer la somme de 118.265,53 euros valant saisie immobilière du bien situé [Adresse 2] à [Localité 11], ce dernier commandement ayant été publié le 29 octobre 2020 au service de la publicité foncière d'[Localité 16] sous les références 2020 S n°XX.
Par acte du 14 décembre 2020, la société Crédit immobilier de France développement a fait assigner M. X. à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe.
Elle a par ailleurs, le même jour, fait dénoncer le commandement au Trésor public de [Localité 10], créancier inscrit, et l'a fait assigner à comparaître à l'audience d'orientation.
Par jugement du 1er juillet 2022, le juge de l'exécution a :
- débouté M. X. de sa demande portant sur la prescription ;
- dit que la société Crédit immobilier de France développement a expressément renoncé à la déchéance du terme ;
- dit que la société Crédit immobilier de France développement n'est pas fondée à exiger paiement du capital restant dû et de l'indemnité de résiliation ;
- rejeté les autres demandes du Crédit immobilier de France développement ;
- ordonné la mainlevée de la saisie immobilière aux frais du créancier poursuivant ;
- rejeté les demandes plus amples ou contraires ;
- débouté la société Crédit immobilier de France développement de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté M. X. de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Crédit immobilier de France développement aux entiers dépens de la procédure ;
- rappelé que la présente décision est revêtue de plein droit de l'exécution provisoire.
Par acte du 19 juillet 2022, M. X. a fait signifier ce jugement à la société Crédit immobilier de France développement.
Par déclaration adressée par la voie électronique le 26 juillet 2022, la société Crédit immobilier de France développement a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Après avoir été autorisée à assigner à jour fixe, par ordonnance de la présidente de chambre du 30 août 2022, sur la requête qu'elle avait présentée le 27 juillet 2022, la société Crédit immobilier de France développement a, par acte du 23 novembre 2022, fait assigner M. X. pour le jour fixé.
Par arrêt du 8 juin 2023, la cour a :
- rectifié le jugement déféré en ce sens qu'il convient d'ajouter sur la première page de ce jugement, après la mention du débiteur saisi :
« Trésor public de [Localité 10] agissant par M. le Comptable Public [Adresse 15], [Adresse 15], [Localité 10], CREANCIER INSCRIT » ;
- dit que l'arrêt rectificatif sera porté en marge du jugement rectifié ;
- ordonné la réouverture des débats pour permettre à la société Crédit immobilier de France développement de régulariser la procédure à l'égard du Trésor public de [Localité 10] ;
- invité les parties à conclure sur l'éventuel caractère abusif de la clause du contrat du prêt du 27 juin 2008 stipulant la résiliation de plein droit de ce contrat huit jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire, en cas de défaut de paiement de tout ou partie des échéances à leur date ou de toute somme avancée par le prêteur, au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 et des arrêts de la CJCE (devenue CJUE) du 4 juin 2009 (C-243/08) et de la CJUE des 26 janvier 2017 (C-421/14) et 8 décembre 2022 (C-600/21) - (cf Cassation 1ère civile - 22 mars 2023 - pourvois n°21-16.476 et 21-16.044) ;
- renvoyé l'affaire à l'audience du 19 octobre 2023 à 10 heures ;
- réservé le surplus ainsi que les dépens.
Le 18 juillet 2023, la société Crédit immobilier de France développement a fait assigner le Trésor public de [Localité 10] devant la cour.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 octobre 2023, le Crédit immobilier de France développement, demande à la cour, au visa des articles L. 311-2, L. 311-4, L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution, R. 311-5, R. 311-7, R. 321-15, R. 322-15 à R. 322-29, R. 322-37 du code des procédures civiles d'exécution, de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* dit que la société Crédit immobilier de France développement n'est pas fondée à exiger paiement du capital restant dû et de l'indemnité de résiliation ;
* rejeté les autres demandes du Crédit immobilier de France développement ;
* ordonné la mainlevée de la saisie immobilière aux frais du créancier poursuivant ;
* rejeté les demandes plus amples ou contraires ;
* débouté la société Crédit immobilier de France développement de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la société Crédit immobilier de France développement aux entiers dépens de la procédure ;
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande au titre de la prescription de la créance ;
Statuant à nouveau,
- constater que, titulaire d'une créance liquide et exigible, elle agit en vertu d'un titre exécutoire, comme il est dit aux articles L. 311-2 et L. 311-4 du code des procédures civiles d'exécution ;
- constater que la saisie pratiquée porte sur des droits saisissables au sens de l'article L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution ;
- déterminer les modalités de poursuites de la procédure ;
- mentionner le montant de la créance du créancier poursuivant en principal, frais, intérêts et autres accessoires à la somme de 118.256,53 euros sauf mémoire selon décompte arrêté au 26 juin 2020 ;
- ordonner la vente forcée et en conséquence :
* fixer la date de l'audience de vente conformément aux dispositions de l'article R. 322-26 du code des procédures civiles d'exécution et déterminer les modalités de visite de l'immeuble, comme demandé ci-dessus ;
* autoriser, en application des dispositions de l'article R. 322-27 du code des procédures civiles d'exécution, dans un souci d'une publicité plus large, l'aménagement des publicités légalement prévues par l'ajout à celles-ci d'une publication sur les sites internet suivants : « www.enchères-publiques.com » et « www.axiojuris.com » ;
En tout état de cause,
- débouter M. X. de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions ;
- condamner M. X. au paiement d'une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions du 18 octobre 2023, M. X. demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* dit que la société Crédit immobilier de France développement a expressément renoncé à la déchéance du terme ;
* dit que la société Crédit immobilier de France développement n'est pas fondée à exiger paiement du capital restant dû et de l'indemnité de résiliation ;
* rejeté les autres demandes du Crédit immobilier de France développement ;
* ordonné la mainlevée de la saisie immobilière aux frais du créancier poursuivant ;
* rejeté les demandes plus amples ou contraires ;
* débouté la société Crédit immobilier de France développement de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la société Crédit immobilier de France développement aux dépens ;
* rappelé que la décision est revêtue de plein droit de l'exécution provisoire ;
- débouter la société Crédit immobilier de France développement de toutes ses demandes, fins et conclusions formulées par devant la cour ;
- subsidiairement, et notamment au vu de la jurisprudence de la Cour de cassation du 22 mars 2023, confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné la mainlevée de la saisie immobilière dans la mesure où la déchéance du terme n'est pas valablement intervenue et dans la mesure où l'organisme financier ne peut se prévaloir d'aucune créance certaine, liquide et exigible à son encontre ;
statuant sur son appel incident,
- déclarer irrecevables toutes les demandes de la société Crédit immobilier de France développement portant sur les sommes antérieures au 17 septembre 2018 et ce pour cause de prescription instituée par l'article L. 218-2 du code de la consommation ;
en tout état de cause,
- condamner la société Crédit immobilier de France développement à lui payer une indemnité procédurale justement fixée à la somme de 3.000 euros conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Crédit immobilier de France développement aux entiers dépens de première instance et d'appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la renonciation du prêteur à se prévaloir de la déchéance du terme :
Sur le fondement de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il est jugé que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer.
Pour soutenir que la société Crédit immobilier de France développement a renoncé à la déchéance du terme, M. X. tire argument de ce qu'elle a accepté tous les virements effectués mensuellement depuis février 2020, date de la soi-disant mise en demeure, de ce que par lettre du 4 avril 2020, elle lui a indiqué le taux du prêt applicable compte tenu de l'indice de financement et de ce que le 12 octobre 2020, elle l'a invité à adresser ses prochains virements sur son nouveau compte ouvert à la Bred de Vincennes.
Or, le fait que le Crédit immobilier de France développement ait postérieurement à la lettre de mise en demeure du 10 février 2020, et alors que l'arriéré n'avait pas été régularisé dans le délai imparti, non pas poursuivi le prélèvement des échéances du prêt, mais se soit bornée à accepter des virements de M. X. correspondant au montant des échéances, et l'ait informé par courrier du 12 octobre 2020 du changement de ses références bancaires ne démontre pas sans équivoque une volonté de renoncer à la déchéance du terme mais peut s'analyser également comme une simple acceptation d'acomptes.
M. X. ne peut davantage tirer de la lettre d'information qui lui a été adressée par le Crédit immobilier de France développement le 4 avril 2020, s'agissant d'un courrier adressé de manière systématique en raison de la clause de révision annuelle du taux d'intérêt pour aviser l'emprunteur de la modification du taux, ce courrier émanant, qui plus est d'un service différent du service signataire de la mise en demeure préalable à la déchéance du terme du 10 février 2020 puisque le courrier du 4 avril 2020 a été adressé par le service 'gestion de la relation client' tandis le courrier du 10 février 2020 provient du service juridique et contentieux.
C'est donc à tort que le premier juge a considéré que le Crédit immobilier de France développement avait renoncé à la déchéance du terme.
Sur la clause abusive :
Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Les clauses abusives sont réputées non écrites.
La Cour de justice des Communautés européennes devenue la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que le juge national était tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il disposait des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considérait une telle clause comme étant abusive, il ne l'appliquait pas, sauf si le consommateur s'y opposait (CJCE, 4 juin 2009, C-243/08).
Par arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 3, paragraphe 1 de la directive 93/13 devait être interprété en ce sens que s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombait à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présentait un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté était prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêtait un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté dérogeait aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.
Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), elle a dit pour droit que l'arrêt précité devait être interprété en ce sens que les critères qu'il dégageait pour l'appréciation du caractère abusif d'une clause contractuelle, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat que cette clause créait au détriment du consommateur, ne pouvaient être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais devaient être compris comme faisant partie de l'ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national devait examiner afin d'apprécier le caractère abusif d'une clause contractuelle.
Il en résulte que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement. (Cassation 1ère civile - 22 mars 2023 - pourvois n° 21-16.476 et 21-16.044).
Selon les dispositions de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf disposition contraire, être formée après l'audience d'orientation, à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.
Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient le Crédit immobilier de France développement, les dispositions de l'article R. 311-5 ne s'opposent pas à l'examen d'office du caractère abusif d'une clause contractuelle par le juge national, qui y est au contraire tenu dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet.
En outre, une évolution de jurisprudence s'applique immédiatement aux contrats en cours, en l'absence de droit acquis à une jurisprudence figée et de privation d'un droit d'accès au juge. Les arrêts du 22 mars 2023 ont donc, contrairement à ce que soutient le Crédit immobilier de France développement, vocation à s'appliquer, peu important l'antériorité de la mise en demeure et du contrat de prêt. Si la Cour de cassation avait entendu moduler dans le temps les effets de sa jurisprudence, elle l'aurait prévu dans sa décision. De plus, dans l'hypothèse où la clause de déchéance du terme serait déclarée abusive, le Crédit immobilier de France développement ne serait pas privé d'un droit d'accès au juge puisqu'il lui reste, d'une part, la possibilité de poursuivre l'exécution forcée en vue du recouvrement des échéances impayées, si elles n'ont pas été régularisées, et d'autre part, de solliciter devant le juge compétent la résolution judiciaire du contrat de prêt.
En l'espèce, l'article IX A des conditions générales du prêt du 27 juin 2008 stipule :
« Le contrat de prêt sera résilié de plein droit et les sommes prêtées deviendront immédiatement et intégralement exigibles, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par acte extrajudiciaire, mentionnant l'intention du prêteur de se prévaloir de la clause de résiliation dans l'un ou l'autre des cas mentionnés ci-après, l'emprunteur ne pouvant opposer aucune exception, pas même celle du paiement des intérêts échus : (...) défaut de paiement de tout ou partie des échéances à leur date ou de toute somme avancée par le prêteur. »
Cette clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de M. X., ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement.
Il convient donc de constater que la clause susvisée est abusive et de la déclarer non écrite.
Le Crédit immobilier de France développement ne peut donc plus opposer à M. X. la déchéance du terme fondée sur la mise en œuvre de cette clause, peu important que le prêteur ait attendu le 10 mars 2020, soit plus de huit jours après la délivrance de la mise en demeure du 10 février 2020, pour enregistrer la déchéance du terme.
Il en résulte que les sommes correspondant, dans le commandement valant saisie immobilière du 17 septembre 2020, au capital restant dû pour un montant de 108.817,01 euros et à l'indemnité d'exigibilité de 7 % pour un montant de 7.617,19 euros ne sont pas exigibles.
S'agissant des échéances impayées au 10 février 2020 pour 3.973,03 euros, si, comme l'a retenu à juste titre le premier juge, ces échéances ne sont pas prescrites, l'échéance impayée la plus ancienne étant celle de janvier 2018 et la prescription biennale ayant été interrompue par le commandement aux fins de saisie-vente du 16 mai 2019, il reste, à supposer même que le montant impayé annoncé soit exact, que ces impayés, tout comme les intérêts échus mentionnés sur le commandement du 17 septembre 2020 pour 554,46 euros, ont été régularisés par les virements effectués par M. X. entre le 2 mars 2020 et le 9 septembre 2020, pour un montant de 4.718,28 euros, tels que mentionnés sur le relevé de compte du Crédit immobilier de France développement en date du 14 octobre 2020.
Le Crédit immobilier de France développement ne pouvait donc se prévaloir d'aucune créance exigible à la date de la délivrance du commandement valant saisie du 17 septembre 2020.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a dit que le Crédit immobilier de France développement a expressément renoncé à la déchéance du terme mais confirmé sur le surplus.
Sur les frais du procès :
Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné le Crédit immobilier de France développement aux dépens et en ce qu'il a rejeté les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante en appel, le Crédit immobilier de France développement sera condamné aux dépens et nécessairement débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il y a lieu de condamner le Crédit immobilier de France développement à payer à M. X. au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en appel, la somme de 2 000 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la société Crédit immobilier de France développement a expressément renoncé à la déchéance du terme ;
Statuant à nouveau sur le chef infirmé :
Déboute M. X. de sa demande tendant à voir dire que le Crédit immobilier de France développement a expressément renoncé à la déchéance du terme ;
Confirme le jugement déféré sur le surplus ;
Y ajoutant,
Constate le caractère abusif de la clause des conditions générales du contrat de prêt du 27 juin 2008 stipulant que « Le contrat de prêt sera résilié de plein droit et les sommes prêtées deviendront immédiatement et intégralement exigibles, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par acte extrajudiciaire, mentionnant l'intention du prêteur de se prévaloir de la clause de résiliation dans l'un ou l'autre des cas mentionnés ci-après, l'emprunteur ne pouvant opposer aucune exception, pas même celle du paiement des intérêts échus : (...) défaut de paiement de tout ou partie des échéances à leur date ou de toute somme avancée par le prêteur. » ;
Déclare cette clause non écrite ;
Déboute la société Crédit immobilier de France développement de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Crédit immobilier de France développement à payer à M. X. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Crédit immobilier de France développement aux dépens d'appel.
Le greffier Le président
Ismérie [U] Sylvie COLLIERE