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CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 14 novembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 14 novembre 2023
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 2e ch. civ.
Demande : 21/04623
Date : 14/11/2023
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 29/10/2021
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10546

CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 14 novembre 2023 : RG n° 21/04623 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « L'article L. 212-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur au jour de la conclusion de l'accord, dispose : « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. [...] L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

La Cour de cassation a jugé que « les clauses d'un contrat d'assurance excluant de la garantie du conducteur et de la garantie des dommages subis par le véhicule assuré les sinistres survenus lorsque le conducteur se trouvait sous l'empire d'un état alcoolique, en ce qu'elles délimitent le risque assuré et l'engagement de l'assureur, définissent l'objet principal du contrat. Rédigées de façon claire et compréhensible, elles échappent, comme telles, à l'appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles, au sens de l'article L. 132-1, alinéa 7, devenu L. 212-1, alinéa 3, du code de la consommation. » (Civ. 1ère, 8 juillet 2021, n° 19-25.552).

M. X. et Mme Y. épouse X. soutiennent que la clause de l'accord de règlement les contraignant à avoir terminé les travaux de reconstruction avant le 13 mai 2018 constitue une clause abusive en ce que : - « un tel délai n'est justifié par aucun fondement juridique ni aucune contrainte technique du droit des assurances, et soumet l'assuré à la bonne volonté de l'assureur » ; - « ce délai de deux ans pour reconstruire est dépourvu de toute contrepartie pour l'assuré, lequel a versé une prime pour une garantie en valeur à neuf ».

La juridiction de première instance a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'apprécier le caractère abusif de la clause qui imposait aux assurés d'avoir terminé les travaux avant le 13 mai 2018 aux motifs que d'une part cette clause, en ce qu'elle constitue l'une des conditions de la garantie, porte sur l'objet principal du contrat d'assurance, et d'autre part qu'il venait d'être jugé qu'elle était parfaitement claire.

En effet, la clause litigieuse vise à subordonner le règlement de l'indemnité due par l'assureur à la reconstruction effective du bien assuré, et ce pour respecter le principe indemnitaire de l'assurance de dommage posé par l'article L. 121-1 du code des assurances. Cette clause relative aux modalités de versement de l'indemnité constitue l'objet principal du contrat. Elle ne peut en conséquence s'analyser en une clause d'exclusion de garantie ou de déchéance de garantie. Par ailleurs, comme il l'a été indiqué précédemment, cette clause est sans ambiguïté. Le jugement déféré doit être confirmé de ce chef. »

2/ « Selon l'article 1218 alinéa 1er du code civil, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. La Cour de cassation a jugé qu'aux termes de l'article 1218, alinéa 1, du code civil, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur, et qu'il en résulte que le créancier qui n'a pu profiter de la prestation à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat en invoquant la force majeure (Civ. 1ère, 25 novembre 2020, n° 19-21.060). Le jeu d'une clause contractuelle peut éventuellement modifier cette solution (Civ. 1ère, 6 juillet 2022, n° 21-11.310).

En l'espèce, dans l'exécution de la clause concernant les modalités de paiement de l'indemnité différée, les époux X. ne peuvent pas être considérés comme débiteurs d'une obligation, de telle sorte que les dispositions de l'article 1218 du code civil ne trouvent pas à s'appliquer. Les conditions générales du contrat ne prévoient pas l'hypothèse où la reconstruction du bien serait rendue impossible, notamment en cas de force majeure.

Il n'y a donc pas lieu d'examiner l'existence d'une force majeure ni de déroger à l'application de l'accord transactionnel du 3 octobre 2016. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/04623. N° Portalis DBVM-V-B7F-LDFV. Appel d'un jugement (R.G. n° 19/03360) rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble en date du 27 septembre 2021, suivant déclaration d'appel du 29 octobre 2021.

 

APPELANTS :

M. X.

[Adresse 6], [Localité 3], [pays]

Mme Y. épouse X.

[Adresse 6], [Localité 3], [pays]

représentés par Maître Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Maître Marie France KHATIBI, avocat au barreau de GRENOBLE, et Maître Mélanie COZON, Avocat au Barreau de la DROME, plaidé par Me COZON

 

INTIMÉE :

SA AXA FRANCE IARD

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 1], [Localité 4], représentée par Maître Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Maître MANTE SAROLI de la SELARL MANTE SAROLI & COULOMBEAU, avocat au Barreau de LYON

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Emmanuèle Cardona, présidente, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, Mme Ludivine Chetail, conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 11 septembre 2023, Ludivine Chetail, conseillère qui a fait son rapport, en présence de Anne Laure Pliskine, conseillère, assistées de Caroline bertolo, greffière, ont entendu seules les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile. Il en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Le 10 janvier 2015, un incendie s'est déclaré dans un immeuble d'habitation en cours de rénovation situé [Adresse 2] à [Localité 5] (Isère) et appartenant à M. X. et son épouse, Mme Y. Ce bien était assuré par la SA AXA France IARD suivant contrat du 4 janvier 2003.

L'enquête pénale a conclu à un incendie d'origine criminelle et l'affaire a été classée sans suite faute d'identification des auteurs.

Suivant accord du 3 octobre 2016, M. X. et Mme Y. épouse X. ont accepté la proposition de la SA AXA France IARD de leur verser la somme de 334.676 euros à titre d'indemnité immédiate, une indemnité différée devant être payée après travaux à concurrence de 905.280 euros. A titre exceptionnel, la SA AXA France IARD a accepté que l'ensemble des factures de travaux lui soit produit avant le 13 mai 2018. L'indemnité immédiate a été réglée en intégralité.

La SA AXA France IARD a refusé les demandes des assurés, formulées courant janvier et mars 2018, visant à leur octroyer un délai supplémentaire pour la reconstruction et la présentation des factures afférentes.

Par courrier du 26 mars 2018, M. X. et Mme Y. épouse X., ont sollicité, par l'intermédiaire du cabinet d'expertise Galtier, le versement de la somme de 684 663,05 euros au titre de l'indemnité différée.

Par courrier du 3 mai 2018, la SA AXA France IARD s'est prévalue de la déchéance de garantie, sur la base d'un rapport d'enquête établi par le cabinet I2R à sa demande, au motif que la demande d'indemnisation reposait sur des déclarations inexactes dans le but d'obtenir indûment l'application du contrat.

Par lettres recommandées du 7 et du 18 mai 2018 avec accusés de réception du 24 mai 2018, l'avocat de M. X. et Mme Y. épouse X. a mis la SA AXA France IARD en demeure de leur régler la somme de 736.605 euros TTC correspondant à 50 % de la facture établie par la société 3 Pierre en date du 30 avril 2018 et l'a enjoint de revenir sur la déchéance de garantie.

Il lui a également adressé une facture définitive de la même Société 3 Pierre en date du 30 avril 2018 d'un montant global de 1.473.210 euros TTC.

Aux termes d'un courrier recommandé du 20 juin 2018 avec accusé en date du 25 juin 2018, l'avocat de M. X. et Mme Y. épouse X. demandé à la SA AXA France IARD le règlement de la somme de 109.564 euros correspondant à des frais 'hors construction' avancés par les époux. La SA AXA France IARD n'a pas fait droit à ces demandes.

M. X. et Mme Y. épouse X. ont saisi le médiateur des assurances. Les parties ne sont pas parvenues à un accord.

Par assignation en date du 19 juillet 2019, M. X. et Mme Y. épouse X. ont saisi le tribunal judiciaire de Grenoble afin d'obtenir la condamnation de la SA AXA France IARD à leur verser :

- la somme de 905.280 euros au titre de l'indemnité différée, outre intérêts moratoires à compter de la mise en demeure du 7 mai 2018 ;

- la somme de 1.538,40 euros en réparation du préjudice financier subi ;

- la somme de 3.480 euros en réparation du préjudice lié à la sécurisation du chantier ;

- la somme de 10.000 euros en réparation du trouble de jouissance subi ;

- la somme de 5.000 euros chacun en réparation du préjudice moral subi ;

- la somme de 1.000 euros au titre de la résistance abusive manifestée à leur encontre ;

- la somme de 3.881,87 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (à parfaire) ;

- outre sa condamnation aux entiers dépens de l'instance.

Par jugement en date du 27 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

- rejeté la demande de M. X. et de son épouse, Mme Y., afin de voir dire non écrite la clause les contraignant à avoir achevé les travaux de reconstruction avant le 13 mai 2018 ;

- débouté M. X. et son épouse, Mme Y., de leur demande en paiement de la somme de 905.280 euros au titre de l'indemnité différée ;

- débouté M. X. et son épouse, Mme Y., de leur demande en paiement de la somme de 109.564 euros au titre des frais hors reconstruction ;

- rejeté les demandes de dommages-intérêts de M. X. et son épouse, Mme Y. ;

- condamné M. X. et son épouse, Mme Y., à rembourser à la compagnie AXA France IARD la somme de 334.676 euros payée au titre de l'indemnité immédiate ;

- condamné M. X. et son épouse, Mme Y., à payer à la SA AXA FranceE IARD la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamné M. X. et son épouse, Mme Y., aux dépens, distraits au profit de la SELARL Mante Saroli & Coulombeau.

Par déclaration d'appel en date du 29 octobre 2021, M. X. et Mme Y. épouse X. ont interjeté appel de ce jugement pris en tous ses chefs de dispositif.

 

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives n° 4 notifiées le 31 juillet 2023, les appelants ont demandé à la cour d'appel d'infirmer le jugement entrepris dans toutes ces dispositions, et jugeant à nouveau, de :

- débouter la SA AXA France IARD de toutes demandes, fins et conclusions contraires à leurs écritures ;

- condamner la SA AXA France IARD à verser à M. X. et à Mme X. une somme de 905.280 euros au titre de l'indemnité différée, outre intérêts moratoires à compter de la mise en demeure du 7 mai 2018 ;

- plus subsidiairement, condamner la SA AXA France IARD à verser à M. X. et à Mme X. une somme de 109 564 euros au titre des frais hors reconstruction ;

- condamner la SA AXA France IARD à verser à M. X. et à Mme X. une somme de 1.538,40 euros en réparation du préjudice financier subi ;

- condamner la SA AXA France IARD à verser à M. X. et à Mme X. une somme de 19.230 euros en réparation du préjudice lié à la sécurisation du chantier ;

- condamner la SA AXA France IARD à verser à M. X. et à Mme X. une somme de 10.000 euros en réparation du trouble de jouissance subi ;

- condamner la SA AXA France IARD à verser à M. X. et à Mme X. une somme de 7.000 euros chacun en réparation du préjudice moral subi ;

- débouter la SA AXA France IARD de sa demande tendant à voir constater la déchéance de garantie opposée par ses soins ;

- condamner la SA AXA France IARD à verser à M. X. et à Mme X. une somme de 1.000 euros de titre de la résistance abusive manifestée à leur encontre ;

- condamner la SA AXA France IARD à verser à M. X. et à Mme X. une somme de 6 508,68 euros au titre des frais exposés en première instance et une somme de 5 063,64 euros (à parfaire) au titre des frais exposés en cause d'appel ;

- condamner la SA AXA France IARD aux entiers dépens, de première instance comme d'appel.

Ils soutiennent que :

- sur l'interprétation des clauses de l'accord de règlement, le délai expirant au 13 mai 2018 n'était aucunement constitutif d'une date butoir pour terminer le chantier mais pour transmettre à l'assureur l'intégralité des factures afférentes aux travaux de reconstruction, et les factures ne sont pas nécessairement émises après la réalisation de la prestation concernée ;

- à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que l'accord de règlement devait être interprété comme contraignant les assurés à avoir terminé les travaux de reconstruction avant le 13 mai 2018, une telle exigence constitue une clause abusive au sens des dispositions de l'article 212-1 du code de la consommation ;

- à titre encore plus subsidiaire, la clause relative au délai de reconstruction ne leur est pas opposable en raison de la situation de force majeure dans laquelle ils se sont trouvés ;

- à titre infiniment subsidiaire, ils ont produit avant la date du 13 mai 2018 des factures relatives à des démolitions et déblais complémentaires et des frais de mise en conformité, des honoraires d'architectes, de SPS et de BC et une perte d'usage ;

- le refus de la SA AXA France IARD de verser l'indemnité différée a engendré des chefs de préjudice et doit être réparé compte-tenu de la faute commise par leur co-contractant en application de l'article 1231-1 du code civil.

En réponse aux prétentions de l'intimée, les appelants font valoir que :

- la clause de déchéance de garantie est inopposable comme n'étant pas mentionnée en caractères « très apparents » dans les polices d'assurance ;

- ils ne sont pas de mauvaise foi.

[*]

Aux termes de ses conclusions n° 2 notifiées le 3 juillet 2023, l'intimée a demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, et à titre subsidiaire de les débouter les appelants leurs demandes tendant au paiement de l'indemnité différée ou de la somme de 109.564 euros. Elle demande également à la cour de condamner M. et Mme X. au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Me Grimaud, SELARL Lexavoué Grenoble.

Elle soutient que :

- M. et Mme X. avaient pour obligation contractuelle, pour bénéficier de l'indemnité différée, de faire reconstruire leur maison avant le 13 mai 2018, la clause prévue en ce sens au contrat, puis dans l'accord de règlement étant parfaitement valable ;

- c'est à bon droit qu'elle a opposé à M. et Mme X. la déchéance de la garantie contractuelle, compte-tenu des manœuvres utilisées par ces derniers pour obtenir indûment le bénéfice de l'indemnité d'assurance ;

- subsidiairement, si la déchéance de garantie ne devait pas être prononcée, il serait constaté que M. et Mme X. n'ont pas procédé à la reconstruction de leur maison avant le 13 mai 2018 de telle sorte qu'ils ne peuvent prétendre au versement de l'indemnité différée.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur la demande en paiement d'indemnité différée :

a) sur l'interprétation de l'accord transactionnel

Aux termes de leurs dernières conclusions, les époux X. estiment que seul l'accord de règlement, plus précis que les conditions générales, leur est opposable et qu'il doit être interprété en ce sens que 'le délai expirant au 13 mai 2018 n'était aucunement constitutif d'une date butoir pour terminer le chantier, mais pour transmettre à la compagnie l'intégralité des factures afférentes aux travaux de reconstruction', ce qui se déduit de l'existence d'un troisième alinéa, dérogatoire.

La SA AXA France Iard estime que les termes du contrat exigent que la réalisation des travaux soit justifiée pour que le paiement de l'indemnité intervienne au fur et à mesure de leur réalisation.

En application de l'article 1156 du code civil, devenu l'article 1188 alinéa 1er, le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes.

L'article 1161 du code civil, devenu l'article 1189 alinéa 1er, dispose que toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier.

L'article 1162 du code civil, devenu l'article 1190, prévoit que dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé.

L'accord transactionnel signé par M. et Mme X. le 3 octobre 2016 indique :

« Nous soussignés, M. X. et Mme Y. avons l'honneur de vous donner notre accord sur les modalités suivantes :

- 1er règlement au titre de l'immédiat : 334.676 euros

- 2ème règlement au titre du différé : la valeur à neuf et les frais engagés seront indemnisés après travaux dans la limite des justificatifs produits à concurrence de : 905.280 euros.

A titre exceptionnel, AXA France accepte que l'ensemble des factures de travaux lui soit produit avant le 13 mai 2018. Par ailleurs, la valeur à neuf relative au bâtiment sera appréciée sur l'ensemble des lots.

[...]

Nous reconnaissons être informés qu'en vertu des dispositions de l'article L. 121-17 du code des assurances, les indemnités qui nous seront versées en règlement de ce sinistre, doivent être utilisées pour la remise en état effective de l'immeuble endommagé ou pour la remise en état de son terrain d'assiette.

[...]

Convention : les parties confèrent au présent accord le caractère d'une transaction ayant à leur égard l'autorité de la chose jugée en dernier ressort au sens des articles 2044 et suivants du code civil. »

Les conditions générales du contrat prévoient en pages 41 et 42 :

« L'indemnisation des bâtiments

En cas de reconstruction ou de réparation des bâtiments

L'indemnisation est effectuée au coût de leur reconstruction en valeur à neuf au jour du sinistre : toutefois, nous ne prenons en charge la vétusté calculée à dire d'expert que dans la limite de 25 % de la valeur de reconstruction à neuf du bâtiment sinistré.

Cette indemnisation est due seulement si la reconstruction :

- a lieu dans les deux ans à compter du sinistre, sans apporter de modification importante à la destination initiale des bâtiments et au même endroit ; »

Elles précisent en page 43 :

« Versement de l'indemnité qui vous est due

Dans quel délai devons-nous vous indemniser ?

Nous nous engageons à vous verser l'indemnité qui vous est due dans les trente jours qui suivent l'accord amiable ou une décision judiciaire exécutoire.

Ce délai court seulement à partir du jour où vous avez fourni l'ensemble des pièces justificatives nécessaires au paiement (titre de propriété, pouvoirs en cas d'indivision...).

[...]

Lorsque vous êtes indemnisés sur la base de la valeur à neuf au niveau de l'immobilier, votre indemnité vous sera versée au fur et à mesure de la reconstruction ou de la réparation, sur présentation des pièces justifiant des travaux et de leur montant. »

En l'espèce, les clauses de l'accord transactionnel prévoient sans ambiguïté que l'indemnité différée est versée au fur et à mesure de la réalisation des travaux ('après travaux' dans le second alinéa). Le dernier alinéa constitue une clause dérogatoire en ce sens qu'elle prolonge le délai de reconstruction fixé initialement par les conditions générales à deux ans, ce qui est favorable aux assurés.

La lecture de l'intégralité de l'accord vient confirmer cette interprétation puisqu'il est rappelé que « les indemnités [...] doivent être utilisées pour la remise en état effective de l'immeuble endommagé ».

Il convient donc de valider l'analyse de la juridiction de première instance qui a jugé que « les conditions de l'accord du 3 octobre 2016 n'étant pas remplies, la SA AXA France IARD était donc bien fondée à refuser de verser l'indemnité différée ».

 

b) sur la validité de la clause fixant un délai :

L'article L. 212-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur au jour de la conclusion de l'accord, dispose :

« dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. [...]

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

La Cour de cassation a jugé que « les clauses d'un contrat d'assurance excluant de la garantie du conducteur et de la garantie des dommages subis par le véhicule assuré les sinistres survenus lorsque le conducteur se trouvait sous l'empire d'un état alcoolique, en ce qu'elles délimitent le risque assuré et l'engagement de l'assureur, définissent l'objet principal du contrat. Rédigées de façon claire et compréhensible, elles échappent, comme telles, à l'appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles, au sens de l'article L. 132-1, alinéa 7, devenu L. 212-1, alinéa 3, du code de la consommation. » (Civ. 1ère, 8 juillet 2021, n° 19-25.552).

M. X. et Mme Y. épouse X. soutiennent que la clause de l'accord de règlement les contraignant à avoir terminé les travaux de reconstruction avant le 13 mai 2018 constitue une clause abusive en ce que :

- « un tel délai n'est justifié par aucun fondement juridique ni aucune contrainte technique du droit des assurances, et soumet l'assuré à la bonne volonté de l'assureur » ;

- « ce délai de deux ans pour reconstruire est dépourvu de toute contrepartie pour l'assuré, lequel a versé une prime pour une garantie en valeur à neuf ».

La juridiction de première instance a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'apprécier le caractère abusif de la clause qui imposait aux assurés d'avoir terminé les travaux avant le 13 mai 2018 aux motifs que d'une part cette clause, en ce qu'elle constitue l'une des conditions de la garantie, porte sur l'objet principal du contrat d'assurance, et d'autre part qu'il venait d'être jugé qu'elle était parfaitement claire.

En effet, la clause litigieuse vise à subordonner le règlement de l'indemnité due par l'assureur à la reconstruction effective du bien assuré, et ce pour respecter le principe indemnitaire de l'assurance de dommage posé par l'article L. 121-1 du code des assurances. Cette clause relative aux modalités de versement de l'indemnité constitue l'objet principal du contrat. Elle ne peut en conséquence s'analyser en une clause d'exclusion de garantie ou de déchéance de garantie.

Par ailleurs, comme il l'a été indiqué précédemment, cette clause est sans ambiguïté.

Le jugement déféré doit être confirmé de ce chef.

 

c) sur la force majeure :

Selon l'article 1218 alinéa 1er du code civil, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.

La Cour de cassation a jugé qu'aux termes de l'article 1218, alinéa 1, du code civil, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur, et qu'il en résulte que le créancier qui n'a pu profiter de la prestation à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat en invoquant la force majeure (Civ. 1ère, 25 novembre 2020, n° 19-21.060).

Le jeu d'une clause contractuelle peut éventuellement modifier cette solution (Civ. 1ère, 6 juillet 2022, n° 21-11.310).

En l'espèce, dans l'exécution de la clause concernant les modalités de paiement de l'indemnité différée, les époux X. ne peuvent pas être considérés comme débiteurs d'une obligation, de telle sorte que les dispositions de l'article 1218 du code civil ne trouvent pas à s'appliquer.

Les conditions générales du contrat ne prévoient pas l'hypothèse où la reconstruction du bien serait rendue impossible, notamment en cas de force majeure.

Il n'y a donc pas lieu d'examiner l'existence d'une force majeure ni de déroger à l'application de l'accord transactionnel du 3 octobre 2016.

 

d) sur les demandes en paiement des époux X. :

Les époux X. ne contestent pas que les travaux de reconstruction n'étaient pas achevés le 13 mai 2018 même s'ils ont transmis avant cette date une facture portant sur le montant total des travaux.

Il est ainsi établi qu'ils ne remplissaient pas les conditions prévues par l'accord transactionnel pour bénéficier du versement de l'indemnité différée dans le cadre de la garantie 'valeur à neuf'.

Il convient donc en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. X. et Mme Y. épouse X. de leur demande en paiement de l'indemnité différée.

 

2. Sur la demande en déchéance de la garantie :

a) sur la validité de la clause de déchéance :

Selon l'article L.112-4 alinéa 2 du code des assurances, les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

La Cour de cassation a censuré une cour d'appel pour avoir retenu une déchéance de garantie sans vérifier si une clause de déchéance figurait dans le contrat signé par l'assuré ou tout autre document qui lui soit opposable (Civ. 2ème, 5 mars 2015, n° 13-14.364).

Elle juge ainsi que :

- « est rédigée en caractères très apparents et satisfait ainsi au vu de la loi, la clause de déchéance qui figure, dans un contrat d'assurance, à la rubrique "que faire en cas de sinistre", dès lors que les mots "sous peine de déchéance" se trouvent au début de la phrase et que les mots "vous devez" sont imprimés en lettres plus grandes au sein d'un texte écrit en caractères gras et tranchant sur les autres dispositions du contrat » (Civ. 1ère, 20 mars 1989, n° 86-14.262) ;

- il convient de « rechercher si la clause litigieuse était rédigée en termes très apparents de manière à attirer spécialement l'attention de l'assuré sur la nullité qu'elle édictait » (Civ. 2ème, 15 avril 2010, n° 09-11.667) ;

- « L'article L.112-4 du code des assurances qui prévoit que les clauses des polices d'assurance édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents n'impose pas que ces caractères soient différents de ceux employés pour les autres clauses, situées à proximité » (Civ. 1ère, 28 juin 1988, n° 86-11.005).

Aux termes des conditions générales du contrat en page 41, dans la partie intitulée 'Vie du contrat', sous un titre intitulé « Sinistre », il est prévu :

« Sanctions

- Lorsque le sinistre n'est pas déclaré dans les délais prévus, vous perdez votre droit à indemnité, si nous établissons que ce retard nous a causé préjudice.

La perte du droit à indemnité ne peut pas vous être opposée dans le cas où le retard est dû à un cas fortuit ou de force majeure.

- Si vous ne respectez pas les obligations prévues ci-avant (sauf en ce qui concerne les délais de déclarations du sinistre), nous pouvons vous réclamer une indemnité correspondant au préjudice que nous avons subi.

- Si, de mauvaise foi, vous faites de fausses déclarations sur la nature, les causes, les circonstances ou les conséquences du sinistre, vous êtes entièrement déchu de tout droit à garantie pour ce sinistre ».

Dans la copie remise par la SA AXA France IARD (pièce n°2), ces mentions figurent dans la même police de caractère que les autres clauses du contrat, mais en gras.

Selon les conclusions de chacune des parties, ces mentions figurent dans un encadré rose.

Même s'il est utilisé pour d'autres clauses du contrat, ce dispositif, consistant en la mise en avant de la clause de déchéance par une impression en gras dans un encadré rose, et qui figure dans la rubrique idoine applicable en cas de sinistre, permet de considérer que la clause de déchéance est mentionnée en caractère très apparents comme étant de nature à attirer l'attention de l'assuré, en dépit de la longueur du document.

Elle doit donc être considérée comme conforme aux exigences de l'article L.112-4 précité et valable.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré de ce chef.

 

b) sur l'acquisition de la clause de déchéance :

Comme indiqué précédemment, le contrat prévoit :

« Si, de mauvaise foi, vous faites de fausses déclarations sur la nature, les causes, les circonstances ou les conséquences du sinistre, vous êtes entièrement déchu de tout droit à garantie pour ce sinistre ».

Au soutien de sa demande reconventionnelle, la SA AXA France IARD reproche aux assurés d'avoir produit des factures qui ne correspondaient pas aux travaux réalisés.

M. et Mme X. ont produit les factures suivantes :

- une facture de la société 3 Pierre en date du 16 mars 2018 (pièce n° 36 des appelants), et une facture de la société 3 Pierre en date du 30 avril 2018 (pièce n° 35 des appelants), correspondant à des travaux portant sur les postes suivants (démolition, charpente-couverture-vélux, étanchéité, menuiseries extérieures, isolation-doublage-cloisons-menuiseries intérieures, serrurerie, plomberie-chauffage, électricité-ventilation, revêtement des sols et murs-mise en peinture, façades, ameublement, sauna et occulation) pour un montant total de 1.227.675 euros HT, soit 736 605 euros TTC après déduction d'un acompte correspondant à la première facture ;

- une facture de la société Simon Elektrotechnik Gmbh du 5 février 2018 (pièce n° 9 de l'intimée).

Aux termes des constatations réalisées par un huissier de justice en date du 14 mai 2018 (pièce n° 32 de l'intimée), à cette date, les travaux visibles consistaient en la réalisation d'une dalle de béton au sol sur trois parties de la maison centrale et trois pans de murs en parpaings en bordure de la partie centrale sur la rue. Aucune toiture ou couverture n'était présente et l'immeuble ne comportait pas de fenêtres.

Selon un courrier du 18 mai 2018, M. et Mme X. ont indiqué que l'état des travaux réalisés au 14 mai s'élevait à une somme de 161.088 euros (état d'avancement n° 2) et 7.560 euros (état des travaux supplémentaires) (pièce n° 39 des appelants).

Sans qu'il soit nécessaire d'examiner la valeur probatoire de l'enquête réalisée par le bureau d'enquêtes OI2R, contestée par les appelants, ni la réalité de la facture établie par la société Simon Elektrotechnik Gmbh, il est établi par les constatations de l'huissier que les factures produites par la SARL 3 Pierres ne correspondent pas à la réalisation effective des travaux voire peut être qualifiée de fictive.

La juridiction de première instance a caractérisé la mauvaise foi des époux X. par le fait qu'ils savaient que les factures produites ne correspondaient pas à l'état réel d'avancement des travaux, mais aussi en mettant en avant la connaissance qu'ils avaient de ce que les travaux devaient être réalisés avant le 13 mai 2018. Il en déduit que les assurés ont délibérément produit des fausses factures, de telle sorte que la SA AXA France IARD est bien fondée à leur opposer la déchéance de la garantie.

Cette analyse est conforme aux éléments du dossier, et caractérise l'existence de fausses déclarations quant aux conséquences du sinistre et d'une mauvaise foi des assurés.

En cause d'appel, les époux X. soutiennent être de bonne moralité, ce qui est sans effet sur l'appréciation de leur mauvaise foi quant à la transmission des factures fictives établies par la SARL 3 Pierres.

Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné les époux X. à rembourser à la SA AXA France IARD la somme de 334.676 euros payée au titre de l'indemnité immédiate.

 

3. Sur les autres demandes :

Sur les autres demandes des appelants :

La demande de M. et Mme X. visant à titre subsidiaire à obtenir l'indemnisation des frais exposés hors reconstruction est sans objet en raison de la déchéance de garantie.

Dès lors qu'il a été considéré que c'était à bon droit que l'assureur avait opposé la déchéance de la garantie à M. X. et à Mme Y. épouse X., il ne peut lui être reproché une résistance abusive. Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il les a débouté de la demande d'indemnisation de ce chef.

 

Sur les frais du procès :

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Il ressort du dossier que la SA AXA France IARD a exposé en première instance les frais irrépétibles non compris dans les dépens suivants, outre les frais exposés pour l'intervention d'un avocat :

- les frais d'une expertise confiée au cabinet Elex ;

- les frais d'une enquête confiée au bureau Oi2R ;

- les frais d'un constat d'huissier.

L'évaluation de cette indemnité à la somme de 1.500 euros apparaît donc manifestement insuffisante à couvrir les frais irrépétible ce cette dernière, qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge alors qu'aucun élément du dossier ne permet de considérer que la situation économique des époux X. ne leur permet pas de verser une somme supérieure.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé l'indemnité due à la SA AXA France IARD à la somme de 1.500 euros, et de fixer cette indemnité à la somme de 5.000 euros pour la procédure d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant :

Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la SA AXA France IARD la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure en cause d'appel ;

Condamne M. X. et Mme [Y. épouse X. aux dépens de la procédure d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE,           LA PRÉSIDENTE,