CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 29 novembre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10591
CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 29 novembre 2023 : RG n° 21/11703
Publication : Judilibre
Extrait : « L'action fondée sur l'erreur affectant le taux effectif global mentionné dans l'écrit constatant le contrat de prêt, qui vise à sanctionner l'absence de consentement de l'emprunteur au coût global du prêt, relève du régime de la prescription quinquennale de l'article 1304, ancien, du code civil. En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de cette prescription est le jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, c'est-à-dire la date de la convention, jour de l'acceptation de l'offre, lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur.
Dès lors qu'il n'existe pas de clause explicite dans l'offre de prêt sur les modalités de calcul des intérêts et que Mme X. a recouru à des calculs des sommes réclamées pour objectiver l'usage d'une année de 360 jours, son action n'est pas prescrite dès lors qu'elle n'était pas en mesure de se convaincre de l'erreur qu'elle reproche à la banque à la simple lecture de l'offre de prêt.
Il résulte des articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 anciens du code de la consommation que les intérêts dus par les emprunteurs au titre d'un prêt immobilier doivent être calculés au taux conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt sur la base d'une année civile de 365 ou 366 jours et d'un mois normalisé de 30,41666 jours. C'est sur l'emprunteur se plaignant d'une erreur dans l'indication du taux effectif global que pèse la charge de la preuve de cette erreur qui, en vertu de l'article R. 313-1 du code de la consommation, doit entraîner une différence, entre le taux effectif global réel et le taux effectif global indiqué dans l'offre, de plus d'une décimale pour être sanctionnée par l'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels. Or, il doit être rappelé que le calcul par référence à une année dite lombarde de 360 jours et d'un mois de 30 jours ou d'une année civile et d'un mois normalisé de 30,41666 jours conduit au même résultat, dès lors que le prêt est remboursable par échéances mensuelles, comme en l'espèce.
Mme X. soutient vainement que la clause de calcul des intérêts conventionnels serait abusive. En effet, outre le fait que l'offre de prêt ne mentionne aucune clause relative au calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours, l'appelante ne rapporte pas la preuve qu'une telle clause serait abusive, alors qu'il résulte des développements qui précèdent que les intérêts ont été calculés sur la base d'un mois normalisé. Il y a donc lieu d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable comme prescrite la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels et de débouter Mme X. de ses demandes à ce titre. »
2/ « Mme X. estime que la déchéance du terme a été prononcée de manière irrégulière sans mise en demeure préalable. Elle soutient qu'il ne peut être prévu dans un contrat de prêt l'exigibilité immédiate des prêts mis à exécution et qu'en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, une telle clause est abusive et doit être réputée non écrite. Elle en déduit que la déchéance du terme lui est inopposable.
En l'espèce, le contrat de prêt prévoit à l'article 7 de ses conditions générales que : « le contrat de prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles sans qu'il soit besoin d'autre formalité qu'une simple notification faite à « l'emprunteur » par lettre recommandée avec demande d'avis de réception... »
Il est désormais de jurisprudence que méconnaît son office et viole l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur applicable au litige, une cour d'appel qui fait application d'une clause d'un contrat de prêt immobilier autorisant la banque à exiger immédiatement, sans mise en demeure ou sommation préalable de l'emprunteur ni préavis d'une durée raisonnable, la totalité des sommes dues au titre de ce prêt en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date, sans examiner d'office le caractère abusif d'une telle clause (Civ.1ère, 22 mars 2023, n° 21-16.476). La clause précitée crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment de Mme X., exposée à une aggravation soudaine des conditions de remboursement du prêt, de sorte qu'elle est abusive et doit être déclarée non écrite.
Cependant, force est de constater que la banque, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 2 mai 2016, reçue le 4 mai 2016, a mis en demeure Mme X. de lui payer la somme de 4.142,41 euros en l'engageant à prendre contact avec elle dans un délai de 8 jours et en lui précisant qu'à défaut de règlement, le contrat serait résilié et que les sommes prêtées deviendraient exigibles. Ce n'est que par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 2 juin 2016, soit près d'un mois après la réception de ce courrier de mise en demeure, que la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt, de sorte que l'appelante a bénéficié d'un délai de préavis raisonnable. Il en résulte que le prononcé de la déchéance du terme est régulière. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 6
ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/11703 (10 pages). N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5GR. Décision déférée à la Cour : Décision du 5 mai 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris RG n° 19/11220.
APPELANTE :
Madame X.
[Adresse 2], [Localité 3], Représentée par Maître Soror BAHBOUHI, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT
[Adresse 1], [Localité 5], N° SIRET : XXX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Fanny DESCLOZEAUX de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298
SA CNP CAUTION
[Adresse 4], [Localité 6], N° SIRET : YYY, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Marc BAILLY, Président de chambre, MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère, MME Laurence CHAINTRON, Conseillère, qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Mélanie THOMAS, Greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Selon offre sous seing privé du 15 avril 2008, acceptée le 29 avril 2008, Mme X. a souscrit auprès de la société Crédit immobilier de France développement un prêt immobilier d'un montant de 159.000 euros, se décomposant comme suit :
- un prêt d'un montant de 16.500 euros au taux de 0 % amortissable en 264 mensualités,
- un prêt « évolution 10 » d'un montant de 142.500 euros au taux conventionnel de 4,85 % l'an remboursable en 280 mensualités.
La société CNP Caution s'est portée caution de Mme X. à l'égard de la société Crédit immobilier de France développement.
À compter du mois de mai 2016, des échéances du prêt souscrit sont demeurées impayées par Mme X..
Par courrier recommandé avec avis de réception du 2 mai 2016, la société Crédit immobilier de France développement a vainement mis en demeure Mme X. d'avoir à régulariser sa situation.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 2 juin 2016, la société Crédit immobilier de France développement a prononcé la déchéance du terme du prêt et mis en demeure Mme X. de lui régler la somme de 162.318,38 euros.
En sa qualité de caution, la société CNP Caution a été amenée, compte tenu de la défaillance de l'emprunteur, à désintéresser l'établissement prêteur à concurrence de la somme de 162 318,38 euros ainsi qu'il résulte d'une quittance subrogative du 4 octobre 2016.
Par exploit d'huissier en date du 13 avril 2017, la société CNP Caution a fait assigner Mme X. en paiement devant le tribunal de grande instance de Nîmes, lequel a, par jugement du 6 décembre 2017, condamné, notamment, Mme X. au paiement de la somme de 162.318,38 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2016.
Mme X. a interjeté appel de cette décision, et par arrêt du 13 février 2020, la cour d'appel de Nîmes a déclaré irrecevable l'intégralité des demandes formées par Mme X. à l'encontre de la société Crédit immobilier de France développement non attraite à la procédure et a confirmé la décision rendue en première instance.
Par exploit d'huissier du 13 juin 2019, Mme X. a fait assigner la société Crédit immobilier de France développement devant le tribunal judiciaire de Paris afin de voir, notamment, prononcer la nullité de la déchéance du terme, condamner la société Crédit immobilier de France développement à lui payer les sommes de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts, 162 318,38 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2016, constater le caractère erronné du taux effectif global et des modalités de calcul du taux des intérêts.
Par jugement contradictoire en date du 5 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris :
- a déclaré Mme X. irrecevable à agir en nullité de la clause d'intérêts, en déchéance du droit aux intérêts en raison d'une prétendue erreur du taux effectif global du prêt ;
- l'a déclaré irrecevable à se plaindre d'un manquement à l'obligation d'information, et en tout état de cause mal fondée ;
- a débouté Mme X. de l'ensemble de ses demandes, notamment de ses prétentions relatives à l'irrégularité de la déchéance du terme ;
- l'a condamné au paiement de la somme de 1.200 euros à la société CNP Caution ainsi qu'au paiement de la somme de 1.200 euros à la société Crédit immobilier de France développement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- l'a condamné aux entiers dépens ;
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 23 juin 2021, Mme X. a interjeté appel de la totalité des chefs de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 mars 2022, Mme X. demande à la cour de :
A titre premièrement principal :
- dire et juger la déchéance du terme effectuée le 2 juin 2016 non conforme au contrat et à la jurisprudence,
- dire et juger la prétendue déchéance nulle et non avenue,
- dire et juger la prétendue déchéance du terme inopposable à son égard,
- condamner la société Crédit immobilier de France développement à reprendre l'échéancier, et ce, sur la base de la décision à intervenir concernant la question du TEG et des intérêts conventionnels,
- dire et juger n'y avoir lieu à intérêts entre la prétendue déchéance du terme du 2 juin 2016 et la décision à intervenir,
A défaut, condamner la société Crédit immobilier de France développement, et à défaut la société CNP Caution, à des dommages et intérêts à hauteur de 40.000 euros,
- dire et juger nul et non avenu la déchéance du terme prononcée par la société Crédit immobilier de France,
- condamner la société Crédit immobilier de France développement à lui payer la somme de 162.318,38 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2016, date de la quittance subrogative et ce jusqu'à parfait paiement, outre la capitalisation des intérêts par période annuelle à compter du 13 avril 2017, date de la demande en justice de la société CNP Caution,
- ordonner, par voie de conséquence, la reprise de l'échéancier à compter de la décision à intervenir sur la seule base des intérêts légaux, à compter du mois de juin 2016, avec réimputation sur le nouvel échéancier de l'ensemble des règlements effectués par elle depuis la date de l'acte de prêt à ce jour,
- dire et juger que la banque ne peut réclamer et solliciter quelques intérêts dits intercalaires entre la fausse déchéance du terme de juin 2016, et la reprise de l'échéancier à compter de la décision à intervenir,
- condamner en tant que de besoin la société Crédit immobilier de France développement à lui payer des dommages et intérêts ne pouvant pas être inférieurs aux intérêts générés pendant la période en litige, et fixés forfaitairement à 40.000 euros aux fins de compensation avec ces derniers,
Subsidiairement,
- condamner la société Crédit immobilier de France développement à lui payer des dommages et intérêts correspondant aux sommes réclamées par la société CNP Caution,
A titre deuxièmement principal,
- constater le caractère erroné du TEG et des modalités du calcul du taux des intérêts,
- constater l'irrégularité du taux d'intérêt, de l'assiette de calcul, et du calcul de l'ensemble des intérêts, intérêts de retard, intérêts sur découvert et clause pénale,
- dire et juger que le calcul des intérêts doit être effectué au taux légal sur le prêt litigieux, et ce, depuis la signature de l'acte,
- ordonner, par voie de conséquence, la délivrance d'un nouveau tableau d'amortissement, avec l'imputation sur ce nouveau tableau d'amortissement de l'ensemble des versements et paiement effectués depuis la signature de l'acte,
- condamner en tant que de besoin la société Crédit immobilier de France développement, à établir un nouveau tableau d'amortissement au seul taux légal,
- rejeter l'ensemble des intérêts mémoire sollicités,
A titre subsidiaire,
Au visa de l'article L. 312-33 du code de la consommation,
Et si par extraordinaire la juridiction de céans faisait droit à l'argumentation de la société Crédit immobilier de France développement,
- dire, juger et ordonner la perte totale du droit aux intérêts de la société Crédit immobilier de France développement,
A titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger et ordonner que la perte en partie du droit aux intérêts de la société Crédit immobilier de France développement à hauteur de 80 %,
En tout état de cause,
- condamner la société Crédit immobilier de France développement à lui payer la somme de 2.500 euros d'article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens outre les frais préalables.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 décembre 2022, la société Crédit immobilier de France développement demande, au visa des articles L. 311 et suivants, R. 311-3, D. 311-4-3, L. 312-8, L. 312-10, L. 312-33, L. 313-1, L. 313-51, R. 313-1et L. 313-2 du code de la consommation, 1304, 1353, 1907 et 2224 du code civil, L. 110-4 du code de commerce, 6 et 9, 122 et 789 du code de procédure civile, de l'adage « le spécial déroge au général », de l'ordonnance n° 2019-740 en date du 17 juillet 2019, publiée le 18 juillet 2019 au JO, à la cour de :
- juger que l'action en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels au titre de l'offre de prêt en date du 15 avril 2008 est prescrite,
- juger que l'action en déchéance de son droit de percevoir les intérêts conventionnels au titre de l'offre de prêt en date du 15 avril 2008 est prescrite,
- juger que Mme X. ne rapporte pas la preuve d'une erreur de calcul du TEG mentionné à l'offre de prêt en date du 15 avril 2008,
- juger qu'elle a calculé les intérêts conventionnels dans l'offre de prêt conformément à la pratique du mois normalisé applicable aux crédits immobiliers,
- juger que le TEG mentionné dans l'offre de prêt en date du 15 avril 2008 n'est pas erroné, Mme X. ne rapportant pas la preuve contraire,
- juger qu'elle n'avait pas l'obligation d'adresser une mise en demeure préalable à la déchéance du terme du prêt,
- juger qu'elle a valablement prononcé la déchéance du terme du prêt conformément aux stipulations contractuelles,
- juger que les modalités de résiliation prévues à l'article L. 132-20 du code des assurances ne sont pas applicables à l'offre de prêt immobilier,
- juger qu'elle n'a pas manqué à ses obligations précontractuelles d'information lors de l'émission de l'offre de prêt, Mme X. ne rapportant pas la preuve contraire,
- juger que Mme X. ne démontre pas l'existence d'une faute, ni d'un lien de causalité justifiant l'allocation de dommages et intérêts,
En toute hypothèse,
- juger que la seule sanction au titre du TEG erroné, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, que pourrait encourir l'offre de prêt émise par elle serait la déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur qui est une sanction laissée à l'appréciation des juges du fond,
- juger que Mme X. exécute le contrat de prêt de mauvaise foi et qu'elle ne justifie pas d'un préjudice ;
- juger qu'en tout état de cause, Mme X. n'apporte pas la preuve de ce que le prétendu calcul des intérêts sur 360 jours aurait généré un surcoût supérieur à la décimale,
En conséquence,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- déclarer Mme X. irrecevable en toutes ses demandes ;
- déclarer irrecevable l'action de Mme X. fondée sur de prétendues fautes commises par elle dans la gestion de son compte,
- débouter Mme X. de l'ensemble de ses prétentions,
- condamner Mme X. à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
Si par impossible et par extraordinaire, la cour devait faire droit aux demandes de Mme X.,
- juger que les échéances à venir seront assorties du taux d'intérêt légal applicable au jour de leur règlement et qu'une éventuelle compensation ne jouera qu'au jour du paiement de la dernière échéance de remboursement.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 novembre 2021, la société CNP Caution demande à la cour de :
- constater que Mme X. ne formule aucun reproche ni demande à son encontre,
Par conséquent,
- ordonner sa mise hors de cause,
- débouter Mme X. de l'ensemble de ses demandes à son égard,
A titre reconventionnel :
- condamner Mme X. à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive à son égard,
En tout état de cause :
- condamner Mme X. au paiement de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de la présente instance.
[*]
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2023 et l'audience fixée au 17 octobre 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CELA EXPOSÉ,
Sur la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels :
Mme X. soutient dans ses écritures que « Tout laisse à penser que les intérêts annuels ont été calculés sur une base annuelle de 360 jours » et que cette erreur de calcul affectant le taux effectif global doit être sanctionnée par la nullité de la fixation des intérêts.
La société Crédit immobilier de France développement réplique que l'action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels est irrecevable comme prescrite. Elle relève également que Mme X. ne démontre nullement en quoi le taux effectif global serait erroné et rappelle que la jurisprudence ne tient pas compte de la qualité d'emprunteur profane ou non pour déterminer le point de départ de la prescription d'une action en contestation du taux effectif global.
L'action fondée sur l'erreur affectant le taux effectif global mentionné dans l'écrit constatant le contrat de prêt, qui vise à sanctionner l'absence de consentement de l'emprunteur au coût global du prêt, relève du régime de la prescription quinquennale de l'article 1304, ancien, du code civil. En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de cette prescription est le jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, c'est-à-dire la date de la convention, jour de l'acceptation de l'offre, lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur.
Dès lors qu'il n'existe pas de clause explicite dans l'offre de prêt sur les modalités de calcul des intérêts et que Mme X. a recouru à des calculs des sommes réclamées pour objectiver l'usage d'une année de 360 jours, son action n'est pas prescrite dès lors qu'elle n'était pas en mesure de se convaincre de l'erreur qu'elle reproche à la banque à la simple lecture de l'offre de prêt.
Il résulte des articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 anciens du code de la consommation que les intérêts dus par les emprunteurs au titre d'un prêt immobilier doivent être calculés au taux conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt sur la base d'une année civile de 365 ou 366 jours et d'un mois normalisé de 30,41666 jours.
C'est sur l'emprunteur se plaignant d'une erreur dans l'indication du taux effectif global que pèse la charge de la preuve de cette erreur qui, en vertu de l'article R. 313-1 du code de la consommation, doit entraîner une différence, entre le taux effectif global réel et le taux effectif global indiqué dans l'offre, de plus d'une décimale pour être sanctionnée par l'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels.
Or, il doit être rappelé que le calcul par référence à une année dite lombarde de 360 jours et d'un mois de 30 jours ou d'une année civile et d'un mois normalisé de 30,41666 jours conduit au même résultat, dès lors que le prêt est remboursable par échéances mensuelles, comme en l'espèce.
Mme X. soutient vainement que la clause de calcul des intérêts conventionnels serait abusive.
En effet, outre le fait que l'offre de prêt ne mentionne aucune clause relative au calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours, l'appelante ne rapporte pas la preuve qu'une telle clause serait abusive, alors qu'il résulte des développements qui précèdent que les intérêts ont été calculés sur la base d'un mois normalisé.
Il y a donc lieu d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable comme prescrite la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels et de débouter Mme X. de ses demandes à ce titre.
Sur l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels :
Mme X. sollicite également, pour les mêmes motifs, la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la banque.
Cette dernière lui oppose la prescription de cette action.
Comme l'a retenu à juste titre le tribunal, l'action tendant au prononcé de la sanction civile que constitue la déchéance du droit aux intérêts fondée sur l'erreur affectant le taux effectif global indiqué dans l'offre de prêt, prévue par l'article L. 312-33 du code de la consommation dans sa version applicable au présent litige, relève du régime de la prescription quinquennale, anciennement décennale, de l'article L. 110-4 du code de commerce instaurée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, laquelle est applicable à compter du 19 juin 2008 date de son entrée en vigueur, conformément aux dispositions transitoires prévues à l'article 26-II, dès lors que le délai de prescription décennale n'était pas expiré à cette date et sans que la durée totale puisse excéder la durée de dix ans prévue par la loi antérieure.
Le point de départ de cette prescription est le jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, c'est-à-dire la date de la convention, jour de l'acceptation de l'offre, lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur.
Il résulte des développements qui précèdent que l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels formée par l'appelante n'est pas prescrite, mais qu'il y a lieu, pour les mêmes motifs, de débouter l'appelante de sa demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
La décision déférée sera donc infirmée en ce qu'elle déclaré irrecevable comme prescrite l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Sur la prescription de l'action en indemnisation pour manquements de la banque à son obligation d'information :
Mme X. estime que la banque n'a pas respecté son obligation d'information en application des dispositions de l'article L. 311-6 du code de la consommation. Elle relève que la banque ne communique pas les documents prévus aux articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation et ne justifie pas de la formation imposée par l'article D. 311-4-3 de ce code aux personnels qui proposent, sur le lieu de vente ou à distance, des crédits à la consommation. Elle reproche également à la banque de ne pas rapporter la preuve de la vérification de sa solvabilité lors de l'octroi du prêt en application de l'article D. 311-10-03 du code de la consommation. Enfin, elle allègue un manquement de la banque à son obligation de mise en garde et d'alerte sur les risques encourus.
Il est de jurisprudence constante que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement (Com, 5 janv. 2022, n° 20-18893).
En l'espèce, les premiers incidents de paiement sont survenus au mois de mai 2016, de sorte que les demandes indemnitaires de Mme X. formées par exploit d'huissier du 13 juin 2019, soit dans le délai de 5 ans à compter du mois de mai 2016, sont recevables.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré Mme X. irrecevable en ses demandes de ce chef.
Comme l'a relevé à juste titre le tribunal, le prêt consenti par la société Crédit immobilier de France développement est un prêt immobilier et non un crédit à la consommation, de sorte que l'appelante ne peut se prévaloir des dispositions invoquées précitées du code de la consommation.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il considéré qu'en tout état de cause, Mme X. était mal fondée en ses demandes à ce titre.
Sur la régularité de la déchéance du terme :
Mme X. estime que la déchéance du terme a été prononcée de manière irrégulière sans mise en demeure préalable. Elle soutient qu'il ne peut être prévu dans un contrat de prêt l'exigibilité immédiate des prêts mis à exécution et qu'en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, une telle clause est abusive et doit être réputée non écrite. Elle en déduit que la déchéance du terme lui est inopposable.
En l'espèce, le contrat de prêt prévoit à l'article 7 de ses conditions générales que :
« le contrat de prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles sans qu'il soit besoin d'autre formalité qu'une simple notification faite à 'l'emprunteur' par lettre recommandée avec demande d'avis de réception... »
Il est désormais de jurisprudence que méconnaît son office et viole l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur applicable au litige, une cour d'appel qui fait application d'une clause d'un contrat de prêt immobilier autorisant la banque à exiger immédiatement, sans mise en demeure ou sommation préalable de l'emprunteur ni préavis d'une durée raisonnable, la totalité des sommes dues au titre de ce prêt en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date, sans examiner d'office le caractère abusif d'une telle clause (Civ.1ère, 22 mars 2023, n° 21-16.476).
La clause précitée crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment de Mme X., exposée à une aggravation soudaine des conditions de remboursement du prêt, de sorte qu'elle est abusive et doit être déclarée non écrite.
Cependant, force est de constater que la banque, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 2 mai 2016, reçue le 4 mai 2016, a mis en demeure Mme X. de lui payer la somme de 4 142,41 euros en l'engageant à prendre contact avec elle dans un délai de 8 jours et en lui précisant qu'à défaut de règlement, le contrat serait résilié et que les sommes prêtées deviendraient exigibles.
Ce n'est que par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 2 juin 2016, soit près d'un mois après la réception de ce courrier de mise en demeure, que la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt, de sorte que l'appelante a bénéficié d'un délai de préavis raisonnable.
Il en résulte que le prononcé de la déchéance du terme est régulière.
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté Mme X. de l'ensemble de ses demandes relatives à l'irrégularité de la déchéance du terme et par voie de conséquence de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre à hauteur de la somme de 40.000 euros.
Sur la demande de mise hors de cause de la société CNP Caution :
Mme X., dans le dispositif de ses écritures, sollicite la condamnation de la société CNP Caution, à lui payer la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts.
La société CNP Caution sera donc déboutée de sa demande de mise hors de cause dès lors qu'une demande est formée à son encontre.
Cependant, force est de constater que Mme X. ne formule ni dans ses écritures, ni dans leur dispositif, le fondement juridique de sa demande d'indemnisation à l'encontre de la société CNP Caution et ne lui reproche aucune faute, de sorte qu'elle ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur l'abus du droit d'agir en justice :
La société CNP Caution ne démontre pas, au regard des dispositions de l'article 1382, ancien, du code civil, que le droit d'agir en justice de l'appelante ait dégénéré en abus.
Ainsi, l'argumentation présentée par cette dernière et les éléments de preuve versés aux débats ne sauraient suffire à caractériser une faute, alors qu'il n'est pas établi qu'ils ont été présentés dans la seule intention de nuire à son contradicteur et non au soutien de la défense de ses propres intérêts.
Dans ces conditions, la demande en paiement de dommages-intérêts de la société CNP Caution sera rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'appelante sera donc condamnée aux dépens.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, Mme X. sera condamnée à payer à la société Crédit immobilier de France développement et à la société CNP Caution la somme de 2.000 euros à chacune.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR,
PAR CES MOTIFS,
INFIRME le jugement déféré du tribunal judiciaire de Paris du 5 mai 2021 en ce qu'il a déclaré les actions de Mme X. irrecevables comme prescrites ;
Statuant à nouveau des chefs de la décision infirmée et y ajoutant,
DEBOUTE Mme X. de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Crédit immobilier de France développement et de la société CNP Caution ;
DEBOUTE la société CNP Caution de sa demande de mise hors de cause ;
DEBOUTE la société CNP Caution de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de Mme X. ;
CONDAMNE Mme X. à payer à la société Crédit immobilier de France développement et à la société CNP Caution la somme de 2.000 euros à chacune ;
CONDAMNE Mme X. aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT