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CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 29 novembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 29 novembre 2023
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 22/14141
Date : 29/11/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 26/07/2022
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10592

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 29 novembre 2023 : RG n° 22/14141

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Les appelants, à bon droit, font valoir que l'action qui tend à faire échec à une clause abusive n'est pas soumise à prescription. En réponse, la société Crédit immobilier de France développement défend que la clause excluant du calcul du taux effectif global et du coût total du crédit les frais de la période de préfinancement n'est pas abusive.

En vertu des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En l'espèce MMme X. affirment, sans développer, que la clause excluant les frais de la période d'anticipation serait abusive, sans caractériser en quoi il serait créé au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Ils ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes se rapportant au caractère prétendument abusif de la clause critiquée. »

2/ « Or, en l'absence à l'offre de prêt (fait constaté par l'analyste lui-même) d'une clause - qui au demeurant, serait illicite - stipulant un calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours, la faisabilité de cette vérification en l'espèce ne relève pas de l'évidence, un tel contrôle nécessitant de procéder à des calculs à partir du tableau d'amortissement joint à l'offre de prêt (nécessairement provisoire). Par suite, il ne peut être retenu comme établi, que MMme X. pouvaient ou devaient se rendre compte dès cet instant, de l'irrégularité dont ils se prévalent présentement. Le point de départ de la prescription quinquennale peut donc être fixé à la date du rapport rédigé par M. Z., soit le 5 novembre 2018.

Sur le fond, en premier lieu il convient de rappeler qu'en l'état actuel de la jurisprudence de la Cour de cassation la seule sanction civile encourue en cas de calcul des intérêts d'un prêt sur la base de l'année dite lombarde, est celle de la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels du prêt, dans la proportion appréciée par le juge. La solution est donc identique à celle retenue en matière de taux effectif global erroné. Aussi, il est de principe que par application des dispositions combinées des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 du code de la consommation, les intérêts conventionnels d'un prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doivent, comme le taux effectif global, être calculés sur la base de l'année civile sous peine de se voir substituer l'intérêt légal.

Ceci étant, il doit être retenu que calculer les intérêts courus entre deux échéances sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est équipollent à calculer ces intérêts sur la base d'un mois normalisé et d'une année de 365 jours, seule méthode correcte eu égard aux dispositions du code de la consommation, en particulier l'article R. 313-1 et son annexe, d'application générale. Or en l'espèce M. Z. n'a procédé à aucun calcul pour vérifier que la banque n'aurait pas fait application du mois normalisé.

Certes, si calculer les intérêts courus entre deux échéances sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est équipollent à calculer ces intérêts sur la base d'un mois normalisé et d'une année de 365 jours, en revanche, le calcul des intérêts courus pendant un nombre de jours autre que trente, différerait selon qu'il est rapporté à une année lombarde ou une année civile. Cependant en l'espèce, nulle part dans les écritures de MMme X. il n'est allégué d'une erreur qui aurait été commise dans le calcul des intérêts d'une échéance incomplète. En tout état de cause il ne pourrait s'agir que d'une erreur minime insusceptible d'emporter pour les emprunteurs un surcoût d'intérêts affectant le taux effectif global au delà de la décimale, comme l'exige dorénavant la Cour de cassation.

MMme X. échouent donc à démontrer que la banque a, effectivement, calculé les intérêts conventionnels du prêt sur la base de l'année lombarde, alors que la preuve leur en incombe. Ils doivent donc être déboutés de toutes leurs demandes s'y rapportant, qu'elles soient principales, subsidiaires, ou subséquentes. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R. G. n° 22/14141 (11 pages) ; N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHXE. Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 juin 2022 - Tribunal de Commerce de CRÉTEIL - RG n° 2019F01098.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

[Adresse 2], [Localité 4]

Madame Y. épouse X.

[Adresse 2], [Localité 4]

Représentés par Maître Elie LELLOUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1021

 

INTIMÉE :

SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT

[Adresse 1], [Localité 3], N°SIRET : XXX, Représentée par Maître Fanny DESCLOZEAUX de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Marc BAILLY, Président de chambre, MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère, MME Laurence CHAINTRON, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Mélanie THOMAS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon offre de prêt émise le 3 février 2012 acceptée par les emprunteurs le 18 février suivant, la société Crédit Immobilier de France Ile de France, devenue société Crédit Immobilier de France Développement, a consenti à M. X. et Mme Y., son épouse, co-emprunteurs solidaires, un prêt immobilier destiné à financer la construction de leur résidence principale. Ce prêt, d'un montant de 188.245,64 euros et d'une durée d'amortissement de 360 mois précédée d'une période d'anticipation d'une durée maximale de 36 mois, a été stipulé remboursable au taux conventionnel de 4,35 % l'an, révisable au taux Euribor 3 mois majoré d'une partie fixe de 2,15 points. L'offre de prêt mentionne un taux effectif global de 4,409 % l'an assurances comprises, et un taux de période mensuel de 0,3674167 %.

Contestant le mode de calcul des intérêts du prêt, selon eux basé sur une année bancaire de 360 jours et non sur l'année civile, et soutenant que le taux effectif global indiqué dans l'offre de prêt serait erroné en ce qu'il n'intègre pas les frais liés à la période d'anticipation, MMme X. ont fait assigner la banque à comparaître devant le tribunal de commerce de Créteil, selon acte d'huissier daté du 1er octobre 2019.

Pour l'essentiel de leurs prétentions ils demandaient au tribunal : à titre principal, de prononcer la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel, de condamner la banque au remboursement des intérêts indûment perçus et d'enjoindre à cette dernière de produire de nouveaux tableaux d'amortissement établis sur la base du taux légal, relativement au prêt et éventuels avenants ; à titre subsidiaire, de prononcer la déchéance totale du droit de la banque aux intérêts conventionnels ; en tout état de cause, de condamner la société Crédit immobilier de France développement à leur verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts à raison de son manquement à son obligation de loyauté contractuelle.

En réponse, la société Crédit Immobilier de France Développement a notamment conclu à l'irrecevabilité de l'action pour cause de prescription.

Par jugement du 14 juin 2022 le tribunal a statué ainsi :

« - DIT irrecevables les demandes de M. X. et Mme X., pour cause de prescription ;

- CONDAMNE M. X. et Mme X. à payer au CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT, venant aux droits de la SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE IDF la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC, et déboute les époux X. de leur demande formée de ce chef ;

- RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit ;

- CONDAMNE M. X. et Mme X. aux dépens. »

* * *

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 26 juillet 2022, MMme X. ont interjeté appel de ce jugement. À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 12 septembre 2023 les moyens et prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.

Au dispositif de leurs dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 8 avril 2023 les appelants

présentent en ces termes leurs demandes à la cour :

« Vu l'article 1907 du code civil ;

Vu les articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation et les articles R. 313-1 et suivants du même code ;

Vu l'article L. 312-33 du code de la consommation, désormais codifié à l'article L. 341-34 du même code ;

Vu l'ancien article 1147 du code civil, ensemble les articles 1231 et suivants nouveau du même code ;

Vu la jurisprudence applicable ;

Vu les pièces versées aux débats ;

Il est demandé de :

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il :

DIT irrecevables les demandes de M. X. et de Mme X., pour cause de prescription ;

CONDAMNE M. X. et Mme X. à payer au CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT, venant aux droits de la SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE IDF la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC, et DEBOUTE les époux X. de leur demande formée de ce chef ;

CONDAMNE les époux X. aux dépens.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- DÉCLARER les demandes de Monsieur X. et Madame Y. recevables et bien fondées ;

- CONSTATER que, par le jeu d'une clause abusive, les frais de la période d'anticipation du prêt n° 278384 n'ont pas été intégrés au TEG ni au coût du crédit ; en ECARTER l'application ;

- PRONONCER l'annulation de la stipulation d'intérêts du contrat initial souscrit par Monsieur X. et Madame Y. ;

- ORDONNER la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial souscrit par Monsieur X. et Madame Y. ;

En tout état de cause,

- PRONONCER la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt 278384 souscrit auprès de la société CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT venant aux droits du CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE ILE DE FRANCE par Monsieur X. et Madame Y. ;

- CONDAMNER la société CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT venant aux droits du CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE ILE DE FRANCE à payer à Monsieur X. et Madame Y. la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle ;

- CONDAMNER la société CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT venant aux droits du CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE ILE DE FRANCE à payer à Monsieur X. et Madame Y. la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- REJETER toutes demandes et prétentions contraires de la société CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT venant aux droits du CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE ILE DE FRANCE ;

- CONDAMNER la société CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT venant aux droits du CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE ILE DE FRANCE aux entiers dépens de l'instance. »

[*]

Au dispositif de ses conclusions communiquées par voie électronique le 13 janvier 2023 et qui constituent ses uniques écritures, l'intimé présente ainsi ses demandes à la cour :

« Il est demandé à la cour d'appel de Paris de :

Vu les dispositions des articles L. 312-8, L. 312-10, L. 312-33, L. 313-1, R. 313-1 et L. 313-2 du Code de la Consommation,

Vu les articles 1304 ancien et 1103 et suivants, 1353, 1907, 2224 et 2234 du Code civil,

Vu les dispositions des articles 6 et 9 du Code de Procédure Civile,

Vu les dispositions de l'article L. 110-4 du Code de Commerce,

Vu l'adage « le spécial déroge au général »,

Vu l'ordonnance n° 2019-740 en date du 17 juillet 2019, publiée le 18 juillet 2019 au JO,

Vu le jugement entrepris,

- JUGER que les actions des époux X. en nullité de la stipulation d'intérêt et en déchéance du droit du CIFD de percevoir les intérêts conventionnels au titre de l'offre de prêt du 3 février 2012 sont prescrites ;

- JUGER que les époux X. ne rapportent pas la preuve d'une erreur de calcul du TEG mentionné dans l'offre de prêt du 3 février 2012 ;

- JUGER que le coût de la période de préfinancement était indéterminé au moment de l'émission de l'offre de prêt du 3 février 2012 ;

- JUGER que les intérêts ont été calculés conformément à la pratique du mois normalisé dans l'offre de prêt du 3 février 2012 ;

- JUGER que le CIFD n'a pas utilisé l'année lombarde pour calculer les intérêts conventionnels, les époux X. n'apportant pas la preuve de l'utilisation d'un tel calcul pour l'offre de prêt du 3 février 2012 ;

- JUGER que le calcul du TEG mentionné dans l'offre de prêt du 3 février 2012 n'est pas erroné ;

- JUGER que la clause excluant du calcul du TEG et du coût total du crédit les frais de la période de préfinancement n'est pas abusive ;

En toute hypothèse,

- JUGER que la seule sanction que pourrait encourir l'offre de prêt émise par le CIFD serait la déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur qui est une sanction laissée à l'appréciation des juges du fond ;

- JUGER que les époux X. exécutent le contrat de prêt de mauvaise foi et qu'ils ne justifient pas d'un préjudice ;

- JUGER qu'en tout état de cause, les époux X. n'apportent pas la preuve de ce que le prétendu calcul des intérêts sur 360 jours aurait généré un surcoût supérieur à la décimale ;

En conséquence,

- CONFIRMER le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Ce faisant,

- DÉCLARER les époux X. irrecevables en toutes leurs demandes ;

- DÉBOUTER les époux X. de leur appel et de l'ensemble de leurs prétentions ;

- CONDAMNER solidairement les époux X. à payer au CIFD la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.

Si par impossible et par extraordinaire, votre Tribunal devait faire droit aux demandes des époux X. :

- JUGER que les échéances à venir seront assorties du taux d'intérêt légal applicable au jour de leur règlement et qu'une éventuelle compensation ne jouera qu'au jour du paiement de la dernière échéance de remboursement.

[*]

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le tribunal de commerce a retenu que les éléments dont se prévalent MMme X. pour conclure à l'application du taux d'intérêt légal par substitution au taux conventionnel du prêt, étaient « soit connus le 18 février 2012, soit conformes aux règles de calcul du TEG quand les informations ne sont pas disponibles (par exemple le taux Euribor à 3 mois à la 61e échéance), soit indéterminables car dépendant de la décision des emprunteurs et donc non pris en compte dans le TEG ». Il conclut qu'aucun de ces éléments ne permet aux emprunteurs de contester le délai de prescription de cinq ans qui a couru à partir de février 2012, et que par conséquent leurs demandes sont toutes irrecevables pour être prescrites.

Les appelants critiquent cette décision en faisant valoir notamment que l'action qui tend à faire échec à une clause abusive n'est pas soumise à prescription, que le principe d'effectivité doit conduire à écarter la prescription, que l'égalité des armes interdit à la banque d'opposer la prescription s'agissant des irrégularités affectant la validité d'un prêt en cours d'exécution.

Sur le fond, MMme X. reprochent à la banque :

- une présentation du taux effectif global erronée puisque la banque intègre une baisse de taux à la soixante et unième échéance, cette diminution du taux nominal arbitraire n'ayant d'autre fin que de minorer artificiellement et de manière trompeuse le taux effectif global présenté,

- d'avoir éludé le coût de l'anticipation de 36 mois, de l'assiette de calcul du taux effectif global et du coût du crédit,

- d'avoir occulté certains frais induits par les conditions d'octroi du prêt, spécialement l'assurance des biens,

- d'avoir calculé les intérêts du prêt sur une base de 360 jours, et non sur celle d'une année civile.

 

Sur le caractère abusif de la clause excluant les frais de la période d'anticipation :

Les appelants, à bon droit, font valoir que l'action qui tend à faire échec à une clause abusive n'est pas soumise à prescription.

En réponse, la société Crédit immobilier de France développement défend que la clause excluant du calcul du taux effectif global et du coût total du crédit les frais de la période de préfinancement n'est pas abusive.

En vertu des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En l'espèce MMme X. affirment, sans développer, que la clause excluant les frais de la période d'anticipation serait abusive, sans caractériser en quoi il serait créé au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Ils ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes se rapportant au caractère prétendûment abusif de la clause critiquée.

 

Sur le taux effectif global :

En droit, qu'il soit engagé l'action en nullité de la stipulation d'intérêts, ou encore l'action en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, la question de la prescription, désormais quinquennale dans chacune de ces hypothèses, est susceptible de se poser, mais au regard d'un fondement textuel qui n'est pas le même dans l'un et l'autre cas quand bien même au final le point de départ de la prescription sera fixé selon un raisonnement analogue.

Ainsi, l'action en nullité de la stipulation d'intérêts, en ce qu'elle serait fondée sur l'erreur affectant le taux effectif global mentionné dans l'écrit constatant le contrat de prêt et viserait à sanctionner l'absence de consentement de l'emprunteur au coût global du prêt, relève du régime de la prescription quinquennale de l'article 1304 ancien du code civil. En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de cette prescription est le jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, c'est-à-dire la date de la convention, jour de l'acceptation de l'offre, lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur.

Par ailleurs, en vertu de l'article L. 312-33 ancien du code de la consommation, l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels est soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce, notamment relative aux obligations contractées entre une banque prêteuse et le souscripteur d'un crédit immobilier, la prescription courant alors à compter du moment où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur invoquée.

En l'espèce, les appelants focalisent sur le fait que totalement profanes en matière de crédits ils ne disposaient pas des compétences nécessaires pour leur permettre de déceler par eux-mêmes à la lecture de l'acte de prêt les erreurs affectant le calcul du taux effectif global.

Pourtant, l'offre de prêt dont le taux effectif global est contesté, émise le 3 février et acceptée par les emprunteurs le 18 février 2012, comporte des mentions suffisamment précises et claires, sous une présentation accessible permettant à un lecteur même profane de comprendre ce qu'est un taux effectif global, et surtout, concrètement, de connaître quels frais et charges ont été effectivement pris en compte pour le calculer et donc, a contrario, quels sont ceux qui n'ont pas été inclus, puisqu'elle stipule en sa page 2, que le coût total du crédit, pour s'établir à 158.992,91 euros, comprend :

- les frais de dossier pour un montant de 950,00 euros,

- le coût estimé des sûretés, pour un montant de 1.543,00 euros,

- les intérêts hors anticipation, pour un montant de 140.991,11 euros,

- le coût total de l'assurance, pour un montant de 15.508,80 euros,

Il en ressort on ne peut plus explicitement, que ne sont pas compris dans le coût total du crédit, et donc dans le taux effectif global, les frais de la période d'anticipation du prêt.

Surtout, ces mentions des conditions particulières sont éclairées par celles figurant aux « Conditions générales », « VI - Taux effectif global et coût total du crédit », qui indique en suite immédiate d'une information sur les composantes du taux effectif global, que celui-ci « ne tient pas compte des sommes dues pendant la période d'anticipation et des assurances facultatives ».

De même l'offre stipule que « Le coût total du crédit et le taux effectif global indiqués ci-dessus, respectivement aux paragraphes « MODALITÉS DE REMBOURSEMENT » et « COUT TOTAL DU CRÉDIT », ont été calculés sur une durée de 360 mois en tenant compte, d'une part, du taux nominal initial pour la période d'application de ce taux, et, d'autre part, du taux d'intérêt révisé qui serait applicable à l'issue de cette période et pour la durée résiduelle, sur la base du taux de référence EURIBOR 3 MOIS de 1,59 %. Ce taux de référence correspond à celui qui aurait été retenu en supposant une révision du taux à la date d'émission de la présente offre ».

Ainsi les emprunteurs, au prix de la lecture attentive et exhaustive de l'offre qu'ils ont signée, qu'il est légitime d'attendre de personnes s'engageant pour au minimum 30 ans, même dépourvus de compétence particulière en matière financière étaient en mesure de se convaincre de l'éventualité d'une erreur relative au taux effectif global, qui résulterait nécessairement des omissions telles qu'alléguées, à savoir en l'espèce, la non prise en compte des frais de la période d'anticipation, et nouvellement en cause d'appel des frais d'assurance incendie, ou encore, de l'intégration dans le calcul du taux effectif global du taux conventionnel auquel est appliqué le taux de révision de la date de l'offre, et non le taux initial - peu important à ce stade, que les emprunteurs soient dans l'incapacité d'en chiffrer l'incidence.

Or, lorsque la simple lecture de l'offre de prêt permet à l'emprunteur de déceler une irrégularité, qu'il s'agisse d'une omission, d'une imprécision, d'une approximation ou de toute autre 'anomalie' susceptible de générer une erreur dans le calcul du taux effectif global, le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts se situera au jour de l'acceptation de l'offre, soit en l'espèce le 3 février 2012 et non pas de manière différée au 5 novembre 2018, date du rapport de « Pole Expert Nord Est » (M. Z. - leur pièce 4) sur lequel MMme X. se fondent pour postuler, notamment, que le taux de période est erroné en ce qu'il n'intègre pas ces frais et en ce qu'il intègre un changement de taux (indéterminable à la date de souscription dans le calcul du taux effectif global).

Il appartenait à MMme X. d'agir dans le délai imparti, ce qu'ils n'ont pas fait, l'assignation ayant été délivrée le 1er octobre 2019, alors que l'action en nullité de la stipulation d'intérêt, tout comme l'action en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels - la seule qui puisse être exercée s'agissant d'un taux effectif global prétendument erroné contenu dans une offre de prêt soumise au code de la consommation - étaient déjà prescrites, depuis le 18 février 2017.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a dit MMme X. irrecevables en leurs demandes au titre d'un taux effectif global erroné.

 

Sur le mode de calcul des intérêts du prêt :

Ensuite, MMme X., là encore sur la foi du rapport d'analyse de « Pole Expert Nord Es » reprochent à la banque d'avoir calculé les intérêts du prêt, illicitement, sur la base d'une année bancaire de 360 jours.

La société Crédit Immobilier de France Développement, suivie en cela par le tribunal, considère que MMme X. disposaient dès la communication de l'offre de prêt et du tableau d'amortissement, des éléments leur permettant de vérifier par eux-mêmes ou par un tiers et aisément, l'exactitude des intérêts calculés par la banque, de sorte que leurs demandes à ce titre se trouvent prescrites.

Or, en l'absence à l'offre de prêt (fait constaté par l'analyste lui-même) d'une clause - qui au demeurant, serait illicite - stipulant un calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours, la faisabilité de cette vérification en l'espèce ne relève pas de l'évidence, un tel contrôle nécessitant de procéder à des calculs à partir du tableau d'amortissement joint à l'offre de prêt (nécessairement provisoire). Par suite, il ne peut être retenu comme établi, que MMme X. pouvaient ou devaient se rendre compte dès cet instant, de l'irrégularité dont ils se prévalent présentement. Le point de départ de la prescription quinquennale peut donc être fixé à la date du rapport rédigé par M. Z., soit le 5 novembre 2018.

Sur le fond, en premier lieu il convient de rappeler qu'en l'état actuel de la jurisprudence de la Cour de cassation la seule sanction civile encourue en cas de calcul des intérêts d'un prêt sur la base de l'année dite lombarde, est celle de la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels du prêt, dans la proportion appréciée par le juge. La solution est donc identique à celle retenue en matière de taux effectif global erroné.

Aussi, il est de principe que par application des dispositions combinées des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 du code de la consommation, les intérêts conventionnels d'un prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doivent, comme le taux effectif global, être calculés sur la base de l'année civile sous peine de se voir substituer l'intérêt légal.

Ceci étant, il doit être retenu que calculer les intérêts courus entre deux échéances sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est équipollent à calculer ces intérêts sur la base d'un mois normalisé et d'une année de 365 jours, seule méthode correcte eu égard aux dispositions du code de la consommation, en particulier l'article R. 313-1 et son annexe, d'application générale.

Or en l'espèce M. Z. n'a procédé à aucun calcul pour vérifier que la banque n'aurait pas fait application du mois normalisé.

Certes, si calculer les intérêts courus entre deux échéances sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est équipollent à calculer ces intérêts sur la base d'un mois normalisé et d'une année de 365 jours, en revanche, le calcul des intérêts courus pendant un nombre de jours autre que trente, différerait selon qu'il est rapporté à une année lombarde ou une année civile. Cependant en l'espèce, nulle part dans les écritures de MMme X. il n'est allégué d'une erreur qui aurait été commise dans le calcul des intérêts d'une échéance incomplète. En tout état de cause il ne pourrait s'agir que d'une erreur minime insusceptible d'emporter pour les emprunteurs un surcoût d'intérêts affectant le taux effectif global au delà de la décimale, comme l'exige dorénavant la Cour de cassation.

MMme X. échouent donc à démontrer que la banque a, effectivement, calculé les intérêts conventionnels du prêt sur la base de l'année lombarde, alors que la preuve leur en incombe. Ils doivent donc être déboutés de toutes leurs demandes s'y rapportant, qu'elles soient principales, subsidiaires, ou subséquentes.

 

Sur la demande de dommages et intérêts :

Il importe d'indiquer que le tribunal n'a pas statué sur cette demande pourtant déjà formée en première instance et ce alors que la société Crédit immobilier de France n'a pas excipé de sa prescription (et ne le fait toujours pas en cause d'appel).

MMme X. demandent à la cour de condamner la société Crédit immobilier de France développement venant aux droits du Crédit immobilier de France Ile de France à leur verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle.

La société Crédit immobilier de France développement, en réponse fait valoir que MMme X. exécutent le contrat de prêt de mauvaise foi et qu'ils ne justifient pas d'un préjudice.

MMme X. ne rapportent pas la preuve d'un préjudice lié à un manquement de la banque à son obligation de loyauté dans la conclusion et l'exécution du contrat, qui serait distinct de celui résultant selon eux des irrégularités affectant le taux effectif global ou autres stipulations contactuelles, au titre desquelles MMme X. formulent des demandes dont ils sont déboutés.

Dans ces conditions, leur demande indemnitaire ne peut qu'être rejetée.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

MMme X. qui échouent en leurs demandes, supporteront la charge des dépens et ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de la société Crédit immobilier de France développement formulée sur ce même fondement pour la somme réclamée, de 3.000 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

INFIRME le jugement déféré, en ce que le tribunal a jugé irrecevables comme étant prescrites, l'ensemble des demandes de M. X. et Mme Y. épouse X. ;

Le RÉFORMANT en y ajoutant, statuant à nouveau :

DÉCLARE M. X. et Mme Y. épouse X. recevables en leurs demandes relatives au calcul sur la base de l'année civile, des intérêts du prêt conclu le 18 février 2012,

et sur le fond, les DÉBOUTE de cette demande,

DÉBOUTE M. X. et Mme Y. épouse X. de leur demande tendant à voir dire abusive la clause du prêt excluant de l'assiette de calcul du taux effectif global les frais et intérêts intercalaires de la période de préfinancement ;

Les DÉBOUTE de leur demande de dommages et intérêts pour manquement de la banque à son devoir de loyauté contractuelle ;

Les DÉCLARE irrecevables en leurs autres demandes, relatives au taux effectif global ;

CONFIRME le jugement déféré, pour le surplus, quant aux frais irrépétibles et dépens ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. X. et Mme Y. épouse X., à payer à la société Crédit immobilier de France développement la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

DÉBOUTE M. X. et Mme Y. épouse X. de leur propre demande formulée sur ce même fondement ;

CONDAMNE M. X. et Mme Y. épouse X. aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT