CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 18 janvier 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10665
CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 18 janvier 2024 : RG n° 22/06443
Publication : Judilibre
Extrait : « Son action en tant que fondée sur les clauses abusives échappe au demeurant à la prescription quinquennale.
Selon l'article 1273 du code civil dans sa rédaction alors applicable, « La novation ne se présume point ; il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte. » Rien dans l'avenant du 18 juillet 2013 portant réaménagement des conditions financières par diminution du taux d'intérêt de 4,05% à 3,16% et du TEG de 4,69% à 3,729% ne permet de considérer que les parties ont manifesté, d'une façon ou d'une autre, une quelconque volonté d'opérer novation. Au contraire, il y est expressément stipulé « il n'est apporté aucune autre modification aux conditions et stipulations du contrat d'origine lesquelles conservent leur plein effet, sans novation au sens de l'article 1271 du code civil, ni dérogation, les parties voulant que le présent acte forme un tout avec celui précédemment signé ». En tout état de cause, l'action de M. X. est dirigée contre l'offre de prêt initiale du 19 décembre 2009, qu'elle soit fondée sur la nullité de la stipulation d'intérêt maintenue à titre principal ou sur la déchéance du droit aux intérêts soutenue à titre subsidiaire, non contre l'avenant.
Selon l'article 2224 du code civil, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
Les deux causes d'irrégularités que soutient M. X. lui étaient révélées par la simple lecture de l'offre, à savoir la présence de la clause 30/360 expressément stipulée dans ces termes « durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours » et l'absence de prise en compte des intérêts intercalaires puisque l'offre du 19 décembre 2009 l'en informe expressément en stipulant « le coût total du crédit et le TEG ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d'assurance et le cas échéant des primes d'assurance de la phase de préfinancement. » En tout état de cause, que le point de départ du délai de prescription dépende de la date à laquelle l'emprunteur décide de recourir à un sachant confère au délai de prescription un caractère purement potestatif.
Sur le moyen selon laquelle la clause 30/360 serait abusive, il sera rappelé que la clause 30/360 est une clause d'équivalence financière en ce que prévoyant que les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour trente jours rapportés à 365 jours l'an et qu'en cas de remboursement anticipé les intérêts courus depuis la dernière échéance seront calculés sur la base du nombre de jours exacts des intérêts rapportés à 365 jours l'an, il est constant que l'année civile comptant douze mois et les intérêts dus pour une période mensuelle représentant un douzième de l'intérêt conventionnel, un calcul des intérêts courus entre deux échéances mensuelles sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 365 jours est équivalent à un calcul des intérêts sur la base d'un douzième de l'intérêt conventionnel ou sur la base d'un mois normalisé de 30,41666 jours et d'une année de 365 jours. Il n'est alors en rien établi que la clause d'équivalence financière entraîne un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et elle n'est pas une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.
En tout état de cause, M. X. ne soumet aucun argument pour démontrer le déséquilibre significatif des droits et obligations et se limite à soutenir le caractère réputé non avenu de la clause, avec toutes conséquences de droit, sans les préciser.
Or, à le supposer fondé pour les seuls besoins du raisonnement, un tel moyen ne saurait faire échapper l'action de M.X. à la prescription de son action puisqu'à considérer cette clause non avenue et que la connaissance de l'irrégularité du TEG lui ait été révélée par le rapport de l'expert Z., il n'en demeure pas moins que le point de départ de l'action resterait fixé au jour de l'offre, sans report possible tiré de la révélation de cette irrégularité, dès lors que l'irrégularité alléguée tirée de la non-intégration des intérêts intercalaires lui était révélée dès l'offre du 19 décembre 2009. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 18 JANVIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/06443. N° Portalis DBVK-V-B7G-PU5B. Décisions déférées à la Cour : Jugement du 8 juin 2017 du Tribunal de grande instance de Montpellier - N°RG 15/04935- Arrêt du 16 décembre 2020 - 4ème chambre civile - Cour d'appel de Montpellier - N° RG 17/03845 prononçant le retrait du rôle.
DEMANDEUR A LA REQUÊTE EN RÉINSCRIPTION :
Monsieur X.
né le [Date naissance 1] à [Localité 6], de nationalité Française, [Adresse 2], [Localité 5], Représenté par Maître Célia VILANOVA substituant Maître Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant Autre qualité : appelant 17/03845 (Fond)
DÉFENDERESSE A LA REQUÊTE EN RÉINSCRIPTION :
SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon (Celr)
Banque coopérative régie par les art. L. 512-85 et s. du Code monétaire et financier - SA à Directoire et Conseil d'Orientation et de Surveillance - capital social XXX euros - RCS Montpellier YYY - Intermédiaire d'assurance immatriculé à l'ORIAS sous le n° ZZZ - Titulaire de la carte professionnelle « Transactions sur immeubles et fonds de commerce, sans perception de fonds, effets ou valeurs » n°2008/34/2106, délivrée par la Préfecture de l'Hérault, garantie par CEGC [Adresse 3], prise en la personne du Président de son Directoire, [Adresse 4], [Localité 6], Représentée par Maître Hélène ARENDT substituant Maître Véronique NOY de la SCP VPNG, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant, Autre qualité : intimée 17/03845 (Fond)
COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 novembre 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de : M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, M. Philippe BRUEY, Conseiller, Mme Marie-José FRANCO, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU
ARRÊT : - contradictoire ; - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 19 décembre 2009, M. X. a souscrit auprès de la Sa Caisse d'Epargne du Languedoc Roussillon (la banque) un prêt de 225.600 € remboursable en 20 ans, au taux de 4,05 % par an hors assurance et au TEG de 4,69 % l'an.
Le 18 juillet 2013, un avenant au contrat a été prévu, le capital étant réaménagé à 200.845,94 €, le taux conventionnel de 3,16 %, la durée de 202 mois et le TEG de 4,69 %.
M. X. a fait procéder à une expertise, de laquelle est ressorti que le TEG était erronée car les intérêts ont été calculés sur une année de 360 jours tandis que les cotisations d'assurance n'étaient pas prises en compte pour la période de préfinancement.
Dans ce contexte, par acte en date du 18 août 2015, M.X. a fait assigner la Caisse d'Epargne.
Par jugement en date du 8 juin 2017, le tribunal de grande instance de Montpellier a déclaré irrecevable comme prescrite l'action engagée par M. X., dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et l'a condamné aux entiers dépens.
Le 7 juillet 2017, M. X. a relevé appel de ce jugement.
Par arrêt en date du 16 décembre 2020, la cour d'appel de Montpellier a ordonné le retrait du rôle de l'affaire.
Par acte de saisine en date du 16 décembre 2022, M.X. a sollicité la réinscription de l'affaire.
PRÉTENTIONS
Par dernières conclusions remises par voie électronique le 25 octobre 2023, M. X. demande en substance à la cour de réformer le jugement et, statuant à nouveau, de :
- Juger que le point de départ du délai de prescription a été reporté à la conclusion de l'avenant au contrat litigieux, le 18 juillet 2013, l'action étant ainsi non prescrite,
- Juger qu'il avait la qualité d'emprunteur profane de sorte qu'il ne pouvait s'interroger sur la validité du prêt et que le point de départ du délai de prescription se situe à la révélation de l'erreur soit au jour du rapport de l'expert, ou à tout le moins en 2013 date à laquelle toute la publicité a été faite suite aux décisions jurisprudentielles sur les TEG irréguliers.
- Déclarer recevable l'action de M. X.
- Prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts au visa de l'article 1907 du Code civil, ordonner la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel stipulé dans le contrat de prêt, la banque devant lui rembourser le trop-perçu à savoir la différence entre le montant des intérêts versés et le montant des intérêts au taux légal, ce montant s'élevant à 37.499,66 euros pour la période de 2010 au 30 juin 2015, et à parfaire pour les échéances postérieures.
- Juger que ce montant devra s'imputer sur le capital restant dû.
- Ordonner à la banque de produire un tableau d'amortissement rectificatif pour le prêt avec application du taux de l'intérêt légal.
- Subsidiairement, réputer non écrite la clause de stipulation d'intérêt au visa de l'article L. 132-1 du code de la consommation,
- A titre infiniment subsidiaire, prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts au visa de l'article L. 312-33 ancien (nouveau L. 341-4) du code de la consommation,
- En tout état de cause, prononcer la déchéance de la banque de son droit aux intérêts dans la proportion que la cour jugera bon de fixer au regard du préjudice subi, lequel ne pourra être inférieur à 30.000 euros.
- Débouter la banque de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- La condamner à lui payer la somme de 4.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'instance dont distraction au profit de son avocat,
- Débouter la banque de sa demande de condamnation de M. X. à la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
[*]
Par dernières conclusions remises par voie électronique le 18 octobre 2023, la banque demande en substance à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé l'action prescrite, subsidiairement, juger que la demande de nullité de la stipulation des intérêts est irrecevable et que la clause 30/360 ne constitue pas une clause abusive, à titre infiniment subsidiaire, dire qu'aucune sanction ne pourra être prononcée en l'absence de préjudice et en tout état de cause, condamner M. X. à lui verser la somme de 10.000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction au profit de son avocat.
[*]
Vu l'ordonnance de clôture en date du 31 octobre 2023.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Pour échapper à la prescription quinquennale opposée par la banque, suivie en cela par les premiers juges, M. X. fait valoir qu'emprunteur profane, il ne pouvait avoir connaissance de la double irrégularité du TEG (calcul sur la base de l'année bancaire de 360 jours et non-intégration des frais dans la phase de préfinancement) qui ne lui a été révélée que par le rapport de l'expert Z. et qu'en tout état de cause, la signature d'un avenant novatoire le 18 juillet 2013 a eu pour effet de repousser à cette date le point de départ de la prescription.
Son action en tant que fondée sur les clauses abusives échappe au demeurant à la prescription quinquennale.
Selon l'article 1273 du code civil dans sa rédaction alors applicable, « La novation ne se présume point ; il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte. »
Rien dans l'avenant du 18 juillet 2013 portant réaménagement des conditions financières par diminution du taux d'intérêt de 4,05% à 3,16% et du TEG de 4,69% à 3,729% ne permet de considérer que les parties ont manifesté, d'une façon ou d'une autre, une quelconque volonté d'opérer novation.
Au contraire, il y est expressément stipulé « il n'est apporté aucune autre modification aux conditions et stipulations du contrat d'origine lesquelles conservent leur plein effet, sans novation au sens de l'article 1271 du code civil, ni dérogation, les parties voulant que le présent acte forme un tout avec celui précédemment signé ».
En tout état de cause, l'action de M. X. est dirigée contre l'offre de prêt initiale du 19 décembre 2009, qu'elle soit fondée sur la nullité de la stipulation d'intérêt maintenue à titre principal ou sur la déchéance du droit aux intérêts soutenue à titre subsidiaire, non contre l'avenant.
Selon l'article 2224 du code civil, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
Les deux causes d'irrégularités que soutient M. X. lui étaient révélées par la simple lecture de l'offre, à savoir la présence de la clause 30/360 expressément stipulée dans ces termes « durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours » et l'absence de prise en compte des intérêts intercalaires puisque l'offre du 19 décembre 2009 l'en informe expressément en stipulant « le coût total du crédit et le TEG ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d'assurance et le cas échéant des primes d'assurance de la phase de préfinancement. » En tout état de cause, que le point de départ du délai de prescription dépende de la date à laquelle l'emprunteur décide de recourir à un sachant confère au délai de prescription un caractère purement potestatif.
Sur le moyen selon laquelle la clause 30/360 serait abusive, il sera rappelé que la clause 30/360 est une clause d'équivalence financière en ce que prévoyant que les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour trente jours rapportés à 365 jours l'an et qu'en cas de remboursement anticipé les intérêts courus depuis la dernière échéance seront calculés sur la base du nombre de jours exacts des intérêts rapportés à 365 jours l'an, il est constant que l'année civile comptant douze mois et les intérêts dus pour une période mensuelle représentant un douzième de l'intérêt conventionnel, un calcul des intérêts courus entre deux échéances mensuelles sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 365 jours est équivalent à un calcul des intérêts sur la base d'un douzième de l'intérêt conventionnel ou sur la base d'un mois normalisé de 30,41666 jours et d'une année de 365 jours. Il n'est alors en rien établi que la clause d'équivalence financière entraîne un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et elle n'est pas une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.
En tout état de cause, M. X. ne soumet aucun argument pour démontrer le déséquilibre significatif des droits et obligations et se limite à soutenir le caractère réputé non avenu de la clause, avec toutes conséquences de droit, sans les préciser.
Or, à le supposer fondé pour les seuls besoins du raisonnement, un tel moyen ne saurait faire échapper l'action de M.X. à la prescription de son action puisqu'à considérer cette clause non avenue et que la connaissance de l'irrégularité du TEG lui ait été révélée par le rapport de l'expert Z., il n'en demeure pas moins que le point de départ de l'action resterait fixé au jour de l'offre, sans report possible tiré de la révélation de cette irrégularité, dès lors que l'irrégularité alléguée tirée de la non-intégration des intérêts intercalaires lui était révélée dès l'offre du 19 décembre 2009.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de M. X.
Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. X. supportera les dépens d'appel avec distraction au profit de Maître Noy, avocate, qui en affirme le droit de recouvrement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant contradictoirement
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
Condamne M. X. aux dépens d'appel distraits au profit de Maître Noy, avocate, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Condamne M. X. à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc-Roussillon la somme de 6.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président