CA PAU (1re ch.), 17 janvier 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10684
CA PAU (1re ch.), 17 janvier 2024 : RG n° 23/01866 ; arrêt n° 24/00148
Publication : Judilibre
Extrait : « Or, une jurisprudence récente de la cour de cassation 1ère civ du 22 mars 2023 n° 21-16.044 a déclaré que selon article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement.
Or, en l'espèce la clause reprise dans l'acte notarié sous la rubrique exigibilité anticipée-défaillance de l'emprunteur est libellée en ces termes : « la Société Générale pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts, primes et surprimes d'assurance, échus mais non payés dans l'un des cas suivants : non-paiement à son échéance d'une mensualité ou de toute somme dues à la banque à un titre quelconque en vertu des présentes ». Dès lors qu'il n'est prévu aucun délai raisonnable après la mise en demeure pour s'acquitter des sommes réclamées puisqu'il est évoqué un règlement immédiat, la clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et il convient donc de déclarer cette clause abusive donc non écrite.
Cette clause étant réputée non écrite, la déchéance du terme ne pouvait être donc mise en œuvre. Cela a pour conséquence d'exclure de la créance le capital restant dû réclamé à hauteur de 315.322,53 € outre les intérêts y afférents.
Pour autant, au vu du décompte du 4 février 2022, subsiste dans la créance les échéances impayées à hauteur de 80.825,15 € outre la somme de 8 662,05 € représentant les intérêts arrêtés au 16 novembre 2020. De cette somme doit être déduite le règlement de 1.027,18 € du 21 décembre 2020, en priorité sur les intérêts. La créance de la société Générale est donc fondée à hauteur de 88.460,02 € outre intérêts contractuels au taux de 4,85 % sur la somme de 80.825,15 € à compter du 21 décembre 2020 jusqu'à parfait paiement.
Aussi, la créance est liquide et exigible pour ce montant. Il convient néanmoins d'y ajouter l'indemnité conventionnelle réduite à 500 € par le juge de l'exécution au lieu de 7.646 € sur laquelle il n'a pas été formée d'appel incident.
Le jugement sera confirmé en ce que les conditions de la saisie immobilière sont réunies mais infirmé sur le montant de la créance et elle sera fixée à la somme de 88.960,02 € outre intérêts contractuels au taux de 4,85 % sur la somme de 80.825,15 € à compter du 21 décembre 2020 jusqu'à parfait paiement. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PAU
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 17 JANVIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/01866. Arrêt n° 24/00148. N° Portalis DBVV-V-B7H-ISLL. Nature affaire : Demande tendant à la vente immobilière et à la distribution du prix.
ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 janvier 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
APRÈS DÉBATS à l'audience publique tenue le 15 novembre 2023, devant : Madame FAURE, magistrate chargée du rapport, assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l'appel des causes,
Madame FAURE, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de : Madame FAURE, Présidente, Madame de FRAMOND, Conseillère, Madame BLANCHARD, Conseillère, qui en ont délibéré conformément à la loi,
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SCI BENAUGE
prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est [Adresse 1], [Localité 3], Représentée par Maître CREPIN de la SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de PAU, Assistée de la SELARL d'avocats POULAIN DE SAINT-PERE, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2], [Localité 4], Représentée et assistée de Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision en date du 25 MAI 2023, rendue par le JUGE DE L'EXECUTION TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN, RG numéro : 22/00029
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Vu le commandement de payer valant saisie immobilière du 4 avril 2022 publié auprès du service de la publicité foncière de [Localité 5] le 19 avril 2022 volume 2022 S n° 16 à la requête de la Société Générale au préjudice de la SCI Benauge.
Vu l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation et la sommation de prendre communication du cahier des conditions de vente signifiée le 12 mai 2022 pour une audience du 23 juin 2022.
Vu le dépôt au greffe du cahier des conditions de vente du 16 mai 2022.
Par jugement d'orientation du 25 mai 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :
- constaté que les conditions des articles L. 311-1, L. 311- 4 et L. 311- 6 du code des procédures civiles d'exécution et R. 311-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution étaient respectées,
- débouté la SCI Benauge de ses demandes de nullités du commandement de payer de l'assignation et du cahier des conditions de vente,
- débouté la SCI Benauge de sa demande tendant à constater l'existence d'une clause abusive,
- débouté la SCI Benauge de sa demande de prescription,
- dit que l'indemnité conventionnelle sera ramenée à 500 €,
- mentionné la créance de la Société Générale en principal, intérêts, frais et accessoires pour un montant provisoirement arrêté au 4 février 2022 à la somme de 427.706,82 € outre intérêts et frais postérieurs,
- autorisé la vente amiable des biens immobiliers, objet de la saisie,
- dit que le prix de vente en deçà duquel les biens saisis ne peuvent pas être vendus est de 200.000 € net vendeur, outre les frais de procédure,
- dit que les frais à taxer non produits à la présente procédure feront l'objet d'une taxation postérieure,
- dit que l'affaire sera rappelée à l'audience du 14 septembre 2023 à 14 h,
- réservé les dépens de l'instance.
Par déclaration du 3 juillet 2023, la SCI Benauge a interjeté appel de cette décision sur l'ensemble des dispositions.
Par ordonnance du 5 juillet 2023, la SCI Benauge a été autorisée à assigner à jour fixe pour l'audience du 15 novembre 2023.
[*]
Les conclusions de la SCI Benauge du 14 novembre 2023 tendent à :
In limine litis
- Ecarter des débats les pièces visées dans les conclusions tardives de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE non communiquées en temps utile,
- Réformer et subsidiairement annuler le jugement d'orientation rendu le 25 mai 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Mont de Marsan,
ET statuant à nouveau :
A titre principal,
In limine litis,
- Prononcer la nullité du commandement de saisie immobilière signifié à la demande de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à la SCI BENAUGE le 4 avril 2022,
- Prononcer la nullité de l'assignation signifiée à la demande de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à la SCI BENAUGE le 12 mai 2022,
- Prononcer la nullité du cahier des conditions de ventes déposé à la demande de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE,
Au fond,
- Juger que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne rapporte pas la preuve qu'elle détient un titre exécutoire à l'encontre de la SCI BENAUGE pouvant fonder la présente saisie immobilière,
- Juger que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne rapporte pas la preuve qu'elle détenait une créance exigible et liquide lors de la signification du commandement de payer, et à défaut qu'elle ne rapporte pas la preuve de l'existence de la créance dont elle se prévaut,
- Juger que les conditions préalables à la saisie immobilière ne sont pas réunies,
A titre subsidiaire,
- Constater que les quatre décomptes produits par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne font état que de trois échéances impayées en juillet 2016, octobre et novembre 2016 et font état de la régularisation de ces échéances impayées,
- Juger que l'action de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE pour toutes les sommes dues antérieurement au 4 avril 2019, et subsidiairement au 4 avril 2017 est prescrite et débouter la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE de toute demande de mention d'une créance portant sur des sommes dues antérieurement au 4 avril 2019 et subsidiairement au 4 avril 2017,
- Juger non écrite la clause du contrat de prêt « EXIGIBILITÉ ANTICIPÉE - DÉFAILLANCE DE L'EMPRUNTEUR » et ECARTER en conséquence la sanction de l'exigibilité anticipée,
- Juger la déchéance du terme prononcée par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE inopposable à la SCI BENAUGE, subsidiairement la juger non acquise et à défaut nulle,
- Juger que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne peut prétendre à des échéances impayées qui auraient motivé la déchéance du terme irrégulière, et la DEBOUTER de sa demande de mention de telles échéances,
- Juger que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne peut prétendre à des sommes qui auraient dû être payées entre la déchéance du terme irrégulière et la signification de la décision réputant les clauses d'exigibilité anticipée non écrites, et la DEBOUTER de sa demande en fixation ou de mention de telles sommes,
- Juger que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne peut prétendre aux indemnités de défaillance et aux frais qu'elle a engagés, et la DEBOUTER de sa demande en fixation ou de mention de telles sommes,
- Ordonner la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel depuis la souscription du contrat initial conclu avec la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, et à défaut depuis la date de déchéance du terme, les échéances restant à courir jusqu'au terme du prêt devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant semestres par semestre,
- Juger que les tableaux d'amortissement seront établis par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre depuis la date de souscription du contrat,
- Condamner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à imputer le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel et les intérêts au taux légal sur le capital restant dû, et à produire un nouveau tableau d'amortissement tenant compte de ces éléments,
- Débouter la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE de sa demande de mention d'une créance quelconque et en tout cas de toute demande de mention d'une créance excédant 259.368,15 euros.
En conséquence, dans tous les cas
- Ordonner la mainlevée de la procédure de saisie immobilière poursuivie à l'encontre de la SCI BENAUGE sur le bien saisi,
- Ordonner la publication du jugement et la mention de la déclaration de nullité, et à défaut celle de la caducité, ainsi que de la mainlevée ordonnée en marge de la copie du commandement au service chargé de la publicité foncière compétent, et ce aux frais de la SCI BENAUGE
- Si la procédure de saisie immobilière est maintenue, confirmer le jugement en ce qu'il a autorisé la SCI BENAUGE à procéder à la vente amiable du bien,
- Enjoindre à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE de faire taxer les frais de procédure, afin d'informer l'acquéreur des frais à payer, sous 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir à peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, et à défaut de sa signification,
- Accorder la SCI BENAUGE un délai de trois mois pour procéder à la vente amiable à compter du jour où la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE aura porté à sa connaissance les frais de procédure à devoir par l'acquéreur.
- Fixer le montant de la mise à prix du bien à 200.000 €.
- Débouter la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE de toutes demandes plus amples ou contraires.
- Condamner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à payer à la SCI BENAUGE la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
Les conclusions de la Société Générale du 14 novembre 2023 tendent à :
Vu les pièces énumérées selon bordereau annexé aux présentes,
Vu la communication de ces pièces en première instance et par courriel officiel du 10 novembre, soit depuis la procédure de première instance et avant la notification des conclusions de la SCI BENAUGE au demeurant non conformes aux dispositions de l'article 768 du code de procédure civile,
- Débouter la SCI BENAUGE de sa demande de rejet de pièces.
Vu les articles L.311 et suivants et R.311-1 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution
- Débouter la SCI BENAUGE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- Déclarer irrecevables les contestations nouvelles en appel de la SCI BENAUGE et notamment les demandes suivantes :
« constater que les quatre décomptes produits par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne font état que de trois échéances impayées en juillet 2016, octobre et novembre 2016 et font état de la régularisation de ces échéances impayées,
Juger que l'action de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE pour toutes les sommes dues antérieurement au 4 avril 2019, et subsidiairement au 4 avril 2017 est prescrite et DEBOUTER la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE de toute demande de mention d'une créance portant sur des sommes dues antérieurement au 4 avril 2019 et subsidiairement au 4 avril 2017,
Juger non écrite la clause du contrat de prêt « exigibilité anticipée défaillance de l'emprunteur » et écarter en conséquence la sanction de l'exigibilité anticipée,
Juger la déchéance du terme prononcée par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE inopposable à la SCI BENAUGE, subsidiairement la juger non acquise et à défaut nulle,
Juger que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne peut prétendre à des échéances impayées qui auraient motivé la déchéance du terme irrégulière, et la débouter de sa demande de mention de telles échéances,
Juger que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne peut prétendre à des sommes qui auraient dû être payées entre la déchéance du terme irrégulière et la signification de la décision réputant les clauses d'exigibilité anticipée non écrites, et la DEBOUTER de sa demande en fixation ou de mention de telles sommes,
Ordonner la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel depuis la souscription du contrat initial conclu avec, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, et à défaut depuis la date de déchéance du terme, les échéances restant à courir jusqu'au terme du prêt devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant semestres par semestre,
Juger que les tableaux d'amortissement seront établis par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre depuis la date de souscription du contrat,
Condamner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à imputer le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel et les intérêts au taux légal sur le capital restant dû, et à produire un nouveau tableau d'amortissement tenant compte de ces éléments,
Débouter la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE de sa demande de mention d'une créance quelconque et en tout cas de toute demande de mention d'une créance excédant 259 368,15 euros,
Enjoindre à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE de faire taxer les frais de procédure, afin d'informer l'acquéreur des frais à payer, sous 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir à peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, et à défaut de sa signification,
Accorder la SCI BENAUGE un délai de trois mois pour procéder à la vente amiable à compter du jour où la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE aura porté à sa connaissance les frais de procédure à devoir par l'acquéreur. »
- Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
- Condamner l'appelante au paiement d'une somme de 8.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dire que les dépens seront pris en frais privilégiés de vente.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur le rejet des pièces :
Il est sollicité par la SCI Benauge le rejet des pièces adverses qui n'ont été communiquées que le 14 novembre 2023, veille de l'audience. Or, le 3 novembre 2023, la Société Générale a établi des conclusions en visant un bordereau de 11 pièces. S'il est constant que ces pièces n'ont pas été communiquées à cette date, il s'agit néanmoins de pièces produites en première instance et donc déjà connues par la SCI Benauge. Celle-ci ne justifie pas d'un grief dès lors qu'elle a pu répondre sur l'ensemble de la procédure et notamment les pièces dans ses conclusions du 14 novembre 2023 qui les commentent.
Il n'y a donc pas lieu de déclarer les pièces tardives et la demande de la SCI Benauge sera donc écartée.
Au préalable, il convient de rappeler qu'en application de l'article R. 311-5 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peuvent, sauf disposition contraire, être formées après l'audience d'orientation, à moins qu'elles portent sur des actes postérieurs à celle-ci.
Seront examinées dans l'ordre du jugement les contestations examinées par le juge de l'exécution, étant rappelé contrairement à ce que prétend la Société Générale en pages 15 et 16 de ses conclusions que la question de la prescription avait été examinée ainsi que la clause abusive relative à la déchéance du terme, tout comme la substitution du taux d'intérêt légal qui a été rejetée par le juge de l'exécution et qu'aucune irrecevabilité n'est encourue à ce titre.
Sur la nullité du commandement de payer du 4 avril 2022 :
Le premier juge a fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient et pertinemment répondu aux moyens des parties pour la plupart repris en appel, en retenant que la SCI Benauge était bien informée du lieu de paiement des sommes réclamées au cabinet de l'avocat de la Société Générale, la mention des bureaux de la Mairie n'étant que subsidiaire ; que le commandement comportait un décompte en annexe des sommes sur la période du 7 janvier 2016 au 4 février 2022.
À ces justes motifs que la cour adopte, il convient seulement d'ajouter que le domicile élu de la Société Générale comporte toutes les coordonnées de l'avocat lequel est inscrit au barreau dans le ressort du tribunal judiciaire devant lequel la procédure de saisie immobilière est diligentée, soit à proximité du lieu de l'immeuble saisi et en outre à proximité du siège de la SCI débitrice ; aucun grief ne peut être retenu de ce chef.
Le décompte produit même s'il ne détaille pas le principal permet de distinguer les échéances impayées d'un montant de 80.825,15 € du capital restant dû après déchéance du terme au 16 novembre 2020 d'un montant de 315.322,53 €, outre les intérêts à hauteur de 31.059,14 €. La SCI est donc en mesure de critiquer le décompte produit.
Si ce décompte s'avère inexact, ce n'est pas la nullité qui est encourue comme le prétend la SCI qui déclare que la somme de 396.147,68 correspondant au principal est erronée, mais le montant pourra être modifié par le juge de l'exécution puis la cour, en charge de l'appréciation du montant de la créance.
Aucun grief n'est démontré puisque aucune tentative de paiement qui aurait été arrêtée par un obstacle n'est rapportée, la SCI ayant connaissance du montant des sommes réclamées et l'avocat auprès de laquelle la banque avait élu domicile était à même de recevoir des paiements.
Aussi, le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la nullité de l'assignation :
Il est reproché l'absence de motivation de l'assignation. L'assignation qui rappelle le commandement de payer et l'objet de la saisie satisfait à l'exposé des moyens en fait et en droit prévu à l'article 56-2° du code de procédure civile. (Cass, 2e civ 30 avril 2009, n° 08-12.105.)
Par ailleurs, le juge de l'exécution a retenu à juste titre que les textes du code des procédures civiles d'exécution relatifs à la saisie immobilière étaient visés. Le titre exécutoire y est également mentionné tout comme le commandement de payer valant saisie immobilière.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur la nullité du cahier des conditions de vente :
Celui-ci est conforme aux dispositions de l'article R. 322-10 du code des procédures civiles d'exécution qui en décrit le contenu. Le décompte du 4 février 2022 y est annexé. Aucune irrégularité ne peut être retenue. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les conditions de la saisie immobilière :
Sur le titre exécutoire :
Le premier juge a fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient et pertinemment répondu aux moyens des parties pour la plupart repris en appel en appliquant les dispositions des articles L. 111-2, L. 111-3 4°, L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution, en relevant que l'acte notarié authentique du 13 mai 2008 avait été produit, que la condition suspensive de l'assurance avait été levée.
À ces justes motifs que la cour adopte, il convient seulement d'ajouter :
- il est produit comme titre exécutoire une copie de l'acte authentique du 13 mai 2008 revêtue de la formule exécutoire, mais dépourvue de ses annexes et notamment de l'offre de crédit visée dans le corps de l'acte et dont il est dit qu'elle était jointe à l'acte notarié. Or, le notaire lors de la délivrance de la copie exécutoire n'est pas obligée d'y joindre les annexes de la minute. Par ailleurs, l'offre de crédit a été portée à la connaissance de la SCI puisqu'elle l'a acceptée. Il en est de même pour l'adhésion à l'assurance comme du tableau d'amortissement. Aucun grief ne peut donc être retenu sur le défaut de production des annexes. La condition de l'assurance a été réalisée puisque l'acte notarié précise que l'exemplaire du bulletin d'adhésion est annexé et que l'assureur a d'ores et déjà agréé la personne de l'emprunteur ainsi qu'il résulte de la décision prise le 28 avril 2008.
Sur la créance liquide et exigible :
L'article L 111-2 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.
Le décompte du 4 février 2022 qui a servi au support du commandement de payer est produit, l'offre de prêt du 21 avril 2008 comprenant le tableau d'amortissement est produite par la Société Générale selon lequel le capital restant dû à la 101e échéance est de 31.322,14 €. La SCI Benauge ne justifie pas de règlements qui n'auraient pas été comptabilisés ni qu'elle s'est acquittée des sommes réclamées à la suite de la mise en demeure reçue le 24 septembre 2020 par la SCI pour empêcher la déchéance du terme survenue.
Il est invoqué par la SCI la prescription biennale pour le paiement des échéances, avec pour point de départ chaque échéance. La prescription biennale relève de l'article 218-2 du code de la consommation.
Alors même qu'il s'agit d'une SCI, les dispositions du code de la consommation sont applicables au crédit litigieux dès lors que de manière expresse les parties ont entendu obéir au régime du code de la consommation, l'offre de prêt habitat ayant été établi dans ce cadre comme indiqué dans le titre en page 1 et dans les conditions générales de l'offre de prêt en page1.
Aussi, c'est bien la prescription biennale qui s'applique avec l'éclairage de la jurisprudence du 11 février 2016.
Néanmoins, il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 20 février 2020 produit aux débats par la Société Générale qu'une ordonnance de référé du 17 décembre 2013 du tribunal d'instance de Mont de Marsan a suspendu le paiement des échéances pendant une durée de deux ans ; que par jugement du 13 juin 2018, le tribunal de grande instance de Mont de Marsan a reporté à deux ans les obligations de paiement de la SCI Benauge confirmé sur ce point par arrêt de la cour d'appel de Pau du 20 février 2020. Il ne peut être tiré argument de ce report pour un motif de prescription et en outre la reconnaissance de la dette par la SCI Benauge qui a demandé des délais valait interruption de la prescription.
Aussi, aucune somme réclamée n'est affectée par la prescription.
Sur la clause abusive relative à la mise en demeure et la déchéance du terme :
L'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 prévoit que selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Or, une jurisprudence récente de la cour de cassation 1ère civ du 22 mars 2023 n° 21-16.044 a déclaré que selon article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement.
Or, en l'espèce la clause reprise dans l'acte notarié sous la rubrique exigibilité anticipée-défaillance de l'emprunteur est libellée en ces termes :
« la Société Générale pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts, primes et surprimes d'assurance, échus mais non payés dans l'un des cas suivants : non-paiement à son échéance d'une mensualité ou de toute somme dues à la banque à un titre quelconque en vertu des présentes ».
Dès lors qu'il n'est prévu aucun délai raisonnable après la mise en demeure pour s'acquitter des sommes réclamées puisqu'il est évoqué un règlement immédiat, la clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et il convient donc de déclarer cette clause abusive donc non écrite.
Cette clause étant réputée non écrite, la déchéance du terme ne pouvait être donc mise en œuvre. Cela a pour conséquence d'exclure de la créance le capital restant dû réclamé à hauteur de 315.322,53 € outre les intérêts y afférents.
Pour autant, au vu du décompte du 4 février 2022, subsiste dans la créance les échéances impayées à hauteur de 80.825,15 € outre la somme de 8 662,05 € représentant les intérêts arrêtés au 16 novembre 2020. De cette somme doit être déduite le règlement de 1.027,18 € du 21 décembre 2020, en priorité sur les intérêts.
La créance de la société Générale est donc fondée à hauteur de 88.460,02 € outre intérêts contractuels au taux de 4,85 % sur la somme de 80.825,15 € à compter du 21 décembre 2020 jusqu'à parfait paiement.
Aussi, la créance est liquide et exigible pour ce montant. Il convient néanmoins d'y ajouter l'indemnité conventionnelle réduite à 500 € par le juge de l'exécution au lieu de 7.646 € sur laquelle il n'a pas été formée d'appel incident.
Le jugement sera confirmé en ce que les conditions de la saisie immobilière sont réunies mais infirmé sur le montant de la créance et elle sera fixée à la somme de 88.960,02 € outre intérêts contractuels au taux de 4,85 % sur la somme de 80.825,15 € à compter du 21 décembre 2020 jusqu'à parfait paiement.
Le surplus des dispositions propres à l'autorisation de vente amiable et aux frais non taxés seront confirmés d'autant qu'aucun décompte des frais afférents à la saisie immobilière n'est produit et la SCI Benauge sera déboutée sur ce point.
L'équité commande en cause d'appel d'allouer à la SCI Benauge une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
REJETTE la demande de la SCI Benauge de rejet des pièces de la Société Générale,
INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Benauge de sa demande tendant à constater l'existence d'une clause abusive et fixé la créance à la somme de 427 706,82 € outre intérêts postérieurs,
statuant à nouveau sur ces points :
DÉCLARE ABUSIVE et donc non écrite la clause ainsi libellée de l'acte du 13 mai 2008 : la Société Générale pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts, primes et surprimes d'assurance, échus mais non payés dans l'un des cas suivants : non-paiement à son échéance d'une mensualité ou de toute somme dues à la banque à un titre quelconque en vertu des présentes.
FIXE la créance de la Société Générale à la somme de 88.960,02 € outre intérêts contractuels au taux de 4,85 % sur la somme de 80.825,15 € à compter du 21 décembre 2020 jusqu'à parfait paiement,
DÉBOUTE la SCI Benauge de sa demande relative aux frais taxables,
CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions soumises à la cour,
y ajoutant :
CONDAMNE la Société Générale à payer à la SCI Benauge la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Société Générale aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBON Caroline FAURE