TJ LILLE (2e ch.), 13 février 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10689
TJ LILLE (2e ch.), 13 février 2024 : RG n° 23/05976
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Aux termes de l'article 1171 du code civil, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
Il s'ensuit notamment que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable doit être réputée non écrite dès lors que le consommateur est exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement.
Il en va de même de la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable. »
2/ « Dès lors qu'elle prévoit la déchéance du terme sans mise en demeure de s'acquitter des impayés dans un délai raisonnable, cette clause 12 B. 1° expose la société A Cavina à une aggravation soudaine de sa situation financière, étant précisé en l'occurrence que les courriers qui lui ont été adressés ne précisent pas la date de réception. Il s'agit donc d'une clause manifestement abusive qu'il convient de déclarer non écrite.
En conséquence et bien que la Société Générale ait par la suite adressé une mise en demeure par une lettre recommandée datée du 3 février 2022 dont l'avis de réception ne précise pas de date, puis une lettre d'information lettre recommandée avec avis de réception datée du 14 avril 2022, dont l'avis de réception là encore ne précise pas de date, ces courriers qui se prévalent d'une clause réputée non écrite ne sauraient emporter de conséquence juridique.
Il sera par conséquent ordonné l'exécution du contrat de prêt selon le tableau d'amortissement convenu entre les parties. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
DEUXIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 13 FEVRIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/05976. N° Portalis DBZS-W-B7H-XF27
DEMANDERESSE :
SARL A CAVINA
prise en la personne de son gérant M. [X], [Adresse 1], [Localité 5], représentée par Maître Anthony BERTRAND, avocat au barreau de LILLE
DÉFENDERESSE :
SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
prise en son établissement, [Adresse 2], [Localité 4], défaillant
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Anne-Sophie SIEVERS, Juge, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R. 212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire,
GREFFIER : Dominique BALAVOINE, Greffier
DÉBATS : Vu l’ordonnance de clôture en date du 27 Septembre 2023 ; A l’audience publique du 12 décembre 2023, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 13 Février 2024.
JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 13 février 2024, et signé par Anne-Sophie SIEVERS, Président, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte d'huissier signifié le 3 juillet 2023, la société A Cavina a assigné la Société Générale devant le tribunal judiciaire de Lille.
Dans l'état de son assignation, elle demande au tribunal de :
A titre principal,
- réputer non écrite la clause d'exigibilité anticipée figurant à l'article 12 des conditions générales du prêt,
- ordonner l'exécution du contrat de prêt selon le tableau d'amortissement convenu entre les parties,
A titre subsidiaire,
- enjoindre à la Société Générale d'établir le décompte des échéances et intérêts complémentaires restant impayés, hors conséquences liées à l'exigibilité anticipée,
- ordonner le remboursement de ces sommes dans le délai d'un mois suivant la décision à intervenir,
- suspendre les effets de la clause d'exigibilité anticipée pendant ce délai,
- ordonner sous réserve du paiement des sommes dues la reprise de l'exécution du contrat de prêt selon le tableau d'amortissement convenu entre les parties,
En tout cas,
- condamner la Société Générale à payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Société Générale aux entiers dépens.
A l'appui de ses dires, elle expose à titre liminaire que le 21 juillet 2017 elle a conclu avec la Société Générale un acte de prêt de 462.000 euros remboursable en échéances de 2.453,92 euros et qu'en raison de la fermeture de son compte n°[XXXXXXXXXX03] et d'une défaillance de la banque, un décalage de deux mois est apparu dans les règlements entre fin 2019 et mai 2020. Elle indique qu'elle règle les acomptes, depuis novembre 2020, sur le compte [XXXXXXXXXX06].
Elle fait ensuite valoir au visa de l'article 1171 du code civil qu'en raison d'une défaillance des services postaux, elle n'a pas reçu une mise en demeure du 3 février 2022 de payer la somme de 4.999,62 euros, ni la lettre du 14 avril 2022 prononçant la déchéance du terme. Elle souligne qu'ayant eu connaissance par acte d'huissier début 2023, elle a immédiatement réglé les échéances impayées mais que la Société Générale a refusé tout règlement amiable du litige, lui accordant seulement un an pour s'acquitter du solde. Elle soutient que la clause d'exigibilité anticipée, dès lors qu'elle ne prévoit aucune mise en demeure préalable à l'exigibilité anticipée et aucune régularisation dans un délai raisonnable, crée un déséquilibre significatif dès lors que le capital restant dû peut être exigé y compris en cas d'inexécution minime.
Elle réclame à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil, des délais de paiement.
[*]
La Société Générale, assignée à personne, n'a pas constitué avocat.
[*]
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties pour un exposé complet des moyens.
L'ordonnance de clôture a été fixée au 27 septembre 2023. Après débats à l’audience du 12 décembre 2023, l’affaire a été mise en délibéré au 13 février 2024.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué au fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
I. Sur les demandes principales de la société A Cavina :
Aux termes de l'article 1171 du code civil, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
Il s'ensuit notamment que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable doit être réputée non écrite dès lors que le consommateur est exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement.
Il en va de même de la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable.
En l'espèce, la copie particulièrement illisible du contrat de prêt produit par la société A Cavina stipule que :
« Article 12 – Exigibilité anticipée – résiliation du contrat
B. Exigibilité facultative
De même Société Générale pourra rendre exigible par anticipation toutes les sommes dues par l'emprunteur au titre du présent contrat dans l'un des cas suivants :
1° Non-paiement à son échéance d'une somme quelconque devenue exigible au titre du présent contrat […]
Dans l'un quelconque des cas ci-dessus, Société Générale informera l'emprunteur par lettre recommandée avec avis de réception adressée au domicile ci-après élu, qu'elle prononce l’exigibilité du prêt en application des dispositions du présent article.
La Société Générale mentionnera dans sa lettre qu'elle se prévaut de la présente clause. Elle n'aura à remplir aucune autre formalité. Le paiement ou les régularisations postérieures à cette lettre ne feront pas obstacle à cette exigibilité anticipée ».
Dès lors qu'elle prévoit la déchéance du terme sans mise en demeure de s'acquitter des impayés dans un délai raisonnable, cette clause 12 B. 1° expose la société A Cavina à une aggravation soudaine de sa situation financière, étant précisé en l'occurrence que les courriers qui lui ont été adressés ne précisent pas la date de réception. Il s'agit donc d'une clause manifestement abusive qu'il convient de déclarer non écrite.
En conséquence et bien que la Société Générale ait par la suite adressé une mise en demeure par une lettre recommandée datée du 3 février 2022 dont l'avis de réception ne précise pas de date, puis une lettre d'information lettre recommandée avec avis de réception datée du 14 avril 2022, dont l'avis de réception là encore ne précise pas de date, ces courriers qui se prévalent d'une clause réputée non écrite ne sauraient emporter de conséquence juridique.
Il sera par conséquent ordonné l'exécution du contrat de prêt selon le tableau d'amortissement convenu entre les parties.
II. Sur les demandes accessoires :
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
La Société Générale, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux entiers dépens.
L'article 700 du code de procédure civile dispose que dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
Pour faire valoir ses droits en justice, la société A Cavina a dû engager des frais qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge. La Société Générale sera donc condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe et en premier ressort :
JUGE que la clause 12 – B 1° des conditions générales de l'offre de prêt annexée au prêt contracté le 21 juillet 2017 entre la société A Cavina et la Société Générale est réputée non écrite,
ORDONNE en conséquence l'exécution du contrat de prêt litigieux selon le tableau d'amortissement convenu contractuellement entre la société A Cavina et la Société Générale,
CONDAMNE la Société Générale à payer à la société A Cavina la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles,
CONDAMNE la Société Générale aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Dominique BALAVOINE Anne-Sophie SIEVERS