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TJ PARIS (cont. prot.), 22 janvier 2024

Nature : Décision
Titre : TJ PARIS (cont. prot.), 22 janvier 2024
Pays : France
Juridiction : T.jud. Paris
Demande : 23/03515
Décision : 24/5
Date : 22/01/2024
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 11/04/2023
Numéro de la décision : 5
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10693

TJ PARIS (cont. prot.), 22 janvier 2024 : RG n° 23/03515 ; jugt n° 5

Publication : Judilibre

 

Extraits (procédure) : « Par note aux parties en date du 21 décembre 2023, les parties ont été invitées à produire leurs observations sur l'éventuel caractère abusif de clause du bail stipulant que le locataire « doit en outre laisser exécuter dans l’immeuble (et y compris dans le logement loué) toutes réparations, tous travaux de transformation, de surélévation, d’aménagement, d’amélioration des parties communes ou des parties privatives, quelles qu’en soient les causes, et toutes les interventions préparatoires à ces travaux ».

Extraits (motifs) : « Aux termes de sa recommandation n° 2000-01 du 17 février 2000, la commission des clauses abusives a notamment recommandé que soient écartées les clauses ayant pour objet ou pour effet d'imposer au locataire des obligations qui outrepassent ses obligations légales.

En l'espèce, le bail a été conclu entre la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES, professionnelle de la location de biens immobiliers, et Monsieur X. et Madame X., personnes physiques consommateurs. Le bail stipule que le locataire « doit en outre laisser exécuter dans l’immeuble (et y compris dans le logement loué) toutes réparations, tous travaux de transformation, de surélévation, d’aménagement, d’amélioration des parties communes ou des parties privatives, quelles qu’en soient les causes, et toutes les interventions préparatoires à ces travaux ». Pourtant, les dispositions de la loi du 6 juillet 1989, d'ordre public, n'obligent le locataire à laisser exécuter que les travaux d'amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, les travaux nécessaires au maintien en état, à l'entretien normal, à l'amélioration de la performance énergétique et ceux relatifs à la décence des locaux loués. Les travaux de transformation, de surélévation, d'aménagement des parties communes et des parties privatives, sans qu'ils soient conditionnés à une amélioration, ne sont notamment pas visés par la loi. Ainsi, le bail impose au locataire une obligation qui outrepasse ses obligations légales, sans contrepartie. La rédaction de cette clause est telle qu'elle est de nature à autoriser tous les types de travaux à la seule convenance du bailleur. Elle crée ainsi un déséquilibre significatif entre les parties.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la clause citée du bail est abusive de sorte qu'elle doit être réputée non écrite. »

Extraits (dispositif) : « DIT que la clause du bail stipulant : « il doit en outre laisser exécuter dans l’immeuble (et y compris dans le logement loué) toutes réparations, tous travaux de transformation, de surélévation, d’aménagement, d’amélioration des parties communes ou des parties privatives, quelles qu’en soient les causes, et toutes les interventions préparatoires à ces travaux » est réputée non écrite en raison de son caractère abusif ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

JUGEMENT DU 22 JANVIER 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 23/03515. Jugement n° 5. N° Portalis 352J-W-B7H-CZVDY.

 

DEMANDERESSE :

SA D’HLM ANTIN RESIDENCES

dont le siège social est sis [Adresse 1], représentée par Maître Karim BOUANANE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E1971

 

DÉFENDEURS :

Monsieur X.

demeurant [Adresse 3], représenté par Maître Rachel NAKACHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #R0099

Madame X.

demeurant [Adresse 3], représentée par Maître Rachel NAKACHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #R0099

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Laura LABAT, Juge, juge des contentieux de la protection, assistée de Aline CAZEAUX, Greffier,

DATE DES DÉBATS : Audience publique du 21 novembre 2023

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 22 janvier 2024 par Laura LABAT, Juge assistée de Aline CAZEAUX, Greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte sous seing privé en date du 4 novembre 2021, la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES a donné en location à Monsieur X. et Madame X. un logement situé au troisième étage d'un immeuble sis [Adresse 3] moyennant un loyer mensuel de 841,26 euros, outre les charges.

Par actes de commissaire de justice en date du 11 avril 2023, la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES a fait assigner Monsieur X. et Madame X. devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- l'autorisation de faire procéder aux travaux de pose d'un filet de protection par la société LOCAPOSE dans l'appartement situé [Adresse 3] ;

- qu'il soit jugé qu'elle pourra missionner la société de son choix en cas d'empêchement de celle précédemment citée ; que la société missionnée pourra effectuer un premier passage dans l'appartement loué par Monsieur X. et Madame X. pour la mise en place du chantier, prendre des mesures et déterminer le matériel nécessaire pour la réalisation de celui-ci puis un second passage pour la réalisation effective des travaux ;

- la condamnation de Monsieur X. et Madame X. à laisser libre accès à leur logement à la société LOCAPOSE ou toute société que la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES serait amenée à lui substituer sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement ;

- la désignation de la SELARL ORAIN & ASSOCIES avec la mission de se rendre dans l'appartement litigieux, d'accompagner la société missionnée pour la réalisation des travaux, pénétrer dans les lieux en présence d'une autorité de police ou de deux témoins majeurs assisté d'un serrurier en cas de refus ou d'absence de la locataire ;

- la condamnation de Monsieur X. et Madame X. aux dépens, en ce compris le fais de commissaire de Justice, et à lui payer la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.

A l'audience, la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES, représentée, s'est référée à ses conclusions, auxquelles il est renvoyé, aux termes desquelles elle réitère ses demandes initiales.

Monsieur X. et Madame X., représentés, se sont référés à leurs conclusions, auxquelles il est renvoyé, aux termes desquelles ils sollicitent :

- à titre principal, le rejet des demandes de la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES au motif que la pose du filet porterait une atteinte excessive à leurs droits et sa condamnation à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- à titre subsidiaire, la réfaction du montant du loyer à concurrence de moitié à compter de l'installation du grillage métallique ;

- en tout état de cause, la condamnation de la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES aux dépens et à leur payer la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.

L'affaire a été mise en délibéré au 22 janvier 2024 par mise à disposition au greffe.

Par note aux parties en date du 21 décembre 2023, les parties ont été invitées à produire leurs observations sur l'éventuel caractère abusif de clause du bail stipulant que le locataire « doit en outre laisser exécuter dans l’immeuble (et y compris dans le logement loué) toutes réparations, tous travaux de transformation, de surélévation, d’aménagement, d’amélioration des parties communes ou des parties privatives, quelles qu’en soient les causes, et toutes les interventions préparatoires à ces travaux ».

Par note en délibéré reçue le 10 janvier 2024, Monsieur X. et Madame X. ont indiqué que cette clause créait des obligations excédant celles prévues par la loi de sorte qu'elle devait être réputée non écrite.

Par note en délibéré reçue le 11 janvier 2024, la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES a indiqué que la clause stipulée par le bail n'imposait pas de nouvelles obligations excédant les obligations légales.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur les demandes relatives à la pose d'un filet de protection :

Sur le fondement de la clause contractuelle :

L'article L. 212-1 du code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Aux termes de l'article L. 241-1 du code de la consommation, les clauses abusives sont réputées non écrites. Le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans ces clauses. Les dispositions du présent article sont d'ordre public.

Aux termes de sa recommandation n° 2000-01 du 17 février 2000, la commission des clauses abusives a notamment recommandé que soient écartées les clauses ayant pour objet ou pour effet d'imposer au locataire des obligations qui outrepassent ses obligations légales.

En l'espèce, le bail a été conclu entre la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES, professionnelle de la location de biens immobiliers, et Monsieur X. et Madame X., personnes physiques consommateurs. Le bail stipule que le locataire « doit en outre laisser exécuter dans l’immeuble (et y compris dans le logement loué) toutes réparations, tous travaux de transformation, de surélévation, d’aménagement, d’amélioration des parties communes ou des parties privatives, quelles qu’en soient les causes, et toutes les interventions préparatoires à ces travaux ». Pourtant, les dispositions de la loi du 6 juillet 1989, d'ordre public, n'obligent le locataire à laisser exécuter que les travaux d'amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, les travaux nécessaires au maintien en état, à l'entretien normal, à l'amélioration de la performance énergétique et ceux relatifs à la décence des locaux loués. Les travaux de transformation, de surélévation, d'aménagement des parties communes et des parties privatives, sans qu'ils soient conditionnés à une amélioration, ne sont notamment pas visés par la loi. Ainsi, le bail impose au locataire une obligation qui outrepasse ses obligations légales, sans contrepartie. La rédaction de cette clause est telle qu'elle est de nature à autoriser tous les types de travaux à la seule convenance du bailleur. Elle crée ainsi un déséquilibre significatif entre les parties.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la clause citée du bail est abusive de sorte qu'elle doit être réputée non écrite.

 

Sur le fondement des articles 1724 du code civil et 7e de la loi du 6 juillet 1989 :

Selon les dispositions de l'article 1724 du code civil, « si, durant le bail, la chose louée a besoin de réparations urgentes et qui ne puissent être différées jusqu'à sa fin, le preneur doit les souffrir, quelque incommodité qu'elles lui causent, et quoiqu'il soit privé, pendant qu'elles se font, d'une partie de la chose louée. Mais, si ces réparations durent plus de vingt et un jours, le prix du bail sera diminué à proportion du temps et de la partie de la chose louée dont il aura été privé. Si les réparations sont de telle nature qu'elles rendent inhabitable ce qui est nécessaire au logement du preneur et de sa famille, celui-ci pourra faire résilier le bail ».

L'article 7e de la loi du 6 juillet 1989 dispose que le locataire est obligé de permettre l'accès aux lieux loués pour la préparation et l'exécution de travaux d'amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, de travaux nécessaires au maintien en état ou à l'entretien normal des locaux loués, de travaux d'amélioration de la performance énergétique à réaliser dans ces locaux et de travaux qui permettent de remplir les obligations mentionnées au premier alinéa de l'article 6. Avant le début des travaux, le locataire est informé par le bailleur de leur nature et des modalités de leur exécution par une notification de travaux qui lui est remise en main propre ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Aucuns travaux ne peuvent être réalisés les samedis, dimanches et jours fériés sans l'accord exprès du locataire. Si les travaux entrepris dans un local d'habitation occupé, ou leurs conditions de réalisation, présentent un caractère abusif ou vexatoire ou ne respectent pas les conditions définies dans la notification de préavis de travaux ou si leur exécution a pour effet de rendre l'utilisation du local impossible ou dangereuse, le juge peut prescrire, sur demande du locataire, l'interdiction ou l'interruption des travaux entrepris.

En l'espèce, par acte du 16 juillet 2019, la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES a obtenu le permis de construire sollicité pour la construction d'un bâtiment de R+7 étages et d'une crèche à rez-de-chaussée et 1 étage en fond de parcelle au [Adresse 3]. Est joint à cet arrêté l'avis de la préfecture de police qui ne mentionne pas la pose d'un filet. Le dossier de demande n'est pas joint de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer la solution proposée pour sécuriser la cour de la crèche.

La SA D'HLM ANTIN RESIDENCES verse aux débats un mail non daté qui émanerait de la ville de [Localité 2] qui recommande un filet de protection ou un auvent. Le projet de l'architecte a retenu la mise en place d'un filet de protection au droit des balcons logements sur la façade en vis-à-vis dela crèche.

Par acte sous seing privé en date du 4 novembre 2021, la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES a donné en location à Monsieur X. et Madame X. un logement situé au troisième étage d'un immeuble sis [Adresse 3].

Par arrêté en date du 23 mai 2023, l'association ENVOLUDIA a été autorisée à faire fonctionner un établissement d'accueil collectif non permanent à compter du 18 avril 2023. La SA D'HLM ANTIN RESIDENCES soutient que cette autorisation ne concerne pas l'extérieur de la crèche en l'absence de mise en sécurité de la cour. Cependant, l'arrêté produit ne comporte pas cette limitation. Par ailleurs, le passage de 36 berceaux, prévus dans le permis de construire, à 32 berceaux dans l'arrêté n'est pas motivé mais peut-être expliqué par le taux d'encadrement prévu.

La SA D'HLM ANTIN RESIDENCES souhaite faire poser des filets verticaux, conformément aux recommandations de la mairie de [Localité 2] pour les crèches. Cependant, les recommandations visent tant les filets verticaux que les auvents.

La pose de filets verticaux pourrait constituer des travaux d'amélioration des parties communes ou privatives de l'immeuble visés à l'article 7e de la loi du 6 juillet 1989 dans la mesure où elle tend à améliorer la sécurité des usagers de la cour. Toutefois, la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES reconnaît avoir fait poser un filet horizontal au niveau haut du R+1 le 21 juillet 2023, outre les filets verticaux déjà posés aux niveaux rez-de-chaussée et +1. Si la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES est encore dans l'attente de l'avis de la préfecture de police, elle ne démontre pas en quoi la solution des filets verticaux constituerait une amélioration par rapport à ce filet horizontal. Il n'est pas justifié, à ce stade de la procédure, que le filet horizontal devra être déposé.

Cette pose ne constitue pas non plus des réparations urgentes prévues à l'article 1724 ou des travaux de maintien en état, d'entretien normal, d'amélioration de la performance énergétique ou relatifs à la décence du logement loué de sorte qu'il convient de rejeter les demandes de la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES tendant à être autorisés à pénétrer dans les lieux loués pour faire poser ces filets verticaux.

 

Sur la demande de dommages et intérêts :

En application des articles 1240 et 1241 du code civil, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, qui constituent en principe un droit, ne dégénèrent en abus pouvant donner lieu à des dommages et intérêts que lorsque se trouve caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice.

En l'espèce, Monsieur X. et Madame X. invoquent un préjudice résultant du stress provoqué par les démarches de la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES et les pressions financières. D'une part, ils ne démontrent pas l'existence de leur préjudice. D'autre part, les pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir l'existence des pressions financières alléguées. En outre, les démarches invoquées, telles que l'établissement d'un procès-verbal de constat, le fait de mandater une entreprise et la délivrance d'assignation, ne permettent pas de caractériser l'existence d'un abus par la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES dans l'exercice de ses droits.

Par conséquent, la demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

 

Sur les demandes accessoires :

En application de l'article 514 du code de procédure civile, il convient de rappeler que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile, la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES, qui perd le procès, est condamnée aux dépens.

Conformément à l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande, eu égard à la nature du litige et à la solution recherchée et trouvée en cours de procédure, de rejeter les demandes formées au titre des frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

Statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe :

DIT que la clause du bail stipulant : « il doit en outre laisser exécuter dans l’immeuble (et y compris dans le logement loué) toutes réparations, tous travaux de transformation, de surélévation, d’aménagement, d’amélioration des parties communes ou des parties privatives, quelles qu’en soient les causes, et toutes les interventions préparatoires à ces travaux » est réputée non écrite en raison de son caractère abusif ;

DEBOUTE les parties de leurs prétentions ;

CONDAMNE la SA D'HLM ANTIN RESIDENCES aux dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

La Greffière                                                 La Juge