CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 8 février 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10709
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 8 février 2024 : RG n° 23/08666 ; arrêt n° 2024/079
Publication : Judilibre
Extrait : « L'article R. 132-2 dans sa rédaction issue du décret 2009-302 du 18 mars 2009 dispose que dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et second alinéa de l'article L. 132-1, sauf à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet notamment de reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable.
Il résulte d'un arrêt rendu par la grande chambre de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 17 mai 2022 que les articles 6 § 1 et 7 § 1 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation nationale qui, en raison de l'effet de l'autorité de la chose jugée et de la forclusion, ne permet ni au juge d'examiner d'office le caractère abusif de clauses contractuelles dans le cadre d'une procédure d'exécution hypothécaire ni au consommateur, après l'expiration du délai pour former opposition, d'invoquer le caractère abusif de ces clauses dans cette procédure ou dans une procédure déclarative subséquente, lorsque lesdites clauses ont déjà fait l'objet, lors de la procédure d'exécution hypothécaire, d'un examen d'office par le juge de leur caractère éventuellement abusif, mais que la décision juridictionnelle autorisant l'exécution hypothécaire ne comporte aucun motif, même sommaire, attestant de l'existence de cet examen ni n'indique que l'appréciation portée par ce juge à l'issue dudit examen ne pourra plus être remise en cause en l'absence d'opposition formée dans ledit délai (CJUE 600/19 Ibercaja Banco). Un arrêt du même jour (C -693/19 SPV Project 503 Srl et C-831/19 Banco di Desio e della Brianza e.a) mentionne que les dispositions précitées doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une réglementation nationale qui prévoit que, lorsqu'une injonction de payer prononcée par un juge sur demande d'un créancier, n'a pas fait l'objet d'une opposition formée par le débiteur, le juge de l'exécution, ne peut pas, au motif de l'autorité de chose jugée dont cette injonction est revêtue et couvre implicitement la validité de ces clauses, excluant tout examen ultérieur de la validité de ces dernières, contrôler l'éventuel caractère abusif des clauses du contrat qui ont servi de fondement à ladite injonction.
Le droit positif interne en déduit que l'autorité de chose jugée d'une décision de justice telle qu'une décision d'admission de créance au passif d'une procédure collective, résultant de l'article 1355 du code civil et de l'article 480 du code de procédure civile, n'a pas pour effet de vider de sa substance l'obligation du juge national de procéder à un examen d'office du caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles. (Cass. com 8 février 2023, n° 21-17.763)
La Cour de cassation a jugé qu'une clause d'un contrat de prêt qui stipule la résiliation de plein droit d'un contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'un délai raisonnable créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement. (Civ. 2ème, 22 mars 2023, n° 21-16.044).
Le régime des clauses abusives est susceptible de s'appliquer à une personne morale selon son objet social. En effet, l'article 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 (devenu L. 212-1) dispose que dans les contrats conclus entre professionnel et non-professionnel ou consommateur, sont abusives les clauses qui ont pour objet de créer, au détriment du consommateur ou non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Ainsi, la notion distinctive de non-professionnel utilisée par le législateur français n'exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives (Civ. 1ère, 15 mars 2005, n° 02-13.285 et Civ. 3ème, 17 octobre 2019, n°18-18.469). Faute de définition législative de la notion de non-professionnel avant l'ordonnance du 14 mars 2016, le droit positif applique le critère du rapport direct entre le contrat et l'activité professionnelle de la partie en cause. Ainsi, les dispositions de l'article 132-1 sont inapplicables aux seuls contrats qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle de la personne morale. A ce titre, il sera enjoint à la SCI Les Roses Rouges de produire ses statuts et l'extrait k-bis de son immatriculation, et de justifier de son patrimoine immobilier.
Le contrat de prêt, objet du litige, du 12 septembre 2012 est donc soumis aux dispositions de l'article L. 132-1 précité.
L'offre de prêt, acceptée par la SCI Les Roses Rouges, comme rappelé ci-dessus, stipule notamment au titre de la clause intitulée « exigibilité anticipée » que « l'emprunteur sera déchu du terme et la somme prêtée en principal et intérêts ainsi que toutes sommes dues au prêteur à quelque titre que ce soit, deviendront immédiatement exigibles, sans sommation, mise en demeure ou formalité judiciaire préalable, si bon semble au prêteur, quinze jours après envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception' notamment en cas de « défaut de paiement exact à bonne date d'une seule échéance ou d'une somme quelconque due par l'emprunteur ». La clause précitée est donc susceptible de constituer une clause abusive réputée non écrite. Si la SCI Les Roses Rouges invoque le caractère abusif de la clause de déchéance du terme, elle fonde sa demande sur une solution prétorienne ancienne (Civ. 1ère, 3 juin 2015) et non sur le régime légal des clauses abusives et son interprétation récente résultant des arrêts précités des 8 février et 22 mars 2023. Il convient donc de réouvrir les débats pour respecter le principe du contradictoire et permettre aux parties de formuler leurs éventuelles observations sur les points précités. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-9
ARRÊT DU 8 FÉVRIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/08666. Arrêt n° 2024/079. N° Portalis DBVB-V-B7H-BLRDC. ARRÊT AVANT DIRE DROIT. Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution de GRASSE en date du 1er juin 2023 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 20/00010.
APPELANTE :
Société LES ROSES ROUGES
immatriculée au RCS de CANNES sous le n° XXX, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2], représentée par Maître Radost VELEVA-REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Maître Laurent LATAPIE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,
INTIMÉE :
LA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE COTE D'AZUR
Société Anonyme Coopérative à Directoire et Conseil d'orientation et de surveillance, immatriculée au RCS de NICE sous le numéro YYY, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1], assignée à jour fixe le 18/07/23 à personne habilitée, représentée et assistée par Maître Renaud ESSNER de la SELARL CABINET ESSNER, avocat au barreau de GRASSE, substitué par Maître Muriel MANENT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 20 décembre 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Madame Evelyne THOMASSIN, Président, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 8 février 2024.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 8 février 2024, Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits, procédure, prétentions des parties :
La Caisse d'Epargne Prévoyance Côte d'Azur poursuit à l'encontre de la société civile immobilière Les Roses Rouges, suivant commandement signifié le 5 décembre 2022, la vente de biens et droits immobiliers lui appartenant situés sur la commune du [Localité 3] (06), [Adresse 2], à savoir le lot n°21 consistant dans un appartement portant précédemment le n°1 au plan annexé au cahier des charges-règlement de copropriété, avec la jouissance exclusive et particulière de la portion de terrain sise dans le nord de la construction, telle qu'elle figure au plan annexé à l'état descriptif de division précité, sous teinte jaune avec entrée indépendante sur le boulevard et les 166/1000èmes indivis des parties communes, plus amplement désignés au cahier des conditions de vente déposé au greffe du juge de l'exécution le 2 février 2023, pour avoir paiement d'une somme de 213.578,34 € en principal, intérêts de retard du 29 septembre 2021 au 5 septembre 2022, indemnité pour frais irrépétibles, en vertu d'un jugement réputé contradictoire du 7 septembre 2022 du tribunal judiciaire de Grasse signifié le 15 septembre suivant.
Le commandement, publié le 4 janvier 2023, est demeuré sans effet. Au jour de cette publication, il n'existait aucun créancier inscrit.
Un jugement d'orientation du 1er juin 2023 du juge de l'exécution de Grasse :
- constatait que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L 311-6 du code des procédures civiles d'exécution, sont remplies,.
- fixait le montant de la créance du créancier poursuivant, arrêtée au 5 décembre 2022, à la somme de 209.277,92 € en principal, intérêts et frais outre intérêts postérieurs courant jusqu'à la distribution du prix de vente et au plus tard à la date prévue par l'article R. 334-3 du code des procédures civiles d'exécution,
- ordonnait la vente aux enchères publiques de l'immeuble saisi selon les modalités du cahier des conditions de vente et sur la mise à prix fixée par ledit cahier,
- fixait la date de l'audience d'adjudication et les modalités de visite du bien immobilier saisi,
- rejetait la demande de la SCI Les Roses Rouges d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- disait que les dépens seraient compris dans les frais de vente soumis à taxe.
Le premier juge retenait l'irrecevabilité des contestations de la SCI Les Roses Rouges pour cause d'autorité de chose jugée du jugement du 7 septembre 2015 signifié le 15 septembre suivant, lequel relève une mise en demeure du 27 juillet 2021 de régulariser les échéances impayées suivie d'une lettre de déchéance du terme du 28 septembre 2021, et comporte le détail des sommes dues au titre des échéances impayées, du capital restant dû, des intérêts de retard et de l'indemnité de déchéance.
Il retenait que le décompte de la créance intégré dans le commandement est conforme aux prescriptions de l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, en mentionnant la somme due en principal de 209 277,92 € selon jugement du 7 septembre 2022, outre une indemnité pour frais irrépétibles, les intérêts de retard au taux contractuel de 1,77 % du 29 septembre 2021 au 5 décembre 2022 sur la somme de 209.277,92 €, soit au total dû 215.169,09 € sous déduction d'un acompte du 4 avril 2022 d'un montant de 1.583,75 €. Il qualifie le décompte de parfaitement clair et compréhensible.
Par déclaration reçue le 29 juin 2023 au greffe de la cour, la SCI Les Roses Rouges formait appel du jugement précité.
Une ordonnance du 4 juillet 2023 de madame la présidente de la chambre 1-9 de la cour d'appel autorisait l'assignation à jour fixe.
Le 18 juillet 2023, la SCI Les Roses Rouges faisait assigner la Caisse d'Epargne Provence Cote d'Azur, créancier poursuivant, d'avoir à comparaître devant la cour. L'assignation était déposée au greffe, le 4 août suivant conformément aux exigences de l'article 922 du code de procédure civile.
[*]
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 10 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la SCI Les Roses Rouges demande à la cour de :
- Réformer le jugement en ce qu'il a :
- déclaré la société civile Les Roses Rouges irrecevables en ses demandes relatives à la validité de la déchéance du terme,
- rejeté sa demande de mainlevée du commandement de payer valant saisie immobilière,
- dit les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du Code des procédures civiles d'exécution sont réunies et que le créancier poursuivant a satisfait au respect des dispositions susvisées,
- dit que la Caisse d'Epargne et de prévoyance Côte d'Azur poursuit la saisie immobilière au préjudice de la société civile Les Roses Rouges pour une créance liquide et exigible, d'un montant de 209.277,92 € au principal, frais, intérêts, et autres accessoires, arrêtée au 5 décembre 2022, outre intérêts à compter de cette date, jusqu'à la distribution du prix de vente à intervenir et au plus tard à la date prévue par l'article R. 334-3 du code des procédures civiles d'exécution,
- rejeté sa demande de délais de paiement et d'autorisation de vente amiable,
- ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers saisis,
- dit qu'il sera procédé à ladite vente forcée le jeudi 14 septembre 2023.
Par même voie de conséquence,
Statuant de nouveau,
- juger de l'absence de validité de la déchéance du terme,
En conséquence, ordonner la reprise de l'échéancier à compter de la décision à intervenir avec ré- imputation sur le nouvel échéancier de l'ensemble des règlements effectués par la SCI Les Roses Rouges depuis la date de l'acte de prêt à ce jour,
- juger que la banque ne peut réclamer et solliciter quelque intérêt dits intercalaire entre la fausse déchéance du terme contestée et la reprise de l'échéancier à compter de la décision à intervenir,
- débouter le créancier La Caisse d'Épargne irrecevable en ses demandes, fins et conclusions,
A titre infiniment subsidiaire, faire droit à la demande de délais, et ce, sur 2 ans, sans intérêts,
En tout état de cause, débouter le demandeur de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner par voie de conséquence, le demandeur à, à ses frais, à la main levée de l'inscription relative à la présente procédure de saisie immobilière, et ce, au besoin sous astreinte, à compter du mois suivant la signification de la décision à intervenir,
- condamner par voie de conséquence, le demandeur à payer à la SCI Les Roses Rouges la somme de 3 000 € d'article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens.
Elle fonde sa demande de nullité du commandement sur le défaut de validité de la déchéance du terme dont les modalités sont prévues à l'article 14 du contrat de prêt, lequel est constitutif d'une clause abusive en l'état d'une exigibilité immédiate, sans mise en demeure préalable de régulariser les mensualités impayées, quinze jours après la réception d'une lettre recommandée dans les cas visés. Elle reconnaît qu'un jugement de condamnation a été rendu mais soutient n'avoir pas été en mesure de défendre ses intérêts.
Elle constate que dans les faits, elle a reçu une mise en demeure du 10 avril 2019 présentée le 18 avril suivant, puis une lettre du 30 avril 2019 de déchéance du terme prononcée, alors que le délai de 15 jours à compter de la présentation du 18 avril 2019 de la mise en demeure n'était pas expiré. Elle en conclut que la Caisse d'épargne devra être condamnée à établir un nouvel échéancier.
Elle fonde sa demande de nullité du commandement sur l'article R. 321-3-3° sur l'absence de décompte de la créance en principal et intérêts avec mention du taux des intérêts moratoires.
Elle soutient qu'en l'absence de déchéance du terme, le commandement ne mentionne pas valablement le montant de la créance en principal, intérêts et frais. En outre, elle affirme que les modalités de calcul des intérêts du prêt sont nécessairement erronées en ce que le calcul du TEG est erroné.
[*]
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 7 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur (CEPCA) demande à la cour de :
- constater que la présente procédure est conforme aux articles L. 311-2, L. 311-4, et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution,
- Vu les articles R. 322-4 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
Statuer ce que de droit conformément à l'article R. 322-5 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution.
- débouter la SCI Les Roses Rouges de toutes ses demandes irrecevables et infondées,
- confirmer en tous ses points la décision entreprise,
- renvoyer l'affaire à l'audience du Juge de l'Exécution de Grasse pour qu'il soit procédé à la vente forcée,
- condamner l'appelant au paiement de la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle invoque l'irrecevabilité des contestations de la SCI Les Roses Rouges au motif de l'autorité de chose jugée du jugement du 7 septembre 2022, signifié le 15 septembre suivant à partie, portant condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 209 277,92 € avec intérêts au taux contractuel de 1,77 % à compter du 29 septembre 2021.
Elle soutient que la SCI Les Roses Rouges ne peut plus contester en cause d'appel, la validité de la déchéance du terme prononcée par un courrier recommandé du 28 septembre 2021 faisant suite à une mise en demeure du 27 juillet 2021, et le décompte des sommes dues incluant l'indemnité de résiliation. Elle affirme que son décompte de créance détaillé en principal, indemnité article 700 du code de procédure civile, intérêts de retard au 5 décembre 2022, date du commandement outre intérêts moratoires à compter du 5 décembre 2022 jusqu'à parfait paiement, est conforme aux dispositions du jugement ayant autorité de chose jugée.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
L'article L/ 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au contrat de prêt du 3 juillet 2014, dispose que :
Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission instituée à l'article L132-2, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.
Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.
Ces dispositions sont applicables quel que soit la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.
Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.
Les clauses abusives sont réputées non écrites.
L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.
Les dispositions du présent article sont d'ordre public.
L'article R. 132-2 dans sa rédaction issue du décret 2009-302 du 18 mars 2009 dispose que dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et second alinéa de l'article L 132-1, sauf à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet notamment de reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable.
Il résulte d'un arrêt rendu par la grande chambre de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 17 mai 2022 que les articles 6 § 1 et 7 § 1 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation nationale qui, en raison de l'effet de l'autorité de la chose jugée et de la forclusion, ne permet ni au juge d'examiner d'office le caractère abusif de clauses contractuelles dans le cadre d'une procédure d'exécution hypothécaire ni au consommateur, après l'expiration du délai pour former opposition, d'invoquer le caractère abusif de ces clauses dans cette procédure ou dans une procédure déclarative subséquente, lorsque lesdites clauses ont déjà fait l'objet, lors de la procédure d'exécution hypothécaire, d'un examen d'office par le juge de leur caractère éventuellement abusif, mais que la décision juridictionnelle autorisant l'exécution hypothécaire ne comporte aucun motif, même sommaire, attestant de l'existence de cet examen ni n'indique que l'appréciation portée par ce juge à l'issue dudit examen ne pourra plus être remise en cause en l'absence d'opposition formée dans ledit délai (CJUE 600/19 Ibercaja Banco).
Un arrêt du même jour (C -693/19 SPV Project 503 Srl et C-831/19 Banco di Desio e della Brianza e.a) mentionne que les dispositions précitées doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une réglementation nationale qui prévoit que, lorsqu'une injonction de payer prononcée par un juge sur demande d'un créancier, n'a pas fait l'objet d'une opposition formée par le débiteur, le juge de l'exécution, ne peut pas, au motif de l'autorité de chose jugée dont cette injonction est revêtue et couvre implicitement la validité de ces clauses, excluant tout examen ultérieur de la validité de ces dernières, contrôler l'éventuel caractère abusif des clauses du contrat qui ont servi de fondement à ladite injonction.
Le droit positif interne en déduit que l'autorité de chose jugée d'une décision de justice telle qu'une décision d'admission de créance au passif d'une procédure collective, résultant de l'article 1355 du code civil et de l'article 480 du code de procédure civile, n'a pas pour effet de vider de sa substance l'obligation du juge national de procéder à un examen d'office du caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles. (Cass. com 8 février 2023, n° 21-17.763)
La Cour de cassation a jugé qu'une clause d'un contrat de prêt qui stipule la résiliation de plein droit d'un contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'un délai raisonnable créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement. (Civ. 2ème, 22 mars 2023, n° 21-16.044).
Le régime des clauses abusives est susceptible de s'appliquer à une personne morale selon son objet social. En effet, l'article 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 (devenu L. 212-1) dispose que dans les contrats conclus entre professionnel et non-professionnel ou consommateur, sont abusives les clauses qui ont pour objet de créer, au détriment du consommateur ou non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Ainsi, la notion distinctive de non-professionnel utilisée par le législateur français n'exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives (Civ. 1ère, 15 mars 2005, n° 02-13.285 et Civ. 3ème, 17 octobre 2019, n°18-18.469).
Faute de définition législative de la notion de non-professionnel avant l'ordonnance du 14 mars 2016, le droit positif applique le critère du rapport direct entre le contrat et l'activité professionnelle de la partie en cause. Ainsi, les dispositions de l'article 132-1 sont inapplicables aux seuls contrats qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle de la personne morale.
A ce titre, il sera enjoint à la SCI Les Roses Rouges de produire ses statuts et l'extrait k-bis de son immatriculation, et de justifier de son patrimoine immobilier.
Le contrat de prêt, objet du litige, du 12 septembre 2012 est donc soumis aux dispositions de l'article L. 132-1 précité.
L'offre de prêt, acceptée par la SCI Les Roses Rouges, comme rappelé ci-dessus, stipule notamment au titre de la clause intitulée « exigibilité anticipée » que « l'emprunteur sera déchu du terme et la somme prêtée en principal et intérêts ainsi que toutes sommes dues au prêteur à quelque titre que ce soit, deviendront immédiatement exigibles, sans sommation, mise en demeure ou formalité judiciaire préalable, si bon semble au prêteur, quinze jours après envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception' notamment en cas de « défaut de paiement exact à bonne date d'une seule échéance ou d'une somme quelconque due par l'emprunteur ». La clause précitée est donc susceptible de constituer une clause abusive réputée non écrite.
Si la SCI Les Roses Rouges invoque le caractère abusif de la clause de déchéance du terme, elle fonde sa demande sur une solution prétorienne ancienne (Civ. 1ère, 3 juin 2015) et non sur le régime légal des clauses abusives et son interprétation récente résultant des arrêts précités des 8 février et 22 mars 2023. Il convient donc de réouvrir les débats pour respecter le principe du contradictoire et permettre aux parties de formuler leurs éventuelles observations sur les points précités.
Les demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront réservées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
SOULÈVE d'office l'application du régime légal des clauses abusives et la question du caractère abusif de la clause stipulée à l'article 14 « exigibilité anticipée » de l'acte de prêt du 12 septembre 2012,
PRONONCE la réouverture des débats à l'audience du mercredi 25 septembre 2024 à 14h15 de la chambre 1-9 de la cour d'appel d'Aix en Provence,
INVITE les parties à formuler leurs observations sur le point de droit soulevé d'office et ses éventuelles conséquences sur les caractères liquide et exigible de la créance,
ENJOINT à la SCI Les Roses Rouges de produire ses statuts et l'extrait-kbis de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, et de justifier de son patrimoine immobilier,
RÉSERVE les demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE