CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 31 janvier 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10717
CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 31 janvier 2024 : RG n° 21/10766
Publication : Judilibre
Extrait : « Il ne démontre pas l'existence d'une manœuvre de la société American Express pouvant être constitutive d'un dol par réticence compte tenu de la clarté des obligations stipulées et répétées non plus que celle d'une fraude pour les mêmes motifs, la solidarité conventionnelle étant expressément prévue.
Les arguments fondés sur l'existence d'un cautionnement sans respect des règles formelles nécessaires à sa validité sont inopérants puisque M. X. s'est, sans ambiguïté, engagé solidairement avec la société Rad et non à honorer ses engagements seulement à défaut de cette dernière.
Compte tenu des mentions du formulaire d'adhésion rapportées ci-dessus et du fait que la souscription effective suppose en outre la prise de connaissance des conditions générales, ce qui est attesté par l'adhérent, la société American Express justifie avoir satisfait à ses obligations d'information précontractuelles.
Le contrat a été conclu à des fins commerciales, de sorte qu'il échappe à la législation invoquée relative aux clauses abusives puisque même M. X., personne physique, président non commerçant de la société Rad, n'a pas agi en tant que non professionnel au sens de l'article devenue L. 212-1 du code de la consommation en sollicitant l'attribution de la carte de paiement au nom de la société et en s'engageant « à n'utiliser la carte que dans le cadre de vos activités processionnelles habituelles » qui ne peut être « utilisée que pour effectuer des achats professionnels », étant ajouté qu'à supposer même celle-ci applicable, l'on ne voit pas en quoi l'engagement solidaire, nullement équivoque, d'un dirigeant d'entreprise aux côtés de la société qu'il représente à régler les dépenses - faites par lui à titre professionnel dans l'intérêt de la société - effectuées par le moyen paiement mis à disposition par la société American Express, qui ne constitue pas un concours financier, constituerait un déséquilibre entre les droits et obligations des parties. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 6
ARRÊT DU 31 JANVIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/10766 (4 pages). N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2UA. Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 mai 2021 - Tribunal Judiciaire de PARIS RG n° 19/10327.
APPELANT :
Monsieur X.
[Adresse 2], [Localité 1], Représenté par Maître Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065, ayant pour avocat plaidant Maître Éric HABER de la SELEURL EHA AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0172
INTIMÉE :
SA AMERICAN EXPRESS CARTE FRANCE
[Adresse 4], [Localité 3], représentée par son directeur général domicilié en cette qualité audit siège, N° SIRET : B XXX, Représentée par Maître Christine BEZARD FALGAS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0521 avocat postulant et plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Marc BAILLY, Président de chambre, M. Vincent BRAUD, Président, MME Laurence CHAINTRON, Conseillère, qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Marc BAILLY, Président de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Mélanie THOMAS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 4 mai 2021 qui, sur l'assignation délivrée le 4 septembre 2019 par la société American Express à M. X. en paiement du solde débiteur de la carte accréditive de la société Rad dont il est le dirigeant, a :
- débouté M. X. de ses demandes,
- condamné M. X. à payer à la demanderesse les somme de 40.993,58 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 208 et de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonnance l'exécution provisoire ;
Vu l'appel interjeté par M. X. le 9 juin 2021 ;
[*]
Vu les dernières conclusions en date du 2 septembre 2021de M. X. qui fait valoir :
- que son engagement personnel au titre duquel il serait tenu par une clause de solidarité est le fruit d'un dol par réticence de la société American Express qui ne l'a pas informé de ses conséquences et n'a pas recueilli de seconde signature à titre personnel alors qu'il n'a signé la demande de carte professionnelle American Express qu'au nom de la société Rad en qualité de dirigeant - laquelle a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 juillet 2018 - et que les conditions générales n'ont pas émargées par lui,
- que cette manière de procéder constitue également une violation des obligations d'information précontractuelles au sens de l'article 1112-1 du code civil,
- que la clause litigieuse caractérise une fraude aux droits du débiteur puisqu'elle a pour objet de faire cautionner la dette de la société Rad par son dirigeant au mépris des règles d'ordre public en la matière alors que, contrairement à ce qu'on retenu les premiers juges les dépenses faites l'ont été dans l'intérêt exclusif de la société Rad,
- que la clause litigieuse est abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation dès lors que la commission des clauses abusives sanctionne les conditions générales imprimées en caractère typographique inférieur au corps 8 de sorte qu'elle lui est inopposable, qu'elle crée un déséquilibre significatif car elle a pour objet d'adjoindre un codébiteur solidaire non intéressé à la dette sans contrepartie, que le quantum de la demande ne peut résulter du seul relevé du compte improprement intitulé d'« X. » alors qu'il s'agissait de celui de la société Rad, de sorte qu'il demande à la cour de :
« -INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris ;
Statuant à nouveau
- PRONONCER la nullité de la clause de solidarité invoquée par American Express ;
- DIRE et JUGER que la clause de solidarité invoquée par American Express est frauduleuse et, en tout état de cause, inopposable à X. ;
- DEBOUTER American Express de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
- CONDAMNER American Express à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE ainsi qu'aux entiers dépens » ;
[*]
Vu les dernières conclusions en date du 30 novembre 2021 de la société American Express qui poursuit la confirmation dommages-intérêts jugement et la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles en exposant :
- que le dol n'est pas démontré dès lors que, pour être rédigée en petit caractère, la clause de solidarité est néanmoins parfaitement lisible, qu'elle est encore rappelée en page 6 du contrat, qu'il n'est démontré l'existence d'aucune manœuvre de sa part,
- que l'article 1112-1 du code civil est inapplicable comme concernant les contrats souscrits de gré à gré alors qu'en l'espèce il s'agit d'un contrat d'adhésion régi par son article 1110 alinéa 2,
- que la clause n'est pas frauduleuse dès lors que la solidarité prévue à l'article 1310 du code civil est stipulée clairement, qu'il ne s'agit pas d'un cautionnement dès lors que M. X. est partie au contrat, qu'il est en outre parfaitement intéressé à titre personnel puisqu'il était associé dirigeant de l'entreprise Rad, qu'il a d'ailleurs fait un usage prohibé par le contrat de paiement en faveur de la société Rad elle-même aux fins de se constituer irrégulièrement une trésorerie,
- que la clause n'est pas abusive alors qu'il n'est allégué l'existence d'aucun déséquilibre significatif comme constamment jugé par la jurisprudence ;
[*]
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 novembre 2022 ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
M. X. a souscrit, le 26 janvier 2018, à une demande de ‘carte professionnel Air France KLM American Express » en renseignant les données sollicitées tant sur la société par actions simplifiée Rad dont il était le président que sur lui-même, ladite demande mentionnant :
- en caractères lisibles comme l'a retenu le tribunal, « le signataire de la demande de carte, représentant de l'entreprise reconnaît être solidaire de l'entreprise à titre principal pour le paiement de l'ensemble des transactions » et encore que « vous reconnaissez avoir pris connaissance de l'intégralité de la Convention relative à la Carte et vous vous engagez à vous y conformer », le formulaire exigeant que l'entreprise adhérente ait plus d'une année et que son dirigeant signataire soit « âgé de plus de 18 ans, disposer d'un compte bancaire en France en euros - avoir des revenus personnels annuels bruts supérieurs à 50.000 euros »,
- tandis que lesdites conditions générales mentionnent s'agissant des « Clients professionnels uniquement » que « Concernant la carte business et la carte PRO AF KLM, le signataire personne physique de la demande de carte est responsable solidairement à titre personnel avec vous du paiement, à la date d'exigibilité, de tous les débits sur le compte effectués par vous et par tout titulaire de carte supplémentaire, ce qui signifie que nous pouvons exiger de votre part ou du ou du signataire personne physique de la demande de carte, le paiement de la totalité du solde du sur une carte business ou carte PRO AF KLM ».
Il résulte ainsi de la force obligatoire du contrat, désormais prévue par l'article 1193 du code civil, que M. X. s'est engagé solidairement avec la société Rad qu'il dirigeait, au paiement du solde du compte.
Il ne démontre pas l'existence d'une manœuvre de la société American Express pouvant être constitutive d'un dol par réticence compte tenu de la clarté des obligations stipulées et répétées non plus que celle d'une fraude pour les mêmes motifs, la solidarité conventionnelle étant expressément prévue.
Les arguments fondés sur l'existence d'un cautionnement sans respect des règles formelles nécessaires à sa validité sont inopérants puisque M. X. s'est, sans ambiguïté, engagé solidairement avec la société Rad et non à honorer ses engagements seulement à défaut de cette dernière.
Compte tenu des mentions du formulaire d'adhésion rapportées ci-dessus et du fait que la souscription effective suppose en outre la prise de connaissance des conditions générales, ce qui est attesté par l'adhérent, la société American Express justifie avoir satisfait à ses obligations d'information précontractuelles.
Le contrat a été conclu à des fins commerciales, de sorte qu'il échappe à la législation invoquée relative aux clauses abusives puisque même M. X., personne physique, président non commerçant de la société Rad, n'a pas agi en tant que non professionnel au sens de l'article devenue L. 212-1 du code de la consommation en sollicitant l'attribution de la carte de paiement au nom de la société et en s'engageant « à n'utiliser la carte que dans le cadre de vos activités processionnelles habituelles » qui ne peut être « utilisée que pour effectuer des achats professionnels », étant ajouté qu'à supposer même celle-ci applicable, l'on ne voit pas en quoi l'engagement solidaire, nullement équivoque, d'un dirigeant d'entreprise aux côtés de la société qu'il représente à régler les dépenses - faites par lui à titre professionnel dans l'intérêt de la société - effectuées par le moyen paiement mis à disposition par la société American Express, qui ne constitue pas un concours financier, constituerait un déséquilibre entre les droits et obligations des parties.
La créance de la société American Express est justifiée à suffisance par la production des relevés du compte, non contestés par M. X. qui ont, par ailleurs, donné lieu à une déclaration de créance au passif de la société Rad.
Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y ajoutant, de condamner M. X. aux dépens ainsi qu'à payer à la société American Express la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE M. X. à payer à la société American Express la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. X. aux dépens de la présente instance qui seront recouvrés par Maître Christine Bezard Falgas, comme il est disposé à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT