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CA TOULOUSE (2e ch.), 6 février 2024

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (2e ch.), 6 février 2024
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 2e ch.
Demande : 23/01019
Décision : 24/46
Date : 6/02/2024
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Numéro de la décision : 46
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10721

CA TOULOUSE (2e ch.), 6 février 2024 : RG n° 23/01019 ; arrêt n° 46

Publication : Judilibre

 

Extrait : « La cour constate en premier lieu que contrairement à ce que soutient la Caisse d’Épargne, M.X. sollicite dans le dispositif de l'assignation introductive d'instance que le tribunal constate le caractère abusif de la clause relative au calcul du TEG et en écarte l'application, ce qui s'analyse comme une prétention et non comme un simple moyen au soutien de la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts.

Dans sa rédaction applicable au litige, l'article L. 212-1 du code de la consommation prévoit en son premier alinéa que « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. » Par arrêt du 10 juin 2021 (aff. C-776/19 à C-782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription.

Il convient dès lors en premier lieu de déterminer si, comme le soutient M.X., la clause qui exclut du calcul du TEG les intérêts et frais correspondant à la période de préfinancement est abusive, c'est à dire si elle crée entre les parties un déséquilibre significatif.

Les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement n'entrent dans le calcul du taux effectif global que lorsqu'ils sont déterminables lors de la conclusion du contrat. Tel n'est pas le cas des intérêts dus au titre du capital libéré de manière progressive au cours de cette période, dès lors que leur montant dépend du rythme de cette libération, inconnu des parties lors de la souscription du prêt (Cass. 1re civ., 15 juin 2022, pourvoi n° 20-16.070). En l'espèce, l'article 6 de l'offre de prêt acceptée le 2 janvier 2011 prévoit un déblocage progressif des fonds au cours de la période de préfinancement et conformément à cette stipulation, le capital prêté est entré en phase d'amortissement le 10 mars 2012 après que les sommes de 1990 € et 347,45 € ont été débloquées les 2 janvier et 10 février 2012, en phase de préfinancement. Dès lors, les intérêts dus au titre de la phase de préfinancement n'étaient pas déterminables au moment de l'émission de l'offre de prêt, de sorte qu'ils n'avaient pas à être pris en compte dans le calcul du taux effectif global. La clause litigieuse n'est donc pas abusive. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 6 FÉVRIER 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/01019. Arrêt n° 46.  N° Portalis DBVI-V-B7H-PKMK. Décision déférée du 23 février 2023 - Juge de la mise en état de Toulouse : R.G. n° 22/01434.

 

APPELANT :

Monsieur X.

[Adresse 2], [Adresse 2], Représenté par Maître Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat plaidant au barreau de DOUAI, et par Maître François MIRETE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

 

INTIMÉE :

SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE MIDI-PYRÉNÉES

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1], [Adresse 1], Représentée par Maître Xavier RIBAUTE, avocat au barreau de TOULOUSE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, Conseillère chargée du rapport et V. SALMERON, Présidente. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : V. SALMERON, présidente, I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère, M. NORGUET, conseillère

Greffier, lors des débats : A. ASDRUBAL

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Exposé des faits et procédure :

Suivant offre du 21 décembre 2011 acceptée le 2 janvier 2012, la Caisse d’Épargne et de Prévoyance de Midi- Pyrénées a consenti à Monsieur X. un crédit immobilier dénommé PH Primo d'un montant 100.000 € d'une durée de 240 mois, avec possibilité de préfinancement sur une durée maximale de 36 mois, destiné à l'acquisition d'un logement sans travaux.

Le 24 février 2015, un avenant au contrat a été conclu afin de diminuer le taux d'intérêts et de réduire la durée d'amortissement.

Par acte du 30 mars 2022, Monsieur X. a assigné la Caisse d’Épargne, aux visas des articles L. 313-1 et suivants R. 313-1, L. 312-33 et suivants devenus L. 341-34 du code de la consommation et 1907 du code civil, aux fins notamment de :

- Déclarer abusive la clause ayant pour objet et pour effet d'exclure du calcul du TEG le coût de la période de préfinancement et en écarter l'application,

- Prononcer l'annulation de la stipulation d'intérêts ou la déchéance totale des intérêts

Par conclusions du 18 octobre 2022, la Caisse d’Épargne et de prévoyance de midi-Pyrénées a saisi le juge de la mise en état afin qu'il constate la prescription de l'action.

Par ordonnance en date du 23 février 2023, le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Toulouse a :

- Déclaré la demande irrecevable car prescrite ;

- Condamné Monsieur X. aux dépens et à payer la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par déclaration en date du 20 mars 2023 Monsieur X. a relevé appel de cette ordonnance.

L'affaire a fait l'objet d'une fixation à bref délai.

La clôture est intervenue le 23 octobre 2023.

 

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 25 avril 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de M.X. demandant au visa de l'article 2224 du code civil, de :

- Infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle déclare la demande irrecevable car prescrite ; le condamne aux dépens et à payer la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

- Déclarer les demandes de Monsieur X. recevables ; avec toutes conséquences de droit ;

- Condamner la Caisse d’Épargne à lui payer la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeter toutes demandes et prétentions contraires de Caisse d’Épargne ;

- Condamner la Caisse d’Épargne aux entiers dépens de l'instance.

[*]

Vu les conclusions notifiées le 22 mai 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Caisse d’Épargne demandant au visa des articles 122 et 789 du code de procédure civile,768 du code de procédure civile, 2224 du code civil et L110-4 du code de commerce de :

- Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du Juge de la mise en état du 23 février 2023 déférée en ce qu'elle déclare irrecevables comme prescrites l'action en justice Monsieur X. aux fins d'annulation de la stipulation d'intérêts et de déchéance totale du droit aux intérêts

- Condamner Monsieur X. à 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de l'incident et de la procédure.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs :

M. X. poursuit l'annulation de la stipulation d'intérêts ou subsidiairement la déchéance du droit aux intérêts contractuels.

Pour soutenir que son action n'est pas prescrite, il fait valoir que la clause de l'offre acceptée le 21 décembre 2011 qui précise que le calcul du TEG ne tient pas compte des intérêts intercalaires et des primes d'assurances de la phase de préfinancement est abusive, que l'action en nullité d'une clause abusive est imprescriptible, que le principe d'effectivité s'oppose à ce que l'on présume la connaissance du consommateur qui au cas d'espèce a pu ignorer les faits lui permettant d'agir et qu'en tout état de cause, la prescription ne saurait être opposée tant que le contrat est en cours d'exécution.

La Caisse d'épargne Midi-Pyrénées fait valoir que les modalités de calcul du TEG étant apparentes à la lecture du contrat, le délai de prescription quinquennal a commencé à courir dès l'acceptation de l'offre, si bien que la demande est tardive.

Elle estime que le caractère abusif de la clause n'est qu'un moyen au soutien de l'action en nullité de la clause de stipulation des intérêts, et non une prétention autonome, imprescriptible en application des règles issues du droit de l'Union. Elle ajoute que la prétention formée par l'emprunteur, à savoir, l'annulation de la clause de stipulation d'intérêts demeure prescriptible quels que soient les moyens invoqués à son soutien.

[*]

La cour constate en premier lieu que contrairement à ce que soutient la Caisse d’Épargne, M.X. sollicite dans le dispositif de l'assignation introductive d'instance que le tribunal constate le caractère abusif de la clause relative au calcul du TEG et en écarte l'application, ce qui s'analyse comme une prétention et non comme un simple moyen au soutien de la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts.

Dans sa rédaction applicable au litige, l'article L. 212-1 du code de la consommation prévoit en son premier alinéa que « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

Par arrêt du 10 juin 2021 (aff. C-776/19 à C-782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription.

Il convient dès lors en premier lieu de déterminer si, comme le soutient M.X., la clause qui exclut du calcul du TEG les intérêts et frais correspondant à la période de préfinancement est abusive, c'est à dire si elle crée entre les parties un déséquilibre significatif.

Les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement n'entrent dans le calcul du taux effectif global que lorsqu'ils sont déterminables lors de la conclusion du contrat. Tel n'est pas le cas des intérêts dus au titre du capital libéré de manière progressive au cours de cette période, dès lors que leur montant dépend du rythme de cette libération, inconnu des parties lors de la souscription du prêt (Cass. 1re civ., 15 juin 2022, pourvoi n° 20-16.070).

En l'espèce, l'article 6 de l'offre de prêt acceptée le 2 janvier 2011 prévoit un déblocage progressif des fonds au cours de la période de préfinancement et conformément à cette stipulation, le capital prêté est entré en phase d'amortissement le 10 mars 2012 après que les sommes de 1990 € et 347,45 € ont été débloquées les 2 janvier et 10 février 2012, en phase de préfinancement.

Dès lors, les intérêts dus au titre de la phase de préfinancement n'étaient pas déterminables au moment de l'émission de l'offre de prêt, de sorte qu'ils n'avaient pas à être pris en compte dans le calcul du taux effectif global.

La clause litigieuse n'est donc pas abusive.

Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En application de ce texte, la prescription commence à courir à compter de la date du contrat si l'emprunteur est en mesure de déceler lui-même, à la lecture de l'acte, les erreurs affectant le taux.

L'erreur est décelable lorsque le contrat mentionne expressément les éléments à partir duquel le calcul du TEG a été effectué.

Tel est bien le cas en l'espèce et le premier juge a relevé par des motifs pertinents que la cour fait siens que la clause dont l'annulation est sollicitée est apparente, rédigée en des termes clairs et que sa lecture permet de comprendre les éléments pris en compte pour le calcul du TEG et ceux qui ne le sont pas.

Ainsi, contrairement à ce qu'il soutient M.X. connaissait dès la signature du contrat les faits qui lui permettaient d'agir et la poursuite de l'exécution du contrat ne le privait pas de la possibilité d'agir en nullité de cette clause, ce qu'il a d'ailleurs fait s'agissant d'un crédit remboursable, en exécution de l'avenant du 24 février 2015 jusqu'au 10 mars 2030.

Le délai quinquennal expirait par conséquent le 21 décembre 2016, si bien qu'introduite par exploit du 30 mars 2022, la demande est tardive

C'est donc à juste titre que le juge de la mise en état a dit l'action prescrite et donc irrecevable.

L'ordonnance déférée sera en conséquence intégralement confirmée.

Partie perdante, M.X. supportera les dépens et devra indemniser la Caisse d’Épargne des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer pour les besoins de sa défense

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

- Confirme l'ordonnance déférée,

- Condamne M.X. aux dépens d'appel,

- Condamne M.X. à payer à la Caisse d’Épargne Midi-Pyrénées la somme de 1.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier                                         La présidente