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TJ BOBIGNY (7e ch. 1re sect.), 1er février 2024

Nature : Décision
Titre : TJ BOBIGNY (7e ch. 1re sect.), 1er février 2024
Pays : France
Juridiction : Tribunal judiciaire
Demande : 23/08074
Décision : 24/00036
Date : 1/02/2024
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 16/08/2023
Numéro de la décision : 36
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10723

TJ BOBIGNY (7e ch. 1re sect.), 1er février 2024 : RG n° 23/08074 ; jugt n° 24/00036

Publication : Judilibre

 

Extrait (rappel de procédure) : « A l’issue de l’audience, le conseil de la banque a été invité à faire valoir ses observations par note en délibéré avant le 10 janvier 2024 sur le caractère abusif de la clause du contrat de prêt intitulée « déchéance du prêt - exigibilité du présent prêt » au regard notamment du délai de 15 jours imparti au débiteur pour solder ses impayés sous peine de l'acquisition de la déchéance du terme, en application de la jurisprudence récente de la Cour de cassation (Cass. civ., 22 mars 2023, pourvoi n° 21-16.044). »

Extrait (motifs) : « En l’espèce, il apparaît que la clause du contrat de prêt intitulée « déchéance du prêt - exigibilité du présent prêt » stipule qu’en cas de défaillance dans le remboursement des sommes dues en vertu du contrat de prêt, le prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du prêt, en capital, intérêts et accessoires, après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours. En application de ce texte, la banque a, par courrier recommandé avec accusé de réception présenté le 14 octobre 2022 et retourné à l’expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé », mis en demeure M. X. de lui payer sous quinzaine la somme de 5.126,91 euros au titre du prêt précité. Elle l’a également informé qu’à défaut de règlement elle prononcerait la déchéance du terme du prêt.

Alors même que la déchéance du terme est intervenue par courrier recommandé avec accusé de réception présenté le 30 janvier 2023 et retourné à l’expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé », soit plus de trois mois après la mise en demeure, il n’en demeure pas moins que la clause du contrat de prêt intitulée « déchéance du prêt - exigibilité du présent prêt », sur le fondement de laquelle est intervenue la déchéance du terme, stipule un délai de 15 jours entre la mise en demeure et la déchéance du terme. Ce délai a été expressément repris dans le courrier de mise en demeure, au terme duquel l’emprunteur était légitimement en droit de penser qu’une régularisation de sa situation serait sans effet.

Il ressort de ces éléments que la clause précitée du contrat de prêt, sur laquelle a reposé la déchéance du terme, créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur qui est exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

SEPTIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

JUGEMENT DU 1er FÉVRIER 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/08074 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X5QL Jugement n° 24/00036.

 

DEMANDEUR :

LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE

[Adresse 2], [Adresse 2], représentée par Maître Elise BARANIACK, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : PB 173 (POSTULANT) et par Maître Garance AGIN, avocat au barreau de NEVERS (PLAIDANT)

 

DÉFENDEUR :

Monsieur X.

Chez madame Y., [Adresse 1], [Adresse 1], défaillant

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : M. Michaël MARTINEZ, Juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Corinne BARBIEUX, faisant fonction de greffier.

DÉBATS : Audience publique du 7 décembre 2023.

JUGEMENT : Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement Réputé contradictoire et en premier ressort, par M. Michaël MARTINEZ, Juge, assisté de Madame Corinne BARBIEUX, faisant fonction de greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Selon offre du 22 octobre 2018, acceptée le 2 novembre 2018 M. X. a conclu un contrat de prêt immobilier n° XXX avec la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire (CRCA) d’un montant de 125.185 euros au taux de 1,47 % remboursable en 240 mensualités avec un différé de paiement de 6 mois.

Par courrier recommandé avec accusé de réception présenté le 14 octobre 2022 et retourné à l’expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé », la banque a mis en demeure M. X. de lui payer sous quinzaine la somme de 5.126,91 euros au titre du prêt précité. Elle l’a également informé qu’à défaut de règlement elle prononcerait la déchéance du terme du prêt.

Par courrier recommandé avec accusé de réception présenté le 30 janvier 2023 et retourné à l’expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé », la banque a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure M. X. de lui payer sous quinzaine la somme de 119.252,80 euros au titre du prêt précité.

Par acte de commissaire de justice du 16 août 2023, la société coopérative à capital variable Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire a fait assigner M. X. en paiement devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Dans son assignation, en l’absence de conclusions ultérieures, elle demande au tribunal de :

* condamner M. X. à lui payer la somme 119.893,84 euros avec intérêts au taux contractuel de 1,47 % ;

- condamner M. X. à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. X. aux dépens,

- ordonner l’exécution provisoire.

Régulièrement assigné à étude, M. X. n’a pas constitué avocat.

La présente décision étant susceptible d’appel, il sera donc statué par jugement réputé contradictoire en vertu de l’article 473 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le tribunal renvoie à l’assignation pour l'exposé des moyens.

L’ordonnance de clôture est datée du 5 octobre 2023.

L’affaire a été examinée à l’audience publique du 7 décembre 2023 et mise en délibéré au 1er février 2024.

A l’issue de l’audience, le conseil de la banque a été invité à faire valoir ses observations par note en délibéré avant le 10 janvier 2024 sur le caractère abusif de la clause du contrat de prêt intitulée « déchéance du prêt - exigibilité du présent prêt » au regard notamment du délai de 15 jours imparti au débiteur pour solder ses impayés sous peine de l'acquisition de la déchéance du terme, en application de la jurisprudence récente de la Cour de cassation (Cass. civ., 22 mars 2023, pourvoi n° 21-16.044).

Par note en délibéré, notifiée par RPVA le 9 janvier 2024, le conseil de la banque a indiqué que le courrier de mise en demeure avait été adressé le 12 octobre 2022 alors que la déchéance du terme n’est intervenue que le 25 janvier 2023. Ainsi, il a relevé que M. X. a bénéficié d’un délai de trois mois pour régulariser sa situation ce qu’il n’a pas fait.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

En vertu de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

En l’espèce, la régularité et la recevabilité de la procédure ne posent aucune difficulté. Seul le fond de cette affaire fera donc l’objet d’une motivation développée.

 

1. SUR LA DEMANDE EN PAIEMENT DE LA BANQUE :

Selon l’article 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Aux termes de l’article L. 241-1 du code de la consommation les clauses abusives sont réputées non écrites. Le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans ces clauses.

La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/08).

Cet examen d’office doit néanmoins être effectué dans le respect du principe du contradictoire, lequel est présentement respecté, la société CRCA ayant été invitée à faire valoir ses observations par note en délibéré sur le caractère abusif de la clause du contrat de prêt intitulée « déchéance du prêt - exigibilité du présent prêt ».

Par arrêt du 26 janvier 2017 (CJUE, arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus, C-421/14), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 3, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 devait être interprété en ce sens que s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombait à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présentait un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté était prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêtait un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté dérogeait aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.

Par arrêt du 8 décembre 2022 (CJUE, arrêt du 8 décembre 2022, Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre-Ouest, C-600/21), elle a dit pour droit que l'arrêt précité devait être interprété en ce sens que les critères qu'il dégageait pour l'appréciation du caractère abusif d'une clause contractuelle, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat que cette clause créait au détriment du consommateur, ne pouvaient être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais devaient être compris comme faisant partie de l'ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national devait examiner afin d'apprécier le caractère abusif d'une clause contractuelle.

En l’espèce, il apparaît que la clause du contrat de prêt intitulée « déchéance du prêt - exigibilité du présent prêt » stipule qu’en cas de défaillance dans le remboursement des sommes dues en vertu du contrat de prêt, le prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du prêt, en capital, intérêts et accessoires, après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours. En application de ce texte, la banque a, par courrier recommandé avec accusé de réception présenté le 14 octobre 2022 et retourné à l’expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé », mis en demeure M. X. de lui payer sous quinzaine la somme de 5.126,91 euros au titre du prêt précité. Elle l’a également informé qu’à défaut de règlement elle prononcerait la déchéance du terme du prêt.

Alors même que la déchéance du terme est intervenue par courrier recommandé avec accusé de réception présenté le 30 janvier 2023 et retourné à l’expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé », soit plus de trois mois après la mise en demeure, il n’en demeure pas moins que la clause du contrat de prêt intitulée « déchéance du prêt - exigibilité du présent prêt », sur le fondement de laquelle est intervenue la déchéance du terme, stipule un délai de 15 jours entre la mise en demeure et la déchéance du terme. Ce délai a été expressément repris dans le courrier de mise en demeure, au terme duquel l’emprunteur était légitimement en droit de penser qu’une régularisation de sa situation serait sans effet.

Il ressort de ces éléments que la clause précitée du contrat de prêt, sur laquelle a reposé la déchéance du terme, créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur qui est exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement.

Dès lors, il y a lieu de déclarer abusive et par conséquent non écrite la clause du contrat de prêt intitulée « déchéance du prêt - exigibilité du présent prêt ».

En conséquence, la banque qui ne peut se prévaloir de la déchéance du terme à l’encontre de M. X., sera déboutée de ses demandes à son encontre.

Le contrat de prêt n’étant pas résolu, la banque devra faire signifier à M. X. un nouveau tableau d’amortissement, reportant les échéances initialement dues de la durée s’étant écoulée entre la date de la déchéance du terme et la date de la signification du nouveau tableau d’amortissement. La reprise des paiements interviendra quant à elle le 10è jour du mois suivant la signification du nouveau tableau d’amortissement.

 

2. SUR LES FRAIS DU PROCÈS ET L’EXÉCUTION PROVISOIRE :

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En application de l'article 700, 1° du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Partie perdante, la banque sera condamnée aux dépens.

Supportant les dépens, elle sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, disposent que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que le juge en décide autrement s’il estime que cette exécution provisoire de droit est incompatible avec la nature de l’affaire. En l’occurrence, la nature de l’affaire n’implique par de déroger au principe sans qu’il ne soit nécessaire de le rappeler dans le dispositif.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal judiciaire,

DÉCLARE abusive et par conséquent non-écrite la clause du contrat de prêt n° XXX conclu le 2 novembre 2018, intitulée « déchéance du prêt - exigibilité du présent prêt » ;

DÉBOUTE la société coopérative à capital variable Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire de sa demande de paiement formée à l’encontre de M. X. au titre du contrat de pret n° 00001036585 ;

ORDONNE à la société coopérative à capital variable Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire de faire signifier à M. X. un nouveau tableau d’amortissement, reportant les échéances initialement dues de la durée s’étant écoulée entre la date de la déchéance du terme et la date de la signification du nouveau tableau d’amortissement ;

ORDONNE à M. X. de reprendre les paiements le 10è jour du mois suivant la signification du nouveau tableau d’amortissement ;

CONDAMNE la société coopérative à capital variable Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire aux dépens ;

DÉBOUTE la société coopérative à capital variable Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent jugement ayant été signé par le président et le greffier.

Le greffier                                                     Le président

Corinne BARBIEUX                                  Michaël MARTINEZ