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CA COLMAR (1re ch. civ. A), 31 janvier 2024

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (1re ch. civ. A), 31 janvier 2024
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 1re ch. civ.
Demande : 22/00942
Décision : 52/24
Date : 31/01/2024
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 4/03/2022
Numéro de la décision : 52
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10726

CA COLMAR (1re ch. civ. A), 31 janvier 2024 : RG n° 22/00942 ; arrêt n° 52/24

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Dans ces conditions, si l'intimée se prévaut de la théorie du mandat apparent, il résulte de ce qui précède et du surplus des éléments versés aux débats que M. X., fût-il salarié, portant le même nom que la gérante de la société B., et domicilié personnellement à l'adresse de cette société, n'était lui-même ni le co-gérant, ni même l'associé de cette société, pas davantage qu'il n'est établi qu'il disposait de la signature bancaire de cette société, alors même que les extraits bancaires produits le sont au nom de la société KLH, quand bien même le mandat SEPA l'est au nom de la société B., mais avec le n° IBAN de la société KLH.

Dès lors, la croyance de la société Grenke quant à l'étendue des pouvoirs de M. X. ne saurait passer pour légitime, alors qu'elle était à même de procéder à des vérifications élémentaires quant à la situation administrative et bancaire de cette société, avant d'accepter l'offre de contrat non valablement signée par M. X.

En conséquence, la cour, infirmant le jugement entrepris, prononcera la nullité du contrat de location intervenu entre la société Grenke Location et la société B. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 31 JANVIER 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. 1 A 22/00942. Arrêt n° 52/24. N° Portalis DBVW-V-B7G-HZDX. Décision déférée à la Cour : 17 décembre 2021 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - Greffe du contentieux commercial.

 

APPELANTE - INTIMÉE INCIDEMMENT :

SARL B.

prise en la personne de son représentant légal, Restaurant « [6] », [Adresse 2], [Localité 1], Représentée par Maître Guillaume HARTER, avocat à la Cour

 

INTIMÉE - APPELANTE INCIDEMMENT :

SAS GRENKE LOCATION

prise en la personne de son représentant légal, [Adresse 4], [Adresse 5], [Localité 3], Représentée par Maître Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la Cour

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 27 novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de : M. WALGENWITZ, Président de chambre, M. ROUBLOT, Conseiller, Mme RHODE, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'assignation délivrée le 11 mars 2021, par laquelle la SAS Grenke Location, ci-après également dénommée « Grenke », a fait citer la SARL B. devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg,

Vu le jugement réputé contradictoire, rendu le 17 décembre 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Strasbourg a statué comme suit :

« CONDAMNE la société B. à payer à la SAS GRENKE LOCATION :

- la somme de 7.696,44 € au titre des échéances impayées augmentée des intérêts au taux légal majoré de 5 points, conformément aux dispositions contractuelles, à compter du 17 août 2020,

- la somme de 168,82 € au titre des intérêts sur les loyers échus,

- la somme de 22.941,00 € au titre de l'indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal à compter du 17 août 2020,

- la somme de 40 € au titre des frais de recouvrement,

ORDONNE la capitalisation des intérêts pour chaque année entière écoulée ;

CONDAMNE la société B. à restituer à la SAS GRENKE LOCATION, à ses frais, le matériel loué, soit une caisse enregistreuse et ses accessoires ;

DIT que la société B. devra procéder à cette restitution sous astreinte de 15 euros par jour de retard, à compter du 15ème jour suivant la signification du présent jugement et dans la limite de 6 mois ;

DIT n'y avoir lieu à se réserver la compétence pour liquider cette astreinte ;

CONDAMNE la société B. à payer à la SAS GRENKE LOCATION la somme de 1.000 euros au titre de 1'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE la société B. aux dépens ;

RAPPELLE que ce jugement est exécutoire par provision. »

Vu la déclaration d'appel formée par la SARL B. contre ce jugement et déposée le 4 mars 2022,

Vu la constitution d'intimée de la SAS Grenke Location en date du 15 mars 2022,

[*]

Vu les dernières conclusions en date du 24 octobre 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SARL B. demande à la cour de :

« Vu la connaissance manifeste d'un montage contractuel par le fournisseur de matériel d'un financement préjudiciable à la Société B. non conforme à ses besoins,

Vu le défaut de qualité des signataires,

Vu les vices affectant le contrat,

Vu les disproportions économiques pour la Société B. ne disposant du matériel,

SUR L'APPEL PRINCIPAL :

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Strasbourg

Statuant à nouveau,

JUGER nul et de nul effet à l'égard de la Société B. le contrat objet de la procédure,

REJETER l'intégralité des demandes de la société GRENKE LOCATION

SUR L'APPEL INCIDENT :

REJETER l'intégralité des demandes de la société GRENKE LOCATION

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

CONDAMNER la société GRENKE LOCATION au paiement de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNER la société GRENKE LOCATION aux entiers dépens »

et ce, en invoquant, notamment :

- l'absence de validité du contrat litigieux, comme n'ayant pas été signé par une personne habilitée à engager la société, et pour des besoins étrangers à son activité, et ce en connaissance de cause du montage par Grenke,

- subsidiairement, la disproportion des indemnités réclamées, au regard des sommes déjà versées par la société tierce utilisatrice du matériel, qu'il s'agisse de l'indemnité de résiliation, constitutive d'une clause pénale et dont le montant sera manifestement excessif ou de l'indemnité complémentaire, dont le caractère manifestement abusif aurait été reconnu par le tribunal.

[*]

Vu les dernières conclusions en date du 7 décembre 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SAS Grenke Location demande à la cour de :

« Sur l'appel principal :

DIRE l'appel mal fondé,

En DEBOUTER la société B. ainsi que de l'intégralité de ses fins, moyens, demandes et prétentions,

CONFIRMER le jugement entrepris sous réserve de l'appel incident,

Y ajoutant,

CONDAMNER la société B. à payer à la société GRENKE LOCATION une indemnité de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article 560 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la société B. à payer à la société GRENKE LOCATION une indemnité de 3.000,00 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

CONDAMNER la société B. aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.

Sur l'appel incident de la société GRENKE LOCATION :

Le DIRE bien fondé,

Y faisant droit,

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de paiement de la somme de 2.294,10 € au titre de la majoration de 10 % à titre de sanction,

Et statuant à nouveau,

CONDAMNER la société B. au paiement de la somme de 2.294,10 € au titre de la majoration de 10 % à titre de sanction

DEBOUTER la société B. de toutes conclusions contraires,

La CONDAMNER aux dépens de l'appel incident'

et ce, en invoquant, notamment :

- l'exécution complète des obligations de la concluante envers la société B.,

- la nécessité de restituer le matériel que l'appelante reconnaît avoir reçu,

- le bien-fondé de la mise en compte de la majoration de 10 %, dont le caractère manifestement excessif est contesté,

- la confirmation de la livraison du matériel en parfait état de fonctionnement à la société B., qui aurait réglé les loyers pendant six mois,

- l'absence de nullité du contrat de location, dont le signataire disposait à tout le moins d'un mandat apparent, la concluante ayant pu, de bonne foi, croire que le signataire était habilité à signer le contrat et le bon de livraison, alors que la partie adverse, qui n'a engagé aucune poursuite à son encontre, ferait preuve de mauvaise foi,

- l'absence de disproportion des montants réclamés au titre de l'article 1171 du code civil, à défaut de contrat d'adhésion et en tout état de cause, de déséquilibre significatif, qui ne peut porter sur l'adéquation du prix à la prestation, la clause étant justifiée par l'économie générale du contrat,

- l'absence de réduction de l'indemnité de résiliation, qui correspondrait exactement au préjudice subi par la concluante du fait de l'absence d'exécution de ses obligations par la société B., peu important la vocation de la concluante à récupérer le matériel,

- la satisfaction à l'obligation de délivrance, dès lors que le procès-verbal de livraison a été signé,

- l'indemnisation de la concluante du fait de la non-comparution de la partie adverse en première instance.

[*]

Vu l'ordonnance de clôture en date du 25 octobre 2023,

Vu les débats à l'audience du 27 novembre 2023,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la validité du contrat :

La société B. entend mettre en cause la validité du contrat de location financière, à défaut de signature par une personne habilitée à agir pour son compte, le contrat ayant été signé par M. O. X., et non par Mme B. X., gérante et associée unique de la société appelante depuis le 15 juillet 2011, ce qu'il aurait appartenu au cocontractant de vérifier, ainsi que la livraison du matériel à la bonne société et entre les mains de la bonne personne, ce à quoi la société Grenke entend objecter qu'elle disposait d'une confirmation de livraison signée, que les loyers ont été payés par la société B. pendant six mois, et que M. X. aurait à tout le moins disposé d'un mandat apparent, sa présence constante dans les locaux constituant également son domicile personnel et son nom patronymique identique à celui de la gérante, pouvant laisser croire qu'il était à même d'engager la société dans laquelle il travaillait, d'autant qu'il a remis un mandat SEPA ayant permis les prélèvements, rien ne permettant, par ailleurs, de démontrer que le matériel commandé aurait été livré à une autre société.

Sur ce, la cour observe que le contrat litigieux, comme la confirmation de livraison, bien que mentionnant comme locataire « B. », porte une signature, s'apparentant à une signature électronique ou à un tampon, accompagnée de la mention « O. X. 319A39C70612461... », sans autre précision sur sa qualité et en l'absence de tampon humide de la société B., étant remarqué que, si M. X. est effectivement salarié de la société B., depuis le 1er février 2014, sur la base de 151,67 heures mensuelles, comme serveur, il est également le gérant d'une société KLH, immatriculée le 20 mars 2019 sous le n° ZZZ, ayant son siège social à une autre adresse, avec pour objet la création, l'acquisition et l'exploitation d'un fonds de commerce de café, bar, débit de boissons, restaurant. La société ED2S, fournisseur du matériel litigieux, a d'ailleurs établi un devis au profit de cette société pour du matériel comprenant une caisse, au profit de la société KLH, pour un montant de 21.600 euros TTC en date du 23 janvier 2019. Des prélèvements ont, par ailleurs, été opérés par Grenke sur le compte de cette société en janvier 2020, pour des montants de 814,14 euros et 2.294,10 euros, ensuite rejetés, des montants de 339,23 euros et également 2.294,10 euros, apparaissant sur le relevé de compte de cette société d'octobre 2019, la somme de 2.294,10 euros étant à nouveau prélevée en avril et juillet 2020. L'ensemble de ces prélèvements, même si il ne correspond pas au montant du loyer mensuel figurant sur le contrat conclu entre les sociétés Grenke et B., porte la référence 10720878, qui est celle mentionnée sur ce contrat.

Le mandat SEPA produit par Grenke fait, pourtant, mention de la société B. comme débiteur, mais le n° IBAN correspondant au numéro du compte au nom de la société KLH.

Dans ces conditions, si l'intimée se prévaut de la théorie du mandat apparent, il résulte de ce qui précède et du surplus des éléments versés aux débats que M. X., fût-il salarié, portant le même nom que la gérante de la société B., et domicilié personnellement à l'adresse de cette société, n'était lui-même ni le co-gérant, ni même l'associé de cette société, pas davantage qu'il n'est établi qu'il disposait de la signature bancaire de cette société, alors même que les extraits bancaires produits le sont au nom de la société KLH, quand bien même le mandat SEPA l'est au nom de la société B., mais avec le n° IBAN de la société KLH.

Dès lors, la croyance de la société Grenke quant à l'étendue des pouvoirs de M. X. ne saurait passer pour légitime, alors qu'elle était à même de procéder à des vérifications élémentaires quant à la situation administrative et bancaire de cette société, avant d'accepter l'offre de contrat non valablement signée par M. X.

En conséquence, la cour, infirmant le jugement entrepris, prononcera la nullité du contrat de location intervenu entre la société Grenke Location et la société B.

 

Sur la demande en paiement :

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société B., et la demande de la société Grenke Location sera rejetée. En effet, le contrat étant nul, la société Grenke Location n'est pas fondée à demander paiement des sommes qu'elle réclame.

 

Sur la demande de restitution :

Concernant la demande de restitution du matériel, il n'apparaît pas suffisamment établi, au regard de ce qui précède, que la société B. serait en possession du matériel litigieux, lequel a été reçu également par M. X., fût-ce à l'adresse de la société appelante.

Le jugement entrepris recevra donc également infirmation sur ce point et ce chef de demande sera écarté.

 

Sur la demande formée par la société Grenke au titre de l'article 560 du code de procédure civile :

L'article 560 du code de procédure civile énonce que le juge d'appel peut condamner à des dommages-intérêts celui qui forme un appel principal après s'être abstenu, sans motif légitime, de comparaître en première instance.

En l'espèce, la société B. n'a pas commis de faute en interjetant appel, quoique n'ayant pas comparu en première instance, et la SAS Grenke Location ne justifie pas d'un préjudice particulier, alors que l'allocation de dommages et intérêts est toujours conditionnée à la démonstration d'un préjudice.

Ce chef de demande sera en conséquence rejeté.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La société Grenke Location, succombant pour l'essentiel, sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre infirmation du jugement déféré sur cette question, et mise à la charge de la société Grenke des dépens de la première instance.

L'équité commande en outre de mettre à la charge de l'intimée une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 1.500 euros au profit de l'appelante, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en infirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 17 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Strasbourg, à compétence commerciale,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité du contrat de location intervenu entre la SAS Grenke Location et la SARL B.,

Déboute la SAS Grenke Location de ses demandes en paiement et en restitution du matériel objet du contrat de location,

Déboute la SAS Grenke Location de sa demande formée en application de l'article 560 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Grenke Location aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la SAS Grenke Location à payer à la SARL B. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SAS Grenke Location.

La Greffière :                                               le Président :