CA VERSAILLES (ch. com. 3-1), 29 février 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10734
CA VERSAILLES (ch. com. 3-1), 29 février 2024 : RG n° 22/02009
Publication : Judilibre
Extrait : « Si l'article 1171 du code civil permet désormais au juge de réputer non écrite, dans un contrat d'adhésion, « toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties », qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, cet article, issu de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, est applicable aux actes juridiques conclus ou établis à compter de son entrée en vigueur, et non au contrat conclu le 30 juin 2011. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
CHAMBRE COMMERCIALE 3-1
ARRÊT DU 29 FÉVRIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/02009 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VDAU. Code nac : 55B. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 septembre 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE (4e ch.), N° RG : 2014F01975.
LE VINGT NEUF FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE :
SAS KUEHNE+NAGEL
[Adresse 12], [Adresse 12], [Adresse 12], Représentée par Maître Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 et Maître Olivier DECOUR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R259
INTIMÉES :
SA GEFCO
RCS Nanterre n° XXX, [Adresse 5], [Adresse 5], Représentée par Maître Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et Maître Julien TOUSSAINT substituant à l'audience Maître Marianne SCHEUBER de la SCP SCHEUBER JEANNIN ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0464
SA AXA FRANCE IARD
RCS Nanterre n° YYY, [Adresse 6], [Adresse 6]
SARL CHALLENGE INTERCONTINENTAL EXPRESS
RCS Pontoise n° ZZZ, [Adresse 4], [Adresse 4]
Représentées par Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Maître Marc DESMICHELLE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R078
Société CHUBB EUROPEAN GROUP SE
[Adresse 11], [Adresse 11], [Adresse 11]
SNC PRESTIGE ET COLLECTIONS INTERNATIONAL venant aux droits de la société LANCOME PARFUMS ET BEAUTE ET CIE
[Adresse 3], [Adresse 3]
SA L'OREAL venant aux droits de la société LANCOME PARFUMS ET BEAUTE ET CIE
[Adresse 2], [Adresse 2], Représentées par Maître Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Maître Régine GUEDJ substituant à l'audience Maître Rozenn LOPIN du PARTNERSHIPS CLYDE & CO LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0429
SARL TRANSPORTS BEHIER GUY
RCS Coutances n° VVV, [Adresse 7], [Adresse 7], Représentée par Maître Francis CAPDEVILA, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 85
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 octobre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur François THOMAS, Président, Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller, Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS :
Au mois d'octobre 2013, la société Lancôme Parfums et Beauté & Cie (ci-après « société Lancôme »), a vendu à la société L'Oréal Grande-Bretagne, des coffrets de Noël de marque Lancôme d'une valeur de 85.615,92 €.
Le transport de cette marchandise (52 palettes d'un poids total de 4,547 tonnes), conditionnée par la société Autajon, entre [Localité 8] et [Localité 10] au Royaume-Uni, a été confié à la société Gefco, commissionnaire de transport habituel du groupe L'Oréal.
La société Gefco a sous-traité cette prestation à la société Challenge International Express (ci-après « CIE ») assurée auprès de la société Axa France Iard qui l'a elle-même sous-traitée, pour la partie du transport terrestre en France entre [Localité 8] et [Localité 9], à la société Kuehne+Nagel (ci-après « société Kuehne »), qui, à son tour, a sous-traité la prestation à la société Transports Guy Béhier (ci-après « société Béhier »), également assurée auprès de la société Axa France Iard.
La société Béhier a pris en charge les marchandises à [Localité 8] le 2 octobre 2013 au matin, sous couvert d'une lettre de voiture nationale n°[Numéro identifiant 1] à destination du site de la société CIE à [Localité 9].
Arrivé à destination le 2 octobre 2013 aux environs de 21 heures, le chauffeur a stationné en bordure de route, à proximité des entrepôts de la société CIE.
Dans la nuit du 2 au 3 octobre 2013, il a été agressé et le chargement de sa remorque a été pillé.
La société Ace European Group Limited devenue Chubb European Group (ci-après « société Chubb »), assureur des marchandises Lancôme contre les risques de dommages et pertes en cours de transport, a désigné un expert afin de déterminer les causes et circonstances du vol et de chiffrer le préjudice en résultant.
Le rapport d'expertise contradictoire, déposé le 22 novembre 2013, chiffre le montant de préjudice résultant de ce vol à 88.302,73 € dont la société Chubb a indemnisé la société Lancôme.
La société Chubb soutient avoir également supporté les frais d'expertise pour la somme de 1.285,70 €.
Par acte d'huissier de justice du 29 septembre 2014 pour les sociétés Gefco et Axa, et remis en étude pour la société CIE, la société Chubb les a fait assigner devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par acte d'huissier de justice du 2 octobre 2014, la société Gefco a fait assigner les sociétés Axa France Iard, Kuehne, Béhier et CIE.
Par acte du 15 octobre 2014, les sociétés Axa France Iard et CIE ont fait assigner la société Kuehne devant ce tribunal.
Par acte du 20 octobre 2014, la société Kuehne a fait assigner les sociétés Axa France Iard et Béhier devant ce tribunal.
Par jugement du 24 septembre 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- joint les causes ;
- reçu la société Chubb et la société Lancôme en leur demande ;
- condamné in solidum les sociétés Gefco, CIE, Axa France Iard et Kuehne à payer à la société Chubb la somme de 83.302,73 € avec intérêts au taux de 5 % à compter du 2 octobre 2014 ;
- ordonné la capitalisation des intérêts par année entière ;
- débouté la société Lancôme de sa demande de paiement d'une somme de 5.000 € ;
- déchargé la société Béhier de toute responsabilité ;
- condamné les sociétés CIE, Axa France Iard et Kuehne à relever et garantir la société Gefco de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;
- débouté les sociétés CIE, Axa France Iard et Kuehne de leur demande de limitation de leur responsabilité ;
- condamné in solidum les sociétés Gefco, CIE, Axa France Iard et Kuehne à payer à la société Chubb et à la société Béhier la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire nonobstant appel et sans caution ;
- condamné in solidum les sociétés Gefco, CIE, Axa France Iard et Kuehne aux entiers dépens.
Par jugement du 25 février 2022, le tribunal de commerce de Nanterre, saisi par requête en omission de statuer des sociétés Axa France Iard et CIE d'une part, de la société Kuehne d'autre part, les a déboutées de leur requête.
Par déclaration du 30 mars 2022, la société Kuehne a interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2022, la société Kuehne demande à la cour de :
- dire et juger la société Kuehne recevable et bien fondée en son appel ;
- y faisant droit et, en conséquence, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
/ Reçu la société Chubb et la société Lancôme en leurs demandes ;
/ Condamné la société Kuehne à payer à la société Chubb la somme de 83.302,73 € avec intérêts au taux de 5% à compter du 2 octobre 2014 ; ordonné la capitalisation des intérêts par année entière ;
/ Déchargé la société Transports Guy Béhier de toute responsabilité ;
/ Débouté, en conséquence, la société Kuehne de ses appels en garantie dirigés contre la société Transports Guy Béhier et son assureur, la compagnie Axa France Iard ;
/ Débouté la société Kuehne+Nagel de ses demandes d'application des limitations de sa responsabilité ;
/ Condamné la société Kuehne à relever et garantir la société Gefco de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;
/ Condamné la société Kuehne à payer à la société Chubb et la société Transports Guy Béhier la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
/ Condamné la société Kuehne aux dépens ;
/ Débouté la société Kuehne de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Chubb, L'Oréal, Gefco, CIE, Axa France Iard et Transports Béhier Guy aux entiers dépens et à lui payer une indemnité de 5.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dire et juger que la société Chubb et les sociétés L'Oréal et Prestige et Collections International irrecevables et mal fondées en leur appel incident ;
- les en débouter ;
- dire et juger la société Gefco, la société Béhier, la société Challenge et la société Axa France Iard, tant ès qualités d'assureur de la société Béhier qu'ès qualités d'assureur de la société Challenge recevables mais partiellement mal fondées en leurs appels incidents qui ne tendraient par (sic) à ce qui suit :
Statuant à nouveau,
Sur la responsabilité pour faute personnelle de la société Kuehne :
- réformer le jugement en ce qu'il a imputé à la société Kuehne une faute personnelle ;
- dire et juger que la société Kuehne n'a commis aucune faute personnelle ;
- débouter les sociétés Gefco, CIE et la société Axa France Iard de leurs appels en garantie à l'encontre de la société Kuehne sur ce fondement ;
- débouter la société Chubb et les sociétés L'Oréal et Prestige et Collections International de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Kuehne sur ce fondement ;
Subsidiairement,
[*]
Dans l'hypothèse où par impossible la cour retiendrait une faute personnelle à l'encontre de la société Kuehne,
- dire et juger que la somme qui pourrait être mise à sa charge à ce titre ne saurait excéder :
- 22.735 € en qualité de commissionnaire de transport ;
- 10.458,10 € en qualité de transporteur routier national ;
- 37.879,84 DTS en qualité de transporteur routier international ;
- débouter les sociétés Gefco, CIE et la compagnie Axa France Iard du surplus de leurs demandes au titre leurs appels en garantie à l'encontre de la société Kuehne sur ce fondement ;
- débouter la société Chubb et les sociétés L'Oréal et Prestige et Collections International du surplus de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Kuehne sur ce fondement ;
Sur la responsabilité de garant de la société Kuehne du fait de son substitué, la société de transports Béhier :
- réformer le jugement, et statuant à nouveau ;
- dire et juger que les circonstances du sinistre sont consécutives d'un cas d'exonération de responsabilité pour le transport effectif, la société Béhier, et, partant, pour l'ensemble de la chaîne du transport ;
- dire et juger, en conséquence, la société Chubb et les sociétés L'Oréal et Prestige et Collections International - venant aux droits de la société Lancôme - mal fondées en leurs demandes ;
- les en débouter ;
- dire et juger, en conséquence, sans objet les appels en garantie formés par les sociétés Gefco, CIE et la compagnie Axa France Iard à l'encontre de la société Kuehne ;
Subsidiairement,
- dire et juger que la somme qui pourrait être mise à la charge de la société Béhier, et partant de la société Kuehne, ne saurait excéder :
- 10.458,10 € en qualité de transporteur routier national ;
- 37.879,84 DTS en qualité de transporteur routier international ;
- débouter les sociétés Gefco, CIE et Axa France Iard du surplus de leurs demandes au titre des appels en garantie formés par elles contre la société Kuehne ;
- débouter la société Chubb et les sociétés L'Oréal et Prestige et Collections International du surplus de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Kuehne sur ce fondement ;
- condamner, en toute hypothèse, la société Béhier et son assureur, la compagnie Axa France Iard à relever et garantir la société Kuehne de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge en principal, intérêts, indemnités, dépens et autres frais de toute nature ;
En toute hypothèse, sur le rejet des demandes de la société Lancôme et le quantum des demandes de la société Chubb :
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande des sociétés L'Oréal et Prestige et Collections International - venant aux droits de la société Lancôme - à hauteur de la somme de 5.000 € ;
- confirmer le rejet de la demande de la société Chubb au titre des frais d'expertise ;
- et partant, dire et juger les appels en garantie des sociétés Gefco, CIE et Axa France Iard dirigés contre la société Kuehne sans objet pour ces demandes ;
- réformer le jugement au titre des frais de transport à hauteur de la somme de 2.608,72 € et débouter la compagnie Chubb de cette demande ;
- dire et juger les appels en garantie des sociétés Gefco, CIE et Axa France Iard dirigés contre la société Kuehne sans objet à ce titre ;
- débouter la société Chubb et les sociétés L'Oréal et Prestige et Collections International de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Kuehne sur ce fondement ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
- condamner in solidum les sociétés Chubb, L'Oréal et Prestige et Collections International - venant aux droits de la société Lancôme -, Gefco, CIE, Axa France Iard et Béhier aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
- condamner in solidum les sociétés Chubb, L'Oréal et Prestige et Collections International - venant aux droits de la société Lancôme -, Gefco, CIE, Axa France Iard et Béhier à payer à la société Kuehne une indemnité de 15.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
Par dernières conclusions notifiées le 6 mars 2023, la société Béhier demande à la cour de :
- déclarer la société Kuehne irrecevable, subsidiairement mal fondée en son appel ;
- la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- déclarer l'appel incident (sic) de la société Gefco en ce qu'il demande à la cour :
/ d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Béhier la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
/ la condamnation de la société Béhier in solidum avec les sociétés CIE, Axa France Iard et Kuehne à la relever et garantir indemne de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;
/ débouter la société Béhier de l'intégralité de ses demandes à son encontre ;
/ condamner la société Béhier à lui payer une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile in solidum avec les sociétés CIE, Axa France Iard et Kuehne ainsi qu'aux entiers dépens ;
En conséquence,
- débouter la société Gefco de l'intégralité de ses demandes qu'elle présente à l'encontre de la société Béhier ;
- déclarer irrecevable et mal fondé l'appel incident des sociétés L'Oréal, Chubb et Prestige et Collections International du jugement ayant déchargé la société Béhier de toute responsabilité et en ce qu'elles sollicitent la condamnation de la société Béhier dans les termes de la convention CMR ;
- débouter les sociétés L'Oréal, Chubb et Prestige et Collections international de toutes les demandes présentées à l'encontre de la société Béhier ;
- déclarer recevable et bien fondée la société Béhier en son appel incident ;
- dire que la société Béhier a la qualité de transporteur public de marchandises ;
- la mettre hors de cause et débouter la société Kuehne de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
En toute hypothèse,
- confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Béhier ;
En conséquence,
- déclarer mal fondés les appels en garantie diligentés par les sociétés Gefco et Kuehne à l'encontre de la société Béhier ;
Très subsidiairement,
- limiter à la somme de 10.458 € l'indemnité pouvant être mise à la charge de la société Béhier ;
- rejeter toutes les autres demandes à l'encontre de la société Béhier ;
À titre infiniment subsidiaire,
- dire que toute condamnation prononcée contre la société Béhier sera supportée à hauteur de 60% par la société Axa ; seule une franchise de 40% demeurant à la charge de la société Béhier ;
- condamner solidairement la société Gefco et la société Kuehne à payer à la société Béhier la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner solidairement aux dépens de première instance et d'appel et autoriser Maître [F] [B] à recouvrer ceux le concernant directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 30 septembre 2022, les sociétés L'Oréal et Prestige et Collections International (ci-dessous, Prestige et Collections) venant aux droits de la société Lancôme, ainsi que la société Chubb demandent à la cour de:
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 24 septembre 2021, en ce qu'il a :
/ déclaré l'action de la société Chubb European Group SE et la société Lancôme, recevable et bien fondée ;
/ déclaré que les sociétés CIE et Kuehne ont commis une faute personnelle et inexcusable de nature dolosive ;
/ retenu que la société CIE et Kuehne doivent assumer la pleine responsabilité du dommage subi ;
/ retenu que les faits ne relèvent pas de la force majeure ;
/ retenu que la convention CMR s'applique ;
/ condamné in solidum les sociétés Gefco, CIE, Axa France Iard et Kuehne à payer à la société Chubb la somme de 83.302,73 € avec intérêt au taux de 5% à compter du 2 octobre 2014 ;
/ ordonné la capitalisation des intérêts par année entière ;
/ débouté les sociétés CIE, Axa France Iard et Kuehne de leur demande de limitation de leur responsabilité ;
/ condamné in solidum les sociétés Gefco, Axa France Iard et Kuehne à payer aux sociétés Chubb et Béhier la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
/ ordonné l'exécution provisoire nonobstant appel et sans caution ;
/ condamné in solidum les sociétés Gefco, CIE, Axa France Iard et Kuehne aux entiers dépens ;
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 24 septembre 2021 en ce qu'il a :
/ débouté la société Lancôme de sa demande de paiement d'une somme de 5.000 € ;
/ déchargé la société Béhier de toute responsabilité ;
Statuant à nouveau,
- condamner in solidum les sociétés Gefco, CIE, Axa France Iard et Kuehne à payer à la société Chubb la somme de 5.000 € avec intérêt au taux de 5% à compter du 2 octobre 2014 ;
- condamner la société Béhier dans les termes de la convention CMR ;
A titre subsidiaire,
- constater que le vol résulte des fautes personnelles cumulées des sociétés CIE et Kuehne ainsi que de la responsabilité de la société Béhier en qualité de transporteur ;
- constater que ces responsabilités cumulées sont équivalentes à une indemnité supérieure au montant du préjudice réclamé ;
- constater que la société Gefco est garant de ses substitués en qualité de commissionnaire de transport ;
Ce faisant,
- condamner in solidum les sociétés Gefco, CIE, Axa France Iard et Kuehne à payer à la société Chubb la somme de 83.302,73 € avec intérêts au taux de 5% à compter du 2 octobre 2014 ;
- condamner in solidum les sociétés Gefco, CIE, Axa France Iard et Kuehne à payer à la société Chubb la somme de 5.000 € avec intérêts au taux de 5 % à compter du 2 octobre 2014 ;
- ordonner la capitalisation des intérêts ;
- condamner in solidum les sociétés Gefco, CIE, Axa France Iard et Kuehne aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Oriane Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
Par dernières conclusions notifiées le 29 septembre 2022, la société Gefco demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
/ débouté la société Lancôme, aux droits de laquelle viennent les sociétés L'Oréal et Prestige et Collections International, de sa demande en paiement de la somme de 5.000 € ;
/ limité le montant du préjudice de la société Chubb à la somme de 83.302,73 € ;
/ écarté toute faute personnelle de la société Gefco dont la responsabilité ne peut être recherchée qu'en sa qualité de garant du fait de ses substitués ;
/ condamné les sociétés CIE, Axa France Iard et Kuehne à relever et garantir indemne la société Gefco de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
/ condamné la société Gefco, in solidum avec les sociétés CIE, Axa France Iard et Kuehne à payer aux sociétés Chubb et Béhier la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
/ condamné la société Gefco, in solidum avec les sociétés CIE, Axa France Iard et Kuehne, aux entiers dépens de première instance ;
Et, statuant à nouveau,
- adjuger à la société Gefco le bénéfice des mêmes exonérations ou limitations que les sociétés CIE et/ou Kuehne et/ou Béhier ;
- dans l'hypothèse où sa mise hors de cause serait infirmée, condamner la société Béhier in solidum avec les sociétés CIE, Axa France Iard et Kuehne à relever et garantir indemne la société Gefco de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;
- débouter les sociétés CIE, Axa France Iard, Kuehne et Béhier de l'intégralité de leurs demandes formées à l'encontre de la société Gefco ;
- condamner in solidum les sociétés CIE, Axa France Iard, Kuehne et, si sa mise hors de cause est infirmée, la société Béhier à payer à la société Gefco la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum les sociétés CIE, Axa France Iard, Kuehne et, si sa mise hors de cause est infirmée, la société Béhier aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le montant pour ces derniers pourra être recouvré par Maître Mélina Pedroletti conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Subsidiairement,
dans l'hypothèse où il serait jugé que la société Gefco aurait commis une faute personnelle présentant un lien de causalité avec la perte des marchandises,
- adjuger à la société Gefco le bénéfice du plafond d'indemnité à hauteur de 22.735 € prévu à l'article 13.2.1 du contrat type commission de transport annexé à l'article D.1432-2 du code des transports ;
- débouter la société Chubb de toute demande excédant ce montant à ce titre ;
- débouter la société Chubb de toute demande d'intérêts à un taux supérieur au taux légal à ce titre ;
- adjuger à la société Gefco le bénéfice de ses appels en garantie à l'encontre des sociétés CIE, Axa France Iard, Kuehne et, si sa mise hors de cause est infirmée, la société Béhier, au titre de sa responsabilité de garant du fait de ses substitués ;
- condamner les sociétés CIE, Axa France Iard, Kuehne et, si sa mise hors de cause est infirmée, la société Béhier, à relever et garantir indemne la société Gefco de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre en sa qualité de garant du fait de ses substitués ;
- statuer ce qu'il appartiendra aux dépens.
[*]
Par dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2022, les sociétés Axa France Iard et CIE demandent à la cour de :
- déclarer partiellement mal fondé l'appel de la société Kuehne notamment en ce que cette dernière demande la réformation du jugement qui a déchargé la société Béhier de toute responsabilité et l'a déboutée de ses appels en garantie contre la société CIE et Axa France Iard ;
- déclarer irrecevable subsidiairement mal fondé l'appel incident diligenté par les sociétés L'Oréal, Chubb et Prestige et Collections International et les en débouter,
- déclarer irrecevable subsidiairement mal fondée la société Gefco en son appel incident et l'en débouter,
- déclarer recevable et bien fondé l'appel incident des sociétés CIE et Axa France Iard ;
Y faisant droit,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
/ condamné les sociétés CIE et Axa France Iard à payer à la société Chubb la somme de 83.302.73 € avec intérêts au taux de 5% à compter du 2 octobre 2014 ;
/ ordonné la capitalisation des intérêts par année entière ;
/ condamné la société CIE et la société Axa France Iard à relever et garantir la société Gefco de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;
/ débouté la société CIE et la compagnie Axa France Iard de leurs demandes de limitations de responsabilité ;
/ condamné in solidum la société CIE et la société Axa France Iard avec les sociétés Gefco et Kuehne à payer à la société Chubb et à la société Béhier la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
/ condamné la société CIE et la compagnie Axa France Iard avec la société Kuehne aux entiers dépens ;
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
- débouter les sociétés Chubb, L'Oréal et Prestige et Collections International, venant aux droits de la société Lancôme, et Gefco de toutes demandes à l'encontre de la société CIE et de la compagnie Axa France Iard ;
Dans l'hypothèse où l'action des sociétés Chubb, L'Oréal et Prestige et Collections International, venant aux droits de la société Lancôme, et Gefco était accueillie au titre d'une faute personnelle de la société CIE,
- limiter l'indemnisation pouvant être supportée par la société CIE à la somme de 22.700 € ;
Dans l'hypothèse où la responsabilité de la société CIE était retenue en sa qualité de garant de ses substitués,
- limiter l'indemnisation pouvant être supportée par elle à la somme de 10.458,10 € ;
- débouter les sociétés Chubb, L'Oréal et Prestige et Collections International, venant aux droits de la société Lancôme, et Gefco du surplus de leurs demandes ;
S'agissant de l'action diligentée contre la compagnie Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société CIE, et en cas de condamnation prononcée contre cette dernière,
- dire que l'indemnisation pouvant être supportée par la société Axa France Iard en cette qualité ne peut excéder la somme de 10.458.10 € correspondant à l'indemnité maximum due par son assuré, la société CIE ;
- par ailleurs quel que soit le montant mis à la charge de la société CIE, faire application des clauses et conditions du contrat s'agissant de la garantie souscrite auprès de la société Axa et laisser à la charge de la société CIE le découvert vol et la franchise définis au contrat ;
S'agissant de l'action diligentée contre la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société Béhier et en cas de condamnation prononcée contre cette dernière,
- ordonner la mise hors de cause de la société Béhier et subsidiairement sa condamnation à la limitation d'indemnisation maximum prévue au contrat type soit 10.458,10 € ;
- faire application du contrat d'assurance et en cas de condamnation à l'encontre de la société Béhier, dire que la garantie souscrite auprès de la société Axa France Iard ne couvre que 60% des sommes pouvant être mises à la charge de l'assuré de sorte qu'une franchise de 40% demeure à la charge de la société Béhier ;
- recevoir et déclarer la société CIE et la société Axa France Iard recevables et bien fondées en leur appel en garantie contre la société Kuehne ;
- condamner la société Kuehne à garantir la société CIE et la compagnie Axa France Iard de l'intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au profit de l'une des parties au présent litige ;
- condamner solidairement ou l'une à défaut de l'autre les sociétés Chubb, L'Oréal et Prestige et Collections International, venant aux droits de la société Lancôme, Gefco et Kuehne à payer à la société CIE et la société Axa France Iard la somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement ou l'une à défaut de l'autre les sociétés Chubb, l'Oréal et Prestige et Collections International, venant aux droits de la société Lancôme, Gefco et Kuehne aux entiers dépens de l'instance et autoriser la SELARL Lexavoue Paris-Versailles, Maître [O] [W], à les recouvrer directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 juin 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
Sur l'irrecevabilité des sociétés Chubb, L'Oréal et Prestige et Collections :
La société Kuehne demande que ces sociétés soient déclarées irrecevables en leur appel incident, et il ressort de la lecture du jugement que la société Chubb n'avait présenté aucune demande à l'encontre de la société Kuehne, de sorte qu'il sera fait droit à cette irrecevabilité.
Les sociétés AXA France Iard et CIE soutiennent aussi que l'appel incident des sociétés L'Oréal, Chubb, et Prestige et Collections est irrecevable les concernant, mais ne développent pas d'argumentation particulière au soutien de cette demande.
Les sociétés Chubb, L'Oréal et Prestige et Collections sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré l'action des sociétés L'Oréal et Chubb recevable, la société Chubb ayant indemnisé la société Lancôme à hauteur de 88.302,73 €, en tenant compte du chiffrage réalisé par le cabinet Bonvalot et des bases d'indemnisation et de franchise prévues au contrat d'assurance. Elles en déduisent que la société Chubb bénéficie de la subrogation légale.
La société L'Oréal est assurée par une police d'assurance marchandise transportée N°FRCGIA11696 auprès de la société ACE, aux droits de laquelle il n'est pas contesté que vient la société Chubb.
Il ressort de la quittance du 4 décembre 2013 produite que la société ACE a versé à la société Lancôme la somme de 88.302,73 €, soit le montant exact du dommage tel que chiffré par le rapport d'expertise du cabinet Bonvalot.
Il est aussi justifié par la société Citibank d'un versement de la somme de 88.302,73 €, intervenu le 17 décembre 2013, de la société Chubb à la société Lancôme.
Par cette quittance, la société Lancôme donne subrogation dans ses droits et actions à la société ACE en rapport avec le dommage.
En conséquence, la subrogation de la société Chubb dans les droits de la société Lancôme est établie, conformément aux dispositions de l'article L.172-29 du code des assurances.
Aussi, et chacune des sociétés L'Oréal d'une part Prestige et Collections d'autre part, déclarant venir aux droits de la société Lancôme, ce qui n'est pas contesté, elles sont recevables à agir, au même titre que la société Chubb.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur l'irrecevabilité des demandes de la société Kuehne :
La société Béhier sollicite dans le dispositif de ses conclusions que la société Kuehne soit déclarée irrecevable et subsidiairement mal fondée en son appel, mais ses conclusions ne contiennent pas de développement correspondant à l'irrecevabilité.
En conséquence, il n'y sera pas fait droit.
Sur l'irrecevabilité des demandes présentées à l'encontre des sociétés AXA France Iard et CIE :
Les sociétés AXA France Iard et CIE soutiennent que l'appel incident des sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections, doit être déclaré irrecevable et mal fondé, du fait de l'irrecevabilité et du mal fondé des demanderesses à l'encontre des sociétés CIE et Axa France Iard. Elles sollicitent aussi que l'appel incident de la société Gefco soit déclaré irrecevable et subsidiairement mal fondé. Leurs conclusions ne contiennent pas davantage de développement particulier consacré à ces irrecevabilités. Aussi, il ne sera pas fait droit à ces demandes.
Sur les fonctions exercées par les différents intervenants :
Le tribunal a retenu que la société Gefco était intervenue comme commissionnaire de transport principal, qu'elle avait confié à la société CIE un transport international, que la société CIE a sous-traité ce transport et devait être considérée comme commissionnaire de transport substitué, que la société Kuehne qui avait elle-même sous-traité le transport avait de ce fait acquis aussi la qualité de commissionnaire de transport substitué, et que la société Guy Béhier était transporteur routier.
La société Gefco relève que sa qualité de commissionnaire de transport n'est contestée par aucune partie, et rappelle le régime de responsabilité applicable au commissionnaire.
Les sociétés AXA France Iard et CIE demandent que cette dernière soit considérée comme commissionnaire de transport, et réponde à ce titre de ses fautes et de ses substitués. Selon elles, la société Béhier est intervenue dans le cadre d'un contrat de location de véhicules avec chauffeur.
La société Kuehne sollicite la confirmation du jugement sur la qualification de son intervention en tant que commissionnaire de transport, et de celle de la société Béhier comme transporteur routier.
Les sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections, demandent également la confirmation du jugement sur la qualité des intervenants, soit la qualité de commissionnaire pour Gefco, de commissionnaire substitué pour CIE et pour Kuehne, de transporteur routier pour la société Béhier.
La société Béhier soutient être intervenue en tant que loueur du véhicule.
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Les qualités de commissionnaire principal de transport de la société Gefco, de commissionnaires substitués des sociétés CIE et Kuehne, telles que retenues par le jugement, ne sont pas remises en cause par les parties. Elles seront confirmées.
Sur la nature de l'intervention de la société Béhier :
La société Kuehne indique avoir conclu avec la société Béhier un contrat cadre de transport à durée indéterminée, prévoyant que cette dernière société intervienne en qualité de transporteur, et que la lettre de voiture correspondant au transport de [Localité 8] à [Localité 9] lui confère aussi la qualité de transporteur routier. Elle ajoute que la société Béhier ne démontre pas n'avoir pas été en mesure de négocier les clauses du contrat et, s'agissant de la livraison en cause, que les points de prise en charge et d'arrivée ne peuvent être déterminés librement par le transporteur.
Les sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections relèvent que la lettre de voiture matérialise le contrat de transport routier, les missions du titre de transport étant déterminantes pour distinguer la qualité de loueur de véhicules avec chauffeur ou de transporteur routier. Elles relèvent que la société Béhier a émis une lettre de voiture pour le transport de la marchandise de [Localité 8] à [Localité 9], ce qui établit qu'elle intervenait comme transporteur.
Les sociétés Axa France Iard et CIE avancent que le préposé de la société Kuehne a donné toutes les directives au chauffeur, que la facturation est effectuée selon un terme fixe, régulier, que l'opération de transport a été réalisée par la société Kuehne avec un véhicule mis à disposition dans le cadre d'un contrat de location de véhicules avec chauffeur par la société Béhier.
La société Béhier soutient que la société Kuehne a été chargée par la société CIE d'effectuer l'opération de transport de [Localité 8] aux entrepôts CIE, et ne peut prétendre qu'elle s'est substituée la société Guy Béhier agissant comme transporteur substitué. Elle ajoute que le juge n'est pas tenu par la qualification donnée par les parties à leur relation, et peut leur restituer leur exacte qualification. Elle avance que l'existence d'une lettre de voiture n'empêche pas le juge d'examiner les circonstances du lien contractuel, et qu'en l'espèce elle a signé un contrat type, non négociable, rédigé par la société Kuehne dans son seul intérêt. Elle remarque qu'aucun échange de mails ne prouve l'existence d'une véritable négociation sur ce contrat, dont les termes révèlent qu'il s'agit d'un contrat de location. Elle indique n'avoir été qu'un fournisseur de véhicules avec chauffeur, n'ayant aucune liberté dans l'organisation des tournées et le choix des véhicules, son chauffeur recevant directement des instructions du responsable de la société Kuehne. Elle relève que l'absence de commande écrite pour ce transport, la rémunération sur la base d'un terme fixe journalier assorti d'un terme kilométrique, révèlent l'absence de possibilité d'intervention de sa part dans l'organisation des tournées et le choix des véhicules. Elle fait état de rapports d'expertise allant dans ce sens. Elle déclare qu'il ne peut être déduit de l'existence d'une lettre de voiture qu'elle a dressée, qu'elle était transporteur.
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Les sociétés Kuehne et Béhier ont conclu, le 30 juin 2011, un contrat dont il ressort que la société Béhier intervient en qualité de transporteur routier de marchandises.
L'article 3 établit qu'en sa qualité de transporteur, la société Béhier « s'engage à mettre à disposition l'ensemble des moyens nécessaires à la réalisation des opérations d'affrètement de la société Kuehne... » ; dans l'article 4 consacré à la rémunération, la société Béhier « certifie que le prix qu'elle a déterminé librement assure une juste rémunération du service rendu... » ; l'article 11 indique qu'elle devait, en sa qualité de transporteur, assurer les marchandises transportées.
Ce contrat porte en première et dernière pages le cachet de la société Béhier, en dernière page la mention manuscrite « lu et approuvé », l'indication de la date et du lieu, ainsi que la signature du représentant de cette société.
Par ailleurs, la société Béhier a émis, le 2 octobre 2013, une lettre de voiture nationale n°[Numéro identifiant 1] pour le transport considéré, indiquant un expéditeur à [Localité 8], et un point de déchargement à [Localité 9].
Le rapport d'expertise contradictoire, déposé le 22 novembre 2013, précise que la société Béhier met à disposition de la société Kuehne un ensemble routier dont le conducteur reçoit les ordres quotidiennement du service exploitation de la société Kuehne.
Si l'article 1171 du code civil permet désormais au juge de réputer non écrite, dans un contrat d'adhésion, « toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties », qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, cet article, issu de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, est applicable aux actes juridiques conclus ou établis à compter de son entrée en vigueur, et non au contrat conclu le 30 juin 2011.
Si le nom de transporteur n'est pas précisé dans le contrat, sur lequel il apparaît comme « société XXX », il n'est pas contesté que c'est bien la société Béhier qui a conclu ce contrat avec la société Kuehne.
La société Béhier ne produit aucune pièce tendant à établir que les termes du contrat lui ont été imposés.
L'attestation de M. [G] [M], conducteur de la société Béhier, ou ses déclarations lors de l'enquête de police sur les relations entretenues avec la société Kuehne, comme l'absence de commande écrite de cette société, ne peuvent suffire à établir que la société Béhier ne disposait d'aucune liberté dans l'organisation de son travail et de ses tournées.
Le fait que la société Kuehne donne directement des indications au conducteur de la société Béhier ne saurait priver celle-ci de toutes possibilités d'intervention dans la mise en place de ses tournées, l'indication par la société Kuehne des lieux de chargement et de livraison étant impropre à établir l'absence de maîtrise de la société Béhier.
De même le fait que deux experts d'assurances aient indiqué que la société Béhier mettait à disposition de la société Kuehne un chauffeur avec tracteur est insuffisant à établir qu'il s'agirait d'un contrat de location de véhicules avec chauffeur, ce alors que la société Béhier a émis la lettre de voiture précédemment citée.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la société Béhier était intervenue en tant que transporteur routier.
Sur la responsabilité des différents intervenants :
Les sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Gefco, et une faute personnelle inexcusable à l'encontre des sociétés CIE et Kuehne.
La société Gefco rappelle le régime de responsabilité applicable au commissionnaire de transport, dont la faute personnelle doit être détachable de celle de son substitué, et qui ne peut être plus responsable que celui-ci.
Les sociétés AXA France Iard et CIE soutiennent que le tribunal a retenu à tort une faute personnelle, a fortiori inexcusable, de cette dernière.
De même la société Kuehne sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité personnelle.
La société Béhier demande aussi la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause et a débouté les autres parties des appels en garantie à son encontre.
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Sur la responsabilité de la société Béhier :
Les sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections indiquent qu'en tant que transporteur routier, la société Béhier est présumée responsable des dommages survenus à la marchandise entre sa prise en charge et sa livraison, sauf cas de force majeure, non constituée en l'espèce. Elles relèvent que le stationnement de l'ensemble routier s'est effectué à un endroit non protégé, libre d'accès, ce qui caractérise la négligence du transporteur et écarte la force majeure. Elles ajoutent qu'il appartenait au transporteur, qui connaissait la nature sensible des produits transportés, de s'assurer que la coupure de nuit s'effectue sur une aire sécurisée, et qu'il est incompréhensible qu'il ne se soit pas rendu jusqu'aux locaux de la société CIE afin de s'assurer s'ils étaient encore ouverts. Elles sollicitent la confirmation du jugement qui a écarté la force majeure.
Les sociétés CIE et AXA France Iard relèvent que la société Béhier a garé son véhicule sur un lieu de stationnement utilisé par d'autres transporteurs routiers, ce qui ne correspondait pas à la demande de la société CIE, mais qu'un tel stationnement était usuel et ne peut constituer une négligence caractérisée, de sorte qu'il ne serait pas juste de rejeter l'existence d'un cas de force majeure, au vu de l'agression intervenue. Elles en déduisent que la responsabilité du transporteur doit être écartée.
La société Kuehne soutient aussi que les circonstances du sinistre relèvent d'un cas de force majeure exonératoire de la responsabilité du transporteur.
La société Béhier indique avoir assuré un transport en France et émis une lettre de voiture, de sorte que les dispositions applicables sont celles du code de commerce. Elle ajoute que la jurisprudence reconnaît que l'agression d'un chauffeur constitue un cas de force majeure, et que la violence de l'agression l'exonère de toute responsabilité. Elle conteste toute faute de sa part et demande la confirmation du jugement qui l'a mise hors de cause.
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La société Béhier s'est vue confier par la société Kuehne la réalisation d'un transport de [Localité 8] à [Localité 9], et a émis à cette occasion une lettre de voiture nationale n°[Numéro identifiant 1].
Elle est ainsi soumise à ce titre à l'article L.133-1 du code de commerce qui prévoit notamment que le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure.
L'expertise Bonvalot indique que le stationnement s'est effectué sur un emplacement bitumé au bord de la chaussée de la route départementale 902, emplacement qui permet de recevoir deux ensembles routiers, mais qui est dépourvu de moyens de protection ou de sécurisation. Il s'agit de la voie publique, ouverte et libre d'accès.
Il ressort de l'enquête judiciaire que le conducteur de la société Béhier à été réveillé alors qu'il dormait dans son camion par plusieurs hommes qui l'ont gazé, séquestré, emmené avec eux dans un véhicule avant de l'abandonner au bord d'une route, après s'être emparé du camion.
Il est constant que le vol de marchandises, hors circonstances exceptionnelles, telles que les vols avec violence ou les agressions, ne constitue pas un cas de force majeure pour exonérer le transporteur de sa responsabilité.
En l'espèce, le vol avec violence dont a été victime le voiturier est survenu alors que celui-ci avait choisi de garer son camion de nuit, sur une aire de stationnement non close et non gardée, ce qui écarte l'imprévisibilité du vol, de sorte que la force majeure ne peut être retenue, le voiturier n'ayant pas pris toutes les mesures requises pour éviter la réalisation de l'événement.
En conséquence, la responsabilité de la société Béhier est engagée en tant que garant de la perte des objets à transporter, au vu de l'article L.133-1 précité.
Sur la responsabilité de la société Kuehne :
Les sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections relèvent que la société Kuehne, au vu de la confirmation d'affrètement par la société CIE, avait interdiction de sous-traiter le transport, devait s'assurer que l'ensemble routier stationne sur un parking sécurisé en cas d'arrêt, et que le non-respect de ces deux obligations caractérise la faute personnelle inexcusable de la société Kuehne. Elles ajoutent que la succession de sous-traitance a entraîné la déperdition des consignes de sécurité, dont le non-respect est à l'origine du vol. Elles soulignent que la société Kuehne ne justifie pas avoir transmis les consignes de sécurité reçues de la société CIE, ne s'est pas préoccupée des conditions dans lesquelles la coupure du chauffeur serait effectuée et si les exigences de sécurité seraient respectées. Elles affirment que cette faute est aussi en lien avec la survenance du vol, ce d'autant que la société Kuehne connaissait la nature du chargement.
Les sociétés Axa France Iard et CIE rappellent que la société Kuehne, à qui la société CIE a confié le soin d'effectuer la première partie du transport de [Localité 8] à ses locaux de [Localité 9], n'a transmis aucune instruction à la société Béhier.
La société Kuehne avance que son intervention, comme celle de la société Béhier, était limitée à la prise en charge de la marchandise de [Localité 8] à sa livraison à [Localité 9].
Elle sollicite l'application des règles prévues pour le commissionnaire de transport, et notamment la responsabilité de garant du fait de son substitué. Elle rappelle l'exigence d'une faute, d'un préjudice, d'un lien de causalité entre eux, le régime de responsabilité du transporteur routier en droit interne, et le principe de limitation de responsabilité sauf en cas de faute inexcusable prévue à l'article L.133-8 précité.
Elle conteste l'existence d'une faute personnelle qui lui serait imputable, le commissionnaire de transport sous-traitant par définition le transport qu'il est chargé d'organiser, de sorte que la sous-traitance ne peut être assimilée à une faute qui pourrait lui être imputée, ce d'autant qu'elle est sans lien avec la survenance du dommage.
Elle relève que la « confirmation d'affrètement »de la société CIE n'indiquait pas la nature des marchandises transportées, et qu'elle ne les connaissait pas plus que le chauffeur de la société Béhier. Elle sollicite la confirmation du jugement qui a retenu que la société CIE ne pouvait établir l'avoir informée que la marchandise pouvait être livrée sur son parking sécurisé jusque tard dans la soirée du 2 octobre. Elle demande sa réformation en ce qu'il a retenu une faute personnelle de sa part.
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L'article L. 133-8 du code de commerce indique que « seule est équipollente au dol la faute inexcusable du voiturier ou du commissionnaire de transport. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. Toute clause contraire est réputée non écrite ».
Cette faute inexcusable nécessite que quatre conditions cumulatives soient réunies, soit une faute délibérée, la conscience par l'auteur de la faute de s'exposer à un dommage probable, l'acceptation téméraire de celui-ci et l'absence de raison valable de cette prise de risque allant au-delà de la simple faute d'imprudence ou de négligence. Elle s'apprécie in concreto.
La société Kuehne a confié le transport de la marchandise, de [Localité 8] aux entrepôts de la société CIE à [Localité 9], à la société Béhier, alors que la confirmation d'affrètement que lui avait adressée la société CIE précisait « affrètement interdit », de sorte que la société Kuehne n'était pas autorisée, comme elle l'a fait, à confier le transport effectif de la marchandise à la société Béhier. Cette absence de respect du contrat conclu avec la société CIE constitue une première faute commise par la société Kuehne.
C'est par son recours aux services de la société Béhier pour faire réaliser ce transport que la société Kuehne est devenue commissionnaire substitué, de sorte qu'elle est malvenue à soutenir qu'en cette qualité, elle pouvait recourir à la sous-traitance de façon non fautive.
Pour autant, ce recours à la sous-traitance ne présente pas en lui-même un lien de causalité avec la survenance du sinistre, soit le vol de la marchandise dans la nuit du 2 au 3 octobre 2013.
Par ailleurs, alors que la confirmation d'affrètement que lui a adressée la société CIE mentionne expressément l'obligation de stationner sur des parkings sécurisés en cas d'arrêt, la société Kuehne ne justifie aucunement avoir transmis ces consignes à la société Béhier.
Le fait que cette confirmation d'affrètement de la société CIE n'ait pas précisé la nature ou la valeur du chargement, de sorte que la société Kuehne l'aurait ignorée, est sans incidence sur sa faute résultant de l'absence de transmission des consignes de sécurité.
De même, si la société Kuehne soutient que la liste des parkings proposés par la société Gefco, l'indication d'utiliser celui - sécurisé- de la société CIE ou de procéder à la livraison le 2 octobre au soir, ne lui ont pas été transmises, la confirmation d'affrètement indiquait bien que le stationnement sur les parkings sécurisés était impératif.
Le rapport d'expert Bonvalot précise que « selon toute vraisemblance, le conducteur routier des transports Guy Béhier n'a pas reçu les instructions indispensables au bon déroulement de l'opération de transport », et la société Kuehne ne justifie pas les avoir transmises à la Sté Béhier.
Aussi la société Kuehne, qui a malgré l'interdiction qui lui en a été faite, eu recours à la sous-traitance, et n'a pas transmis au transporteur les consignes de sécurité dont elle avait connaissance, a commis une faute engageant sa responsabilité, en sa qualité de sous- commissionnaire de transport.
Comme il a été retenu précédemment, il n'existe pas de lien de causalité entre le recours à la sous-traitance et le sinistre causé par le vol.
De même, il ne peut être déduit du fait, pour la société Kuehne, de ne pas avoir transmis les consignes de sécurité, qu'elle avait conscience de la probabilité du dommage et qu'elle acceptait celle-ci de façon téméraire et sans raison valable.
En conséquence, les conditions cumulatives d'une faute inexcusable n'apparaissent pas réunies, et le jugement sera infirmé sur ce point.
Pour autant, en tant que commissionnaire substitué, la société Kuehne est garant de la bonne fin de l'opération de transport et de son substitué, de sorte que sa responsabilité est engagée du seul fait de l'existence du dommage résultant d'une mauvaise exécution de l'opération de transport. Sa responsabilité est donc engagée.
Sur la responsabilité de la société CIE :
Les sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections soutiennent que la responsabilité de la société CIE dans la survenance des dommages, en qualité de sous-commissionnaire, doit être engagée tant à raison d'une faute personnelle que du fait de ses substitués. Elles dénoncent sa faute personnelle inexcusable, la société CIE ayant violé l'interdiction d'affrètement, en sous-traitant la prestation à la société Kuehne, ce d'autant qu'elle savait que celle-ci la sous-traiterait à son tour. Elles affirment que la société CIE ne pouvait ignorer les conditions posées par la société Gefco, ce qui constitue une faute personnelle du commissionnaire, à l'origine du vol.
Elles relèvent que les consignes de stationnement du chargement sur site sécurisé étaient connues de la société CIE, puisqu'elle a indiqué à la société Gefco que le stationnement s'effectuerait sur son site sécurisé de [Localité 9], mais que le chauffeur routier n'a pas reçu ces consignes, qui n'ont pas été transmises, ce qui révèle encore une faute personnelle de la société CIE. Elles dénoncent son absence de suivi de l'opération, la société CIE ne s'étant pas souciée de l'arrivée du camion sur son site sécurisé de [Localité 9], et en déduisent que sa faute est inexcusable. Elles ajoutent que la société CIE doit répondre du fait de ses substitués.
La société Gefco indique avoir transmis à la société CIE des instructions complètes, précisant qu'elle ne devait pas sous-traiter le transport et que les coupures devaient impérativement être effectuées sur des parkings sécurisés, la société CIE lui ayant répondu que la coupure devait avoir lieu sur son propre site sécurisé de [Localité 9]. Elle ajoute que l'instruction, transmise à la société CIE, interdisant le recours à la sous-traitance était parfaitement claire, et qu'il n'est nullement démontré qu'elle aurait accepté que la société CIE ne respecte pas ces consignes.
Elle relève qu'il n'est pas établi que la société CIE lui aurait adressé la lettre de voiture dressée par le sous-traitant de celle-ci.
Les sociétés Axa France Iard et CIE contestent que cette dernière, commissionnaire de transport, ait commis une faute personnelle, a fortiori inexcusable.
Elles indiquent que la société CIE effectue régulièrement des opérations de transport pour la société Gefco, qui connaît son mode opératoire, et dont les consignes quant à la nécessité d'effectuer les coupures dans des lieux sécurisés ont été prises en compte, puisque la société CIE l'a informée que le stationnement du véhicule s'effectuerait sur son site sécurisé de [Localité 9].
Elles ajoutent que le recours à la sous-traitance est très courant dans le domaine des transports et qu'il appartient à l'expéditeur souhaitant en interdire l'usage, de le préciser expressément, mais qu'une telle interdiction n'a pas été spécifiée au titre des « instructions particulières ».
Elles soutiennent que la sous-traitance était acceptée par la société Gefco, qui recevait les titres de transport de la société ayant assuré l'opération, et que le recours à la sous-traitance était usuel. Elles écartent toute contradiction entre l'absence d'interdiction de sous-traitance à l'égard de la société CIE, et le fait qu'elle-même l'ait interdit à la société Kuehne. Elles avancent qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le recours à la sous-traitance et le vol, les consignes de sécurité ayant été transmises à la société Kuehne. Elles précisent que les équipes de la société CIE étaient présentes sur son site sécurisé de [Localité 9] dans l'attente du fret Gefco, de sorte qu'elle a tout fait pour que la livraison s'effectue dans les meilleures conditions. Elles déclarent que la société CIE ne pouvait pas s'assurer de l'arrivée effective du chargement sur place.
Elles concluent à l'absence de faute personnelle de la société CIE dont la responsabilité ne peut excéder la limite d'indemnité, soit 22.700 €, les conditions de la faute inexcusable n'étant pas rassemblées.
La société Kuehne soutient que l'essentiel de la déperdition des informations sur la sécurité est imputable à la société CIE, qui n'établit pas avoir demandé une livraison pour le 2 octobre au soir, en contradiction avec son ordre d'affrètement.
* * *
En l'espèce, la confirmation de commande de transport de la société Gefco à la société CIE indique en page 2 « instructions particulières sur les conditions de transport » : « le fournisseur s'oblige à respecter les conditions ci-dessous : aucune sous-traitance n'est acceptée sans l'accord écrit de Gefco... ».
Ainsi, la société Gefco avait interdit la sous-traitance, et la société CIE n'a pas respecté cette obligation, puisqu'elle a eu recours à la société Kuehne pour faire exécuter ce transport.
Le fait que cette interdiction figure en page 2 du bon de commande, qu'elle soit pré-imprimée, ou qu'elle soit précédée de la mention « commentaires sur les conditions générales de facturation et obligations du fournisseur » ne saurait permettre à la société CIE de s'en libérer.
Si la société CIE indique qu'il était au contraire convenu entre les parties qu'elle pouvait sous-traiter, elle ne justifie pas d'un accord écrit que lui aurait donné la société Gefco sur ce point.
Il sera relevé que la société CIE met en avant le fait que l'expert Bonvalot ait indiqué en page 16 de son rapport « il semblerait que Gefco n'est pas sans savoir ce mode de fonctionnement et de transport », mais conteste fermement l'affirmation qui précède de cet expert, soit le fait que la société CIE ait elle-même sous-traité à la société Kuehne en ayant connaissance que celle-ci n'avait pas de moyens propres (tracteur et conducteur).
La seule remarque, formulée au conditionnel, de l'expert Bonvalot - qui correspond aux dires du gérant de la société CIE à l'expert - ne saurait établir l'autorisation donnée par la société Gefco à la société CIE de sous-traiter le transport.
À titre surabondant, il sera relevé que si la société CIE indique que le recours à la sous-traitance est très répandu dans le domaine des transports, le document par lequel elle-même a confié le transport à la société Kuehne indique aussi, en pré-imprimé, que l'affrètement est interdit, de sorte qu'une telle interdiction n'apparaît pas contraire aux usages.
Par ailleurs, il n'est pas démontré que la lettre de voiture, renseignée par le transporteur, a été transmise à la société Gefco, de sorte qu'il ne peut en être déduit que celle-ci était informée de la sous-traitance confiée à ce transporteur.
Il est également reproché à la société CIE la violation des règles relatives au stationnement du chargement sur un site sécurisé.
La commande de transport de la société Gefco à la société CIE indiquait que les coupures devaient être effectuées en lieux sécurisés. La confirmation de la commande indique que le lieu sécurisé en question serait l'établissement CIE de [Localité 9].
La commande d'affrètement de la société CIE à la société Kuehne indique expressément « il est impératif que les remorques accompagnées des tracteurs stationnent sur des parkings sécurisés, en cas d'arrêt », de sorte que les consignes de sécurité quant au stationnement avaient été transmises par la société CIE.
La société CIE affirme qu'elle avait pris des dispositions et que l'ensemble routier était attendu sur son site sécurisé de [Localité 9], où il aurait pu stationner, ce qu'elle a affirmé aux différents experts intervenus.
Elle indique avoir prévu la présence, sur ce site, de manutentionnaires pour attendre l'ensemble routier, et l'expertise Bonvalot retient la présence d'une équipe de manutentionnaires sur le site CIE de [Localité 9] le 2 octobre 2013 jusqu'à 22h45. L'expert N., missionné par les sociétés AXA et CIE, relève aussi que cette société déclare avoir prévenu la société Kuehne de la présence de son personnel pour l'arrivée du camion.
Pour autant, la commande de la société CIE à la société Kuehne indique seulement un chargement le 2 octobre et une livraison le 3 octobre, sans préciser que le chauffeur routier devait stationner sur le parking de la société CIE à [Localité 9] dans la nuit du 2 au 3 octobre.
De même ne s'est-elle pas assurée de l'arrivée effective de l'ensemble routier sur son site sécurisé de [Localité 9].
Il résulte de ce qui précède que la société CIE, en ayant recours malgré l'interdiction à la sous-traitance, et en s'abstenant de s'assurer que l'ensemble routier était bien arrivé sur place, a commis une faute.
Cependant, il n'existe pas de lien de causalité entre le recours à la sous-traitance et le dommage causé par le vol intervenu dans la nuit du 2 au 3 octobre 2013.
Par ailleurs, il ne peut être déduit des manquements de la société CIE une conscience de la probabilité du dommage et une acceptation téméraire et sans raison valable de celle-ci, puisque la société CIE avait informé la société Kuehne de l'obligation que les arrêts s'effectuent dans des sites sécurisés, et avait pris des dispositions pour que l'ensemble routier soit accueilli tardivement dans son site sécurisé de [Localité 9].
En conséquence, les conditions cumulatives d'une faute inexcusable n'apparaissent pas réunies, et le jugement sera infirmé sur ce point.
Néanmoins, la responsabilité de la société CIE sera retenue puisque, en tant que commissionnaire de transport substitué, elle doit répondre du fait fautif de ses substitués, soit la société Kuehne.
Sur la responsabilité de la société Gefco :
Les sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections soutiennent que la société Gefco est le premier commissionnaire de transport, garant à ce titre de l'ensemble des intervenants à la chaîne de transport, et demandent la confirmation du jugement ayant retenu sa responsabilité.
La société Gefco rappelle le régime de responsabilité qui lui est applicable, indique que la faute personnelle du commissionnaire doit être « détachable » de celle de son substitué, et qu'il profite de la limitation de la responsabilité de ce dernier. Elle conteste toute faute personnelle, ajoute avoir expressément interdit toute sous-traitance à la société CIE et qu'il lui était impossible de constater le non-respect de cette instruction, les marchandises étant prises en charge dans les locaux d'un entreposaire de Lancôme pour être acheminées sur le site de la société CIE à [Localité 9]. Elle en déduit que sa responsabilité ne peut être engagée qu'en tant que garante du fait de ses substitués, qu'elle doit être intégralement garantie par la société CIE et bénéficier des exonérations et/ou limitations reconnues au profit de ses substitués.
Les sociétés CIE et Axa France Iard rappellent que le tribunal a considéré que la société Gefco n'avait commis aucune faute personnelle, et s'en remettent à la sagesse de la cour sur ce point.
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Le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d'un commettant.
En matière de transport, le commissionnaire est garant :
- de l'arrivée des marchandises et effets dans le délai déterminé par la lettre de voiture, hors les cas de la force majeure légalement constatée,
- des avaries ou pertes de marchandises et effets, s'il n'y a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure,
- des faits du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse les marchandises.
Le commissionnaire de transport est garant des prestations accomplies par le transporteur qu'il a choisi et il répond de sa faute personnelle ainsi que de celle de ses substitués.
La société Gefco, en tant que commissionnaire, n'engage sa responsabilité pour son fait personnel que lorsque celui-ci est détachable de celle de son substitué et est à l'origine des avaries ou des pertes de marchandises.
En l'espèce, il n'est pas soutenu que la société Gefco ait commis une faute personnelle, se distinguant de celle de son substitué.
Aussi, et du fait de l'engagement de la responsabilité de ses substitués, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la responsabilité de la société Gefco est, en qualité de commissionnaire de transport, retenue.
Il sera précisé qu'en tant que commissionnaire de transport, la société Gefco bénéficie des limitations ou exclusion de responsabilité de ses substitués.
Sur le préjudice :
Les sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections relèvent que les experts Bonvalot et AM Group retiennent un préjudice de 88.302,73 €, ce qu'elles sollicitent également, en ce compris 2.608,72 € au titre des frais de transport, soit 83.302,73 € au profit de Chubb, et 5.000 € au profit de Lancôme. Elles sollicitent le paiement des frais d'expert, soit 1.285,70 €.
La société Gefco demande que le préjudice de la société Chubb soit limité à 83.302,73 €, et qu'il ne soit pas fait droit à la demande en paiement de 5.000 € des sociétés L'Oréal et Prestige et Collections.
Les sociétés CIE et AXA France Iard contestent la prise en compte du coût des transports, soit 2.686,81 €, qui doit être supporté par les demanderesses puisque le transport a été effectué. Elles ajoutent que la prise en charge des frais et honoraires d'experts n'est pas prévue par la convention CMR dont les demanderesses sollicitent l'application.
La société Kuehne sollicite la confirmation du jugement quant au rejet de la demande de 5.000 € de la société Lancôme, la société Chubb ayant versé à celle-ci la somme de 88.302,73 €, et les sociétés L'Oréal, Prestige et Collections, Chubb reconnaissant que cette dernière société a indemnisé Lancôme au-delà de la valeur du sinistre, ce qui est inopposable aux autres parties. Elle avance que c'est à raison que le jugement n'a pas fait droit aux demandes de frais d'expertise, lesquels ne sont pas des « dommages justifiés », et qu'elle ne saurait être condamnée au paiement de 2.608,72 € au titre d'un transport pour lequel sa facture de 717,60 € ne lui a pas été payée.
* * *
L'expert Bonvalot a retenu au titre du quantum des dommages la somme de 85.615,92 € pour 2808 « beauty box Noël » d'une valeur individuelle de 30,49 €, et indiqué que les frais liés au transport et annexes sont valorisés en sus à la somme de 2.608,81 € [note de la cour : soit un total de 88.302,73 €]. L'expert N. a également retenu ce montant.
La facture de la société Lancôme à la société L'Oréal du 2 octobre 2013 porte aussi indication de ce montant.
Il est justifié que le 1er octobre 2018, la société Chubb a réglé à la société Lancôme la somme de 88.302,73 €.
Ce faisant, la société Chubb a indemnisé la société Lancôme pour l'entier préjudice puisque celle-ci n'a pas eu à supporter une franchise à hauteur de 5.000 €.
Par conséquent, la demande tendant à obtenir la condamnation in solidum des sociétés intervenues comme commissionnaires et de l'assureur AXA au paiement de cette somme de 5.000 € au profit de la société Chubb -qui figure au dispositif des conclusions prises pour les sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections - ne se justifie pas, et il n'y sera pas fait droit.
En effet, la société Chubb reconnaît que son obligation d'indemniser la société Lancôme au-delà du sinistre est inopposable aux intervenants au transport, de sorte qu'elle ne peut solliciter leur condamnation à lui régler la somme de 5.000 € qu'elle a volontairement acquittée.
S'agissant des frais de transport, il ressort de la facture précitée qu'ils ont été facturés à la société L'Oréal, de sorte que c'est à raison que le jugement les a intégrés dans le préjudice.
Enfin, la demande de prise en charge des frais d'expertise sera intégrée dans celle relative aux frais irrépétibles.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu, au titre du préjudice indemnisable, la somme de 83.302,73 €.
Sur la demande de cumul des fautes obligeant à la réparation intégrale :
Les sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections soutiennent que les intervenants transports sont obligés à réparation intégrale du préjudice, le vol résultant de la faute personnelle de chacune des trois sociétés CIE, Kuehne, Béhier, et ajoutent que le cumul de leur responsabilité est supérieur à l'indemnité réclamée.
Elles sollicitent subsidiairement la condamnation de Gefco, commissionnaire principal, au paiement de l'entier préjudice du fait de la faute de ses substitués.
La société Gefco soutient ne voir sa responsabilité engagée qu'en sa qualité de garante du fait de ses substitués, lesquels devront la relever et garantir de toute condamnation mise à sa charge, n'ayant commis aucune faute personnelle.
La société Kuehne soutient qu'une telle demande ne peut être présentée à son encontre faute de l'avoir été en première instance, et que les plafonds de réparation des différents intervenants au transport ne se cumulent pas s'agissant de réparer un seul et même dommage.
La société Béhier soutient que les sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections ne peuvent présenter de demandes à son encontre, faute d'en avoir présenté en première instance.
Les sociétés CIE et Axa soutiennent que les demandes des sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections sont irrecevables et mal fondées, et font état la limitation de leur responsabilité.
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Comme indiqué précédemment, la demande de condamnation présentée à l'encontre de la société Kuehne par les sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections, nouvelle en appel, est irrecevable.
Ces sociétés n'avaient pas davantage présenté de demandes en 1ère instance à l'encontre de la société Béhier. Celle formulée en cause d'appel sera donc déclarée irrecevable.
De plus, ces sociétés ne précisent pas le fondement juridique de leur demande tendant à l'indemnisation de leur préjudice par le cumul des responsabilités des sociétés CIE, Kuehne, Béhier, alors que leurs responsabilités ne sont recherchées qu'en vue de réparer un seul et même dommage.
Les sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections ne peuvent se fonder sur les fautes commises par ces différents intervenants à la même opération de transport pour solliciter la condamnation de chacun d'entre eux au paiement de la réparation, en présence d'un seul sinistre, un tel mécanisme de cumul des indemnisations étant de nature à entraîner une réparation supérieure au préjudice subi, et à détourner le principe des plafonds de réparation.
Il ne sera pas fait droit à cette demande.
Sur le régime des limitations de responsabilité applicable et les appels en garantie :
Les sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections revendiquent l'application de la convention de Genève (CMR), texte d'ordre public, s'agissant d'un transport international qu'elles ont entendu confier à la société Gefco, laquelle en a chargé la société CIE qui a pris l'initiative de scinder le transport. Elles en déduisent que la société CIE ne peut solliciter le bénéfice des limitations de transport intérieur, et qu'il en est de même pour la société Kuehne.
La société Gefco vise dans le dispositif de ses conclusions la convention CMR, mais indique dans ses développements que sa responsabilité, en tant que commissionnaire de transport, est exclusivement régie par le droit français, et que la convention CMR lui est inapplicable. Elle soutient avoir confié à la société CIE l'intégralité du transport, de [Localité 8] à [Localité 10] en Angleterre, de sorte que celle-ci est tenue d'une obligation de résultat et se trouve garante du fait de ses substitués.
Les sociétés CIE et AXA France Iard sollicitent les limitations prévues à l'article 21 du contrat type, et contestent la possibilité d'opposer à la société CIE les limitations de responsabilité résultant des règles internationales, alors que sa responsabilité ne peut être engagée que du fait de son substitué et doit se voir appliquer les même limites, son substitué ayant agi sous l'empire du droit national, de sorte qu'elle doit bénéficier des limitations de responsabilité prévues au contrat type. Elles avancent que la convention CMR exclut les intérêts de l'indemnité.
La société Kuehne soutient que son intervention, comme celle de la société Béhier, portait sur une transport national soumis aux dispositions du code de commerce, et non de la CMR. Elle indique que la responsabilité de la société Béhier, si la qualification de transporteur national est retenue, ne saurait excéder 10.458,10 €, et partant sa propre responsabilité en tant que garant de la société Béhier. Elle soutient subsidiairement que si la qualification de transport international est retenue, la responsabilité de la société Béhier devrait être limitée, conformément à l'article 23-3 de la convention CMR, à 37.879,84 DTS et, partant, la sienne.
La société Béhier sollicite l'application des limitations de responsabilité prévues au contrat type général, applicable en l'espèce, soit 10.458,10 €, et demande que ce montant soit pris en charge à hauteur de 60 % par la société AXA.
S'agissant de la responsabilité de la société Béhier
Le principe de sa responsabilité étant établi, il est à considérer qu'elle ne s'est vue confier qu'un transport national, entre [Localité 8] et [Localité 9], pour lequel elle a émis une lettre de voiture nationale (n°[Numéro identifiant 1]), même si figure sur cette lettre de voiture l'indication que le destinataire final est la société Lancôme à [Localité 10] au Royaume-Uni.
La société Béhier a été ainsi chargée de la seule partie française de ce transport, de sorte qu'elle est fondée à solliciter l'application des plafonds de garantie résultant du contrat type de transport de marchandises.
Le calcul effectué par cette société se fondant sur les dispositions du contrat type alors applicable, soit 2.300 € x 4,547 tonnes soit 10.458,10 €, n'est pas contesté par les autres.
Enfin, la société Béhier et la société AXA s'accordent pour reconnaître que la garantie de celle-ci est acquise à hauteur de 60 %, une franchise de 40 % restant à la charge du transporteur.
En conséquence, la société transports Guy Béhier - garant de la perte des objets à transporter - voit sa responsabilité engagée à hauteur de 10.458,10 €, dont 40% à sa charge, les 60 % restant étant à la charge de la société AXA.
Les deux sociétés transports Guy Béhier et Axa seront condamnées à garantir la seule société Kuehne dans ces proportions.
S'agissant de la responsabilité de la société Kuehne
Il en est différemment de la société Kuehne, s'agissant des limites de sa responsabilité, étant rappelé que sa faute inexcusable n'a pas été retenue.
En effet, si cette société s'est vue confier par la confirmation d'affrètement de la société CIE, un transport prévoyant un chargement dans les locaux de la société Autejon à [Localité 8] et une livraison dans ceux de la société CIE à [Localité 9], cette commande indique expressément « avec la facture vous avez l'obligation de joindre l'ensemble des bordereaux ainsi que notre CMR ».
Il en résulte qu'une CMR avait été établie par la société CIE pour le transport de bout en bout de la marchandise, que l'acheminement confié par la société CIE à la société Kuehne est intervenu sous couvert de la CMR.
Par conséquent, la société Kuehne, qui savait qu'elle n'était chargée que d'effectuer la partie française du transport international réalisé sous CMR, doit se voir appliquer, au titre de sa responsabilité du fait des agissements du transporteur, les règles d'indemnisation prévues par la convention CMR.
Il n'est pas contesté que, selon l'article 23.3 de la convention CMR, l'indemnité maximale perçue est de 8,33 DTS (droits de tirage spéciaux) par kilogramme du poids brut manquant, soit 37.879,84 DTS (8,33 DTS x 4.547,40 kg).
Par conséquent, la responsabilité de la société Kuehne, en sa qualité de garant de la société transports Guy Béhier, ne saurait excéder ce plafond.
S'agissant de la responsabilité de la société CIE
Il résulte de la confirmation de commande de transport entre les sociétés Gefco et CIE -dont la faute inexcusable n'a pas été retenue-, que cette dernière s'est vue confier l'entier transport, avec enlèvement de la marchandise aux locaux de la société Autajon à [Localité 8], et livraison à la société UPS à [Localité 10] au Royaume-Uni.
Il s'agit donc d'un transport international relevant de la Convention relative au contrat de transport international de Marchandises par Route (la convention CMR), dont les dispositions sont impératives. La cour relève du reste qu'il ressort de la confirmation d'affrètement de la société CIE qu'elle avait conscience, en demandant à la société Kuehne « de joindre l'ensemble des bordereaux ainsi que notre CMR », de l'application de cette convention.
Si la société CIE a pris l'initiative de scinder le transport international, et que le dommage est survenu à l'occasion de sa partie française, ce sont les plafonds d'indemnisation prévus par la convention CMR qui doivent être appliqués.
Par conséquent, la responsabilité encourue par la société CIE sera aussi limitée, conformément à l'article 23.3 de la convention CMR, à 37.879,84 DTS, et elle devra dans ces proportions -avec son assureur la société AXA France Iard- garantir la société Gefco, outre les intérêts.
S'agissant de la responsabilité de la société Gefco
En sa qualité de commissionnaire de transport principal, garante du fait de ses substitués, la société Gefco voit sa responsabilité engagée.
Commissionnaire principal d'un transport international, doivent aussi lui être appliquées les dispositions de la convention CMR, et non le plafond prévu par l'article 13.2.1 du contrat type commission de transport, prévoyant une indemnisation maximale de 5.000 € par tonne.
Cette société bénéficie des exonérations et/ou limitations admises au profit de ses substitués, de sorte que sa responsabilité sera limitée à 37.879,84 DTS, et elle sera garantie dans cette proportion par les sociétés CIE et AXA France Iard, in solidum.
Elle sera aussi garantie par la société Kuehne, conformément à sa demande.
Les sociétés CIE et Kuehne ayant chacune participé par leurs manquements à la survenance du sinistre, elles sont condamnées in solidum à garantir -avec la compagnie AXA France Iard, assureur de la société CIE - la société Gefco, et il ne sera pas fait droit à la demande de garantie présentée par les sociétés CIE et AXA à l'encontre de la société Kuehne.
Il a été précédemment indiqué que la société Béhier et son assureur devront garantir la société Kuehne, dans les montants retenus les concernant.
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L'article 27 de la convention CMR prévoit notamment que
« L'ayant droit peut demander les intérêts de l'indemnité. Ces intérêts, calculés à raison de 5% l'an, courent du jour de la réclamation adressée par écrit au transporteur ou, s'il n'y a pas eu de réclamation, du jour de la demande en justice ».
Aussi, il sera fait droit à la demande présentée par les sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections, en assortissant la somme due par la société Gefco d'un tel intérêt, et ce à compter du 2 octobre 2014.
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Dans le corps des conclusions des sociétés CIE et AXA France Iard, celles-ci font état de l'assurance responsabilité civile n°5293554204 souscrite par la société CIE auprès de la compagnie AXA, et sollicitent qu'il soit fait application des clauses et conditions du contrat s'agissant de la garantie souscrite, et que soient laissés à la charge de la société le découvert vol et la franchise définis au contrat.
Pour autant, si ces sociétés versent les conditions particulières du contrat souscrit par la société CIE auprès de la société AXA, elles n'analysent en rien les dispositions du contrat ni ne précisent la clause applicable au vol, ou la franchise devant être mise en 'uvre.
Dans ces conditions, sans aucune autre indication de la part de ces sociétés sur ces montants, il ne saurait être fait droit à cette demande.
Sur les autres demandes :
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a indiqué la société Béhier bénéficiaire des frais irrépétibles et en ce qu'il a condamné la société Kuehne à ce titre.
Les sociétés Gefco, CIE, AXA France Iard, Kuehne seront condamnées au paiement, in solidum, de la somme totale de 6.000 € aux sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections, au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Les sociétés CIE, AXA France Iard, Kuehne, Béhier seront condamnées à garantir, in solidum, la société Gefco au titre des frais irrépétibles et dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire dans les limites de l'appel,
Déclare les demandes des sociétés L'Oréal, Chubb, Prestige et Collections à l'encontre des sociétés Kuehne + Nagel et Transports Guy Béhier irrecevables,
Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société Lancôme Parfums et Beauté & Cie de sa demande au paiement d'une somme de 5.000 €, retenu un montant de préjudice indemnisable de 83.302,73 €, et condamné les sociétés Gefco, Challenge International Express, Axa France Iard au paiement de la somme de 5.000 € au profit de la société Chubb European Group au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens de première instance,
statuant à nouveau,
Condamne in solidum les sociétés Gefco, Challenge International Express, AXA France Iard, au paiement à la société Chubb European Group de 37.879,84 DTS, assortie d'un intérêt de 5% à compter du 2 octobre 2014,
Condamne in solidum les sociétés Challenge International Express et AXA France Iard d'une part, Kuehne+Nagel d'autre part, à garantir la société Gefco du paiement de cette condamnation,
Condamne la société Transports Guy Béhier et la société AXA France Iard à garantir la société Kuehne+Nagel à hauteur de 10.458,10 €, dont 40% à la charge de la société Béhier et 60 % à celle de la société Axa France Iard,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne in solidum les sociétés Gefco, Challenge International Express, AXA France Iard, Kuehne+Nagel au paiement de la somme totale de 6.000 € aux sociétés L'Oréal, Chubb European Group, Prestige et Collections, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Condamne in solidum les sociétés Challenge International Express, AXA France Iard, Kuehne+Nagel, Transports Guy Béhier à garantir la société Gefco au titre des frais irrépétibles et dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller pour le Président empêché, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le conseiller,