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CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 7 février 2024

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 7 février 2024
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 1re ch. civ. sect. A
Demande : 20/01218
Décision : 70/24
Date : 7/02/2024
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Numéro de la décision : 70
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10740

CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 7 février 2024 : RG n° 20/01218 ; arrêt n° 70/24

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Les époux X. demandent à la Cour de prononcer la nullité du contrat de prêt au motif que les 2 prêts contractés en 2007 - en ce qu'ils ont été libellés en francs suisses - auraient ignoré la règle d'ordre public du cours légal de la monnaie, et l'infirmation de la décision de première instance qui a considéré cette action prescrite.

Le tribunal de première instance a, à juste titre, considéré sur ce sujet, que « Les époux X., qui n'invoquent pas l'existence d'un dol, ne pouvaient ignorer l'existence des clauses prévoyant un remboursement en francs suisses, et ce, dès la lecture de l'offre de prêt. Le délai de prescription, qui a commencé à courir à la date d'acceptation de l'offre de prêts, soit le 22 mai 2007, était expiré le 19 juin 2013. L'action en nullité, engagée par conclusions transmises par voie électronique le 22 mai 2018, est irrecevable pour être prescrite. » Les développements des époux X. relatifs à la date de survenance de leur dommage, qui ne serait apparu que bien après la signature des prêts, à savoir au moment où le cours du franc suisse a fluctué de manière importante, sont inopérants. Puisque leur action en nullité est fondée sur une prétendue contrariété de la clause d'indexation à l'ordre public économique, elle renvoie nécessairement aux dispositions mêmes des contrats de prêts qu'ils connaissaient parfaitement dès le jour de leur signature. En outre, les articles portant sur l'octroi du prêt en francs suisses étaient parfaitement clairs, en ce que les articles 5.1, 5.3, 6.1, 6.3 et 10 stipulaient que le montant du prêt accordé était en francs suisses, que les remboursements se feraient « dans la devise empruntée », que « tous les remboursements en capital, paiement des intérêts et des commissions et cotisations d'assurance auront lieu dans la devise empruntée » et que « l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro ».

Le point de départ de la prescription était donc au jour de la signature des deux prêts, soit au mois de mai 2007. La prescription de leur action étant déjà en cours lors de l'entrée en vigueur de la réforme de 2008 (le 19 juin 2008), instaurant le délai quinquennal, cette dernière était acquise 5 ans après l'entrée en vigueur de la réforme, soit le 19 juin 2013. En conséquence, les appelants auraient dû introduire leur action avant le 19 juin 2013, ce qu'ils n'ont pas fait.

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a jugé l'action en nullité du prêt pour non-respect de la règle du cours légal de la monnaie, prescrite. »

2/ « Dès lors, la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 précité n'est pas soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil. »

3/ « Par arrêt du 9 juillet 2020 (C-698/18 et C-699/18), la CJUE a dit pour droit [...]. S'agissant du respect du principe d'équivalence, il sera rappelé qu'en droit interne, le délai de prescription des actions en restitution, consécutives à l'annulation d'un contrat ou d'un testament, ne court qu'à compter de cette annulation, que cette annulation résulte de l'accord des parties ou d'une décision de justice (1ère Civ, 1er juillet 2015, n°14-20.369 ; 1ère Civ., 28 octobre 2015, n°14-17.893 ; 3ème Civ, 14 juin 2018, n°17-13.422 ; 1ère Civ, 13 juillet 2022 n°20-20.738).

S'agissant du principe d'effectivité, il serait contradictoire de déclarer imprescriptible l'action en reconnaissance du caractère abusif d'une clause et de soumettre la principale conséquence de cette reconnaissance à un régime de prescription la privant d'effet.

Il s'en déduit que le point de départ du délai de prescription quinquennale, tel qu'énoncé à l'article 2224 du code civil, de l'action, fondée sur la constatation du caractère abusif de clauses d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères, en restitution de sommes indûment versées doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses. (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 12 Juillet 2023, n° 22-17.030).

Concernant le moyen relatif à la sécurité juridique soulevé par la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe, il sera rappelé que : - la prohibition des clauses abusives remonte à la directive 93/13 CEE du Conseil du 5 avril 1993, applicable à tous les contrats conclus à compter du 1er janvier 1995, - cette directive a été transposée en droit interne par la loi n°95-96 du 1er février 1995, - la jurisprudence tant européenne que nationale n'a fait qu'interpréter les règles européennes et nationales relatives aux clauses abusives, dont elle a éclairé et précisé la signification et la portée, telles qu'elles auraient dû être comprises depuis leur entrée en vigueur. En conséquence, ces règles ainsi interprétées doivent être appliquées par le juge à tous les rapports juridiques nés et constitués postérieurement à cette entrée en vigueur, quand bien même ils l'ont été antérieurement à cette jurisprudence et seule la CJUE peut décider des limitations dans le temps à apporter à une telle interprétation (CJUE, 21 décembre 2016, C-154/15, C-307-15 et C-308-12), - la Cour européenne des droits de l'Homme juge que les exigences de la sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas de droit acquis à une jurisprudence constante (CEDH, 18 décembre 2008, Unédic c. France), - enfin, cette jurisprudence sur l'imprescriptibilité de l'action en reconnaissance du caractère abusif d'une clause d'un contrat et sur le point de départ du délai de prescription de l'action restitutoire ne présente pas d'inconvénients manifestement disproportionnés dès lors qu'elle ne prive pas la banque de son accès au juge et de son droit à un procès équitable mais d'une partie de sa rémunération et qu'elle est sans conséquence sur son droit de propriété.

En conséquence, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande des époux X. en restitution de sommes indûment payées au Crédit mutuel en exécution des clauses dont ils soutiennent qu'elles sont abusives sera rejetée et les époux X. seront déclarés recevables en leur prétention. »

4/ « La CJUE a rappelé que, le consommateur se trouvant dans une situation d'infériorité à l'égard du professionnel en ce qui concerne son niveau d'information, cette exigence de transparence doit être entendue de manière extensive. Ainsi, cette exigence de transparence nécessite une information concrète, suffisante et exacte qui met le consommateur en mesure de comprendre le risque encouru et ses conséquences potentielles en cas de réalisation de ce risque, exemples chiffrés et significatifs à l'appui (Cas. 1ère civ., 20 avril 2022, n°20-16.316). […] Les règles ci-dessus rappelées étant dorénavant bien connues, et appliquées sans difficulté par les juridictions nationales - notamment quant à la recherche du caractère abusif des clauses qui varie selon leur nature, selon qu'elle définit l'objet du contrat (comme c'est le cas en l'espèce) ou non, il n'y a aucun intérêt à soumettre à la CJUE la question préjudicielle proposée par le CRÉDIT MUTUEL. Cette demande sera dès lors écartée. »

5/ « S'il résulte de ces stipulations une énonciation compréhensible sur le plan formel et grammatical des conditions et modalités d'exécution du prêt, qui permettait aux époux X. de comprendre le mécanisme du prêt en devise, que la monnaie de compte est le franc suisse, que les échéances de prêt seraient prélevées sur un compte en devise dédié, que la monnaie de paiement demeurait l'Euro, que l'emprunteur restait libre de s'acquitter de sa dette à tout moment dans la monnaie ayant cours en France, il n'en reste pas moins qu'au-delà de cette description, les effets de l'évolution de la parité entre le franc français puis l'euro d'une part et le franc suisse d'autre part n'y sont pas mis en relief, ni même expliqués, de telle manière que les emprunteurs puissent envisager concrètement l'impact économique, potentiellement significatif, d'une évolution défavorable de la parité des monnaies sur leurs obligations et évaluer, malgré leurs formations respectives, en toute connaissance de cause, le risque auquel ils acceptent de s'exposer consistant en l'augmentation de la valeur du capital emprunté.

Il n'est notamment pas expressément indiqué que les emprunteurs s'exposent à un risque de change, en cas de dépréciation de la monnaie dans laquelle ils perçoivent leurs revenus, par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt est accordé et aucun élément ne leur permet d'évaluer le coût total potentiel de l'emprunt et de prendre conscience des difficultés auxquelles ils seraient confrontés, en cas de dévaluation de la monnaie dans laquelle ils perçoivent leurs revenus. Aucun exemple de calcul concret n'est mentionné dans le contrat ou ses annexes et aucune notice d'information sur le cours de change n'y figure, alors qu'une telle notice est jointe concernant les conditions et modalités de variation du taux d'intérêt.

Le texte de l'article 10.5 - qui est sensé attirer l'attention de l'emprunteur sur le risque de change - est ainsi bien trop laconique et sommaire pour remplir son rôle, en ce qu'il n'est pas à même de permettre à un emprunteur « moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » de prendre conscience des effets d'une variation du taux de change euro/franc suisse favorable à la valeur helvétique, et ce, que ce soit pour le paiement des intérêts ou pour le capital payable « in fine ».

En outre, les clauses contractuelles n'attirent pas l'attention du consommateur sur le fait que le risque de change est renforcé par le mécanisme même du prêt 'in fine', qui reporte à une échéance lointaine le règlement de l'intégralité du capital emprunté, en l'espèce 20 ans après la signature de la convention de prêt. Rien dans les clauses litigieuses n'informe le consommateur sur cette prise de risque, qui porte sur le capital emprunté, sur 20 ans.

Enfin, l'attestation signée par les époux X. du 11 mai 2007 - dans laquelle ils affirment avoir pris connaissance des risques de change liés au franc suisse ainsi que des règles relatives à la variation de l'index LIBOR en franc suisse (Annexe 17) - est insuffisante pour venir démontrer que le crédit mutuel les a informés, par ailleurs utilement sur le risque de change pris, notamment au regard du fait que le capital serait réglé 20 ans plus tard, sachant que cette attestation ne précise nullement quelle aurait été la nature de cette information dispensée.

Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les clauses litigieuses ne forment pas un ensemble clair et compréhensible, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation. »

6/ « Considérant le caractère essentiel de ces clauses, dans la construction du prêt, la cour ne peut que constater que le contrat de prêt ne peut guère subsister sans celles-ci, de sorte qu'il y a lieu de replacer les parties dans la situation qui était la leur au moment de la contraction du prêt, et ce comme le préconise la décision rendue par la cour de cassation le 12 juillet 2023. Dans un cas similaire, elle a en effet condamné le consommateur à restituer la contre-valeur en euros de la somme prêtée selon le taux de change applicable à la date de la mise à disposition des fonds et condamné la banque à restituer la contre-valeur en euros de chacune des sommes perçues en exécution du prêt selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements, le différentiel dû après compensation portant ensuite intérêt au taux légal à compter de la signification de l'arrêt avec capitalisation (Cass. 1ère civ., 12 juill. 2023, n° 22-17.030).

Aussi, la demande de nullité du contrat - qui entraîne de facto de replacer les parties dans la situation qui était la leur avant le contrat - sollicitée par les emprunteurs au cas d'espèce sera acceptée. Les appelants seront condamnés à restituer au crédit mutuel la contre-valeur en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds en 2007, de la somme prêtée.

La banque sera quant à elle condamnée à leur restituer toutes les sommes qu'elle a perçues en exécution du prêt, soit la contre-valeur en euros de chacune des sommes perçues selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements. Il y aura lieu d'ordonner la compensation des sommes, et d'assortir la somme résiduelle due de l'intérêt légal à compter de la signification du présent arrêt. »

7/ « Le manquement d'une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti, sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt, prive cet emprunteur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt.

Il en résulte que le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage - mais également du dommage résultant d'un éventuel défaut de conseil ou d'information plus général - commence à courir, non à la date de conclusion du contrat de prêt, ainsi que le soutient en l'espèce la banque, mais à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'a pas été, n'est pas ou ne sera pas en mesure de faire face (Cass. com 25 janvier 2023 n° 20-12.811).

La note en délibéré a établi que les époux X. ont pu régler les échéances d'intérêts, même si celles-ci ont augmenté, et ont pu solder le prêt par anticipation en octobre 2021. C'est donc à cette date qu'ils ont été à même de le découvrir.

En conséquence, l'action en responsabilité contractuelle engagée par les époux X. n'est manifestement pas prescrite, tant à l'égard de la banque que de la SARL TASQUIN CONSEIL, le jugement de première instance devant être infirmée sur ce point. »

8/ « En revanche, il est certain que la banque a commis une faute de conseil en proposant un prêt en monnaie étrangère, dans le cadre justement d'un prêt in fine, car il n'est pas démontré - comme exposé plus haut - qu'elle a clairement et précisément attiré l'attention de ses clients sur le risque particulièrement important encouru du fait que le prêt était fait en francs suisse avec un risque de change.

S'ils avaient été dûment conseillés et informés par le professionnel de la banque, les consorts X. n'auraient pas contracté un prêt présentant de telles caractéristiques, et auraient emprunté dans le cadre d'un prêt classique en euros.

Pour établir leur préjudice subi du fait de ce défaut de conseil, il convient de définir l'assiette sur laquelle portera le pourcentage de perte de chance. Or, en l'espèce, force est de constater que cette assiette est nulle. En effet, suite à l'invalidation des clauses contractuelles et à l'annulation du contrat de prêts, les parties sont replacées dans la situation qui était la leur en 2007, avant de signer le contrat, et ils ne rapportent nullement la preuve de ce que ce retour à la situation initiale est de nature à générer un préjudice économique pour eux, précision donnée qu'aucun préjudice moral n'a été réclamé.

Dès lors, la perte de chance portera sur une assiette vide, de sorte que la demande de dommages et intérêts ne saurait être accueillie. »

9/ « Les appelants soutiennent avoir été mal conseillés par la SARL TASQUIN CONSEIL, dans la mesure où le bien acquis pour un montant de 168.913 € ne vaudrait aujourd'hui plus que 83.800 €, alors que la société TASQUIN l'avait évalué au terme de l'opération à une valeur de 201 015 euros. Pour justifier leur préjudice, les consorts X. font état d'une évaluation de leur bien immobilier établi par Monsieur Z. (annexe 11 des consorts X.).

Cependant, force est de constater d'une part que l'évaluation faite par Monsieur Z. est particulièrement lacunaire. Il s'agit d'un document de deux pages, très concis, sans aucune explication quant au calcul de la valeur du bien à la revente fixée à 95 800 euros (avec des frais d'agence de 12.000 euros). Le rédacteur - agent immobilier qui demande un mandat de vente - n'a pas joint les justificatifs de ses allégations (factures des derniers loyers, copie du bail, charges de copropriété.) et surtout n'a pas précisé quelle avait été la méthode d'évaluation du bien retenue se contentant d'affirmer que « les acheteurs potentiels de ce type de biens aujourd'hui se concentrent en priorité sur la rentabilité », estimant que celle-ci serait de 6 % brut (mais là encore sans apporter aucune explication à ce sujet). Ainsi, il n'a nullement mené une étude comparative avec d'éventuelles ventes réalisées dans la même résidence ou dans des résidences de même type. A tout le moins, au regard de l'importance des enjeux, il aurait convenu de faire intervenir un expert judiciaire dont le travail aurait pu répondre à certaines exigences.

D'autre part, les documents remis en 2007 aux investisseurs, intitulés « Etude d'investissement : LMNP trésorerie sur 20 ans - Le parc Aurélia » précisent expressément au bas de chacune de leurs pages « Document non contractuel et susceptible de changer », de sorte que les époux X. ne peuvent affirmer qu'ils pouvaient avoir la certitude que le bien acquis serait valorisé à un montant supérieur à 200.000 euros en sortie de projet, étant donné notamment qu'il est de notoriété publique que le marché immobilier connaît des fluctuations rendant incertaine toute projection. L'existence d'une faute imputable à la SARL TASQUIN CONSEIL n'est pas rapportée, de sorte que la demande formée contre elle sera rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 7 FÉVRIER 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1 A 20/01218. Arrêt n° 71/24. N° Portalis DBVW-V-B7E-HKHM. Décision déférée à la Cour : 10 janvier 2020 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE - 1ère chambre civile.

 

APPELANTS - INTIMÉS INCIDEMMENT :

Monsieur X.

[Adresse 2]

Madame Y. épouse X.

[Adresse 2]

Représentés par Maître Céline RICHARD, avocat à la Cour ; Avocat plaidant : Maître RAMOND, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE - APPELANTE INCIDEMMENT :

CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE

prise en la personne de son représentant légal, [Adresse 5], Représentée par Maître Laurence FRICK, avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître PAULUS, avocat au barreau de STRASBOURG

 

INTIMÉE :

SARL TASQUIN CONSEIL

prise en la personne de son représentant légal, [Adresse 3], Représentée par Maître Thierry CAHN, avocat à la Cour

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 novembre 2023, en audience publique, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience, devant la Cour composée de : M. WALGENWITZ, Président de chambre, M. ROUBLOT, Conseiller, Mme RHODE, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Dans le litige opposant Monsieur X. et Mme Y. épouse X. d'une part, à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE d'autre part, suite à l'appel formé par ces premiers contre un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 10 janvier 2020, la présente cour a, par un arrêt du 8 juin 2022 auquel il est expressément fait référence quant à l'exposé du litige et aux prétentions initiales des parties, ordonné la réouverture des débats et invité les parties « à présenter leurs observations sur l'application, à l'espèce, de la jurisprudence issue des arrêts rendus par la Cour de cassation, des 30 mars et 20 avril 2022, à la suite de l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne en date du 10 juin 2021. »

Un nouveau calendrier de procédure était mis en place le 21 octobre 2022, qui faisait l'objet d'une ordonnance modificative le 8 mars 2023, qui :

- ouvrait aux parties la possibilité de déposer des conclusions jusqu'à la date du 4 octobre 2023,

- fixait l'ordonnance de clôture au 25 octobre 2023,

- renvoyait le dossier pour plaidoirie au 13 novembre 2023.

Le 24 octobre 2023, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE a déposé une requête en modification du calendrier de procédure. Les consorts X. s'y opposaient par note du 25 octobre 2023, demandant d'écarter des débats les conclusions du 24 octobre 2023.

Par décision du 31 octobre 2023, cette requête en modification du calendrier était rejetée, les dernières conclusions déposées par la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE le 24 octobre 2023 étant en outre écartées.

Par la même ordonnance, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 13 novembre 2023.

Lors de l'audience tenue à cette date, les parties étaient entendues. La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL était autorisée à déposer une note en délibéré, pour produire la preuve de ce que les époux X. avaient achevé de régler le prêt litigieux.

Par note en délibéré datée du 20 novembre 2023, le CRÉDIT MUTUEL produisait une attestation en date du 11 novembre 2021, certifiant que les époux X. avaient remboursé en totalité leur prêt de 243.000 francs suisses à la date du 19 octobre 2021 et leur prêt de 44.000 francs suisses à la date du 24 novembre 2021.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Aux termes de leurs dernières écritures datées du 13 octobre 2022, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, les consorts X. demandent à la cour de :

INFIRMER la décision rendue par le Tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 10 janvier 2020 en ce qu'elle a :

« Déclaré irrecevable l'action en nullité des prêts immobiliers souscrits suivant offre acceptée le 22 mai 2007, et en restitution des sommes perçues par chacune parties de ce chef ;

Dit que la clause précitée relative à la charge du risque de change n'est pas abusive ;

Rejette en conséquence la demande tendant à déclarer ladite clause 'nulle et non écrite'

Déclaré irrecevable l'action aux fins d'indemnisation dirigée contre la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE pour manquement aux obligations d'information, et ce conseil, pour cause de prescription ;

Déclare irrecevable l'action aux fins d'indemnisation dirigée contre la SARL TASQUIN CONSEILS pour pratiques délibérément trompeuses ;

Rejette la demande d'indemnisation dirigée contre la SARL TASQUIN CONSEIL pour pratiques délibérément trompeuses ;

Rejette cette demande de répétition d'un indu pour non-application du libor négatif

Rejette la demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de Monsieur X. et de Madame Y. épouse X. dirigée contre la SARL TASQUIN CONSEILS

Condamné Monsieur X. et Madame Y. épouse X. aux dépens exposés par la SARL TASQUIN CONSEILS ;

LA CONFIRMER en ce qu'elle a :

« Déclaré recevable l'action en constatation du caractère abusif de l'article 10 de l'offre de prêt acceptée le 22 mai 2007 en sa partie relative au risque de change,

Déclaré recevable l'action en indemnisation dirigée contre la SARL TASQUIN CONSEIL pour pratiques délibérément trompeuses ;

Déclaré recevable l'action en répétition d'un indu dirigée contre la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE pour non-application du LIBOR CHF 3 mois négatif »

Condamné la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE à payer à Monsieur X. et à Madame Y. épouse X. la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du CPC

Condamné la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE aux dépens exposés par Monsieur X. et Madame Y. épouse X. ; »

EN STATUANT A NOUVEAU :

- RECEVOIR Monsieur et Madame X. en leurs demandes et les dire bien fondés ;

- DEBOUTER les sociétés CCM MULHOUSE EUROPE et TASQUIN CONSEIL de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- DEBOUTER la société CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE de son appel incident ;

- Vu l'article L212-1 du Code de la consommation

- Vu les arrêts de la CJUE du 10 juin 2021,

- DECLARER abusives les clauses relatives au remboursement du crédit (clause 5.3), au changement de parité (10.5), et à la conversion (10.3) de prêt conclu avec la société CCM MULHOUSE EUROPE ;

EN CONSEQUENCE, s'agissant de clauses constituant l'objet principal du contrat,

DECLARER le contrat de prêt litigieux nul et non avenu,

CONSTATER que les parties doivent être remises en la même situation que si l'opération litigieuse n'avait jamais existé,

ORDONNER la restitution des sommes perçues par chacune des parties et,

CONSTATER leur compensation à due concurrence ;

- Vu les articles 1178 et suivants du Code civil,

- DECLARER le contrat de prêt souscrit auprès de la société CCM MULHOUSE EUROPE contraire à l'ordre public économique ;

EN CONSEQUENCE

DECLARER le contrat de prêt litigieux nul et non avenu,

CONSTATER que les parties doivent être remises en la même situation que si l'opération litigieuse n'avait jamais existé,

ORDONNER la restitution des sommes perçues par chacune des parties et,

CONSTATER leur compensation à due concurrence ;

- Vu l'article 1382 du Code civil (nouvel article 1240 du Code civil)

- DIRE ET JUGER que la société CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE et la société TASQUIN CONSEILS ont manqué à leur obligation d'information et de conseil à l'égard de Monsieur et Madame X. ;

- CONDAMNER solidairement la société CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE et la société TASQUIN CONSEILS à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 247.314,572 € à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

- CONDAMNER solidairement la société CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE et la société TASQUIN CONSEILS à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 6.000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens ;

Les appelants réclament, dans un premier temps, la nullité du contrat de prêt sur deux fondements.

Le premier réside dans le fait que le contrat aurait été contraire à l'ordre public financier, car « une clause obligeant le débiteur à payer en monnaie étrangère est nulle et de nullité absolue car portant atteinte au cours légal de la monnaie », comme le retiendrait la jurisprudence, et notamment un arrêt de la Cour de cassation du 11 juillet 2018, qui prononçait la nullité de prêts en francs suisses. Cette action en nullité du contrat ne serait pas prescrite, car l'assignation du 8 juin 2007 serait intervenue moins de cinq ans après la découverte des dommages causés par les manquements des sociétés intimées.

Le second - qui a fait l'objet de très longs développements - réside dans le fait que le contrat ne saurait survivre à la reconnaissance du caractère abusif de certaines clauses essentielles du prêt, qui portait sur une somme en francs suisses, accordé à des ressortissants français, habitant en France, percevant leurs revenus en euros avec des frais de garantie stipulés également en euros, le tout pour financer l'acquisition d'un bien situé en France.

Avec la variation du cours du change, le capital restant dû au 1er avril 2020 au titre des deux prêts, s'élevait respectivement à 230 315,40 € et 41 703 €, présentant une augmentation du capital restant à rembourser respectivement de 83 095,41 euros et de 15 045,88 euros. La situation des appelants serait d'autant plus précaire, que la viabilité de l'opération de défiscalisation serait également remise en cause par la baisse de la valeur du bien à la revente, estimée en 2016 à 83 800 €, alors que l'appartement avait été acheté 168 913 €. Aussi ils ne pourraient rembourser le capital dû qu'à hauteur du prix de vente du bien, ce qui entraînerait une perte financière de près de 85 913 €.

Les appelants font référence à une décision de la cour d'appel de Paris du 30 mars 2022, qui porte sur des faits de même nature, puisque le contrat édité par la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL, objet de l'arrêt, serait identique 'ad litteram' au crédit litigieux. Dans sa décision, la cour de Paris avait condamné les parties à restituer la contre-valeur en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds, en précisant que les sommes se compenseraient et que la somme due après compensation porterait intérêts au taux légal. La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL avait en outre été condamnée à verser une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile aux emprunteurs.

Sur la question de la prescription, les appelants contestent les développements de la banque, qui se prévaut d'un arrêt de la Cour de cassation du 26 janvier 2010, dont les développements ne concerneraient que l'action en responsabilité pour manquement à l'obligation de mise en garde. En outre, au cas d'espèce, s'agissant de deux emprunts 'in fine', le point de départ de la prescription se situerait au jour du remboursement du prêt, comme la Cour de cassation l'a retenu dans son arrêt du 26 avril 2017.

Aussi les appelants considèrent-ils que les clauses 5.3, 6.3, 10.3 et 10.5 (dans leurs développements on a bien tous les articles en cause) doivent être déclarées abusives et donc non écrites. Ils font référence notamment à la décision de la Cour de cassation du 30 mars 2022, qui est venue casser les décisions retenant que l'obligation d'information du banquier, portant sur la variation du taux de change, était remplie, dès lors qu'il apparaissait dans les contrats. Ils avancent que ce n'est pas parce que l'information était donnée lors de la conclusion du contrat, qu'elle aurait été compréhensible.

En l'espèce, ils considèrent que :

- lesdites clauses n'étaient ni claires ni intelligibles, en ce qu'elles ne permettaient pas de donner une information relative à 'l'ampleur possible de la variation' (page 28), aux effets du risque de change ayant pour conséquence d'augmenter la durée ou le montant du prêt et leur endettement,

- la banque ne pourrait imposer aux consommateurs une obligation de procéder à des déductions qui n'étaient, à l'évidence pas à leur portée,

- les clauses litigieuses abusives, étant en outre essentielles au contrat, il conviendrait de prononcer la nullité du prêt, comme l'a fait la cour d'appel de Paris le 30 mars 2022.

Puis dans un second temps, les consorts X. recherchent la responsabilité conjointe de la banque et de la société TASQUIN sur le fondement d'un manquement à leur devoir d'information et de conseil.

Après avoir repris l'évolution réglementaire européenne entre 2014 et 2016, les appelants - qui se présentent comme étant profanes - exposent estimer avoir été privés d'une information claire, tant de la part du Crédit Mutuel que de la SARL TASQUIN CONSEIL de sorte qu'il conviendrait de condamner les deux entités solidairement.

Le point de départ de la prescription de cette action en recherche de responsabilité ne saurait être la date de la signature des contrats, en ce sens que le titulaire de l'action n'avait pas encore pu prendre connaissance de l'existence de son préjudice. Ce n'est qu'au moment de l'estimation réactualisée du bien acquis, en octobre 2016, que les consorts X. auraient été en situation de découvrir « les réelles conséquences de l'évolution du taux de change euro/franc suisse ».

De plus, en ce qui concerne l'action en responsabilité en matière de défiscalisation immobilière, les époux X. indiquent que le point de départ de la prescription à retenir ne serait jamais la date de la conclusion du contrat, mais celle des faits qui ont permis au consommateur de réaliser que le bien n'avait pas le potentiel, soit locatif soit à la revente, escompté.

Ce défaut d'information portait sur :

- la confusion entre les francs suisses et les euros, rien dans l'offre de prêt n'informait les emprunteurs de l'ampleur des risques encourus,

- les risques inhérents liés aux taux de change, les emprunteurs n'ayant pas été pleinement informés de l'impact concret de la variation du taux de change euro/franc suisse, ce qui leur aurait fait perdre une chance de ne pas signer.

En outre, ils auraient subi un manquement au devoir de conseil, car le crédit mutuel aurait dû leur soumettre un crédit plus adapté à leur situation et n'aurait pas dû leur proposer un emprunt 'in fine' en franc suisse, avec à l'issue le remboursement par le produit de la vente de l'immeuble financé, alors que cette vente se ferait en euros et non en francs suisses.

Enfin, les appelants rappelaient que la banque a dans un premier temps refusé d'appliquer les règles du contrat concernant le taux variable, avant de se raviser et de les rembourser.

Au titre de l'indemnisation, ils réclamaient la condamnation solidaire des deux intimées à leur verser des dommages et intérêts à hauteur de 240 314,57 euros, soit 98 141,29 euros pour l'augmentation du capital restant dû + 173 877,83 euros pour le capital initial + 63 260,28 euros au titre des mensualités remboursées en pure perte + 85 913 € au titre de la perte immobilière.

[*]

Aux termes de ses dernières écritures datées du 19 octobre 2023, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE demande à la cour de :

1/ sur l'appel principal des époux X.

A titre principal,

REJETER l'appel,

CONFIRMER le jugement déféré rendu le 10 janvier 2020 par le Tribunal Judiciaire de MULHOUSE en ce qu'il :

« DECLARE irrecevable l'action en nullité des prêts immobiliers souscrits suivant offre acceptée le 22 mai 2007, et en restitution des sommes perçues par chacune des parties, de ce chef ;

DIT que la clause précitée relative à la charge du risque de change n'est pas abusive ;

REJETTE en conséquence, la demande tendant à déclarer ladite clause 'nulle' et non écrite ;

DECLARE irrecevable l'action aux fins d'indemnisation dirigée contre la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE, pour manquement aux obligations d'information, et de conseil, pour cause de prescription ;

REJETTE cette demande de répétition d'un indu pour 'non-application du LIBOR négatif » ;

REJETTE la demande de condamnation de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE à l'établissement d'un nouveau tableau d'amortissement des prêts, tenant compte, dès l'origine du contrat, d'un taux d'intérêt calcul sur la valeur réelle de l'index LIBOR CHF 3 MOIS ; »

En conséquence,

DEBOUTER les époux X. de l'ensemble de leurs demandes ;

*Sur la licéité du contrat de prêt,

A titre principal,

DECLARER que la clause d'indexation et le contrat de prêt sont licites ;

DEBOUTER les époux X. de leurs demandes de nullité,

A titre subsidiaire s'il devait être jugé que la monnaie de paiement est le franc suisse,

DECLARER que le prêt n'impose pas à l'emprunteur de rembourser les échéances en francs suisse ;

DECLARER par conséquent que le prêt n'est pas contraire à l'ordre public qui interdit uniquement d'imposer à l'emprunteur un remboursement dans une devise autre que l'euro ;

DEBOUTER les époux X. de leurs demandes ;

*Sur les clauses abusives,

DEBOUTER les époux X. de leurs demandes tendant à constater le caractère abusif de la clause 10 du contrat de prêt relative au risque de change dans la mesure où elle constitue l'objet principal du contrat, est rédigée de manière claire et compréhensible et qu'en tout état de cause elle ne crée pas déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

A titre subsidiaire,

DECLARER que la jurisprudence nouvelle, notamment issue des arrêts rendus par la Cour de cassation les 30 mars 2022 et 20 avril 2022, ne s'appliquera pas au présent litige ;

A titre subsidiaire,

DECLARER la demande tendant à la transmission d'une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union Européenne recevable et bien fondée,

SOUMETTRE à la COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPEENNE en vue de l'interprétation des traités européens la question préjudicielle suivante :

« L'article 4.2 de la directive 93/13/CE s'oppose-t-il à une interprétation juridictionnelle selon laquelle, dans un litige où a été souscrit un prêt en devise, la clause faisant peser le risque de change sur l'emprunteur, et qui définit ainsi l'objet principal du contrat, est abusive du seul fait qu'elle n'est pas rédigée de façon claire et compréhensible, sans qu'il y ait lieu de rechercher si elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties »

ORDONNER le sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de Justice de l'Union Européenne se soit prononcée sur la question préjudicielle ;

A titre infiniment subsidiaire, si le prêt est annulé ou la clause relative au risque de change réputée non-écrite,

CONDAMNER les époux X. à restituer le montant du capital emprunté en CHF de chaque prêt, à sa contrevaleur en euros au cours de change au jour du jugement à intervenir, cette somme produira intérêt au taux légal à compter du jour du déblocage des fonds

DECLARER en conséquence que la CCM devra restituer aux époux X. le montant des intérêts perçus pendant la durée de chaque prêt, à sa contrevaleur en euros au cours de change de chaque échéance,

ORDONNER la compensation des sommes dues entre les parties ;

« Sur le manquement au devoir de mise en garde et d'information

DECLARER que la CCM MULHOUSE EUROPE n'a pas manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de l'emprunteur ;

DEBOUTER les époux X. de leurs demandes d'indemnisation au titre des préjudices subis dès lors que la CCM n'a commis aucune faute et que les époux X. ne justifient d'aucun préjudice ;

2/ sur l'appel incident formé par la CCM MULHOUSE EUROPE,

RECEVOIR la CCM MULHOUSE EUROPE dans son appel incident et le dire bien fondé,

INFIRMER le jugement du 10 janvier 2020 en ce qu'il :

« DECLARE recevable l'action en constatation du caractère abusif de l'article 10 de l'offre de prêts acceptée le 22 mai 2007, en sa partie relative au risque de change ;

DECLARE recevable l'action en répétition d'un indu, dirigée contre la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE pour « non-application du LIBOR CHF 3 MOIS négatif » ;

CONDAMNE la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE à payer M. X. et Mme Y. épouse X., la somme de 2.000 euros (DEUX MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE aux dépens exposés par M. X. et Mme Y. épouse X., à l'exception du coût de l'assignation de la SARL TASQUIN CONSEIL qui restera à la charge de ces derniers ; »

Statuant à nouveau,

« Sur les clauses abusives

DECLARER que l'action tendant à voir déclarée abusive la clause 10 relative au risque de change est prescrite et par voie de conséquence irrecevable ;

DECLARER en tout état de cause, que l'action visant à faire valoir les effets restitutifs de la constatation du caractère abusif de la clause 10 relative au risque de change est prescrite ;

DEBOUTER en conséquence, les époux X. de leurs demandes,

'Sur l'application du LIBOR

CONSTATER que les époux X. ne formulent plus aucune demande de ce chef ;

CONSTATER que la CCM MULHOUSE EUROPE a appliqué rétroactivement la valeur réelle du LIBOR, sous la réserve que la variation de la valeur de l'Index ne conduise pas à un taux négatif, et qu'en conséquence elle a reversé le montant des intérêts trop-perçus sur le compte courant en CHF des époux X., soit un montant de 751,52 CHF et 4 150,44 CHF ;

DEBOUTER par conséquent les époux X. de leurs demandes de restitution à ce titre ;

'Sur l'article 700 de première instance et les dépens

DEBOUTER les époux X. de leur demande au titre de l'article 700 pour la procédure de première instance ;

CONDAMNER les époux X. aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance ;

En tout état de cause,

CONDAMNER les époux X. à verser à la CCM MULHOUSE EUROPE la somme de 5.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER les époux X. aux entiers frais et dépens de la procédure.

La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL explique que le présent cas d'espèce différerait du cas de figure, qui a donné lieu à l'arrêt de la cour de cassation de juillet 2023 évoqué par les emprunteurs, qui portait sur des prêts HELVET IMMO proposés par la BNP.

Les emprunteurs qui devaient payer en euro, mensuellement, des échéances libellées en francs suisses, ont éprouvé la hausse du franc suisse de manière immédiate et directe ce qui n'aurait pas été le cas des détenteurs de prêts HELVET IMMO, qui comportaient des échéances fixes en euro avec une accumulation de capital impayé en cas de hausse de la devise du prêt.

Il résulterait de l'exposé des faits des deux arrêts du 10 juin 2021 que, pour les prêts HELVET IMMO, les emprunteurs ont reçu des simulations de variations de change, mais que les contrats ne comportaient aucune clause, ni même ne mentionnaient l'existence d'un 'risque de change'. Les faits et le présent contrat seraient donc très différents de ceux des dossiers de la BNP. Ainsi les prêts HELVET IMMO prévoyaient des échéances de remboursement fixes en euro, l'incidence de la hausse du franc suisse se traduisant par l'inscription sur un compte de l'amortissement du capital non effectué et par une prolongation

du prêt pour une durée pouvant aller jusqu'à 5 ans, alors que dans le cas des prêts consentis par le CRÉDIT MUTUEL - dont les échéances, payables en euro, sont libellées en francs suisses - les changements de parité se répercutent directement et immédiatement sur le montant prélevé en euro, sans que la durée du prêt ne soit affectée.

Le 'mécanisme' des prêts du CRÉDIT MUTUEL serait donc simple et transparent, à la différence de celui, particulièrement complexe, des prêts HELVET IMMO.

La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL soutient l'exception de prescription de l'action restitutoire engagée par les appelants, ce qui ne serait pas contraire à la jurisprudence de la CJUE posée notamment dans ses arrêts du 9 juillet 2020 et du 10 juin 2021.

La banque insiste plus particulièrement sur le critère qui serait posé par la jurisprudence de la CJUE, résidant dans « la bonne compréhension » par le consommateur du « mécanisme » du prêt. La CJUE demanderait au juge de réaliser une vérification en deux temps :

- d'abord, de vérifier si l'exigence de 'bonne foi' du professionnel a été respectée, notamment au regard de son 'expertise' supérieure à celle du consommateur et de la connaissance qu'il aurait dû avoir, au moment de la conclusion du contrat, du 'risque disproportionné' auquel il exposait le consommateur ;

- puis, de caractériser éventuellement le déséquilibre significatif en vérifiant si '(.) l'augmentation du capital restant dû en devise nationale n'est pas équilibrée par la différence entre le taux d'intérêt de la devise étrangère et celui de la devise nationale, étant précisé que l'existence d'une telle différence constitue l'avantage principal d'un prêt libellé en devise étrangère pour l'emprunteur'.

Concernant l'exigence de bonne foi, définie par la CJUE comme étant l'obligation du professionnel de révéler au consommateur le « risque disproportionné » de change en considération des circonstances connues de l'époque, la CCM rappelle que le prêt en cause a été consenti en 2006, tandis que les prêts HELVET IMMO examinés par la CJUE datent de 2008 - 2009 et ajoute qu'en 2007, il n'existait aucun signe avant-coureur, ou alarmiste, sur le risque de change, ce qui n'était plus le cas en 2008 et 2009 où la crise des subprimes se profilait, bientôt suivie par la crise des dettes souveraines.

La date des prêts serait alors déterminante pour apprécier la 'bonne foi' du prêteur, c'est à dire sa loyauté dans la révélation du risque que son expertise devait le conduire à connaître. En l'espèce, la bonne foi de la banque, au moment de l'octroi du prêt litigieux, ne serait pas discutable.

Il n'existerait donc, en l'espèce, aucun manquement de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL à l'exigence de bonne foi, de sorte que le premier élément de caractérisation de la clause abusive manquerait.

Il n'existerait en outre aucune dissymétrie - au niveau du risque de change - qui permettrait de déceler un déséquilibre entre les parties, et au-delà, soit la mauvaise foi du prêteur, soit une situation privilégiée à son profit.

Les époux X. avaient sollicité un prêt en francs suisses pour bénéficier de l'avantage d'un taux d'intérêt particulièrement favorable. Les emprunteurs auraient, par ailleurs, bénéficié, tout au long du prêt, d'une baisse du taux, étant rappelé que les indices de taux en francs suisses n'ont cessé de baisser jusqu'à devenir négatifs.

La partie adverse ne justifierait de rien, mais ne saurait contester avoir bénéficié d'un différentiel de taux d'intérêts d'au moins 2 % par an. Il n'existerait donc ni mauvaise foi, ni déséquilibre significatif démontré, ni défaut de conseil.

Concernant l'action en responsabilité contractuelle menée par les appelants à son encontre, la banque estime qu'elle serait manifestement prescrite et en tout état de cause infondée. Sa responsabilité ne saurait être engagée pour défaut de mise en garde, les appelants n'étant pas surendettés, ni sur les autres manquements allégués en ce sens qu'elle a honoré tous ses engagements. En tout état de cause aucun préjudice ne serait avéré.

[*]

Dans ses dernières écritures datées du 16 octobre 2023, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la SARL TASQUIN demande à la cour de :

CONFIRMER purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de MULHOUSE.

REJETER l'ensemble des prétentions des appelants à titre principal.

DIRE ET JUGER que les demandes relatives à la responsabilité de la Société TASQUIN CONSEIL sont prescrites,

En conséquence, DIRE que les demandes des appelants se heurtent à des fins de non-recevoir.

DECLARER irrecevable les demandes des appelants.

DEBOUTER Monsieur et Madame X. de l'ensemble de ses demandes.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

DIRE & JUGER que la société TASQUIN CONSEIL n'a commis aucune faute.

DIRE & JUGER que Monsieur et Madame X. n'ont subi aucun préjudice.

DEBOUTER en conséquence Monsieur et Madame X. en toutes leurs fins et conclusions.

CONDAMNER Monsieur et Madame X. aux entiers frais et dépens, ainsi qu'à payer à la Sté TASQUIN CONSEIL un montant de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La société TASQUIN CONSEIL estime que ce serait lors de la signature de l'offre de prêt que les demandeurs et appelants ont eu connaissance du mécanisme du prêt. Même si la cour relevait l'existence d'une réticence, le point de départ de la prescription relative à ce moyen de nullité devrait être fixé au jour où les emprunteurs ont eu connaissance de ladite réticence, soit au jour où le dommage s'est révélé aux emprunteurs, lorsque le taux de change a évolué défavorablement en 2011.

L'intimée précise ne pas être intervenue au niveau de la signature de l'acte de prêt, son action s'inscrivant en amont pour étudier la situation des époux X. et proposer un projet transmis ensuite à un établissement bancaire.

Aussi le point de départ de l'action en responsabilité civile professionnelle ne pourrait débuter après la mise en relation entre les appelants et l'établissement de crédit. L'offre bancaire est datée du 11 mai 2007, de telle sorte que la mission de la société TASQUIN CONSEIL aurait cessé avant le mois de mai 2007.

S'agissant du débat portant sur le caractère abusif de certaines clauses du contrat de prêt, la SARL TASQUIN CONSEIL estime qu'elles ne le seraient pas en faisant référence au raisonnement du tribunal et ajoute qu'en tout état de cause, même si l'une ou l'autre des clauses du contrat conclu entre la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE et la partie appelante était considérée comme abusive, cela ne pourrait entraîner pour autant l'engagement de la responsabilité contractuelle de la société TASQUIN CONSEIL qui n'aurait eu aucun rôle actif dans l'élaboration du prêt.

A titre subsidiaire, au fond, la SARL TASQUIN CONSEIL estime avoir totalement rempli ses obligations en ce qu'elle a proposé à Monsieur et Madame X. un investissement dans un produit consistant à l'acquisition d'un bien immobilier en l'état futur d'achèvement selon contrat de réservation établi par la société MAG'IMMO et signé par les appelants au courant du mois d'avril 2007, la SARL TASQUIN CONSEIL ayant procédé à une étude d'investissement du projet susvisé.

Suite à cette étude et après accord des demandeurs et appelants, l'ensemble du dossier a été transmis à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE afin que cette dernière étudie le dossier et propose aux demandeurs et appelants une solution de financement.

La SARL TASQUIN CONSEIL affirme que contrairement à ce qu'allègue la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe dans ses dernières écritures, elle n'aurait à aucun moment établi une simulation aux époux X. fondée sur un crédit en devise.

La SARL TASQUIN CONSEIL ajoute :

- concernant les allégations des époux X. sur le montant de leur investissement, qu'on ne pourrait retenir comme valeur initiale de leur bien acquis la somme de 168 913 €. En effet sur la somme de 168 913 € payée par les époux X., ont été inclus les frais d'acte, les frais d'hypothèque, les intérêts intercalaires pendant la construction, les frais bancaires, ainsi que les honoraires de TASQUIN CONSEIL, de sorte que le prix brut du bien immobilier ne s'élèverait qu'à 146 975 €, en sachant que sur cette somme les consorts X. ont récupéré la TVA à hauteur de 24 086 €. Aussi l'intimée estime que le prix réel du bien immobilier ne serait que de 122 889 € (146 975 € - 24 086 €),

- s'agissant du document censé apporter une évaluation de leur bien à 83 800 euros, il ne saurait être accueilli comme preuve, étant donné qu'il aurait été rédigé par une personne inconnue et manifestement pour les besoins de la cause,

- qu'en tout état de cause il n'existerait aucun préjudice avéré. S'agissant d'un financement 'in fine', ce ne serait qu'à l'issue du projet, en 2027, qu'il sera possible de déterminer l'existence d'un préjudice, et ce d'autant plus que d'ici 2027 il est possible qu'on assiste à une nouvelle inversion du cours du change entre l'Euro et le Franc Suisse,

- qu'enfin, si la cour venait à annuler le prêt, ou à déclarer des clauses abusives, cela reviendrait soit à entraîner la restitution des sommes versées par chacune des parties, soit à faire en sorte que les époux X. ont obtenu un prêt très intéressant avec un taux d'intérêt au taux légal, de sorte que dans les deux hypothèses les appelants ne subiraient aucun préjudice.

[*]

La Cour se référera aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits de la procédure et de leurs prétentions, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

1) Sur l'état de la procédure :

Il est rappelé que Monsieur X. et Madame X. née Y. ont été démarchés par la société TASQUIN CONSEILS, afin d'investir dans une opération immobilière sur un projet en VEFA à [Localité 6], dans le but notamment de bénéficier d'avantages fiscaux.

La société TASQUIN a réalisé une étude d'investissement qui exposait que :

- l'opération envisagée portait sur un montant global de 168.913 € et serait financée par le biais d'un prêt in fine à un taux de 3,6 %,

- de par les revenus générés par la location du bien immobilier et de par l'ensemble des coûts, les acquéreurs devraient fournir un effort mensuel lissé sur l'ensemble de l'opération (soit jusqu'en 2027) de l'ordre de 345 à 241 euros par mois,

- le montant de l'échéance de remboursement d'emprunt était évalué à un montant de 6.790 € par an.

Les appelants ont alors décidé de donner suite à ce conseil et d'acquérir un appartement dans une résidence de tourisme agréée au [Adresse 4], le prix total de leur investissement étant de 168 913 €.

Les époux X. se sont alors rapprochés de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE afin qu'elle finance l'acquisition de ce bien.

En date du 11 mai 2007, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL a émis une offre de prêt pour un montant total de 287.000 francs suisses comportant deux prêts relais, qui a été acceptée par les époux X. le 22 mai 2007. Ledit prêt a fait l'objet d'un acte notarié en date du 15 juin 2007.

L'offre concernait :

* d'une part, un premier prêt relais, « in fine » retracé en compte n° [XXXXXXXXXX01] 50, portant sur un montant de 243.000 CHF, avec un taux d'intérêts de 3,650 % (soit un TEG de 4,194 %) par an à taux indexé sur le LIBOR 3 MOIS, les intérêts et les cotisations d'assurance étant payables le 31 décembre de chaque année, l'échéance en capital de 243.000 CHF devant être réglée en une fois à la date du 30 juin 2027,

* et d'autre part, un second prêt relais « in fine » retracé en compte n° [XXXXXXXXXX01] 51, portant sur une somme de 44.000 CHF avec un taux d'intérêts de 3,650 % (soit un TEG de 4,155 %) indexé sur le LIBOR 3 MOIS, les intérêts et les cotisations d'assurance étant payables le 31 décembre de chaque année avec une échéance en capital de 44.000 CHF à verser à la date du 30 juin 2027.

Il est à noter d'ores et déjà, que contrairement aux allégations de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL, à aucun moment il n'est précisé sur les documents produits aux investisseurs par la SARL TASQUIN CONSEIL, que le financement serait fait dans une autre monnaie que l'euro.

 

2) Sur l'action en nullité du prêt pour non-respect de la règle d'ordre public du cours légal de la monnaie :

Les époux X. demandent à la Cour de prononcer la nullité du contrat de prêt au motif que les 2 prêts contractés en 2007 - en ce qu'ils ont été libellés en francs suisses - auraient ignoré la règle d'ordre public du cours légal de la monnaie, et l'infirmation de la décision de première instance qui a considéré cette action prescrite.

Le tribunal de première instance a, à juste titre, considéré sur ce sujet, que « Les époux X., qui n'invoquent pas l'existence d'un dol, ne pouvaient ignorer l'existence des clauses prévoyant un remboursement en francs suisses, et ce, dès la lecture de l'offre de prêt. Le délai de prescription, qui a commencé à courir à la date d'acceptation de l'offre de prêts, soit le 22 mai 2007, était expiré le 19 juin 2013. L'action en nullité, engagée par conclusions transmises par voie électronique le 22 mai 2018, est irrecevable pour être prescrite. »

Les développements des époux X. relatifs à la date de survenance de leur dommage, qui ne serait apparu que bien après la signature des prêts, à savoir au moment où le cours du franc suisse a fluctué de manière importante, sont inopérants. Puisque leur action en nullité est fondée sur une prétendue contrariété de la clause d'indexation à l'ordre public économique, elle renvoie nécessairement aux dispositions mêmes des contrats de prêts qu'ils connaissaient parfaitement dès le jour de leur signature.

En outre, les articles portant sur l'octroi du prêt en francs suisses étaient parfaitement clairs, en ce que les articles 5.1, 5.3, 6.1, 6.3 et 10 stipulaient que le montant du prêt accordé était en francs suisses, que les remboursements se feraient « dans la devise empruntée », que « tous les remboursements en capital, paiement des intérêts et des commissions et cotisations d'assurance auront lieu dans la devise empruntée » et que « l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro ».

Le point de départ de la prescription était donc au jour de la signature des deux prêts, soit au mois de mai 2007.

La prescription de leur action étant déjà en cours lors de l'entrée en vigueur de la réforme de 2008 (le 19 juin 2008), instaurant le délai quinquennal, cette dernière était acquise 5 ans après l'entrée en vigueur de la réforme, soit le 19 juin 2013.

En conséquence, les appelants auraient dû introduire leur action avant le 19 juin 2013, ce qu'ils n'ont pas fait.

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a jugé l'action en nullité du prêt pour non-respect de la règle du cours légal de la monnaie, prescrite.

 

3) Sur l'action diligentée sur le fondement des clauses abusives :

Le jugement de première instance a déclaré recevable les demandes des époux X. sur ce fondement, mais les a rejetées au fond, au motif que les clauses discutées, étant constitutives de l'objet principal du contrat, avaient été rédigées de manière claire et compréhensible.

A hauteur d'appel, les époux X. sollicitent l'infirmation de la décision au fond pour que soit reconnu le caractère abusif desdites clauses.

Quant à la banque, si elle sollicite la confirmation de la décision au fond, en revanche, elle demande l'infirmation des dispositions qui avaient déclaré recevable cette action, soutenant qu'elle serait frappée par la prescription.

Il convient dès lors de vérifier si la clause litigieuse est abusive, au sens des législations européenne et française. Pour ce faire, il sera nécessaire de retracer la position des jurisprudences de la Cour de cassation et de la CJUE - tant sur la question de la prescription que de l'application au fond des actions restitutoires ou déclaratoires - pour vérifier leur compatibilité et leur conformité à l'aune du corpus législatif de l'Union (et s'il conviendrait d'adresser une demande préjudicielle).

Au préalable, on rappellera que l'article L 132-1 du code de la consommation, qui a été abrogé le 14 mars 2016, mais qui était, au moment de la signature des contrats litigieux en 2007, applicable, édicte que :

« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission instituée à l'article L. 534-1, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.

Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161,1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.

Les dispositions du présent article sont d'ordre public. »

 

3-1) Sur la recevabilité de la demande des époux X. :

Sur l'action déclaratoire :

L'article 7 § 1 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, prévoit que les États membres veillent à ce que, dans l'intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

Par arrêts du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19 et C-609/19), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 6 § 1 et l'article 7 § 1 de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur, aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur, à un délai de prescription.

Dès lors, la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 précité n'est pas soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.

En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a déclaré recevable l'action en constatation du caractère abusif de l'article 10 de l'offre de prêts émise le 11 mai 2007 et acceptée le 22 mai 2007.

 

Sur l'action restitutoire :

L'article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Par arrêts du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19 et C-609/19), la CJUE a dit pour droit que l'article 6 § 1 et l'article 7 § 1 de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de telles clauses abusives, à un délai de prescription de cinq ans, dès lors que ce délai commence à courir à la date de l'acceptation de l'offre de prêt de telle sorte que le consommateur a pu, à ce moment-là, ignorer l'ensemble de ses droits découlant de cette directive. Elle a relevé que les modalités de mise en oeuvre de la protection des consommateurs prévue par la directive 93/13 ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d'équivalence) ni être aménagées de manière à rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile, l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union (principe d'effectivité).

S'agissant de l'opposition d'un délai de prescription à une demande introduite par un consommateur aux fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de clauses abusives au sens de la directive 93/13, elle a rappelé avoir dit pour droit que l'article 6 § 1 et l'article 7 § 1 de cette directive ne s'opposent pas à une réglementation nationale qui, tout en prévoyant le caractère imprescriptible de l'action tendant à constater la nullité d'une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, soumet à un délai de prescription l'action visant à faire valoir les effets restitutifs de cette constatation, sous réserve du respect des principes d'équivalence et d'effectivité (CJUE, 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C-698/18 et C-699/18 ; CJUE, 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-224/19 et C-259/19). Ainsi, l'opposition d'un tel délai n'est pas en soi contraire au principe d'effectivité, pour autant que son application ne rende pas, en pratique, impossible ou excessivement difficile, l'exercice des droits conférés par cette directive. En conséquence, un délai de prescription est compatible avec le principe d'effectivité uniquement si le consommateur a eu la possibilité de connaître ses droits avant que ce délai ne commence à courir ou ne s'écoule.

Par arrêt du 9 juillet 2020 (C-698/18 et C-699/18), la CJUE a dit pour droit que l'article 2, sous b), l'article 6 § 1 et l'article 7 § 1 de la directive 93/13/CEE ainsi que les principes d'équivalence, d'effectivité et de sécurité juridique doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une interprétation juridictionnelle de la réglementation nationale selon laquelle l'action judiciaire en restitution des montants indûment payés sur le fondement d'une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel est soumise à un délai de prescription de trois ans qui court à compter de la date de l'exécution intégrale de ce contrat, lorsqu'il est présumé, sans besoin de vérification, que, à cette date, le consommateur devait avoir connaissance du caractère abusif de la clause en cause ou lorsque, pour des actions similaires, fondées sur certaines dispositions du droit interne, ce même délai ne commence à courir qu'à partir de la constatation judiciaire de la cause de ces actions.

S'agissant du respect du principe d'équivalence, il sera rappelé qu'en droit interne, le délai de prescription des actions en restitution, consécutives à l'annulation d'un contrat ou d'un testament, ne court qu'à compter de cette annulation, que cette annulation résulte de l'accord des parties ou d'une décision de justice (1ère Civ, 1er juillet 2015, n°14-20.369 ; 1ère Civ., 28 octobre 2015, n°14-17.893 ; 3ème Civ, 14 juin 2018, n°17-13.422 ; 1ère Civ, 13 juillet 2022 n°20-20.738).

S'agissant du principe d'effectivité, il serait contradictoire de déclarer imprescriptible l'action en reconnaissance du caractère abusif d'une clause et de soumettre la principale conséquence de cette reconnaissance à un régime de prescription la privant d'effet.

Il s'en déduit que le point de départ du délai de prescription quinquennale, tel qu'énoncé à l'article 2224 du code civil, de l'action, fondée sur la constatation du caractère abusif de clauses d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères, en restitution de sommes indûment versées doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses. (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 12 Juillet 2023, n° 22-17.030).

Concernant le moyen relatif à la sécurité juridique soulevé par la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe, il sera rappelé que :

- la prohibition des clauses abusives remonte à la directive 93/13 CEE du Conseil du 5 avril 1993, applicable à tous les contrats conclus à compter du 1er janvier 1995,

- cette directive a été transposée en droit interne par la loi n°95-96 du 1er février 1995,

- la jurisprudence tant européenne que nationale n'a fait qu'interpréter les règles européennes et nationales relatives aux clauses abusives, dont elle a éclairé et précisé la signification et la portée, telles qu'elles auraient dû être comprises depuis leur entrée en vigueur. En conséquence, ces règles ainsi interprétées doivent être appliquées par le juge à tous les rapports juridiques nés et constitués postérieurement à cette entrée en vigueur, quand bien même ils l'ont été antérieurement à cette jurisprudence et seule la CJUE peut décider des limitations dans le temps à apporter à une telle interprétation (CJUE, 21 décembre 2016, C-154/15, C-307-15 et C-308-12),

- la Cour européenne des droits de l'Homme juge que les exigences de la sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas de droit acquis à une jurisprudence constante (CEDH, 18 décembre 2008, Unédic c. France),

- enfin, cette jurisprudence sur l'imprescriptibilité de l'action en reconnaissance du caractère abusif d'une clause d'un contrat et sur le point de départ du délai de prescription de l'action restitutoire ne présente pas d'inconvénients manifestement disproportionnés dès lors qu'elle ne prive pas la banque de son accès au juge et de son droit à un procès équitable mais d'une partie de sa rémunération et qu'elle est sans conséquence sur son droit de propriété.

En conséquence, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande des époux X. en restitution de sommes indûment payées au Crédit mutuel en exécution des clauses dont ils soutiennent qu'elles sont abusives sera rejetée et les époux X. seront déclarés recevables en leur prétention.

 

3-2) Sur le bien fondé de la demande :

Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, doivent être déclarées abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Les clauses abusives sont réputées non écrites. Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.

La Cour de Justice de l'Union Européenne a jugé que les clauses de monnaie de paiement et de monnaie de compte, qui permettent le remboursement en francs suisses voire en monnaie nationale, relèvent de l'objet principal du contrat dans la mesure où elles définissent cet objet principal dès lors qu'elles décrivent et déclinent l'obligation principale de l'emprunteur.

Il en résulte que de telles clauses ne peuvent être regardées comme abusives, si elles sont rédigées de façon claire et précise. Tel sera le cas si elles sont non seulement intelligibles pour le consommateur sur un plan grammatical, mais également si le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée.

A cet égard, la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C782-19), a dit pour droit que l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause, et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat.

La CJUE a rappelé que, le consommateur se trouvant dans une situation d'infériorité à l'égard du professionnel en ce qui concerne son niveau d'information, cette exigence de transparence doit être entendue de manière extensive.

Ainsi, cette exigence de transparence nécessite une information concrète, suffisante et exacte qui met le consommateur en mesure de comprendre le risque encouru et ses conséquences potentielles en cas de réalisation de ce risque, exemples chiffrés et significatifs à l'appui (Cas. 1ère civ., 20 avril 2022, n°20-16.316).

Selon la Cour de Justice de l'Union Européenne, les clauses d'un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement, et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu'il soit plafonné, sur l'emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.

Les règles ci-dessus rappelées étant dorénavant bien connues, et appliquées sans difficulté par les juridictions nationales - notamment quant à la recherche du caractère abusif des clauses qui varie selon leur nature, selon qu'elle définit l'objet du contrat (comme c'est le cas en l'espèce) ou non, il n'y a aucun intérêt à soumettre à la CJUE la question préjudicielle proposée par le CRÉDIT MUTUEL. Cette demande sera dès lors écartée.

En l'espèce, les 6 derniers alinéas des articles 5.3 et 6.3 du contrat - dénoncés par les emprunteurs - énoncent :

« Tous remboursements en capital, paiements des intérêts et des commissions et cotisations d'assurance auront lieu dans la devise empruntée.

Les échéances seront débitées sur tout compte en devises ouvert au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du préteur.

La monnaie de paiement est l'euro, l'emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en euros les échéances au moment de leur prélèvement.

Les échéances seront débitées sur tout compte en devises (ou le cas échéant en euros) ouvert au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du préteur.

Les frais de garanties seront payables en euros.

Si le compte en devises ne présente pas la provision suffisante au jour de l'échéance, le préteur est en droit de convertir le montant de l'échéance impayée en euros, et de prélever ce montant sur tout compte en euros ouvert dans les livres du prêteur, au nom de l'emprunteur ou coemprunteur. Le cours du change appliqué sera le cours du change tiré. »

L'article 10.3 stipule : « Le prêt est réputé convertible en euros. L'emprunteur pourra demander au prêteur la conversion du prêt en euros sous préavis de 30 jours minimum. La conversion ne pourra intervenir qu'à une date d'échéance. Les caractéristiques du taux d'intérêt seront négociées entre les parties à ce moment-là, étant précisé qu'à défaut d'accord, l'emprunteur devra à son choix poursuivre le prêt en devises ou le rembourser par anticipation ».

Quant à l'article 10.5 il prévoit : « Il est expressément convenu que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro, qui pourrait intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt. »

La banque précise que le prêt est remboursé au cours du change en vigueur à chaque paiement et que le taux de conversion est indiqué sur l'extrait du compte auxiliaire à chaque paiement.

S'il résulte de ces stipulations une énonciation compréhensible sur le plan formel et grammatical des conditions et modalités d'exécution du prêt, qui permettait aux époux X. de comprendre le mécanisme du prêt en devise, que la monnaie de compte est le franc suisse, que les échéances de prêt seraient prélevées sur un compte en devise dédié, que la monnaie de paiement demeurait l'Euro, que l'emprunteur restait libre de s'acquitter de sa dette à tout moment dans la monnaie ayant cours en France, il n'en reste pas moins qu'au-delà de cette description, les effets de l'évolution de la parité entre le franc français puis l'euro d'une part et le franc suisse d'autre part n'y sont pas mis en relief, ni même expliqués, de telle manière que les emprunteurs puissent envisager concrètement l'impact économique, potentiellement significatif, d'une évolution défavorable de la parité des monnaies sur leurs obligations et évaluer, malgré leurs formations respectives, en toute connaissance de cause, le risque auquel ils acceptent de s'exposer consistant en l'augmentation de la valeur du capital emprunté.

Il n'est notamment pas expressément indiqué que les emprunteurs s'exposent à un risque de change, en cas de dépréciation de la monnaie dans laquelle ils perçoivent leurs revenus, par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt est accordé et aucun élément ne leur permet d'évaluer le coût total potentiel de l'emprunt et de prendre conscience des difficultés auxquelles ils seraient confrontés, en cas de dévaluation de la monnaie dans laquelle ils perçoivent leurs revenus. Aucun exemple de calcul concret n'est mentionné dans le contrat ou ses annexes et aucune notice d'information sur le cours de change n'y figure, alors qu'une telle notice est jointe concernant les conditions et modalités de variation du taux d'intérêt.

Le texte de l'article 10.5 - qui est sensé attirer l'attention de l'emprunteur sur le risque de change - est ainsi bien trop laconique et sommaire pour remplir son rôle, en ce qu'il n'est pas à même de permettre à un emprunteur « moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » de prendre conscience des effets d'une variation du taux de change euro/franc suisse favorable à la valeur helvétique, et ce, que ce soit pour le paiement des intérêts ou pour le capital payable « in fine ».

En outre, les clauses contractuelles n'attirent pas l'attention du consommateur sur le fait que le risque de change est renforcé par le mécanisme même du prêt 'in fine', qui reporte à une échéance lointaine le règlement de l'intégralité du capital emprunté, en l'espèce 20 ans après la signature de la convention de prêt. Rien dans les clauses litigieuses n'informe le consommateur sur cette prise de risque, qui porte sur le capital emprunté, sur 20 ans.

Enfin, l'attestation signée par les époux X. du 11 mai 2007 - dans laquelle ils affirment avoir pris connaissance des risques de change liés au franc suisse ainsi que des règles relatives à la variation de l'index LIBOR en franc suisse (Annexe 17) - est insuffisante pour venir démontrer que le crédit mutuel les a informés, par ailleurs utilement sur le risque de change pris, notamment au regard du fait que le capital serait réglé 20 ans plus tard, sachant que cette attestation ne précise nullement quelle aurait été la nature de cette information dispensée.

Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les clauses litigieuses ne forment pas un ensemble clair et compréhensible, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

A défaut pour le crédit mutuel d'avoir justifié de la communication d'informations complémentaires, de nature à éclairer les consommateurs - portant sur les éléments fondamentaux du contrat tenant au risque de change susceptible d'avoir une incidence particulièrement importante sur la portée de l'engagement pris sur 20 ans par les emprunteurs - et leur permettant d'évaluer notamment le coût total potentiel de l'emprunt et de prendre conscience des difficultés auxquelles ils peuvent être confrontés, en cas de dévaluation de la monnaie dans laquelle ils perçoivent leurs revenus, il y a lieu de considérer que les clauses de remboursement du crédit (5.3 et 6.3), et celle portant sur le risque de change (10.5) - même éclairées par les autres stipulations du contrat de prêt - n'ont pas été rédigées de manière claire et de nature à permettre aux emprunteurs de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de ces clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de l'euro dans laquelle il percevait leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, à savoir le franc suisse. (Reprise C cas 07.09.2022).

En conséquence de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de déclarer abusives les clauses 5.3, 6.3 - qui sont indivisibles puisque chacune d'elle porte sur chacun des deux prêts visés dans l'offre de financement et concerne le même projet immobilier - et 10.5, en ce que le principe descriptif de l'emprunt en francs suisses remboursable en euros est décliné par le fonctionnement de deux comptes dans chacune des devises, par les opérations de change et par les modalités de remboursement dans le temps.

 

3-3) Sur les effets du caractère abusif des clauses 5.3, 6.3 et 10.5 du contrat de prêt :

Les alinéas 6 et 8 de l'article L 132-1 ancien du code de la consommation disposent que les clauses abusives sont réputées non écrites et que le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions, autres que celles jugées abusives, s'il peut subsister sans lesdites clauses.

Considérant le caractère essentiel de ces clauses, dans la construction du prêt, la cour ne peut que constater que le contrat de prêt ne peut guère subsister sans celles-ci, de sorte qu'il y a lieu de replacer les parties dans la situation qui était la leur au moment de la contraction du prêt, et ce comme le préconise la décision rendue par la cour de cassation le 12 juillet 2023.

Dans un cas similaire, elle a en effet condamné le consommateur à restituer la contre-valeur en euros de la somme prêtée selon le taux de change applicable à la date de la mise à disposition des fonds et condamné la banque à restituer la contre-valeur en euros de chacune des sommes perçues en exécution du prêt selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements, le différentiel dû après compensation portant ensuite intérêt au taux légal à compter de la signification de l'arrêt avec capitalisation (Cass. 1ère civ., 12 juill. 2023, n° 22-17.030).

Aussi, la demande de nullité du contrat - qui entraîne de facto de replacer les parties dans la situation qui était la leur avant le contrat - sollicitée par les emprunteurs au cas d'espèce sera acceptée. Les appelants seront condamnés à restituer au crédit mutuel la contre-valeur en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds en 2007, de la somme prêtée.

La banque sera quant à elle condamnée à leur restituer toutes les sommes qu'elle a perçues en exécution du prêt, soit la contre-valeur en euros de chacune des sommes perçues selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements.

Il y aura lieu d'ordonner la compensation des sommes, et d'assortir la somme résiduelle due de l'intérêt légal à compter de la signification du présent arrêt.

 

4) Sur l'action en responsabilité menée par les époux X. contre le CRÉDIT MUTUEL et la SARL TASQUIN CONSEIL :

4-1) Sur le périmètre de l'appel :

Il est nécessaire de préciser le périmètre de l'appel. Les appelants dénoncent un certain nombre de fautes que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL et la SARL TASQUIN CONSEIL auraient commises, ayant entraîné un préjudice unique, qui devrait être mis à la charge - à leur sens de manière solidaire - des deux intimées.

D'une part, il est rappelé que le tribunal a déclaré irrecevable leur demande en dédommagement formée contre la société TASQUIN CONSEIL « pour défaut de conseil et d'information » et a déclaré recevable leur action « pour pratique délibérément trompeuse » avant de la rejeter.

A hauteur d'appel, si les époux X. demandent l'infirmation de ces dispositions portant sur l'irrecevabilité d'une action, et le rejet de la seconde, force est de constater que leur demande de condamnation ne porte plus que sur l'obligation de conseil et d'information (page 66 de leurs conclusions) de sorte qu'il y a lieu de constater que les époux X. ont abandonné toute prétention fondée sur 'une pratique délibérément trompeuse'.

D'autre part, les époux X. demandent également l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté « la demande d'indemnisation en répétition de l'indu pour la non-application du LIBOR CHF 3 mois négatif », sans pour autant réclamer la condamnation de la banque sur ce fondement, puisque le dispositif de leurs écritures ne vise qu'un défaut « d'information et de conseil ». Il y a par conséquent lieu de considérer que l'appel portant sur la question de la répétition de l'indu a été lui aussi abandonné, de sorte que la décision de première instance sur cette question sera confirmée.

 

4-2) Sur la recevabilité des actions menées par Monsieur X. et Madame Y. épouse X. contre la banque et la SARL TASQUIN CONSEIL :

Il convient d'apprécier si la demande des époux X., fondée sur la responsabilité contractuelle de la banque et de la SARL TASQUIN CONSEIL est prescrite, étant rappelé que les époux X. reprochent notamment à la banque un manquement à son devoir de conseil et d'information, englobant en fait aussi l'obligation de mise en garde (sans quoi ils n'évoqueraient pas un risque d'endettement excessif eu égard aux caractéristiques du prêt litigieux et de conseil) et à la SARL TASQUIN CONSEIL d'avoir mis en place un projet fondé sur une surévaluation du bien immobilier.

Selon l'article 2224 du code civil, leur action doit être engagée dans un délai de cinq ans à compter du jour où ils ont eu ou auraient dû avoir connaissance des faits leur permettant de l'exercer.

Le manquement d'une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti, sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt, prive cet emprunteur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt.

Il en résulte que le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage - mais également du dommage résultant d'un éventuel défaut de conseil ou d'information plus général - commence à courir, non à la date de conclusion du contrat de prêt, ainsi que le soutient en l'espèce la banque, mais à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'a pas été, n'est pas ou ne sera pas en mesure de faire face (Cass. com 25 janvier 2023 n° 20-12.811).

La note en délibéré a établi que les époux X. ont pu régler les échéances d'intérêts, même si celles-ci ont augmenté, et ont pu solder le prêt par anticipation en octobre 2021. C'est donc à cette date qu'ils ont été à même de le découvrir.

En conséquence, l'action en responsabilité contractuelle engagée par les époux X. n'est manifestement pas prescrite, tant à l'égard de la banque que de la SARL TASQUIN CONSEIL, le jugement de première instance devant être infirmée sur ce point.

 

4-3) Sur l'action concernant la banque :

L'article 1147 du code civil, applicable au moment des faits, prévoyait que le débiteur d'une obligation contractuelle (ici la banque, à l'égard de son obligation de mise en garde ou de conseil) peut être condamné à paiement de dommages et intérêts, en raison de l'inexécution de l'obligation ou du retard pris dans cette exécution. Il est nécessaire de démontrer une faute à la charge du banquier et un préjudice.

S'agissant du défaut de mise en garde mis en avant par les appelants, force est de constater que ces derniers n'ont jamais été en situation d'endettement, ayant toujours pu honorer leurs échéances et rembourser par anticipation le capital, avec près de 6 années d'avance. Aucun défaut de mise en garde ne peut être retenu.

Quant au défaut de devoir de conseil, concernant la réalisation et le choix de l'investissement financé, il convient de rappeler que les époux X. étaient conseillés par la SARL TASQUIN CONSEIL, qui leur a établi un bilan financier prenant en compte leur situation patrimoniale, un plan de trésorerie et de rentabilité. Les particuliers ne peuvent reprocher à la banque de ne pas les avoir dûment conseillés sur la faisabilité de cet investissement en sachant qu'en tout état de cause une banque n'a pas à se prononcer sur l'opportunité, la qualité ou l'utilité de l'opération à financer (Cass. 1ère civ 21 février 2006).

Enfin s'agissant des reproches des appelants formulés contre la banque, au motif que cette dernière n'aurait pas dû leur proposer un prêt in fine, ou encore en francs suisses, il y a lieu de constater pour le premier reproche, que les consorts X. ne rapportent pas la preuve d'une faute dans le conseil de la mise en place du prêt in fine, qui comportait l'avantage d'alléger les mensualités de remboursement.

En revanche, il est certain que la banque a commis une faute de conseil en proposant un prêt en monnaie étrangère, dans le cadre justement d'un prêt in fine, car il n'est pas démontré - comme exposé plus haut - qu'elle a clairement et précisément attiré l'attention de ses clients sur le risque particulièrement important encouru du fait que le prêt était fait en francs suisse avec un risque de change.

S'ils avaient été dûment conseillés et informés par le professionnel de la banque, les consorts X. n'auraient pas contracté un prêt présentant de telles caractéristiques, et auraient emprunté dans le cadre d'un prêt classique en euros.

Pour établir leur préjudice subi du fait de ce défaut de conseil, il convient de définir l'assiette sur laquelle portera le pourcentage de perte de chance. Or, en l'espèce, force est de constater que cette assiette est nulle. En effet, suite à l'invalidation des clauses contractuelles et à l'annulation du contrat de prêts, les parties sont replacées dans la situation qui était la leur en 2007, avant de signer le contrat, et ils ne rapportent nullement la preuve de ce que ce retour à la situation initiale est de nature à générer un préjudice économique pour eux, précision donnée qu'aucun préjudice moral n'a été réclamé.

Dès lors, la perte de chance portera sur une assiette vide, de sorte que la demande de dommages et intérêts ne saurait être accueillie.

 

4-3) Sur l'action en responsabilité menée par les époux X. contre la SARL TASQUIN CONSEIL :

La société TASQUIN CONSEIL n'est pas intervenue au niveau de la signature de l'acte de prêt, mais en amont pour étudier la situation des époux X. et proposer un projet transmis ensuite à un établissement bancaire. Les époux X. ne démontrent nullement que la société TASQUIN leur aurait proposé de financer leur projet par un prêt en devise étrangère.

La société TASQUIN CONSEIL s'est contentée de proposer à Monsieur et Madame X. un investissement, à savoir l'acquisition d'un bien immobilier en l'état futur d'achèvement selon contrat de réservation. L'étude a été réalisée sur la base « d'euros », et il n'est pas soutenu que la livraison du bien et sa mise en location n'ont pas eu lieu conformément aux prévisions.

Les appelants soutiennent avoir été mal conseillés par la SARL TASQUIN CONSEIL, dans la mesure où le bien acquis pour un montant de 168.913 € ne vaudrait aujourd'hui plus que 83.800 €, alors que la société TASQUIN l'avait évalué au terme de l'opération à une valeur de 201 015 euros. Pour justifier leur préjudice, les consorts X. font état d'une évaluation de leur bien immobilier établi par Monsieur Z. (annexe 11 des consorts X.).

Cependant, force est de constater d'une part que l'évaluation faite par Monsieur Z. est particulièrement lacunaire. Il s'agit d'un document de deux pages, très concis, sans aucune explication quant au calcul de la valeur du bien à la revente fixée à 95 800 euros (avec des frais d'agence de 12.000 euros). Le rédacteur - agent immobilier qui demande un mandat de vente - n'a pas joint les justificatifs de ses allégations (factures des derniers loyers, copie du bail, charges de copropriété.) et surtout n'a pas précisé quelle avait été la méthode d'évaluation du bien retenue se contentant d'affirmer que « les acheteurs potentiels de ce type de biens aujourd'hui se concentrent en priorité sur la rentabilité », estimant que celle-ci serait de 6 % brut (mais là encore sans apporter aucune explication à ce sujet). Ainsi, il n'a nullement mené une étude comparative avec d'éventuelles ventes réalisées dans la même résidence ou dans des résidences de même type. A tout le moins, au regard de l'importance des enjeux, il aurait convenu de faire intervenir un expert judiciaire dont le travail aurait pu répondre à certaines exigences.

D'autre part, les documents remis en 2007 aux investisseurs, intitulés « Etude d'investissement : LMNP trésorerie sur 20 ans - Le parc Aurélia » précisent expressément au bas de chacune de leurs pages « Document non contractuel et susceptible de changer », de sorte que les époux X. ne peuvent affirmer qu'ils pouvaient avoir la certitude que le bien acquis serait valorisé à un montant supérieur à 200.000 euros en sortie de projet, étant donné notamment qu'il est de notoriété publique que le marché immobilier connaît des fluctuations rendant incertaine toute projection.

L'existence d'une faute imputable à la SARL TASQUIN CONSEIL n'est pas rapportée, de sorte que la demande formée contre elle sera rejetée.

 

5) Sur les demandes accessoires :

Les dispositions du jugement portant sur la question des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE, succombant, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et à payer à Monsieur X. et Madame Y. épouse X. la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE sera déboutée de ses demandes présentées au titre des dépens et frais irrépétibles.

En revanche Monsieur X. et Madame Y. épouse X. seront condamnés aux dépens exposés à hauteur d'appel par la SARL TASQUIN CONSEIL, tout en rejetant les demandes formulées par Monsieur X. et Madame Y. épouse X. et la SARL TASQUIN CONSEIL sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les uns contre les autres.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 10 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Mulhouse en ce qu'il a :

« Déclaré irrecevable l'action en nullité des prêts immobiliers souscrits suivant offre acceptée le 22 mai 2007, et en restitution des sommes perçues par chacune parties de ce chef ;

Dit que la clause précitée relative à la charge du risque de change n'est pas abusive ;

Rejeté en conséquence la demande tendant à déclarer ladite clause « nulle et non écrite »

Déclaré irrecevable l'action aux fins d'indemnisation dirigée contre la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE pour manquement aux obligations d'information, et de conseil, pour cause de prescription »

Le confirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la demande de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE tendant à transmettre une question préjudicielle à la CJUE,

Déclare abusives et non écrites les clauses présentes contenues dans l'offre de prêt du 11 mai 2007 et reprises dans l'acte notarié de prêt du 15 juin 2007, à savoir :

* les 6 derniers alinéas des articles 5.3 et 6.3 du contrat qui énoncent :

« Tous remboursements en capital, paiements des intérêts et des commissions et cotisations d'assurance auront lieu dans la devise empruntée.

Les échéances seront débitées sur tout compte en devises ouvert au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du préteur.

La monnaie de paiement est l'euro, l'emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en euros les échéances au moment de leur prélèvement.

Les échéances seront débitées sur tout compte en devises (ou le cas échéant en euros) ouvert au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du préteur.

Les frais de garanties seront payables en euros.

Si le compte en devises ne présente pas la provision suffisante au jour de l'échéance, le préteur est en droit de convertir le montant de l'échéance impayée en euros, et de prélever ce montant sur tout compte en euros ouvert dans les livres du prêteur, au nom de l'emprunteur ou du coemprunteur. Le cours du change appliqué sera le cours du change tiré. »

* l'article 10.5 : « Il est expressément convenu que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro, qui pourrait intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt. »

Annule le contrat de prêts du 22 mai 2007,

Déclare Monsieur X. et Madame Y. épouse X. recevables en leur action restitutoire dirigée à l'encontre de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE,

Condamne Monsieur X. et Madame Y. épouse X. à restituer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE la contre-valeur en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds en 2007, de la somme prêtée,

Condamne la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE à restituer à Monsieur X. et Madame Y. épouse X., toutes les sommes qu'elle a perçues en exécution du prêt, soit la contre-valeur en euros de chacune des sommes perçues selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements,

Ordonne la compensation des sommes et assortit la somme résiduelle due de l'intérêt légal à compter de la signification du présent arrêt,

Condamne la partie débitrice de cette somme obtenue après compensation à la verser à l'autre partie,

Déclare recevable la demande de Monsieur X. et Madame Y. épouse X. en dommages et intérêts, en leur action dirigée contre la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE,

Déboute Monsieur X. et Madame Y. épouse X. de leur demande de dommages et intérêts,

Condamne la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE à payer à Monsieur X. et Madame Y. épouse X. la somme de 3.000 euros (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE de ses demandes au titre des dépens et frais irrépétibles,

Condamne Monsieur X. et Madame Y. épouse X. aux dépens exposés à hauteur d'appel par la SARL TASQUIN CONSEIL,

Déboute Monsieur X. et Madame Y. épouse X. de leur demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile contre la SARL TASQUIN CONSEIL,

Déboute la SARL TASQUIN CONSEIL de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile contre Monsieur X. et Madame Y. épouse X

La Greffière :                                                                       le Président :