CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 7 février 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10742
CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 7 février 2024 : RG n° 22/02367 ; arrêt n° 73/24
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Dès lors, la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation n'est pas soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil. »
2/ « Par arrêt du 9 juillet 2020 (C-698/18 et C-699/18), la CJUE a dit pour droit que l'article 2, sous b), l'article 6, § 1 et l'article 7, § 1 de la directive 93/13/CEE ainsi que les principes d'équivalence, d'effectivité et de sécurité juridique doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une interprétation juridictionnelle de la réglementation nationale selon laquelle l'action judiciaire en restitution des montants indûment payés sur le fondement d'une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel est soumise à un délai de prescription de trois ans qui court à compter de la date de l'exécution intégrale de ce contrat, lorsqu'il est présumé, sans besoin de vérification, que, à cette date, le consommateur devait avoir connaissance du caractère abusif de la clause en cause ou lorsque, pour des actions similaires, fondées sur certaines dispositions du droit interne, ce même délai ne commence à courir qu'à partir de la constatation judiciaire de la cause de ces actions.
S'agissant du respect du principe d'équivalence, il sera rappelé qu'en droit interne, le délai de prescription des actions en restitution, consécutives à l'annulation d'un contrat ou d'un testament, ne court qu'à compter de cette annulation, que cette annulation résulte de l'accord des parties ou d'une décision de justice (1ère Civ, 1er juillet 2015, n°14-20.369 ; 1ère Civ., 28 octobre 2015, n°14-17.893 ; 3ème Civ, 14 juin 2018, n°17-13.422 ; 1ère Civ, 13 juillet 2022 n°20-20.738).
S'agissant du principe d'effectivité, il serait contradictoire de déclarer imprescriptible l'action en reconnaissance du caractère abusif d'une clause et de soumettre la principale conséquence de cette reconnaissance à un régime de prescription la privant d'effet.
Il s'en déduit que le point de départ du délai de prescription quinquennale, tel qu'énoncé à l'article 2224 du code civil, de l'action, fondée sur la constatation du caractère abusif de clauses d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères, en restitution de sommes indûment versées doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses. (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 12 Juillet 2023, n° 22-17.030).
Concernant le moyen relatif à la sécurité juridique évoqué par la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Europe (page 8 de ses conclusions), il sera rappelé que : - la prohibition des clauses abusives remonte à la directive 93/13 CEE du Conseil du 5 avril 1993, applicable à tous les contrats conclus à compter du 1er janvier 1995, - cette directive a été transposée en droit interne par la loi n°95-96 du 1er février 1995, - la jurisprudence, tant européenne que nationale, n'a fait qu'interpréter les règles européennes et nationales relatives aux clauses abusives, dont elle a éclairé et précisé la signification et la portée, telles qu'elles auraient dû être comprises depuis leur entrée en vigueur. En conséquence, ces règles ainsi interprétées doivent être appliquées par le juge à tous les rapports juridiques nés et constitués postérieurement à cette entrée en vigueur, quand bien même ils l'ont été antérieurement à cette jurisprudence et seule la CJUE peut décider des limitations dans le temps à apporter à une telle interprétation (CJUE, 21 décembre 2016, C-154/15, C-307-15 et C-308-12), - la Cour européenne des droits de l'Homme juge que les exigences de la sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas de droit acquis à une jurisprudence constante (CEDH, 18 décembre 2008, Unédic c. France), - enfin, cette jurisprudence sur l'imprescriptibilité de l'action en reconnaissance du caractère abusif d'une clause d'un contrat et sur le point de départ du délai de prescription de l'action restitutoire ne présente pas d'inconvénients manifestement disproportionnés dès lors qu'elle ne prive pas la banque de son accès au juge et de son droit à un procès équitable mais d'une partie de sa rémunération et qu'elle est sans conséquence sur son droit de propriété.
En conséquence, l'action restitutoire engagée par M. Y. et Mme X. épouse Y., à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Europe, est recevable et l'ordonnance déférée sera infirmée en ce sens. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 7 FÉVRIER 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R. G. 1 A 22/02367. Arrêt n° 73/24. N° Portalis DBVW-V-B7G-H3R5. Décision déférée à la Cour : 16 juin 2022 par le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 1ère chambre civile.
APPELANTS :
Madame X. épouse Y.
[Adresse 3], [Localité 1]
Monsieur Y.
[Adresse 3], [Localité 1]
Représentés par Maître Nadine HEICHELBECH, avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître SCHAEFFER, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMÉE :
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 5] EUROPE
prise en la personne de son représentant légal [Adresse 2], [Localité 5], Représentée par Maître Laurence FRICK, avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître LUTZ, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 novembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller faisant fonction de Président, et Mme RHODE, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. ROUBLOT, Conseiller faisant fonction de Président, M. FREY, Conseiller, Mme RHODE, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par M. Philippe ROUBLOT, conseiller faisant fonction de président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Europe a consenti à Mme X. et M. Y. un prêt de 348.000 CHF, remboursable en une échéance de capital le 5 mars 2020, les intérêts et la cotisation d'assurance étant payables chaque mois.
Par acte d'huissier de justice signifié le 14 janvier 2020, ils ont assigné la Caisse en invoquant deux clauses abusives et en demandant sa condamnation à lui payer la somme de 86.000 euros en principal, correspondant à la différence entre la contre-valeur en euros de la somme empruntée de 348.000 CHF, au moment de l'octroi du prêt et la contre-valeur actuelle de cette somme.
Par ordonnance rendue le 16 juin 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg a :
- Déclaré prescrite l'action dirigée par M. Y. et Mme X. épouse Y. contre la CAISSE DU CRÉDIT MUTUEL [Localité 5] EUROPE ;
- Déclaré corrélativement irrecevables M. Y. et Mme X. épouse Y. en l'ensemble de leurs demandes ;
- Condamné M. Y. et Mme X. épouse Y. aux entiers frais et dépens de la procédure ;
- Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Dit que la décision est exécutoire par provision.
Mme X. épouse Y. et M. Y. ont interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 20 juin 2022.
La Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Europe s'est constituée intimée le 28 juin 2022.
Par arrêt du 31 mai 2023, la Cour d'appel de Colmar a ordonné un sursis à statuer, jusqu'à ce que la Cour de cassation ait rendu sa décision sur la demande d'avis sur la question du point de départ de la prescription de l'action restitutoire.
[*]
Dans ses dernières conclusions en date du 25 octobre 2023, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, Mme X. épouse Y. et M. Y. demandent à la cour de :
INFIRMER l'ordonnance du 16 juin 2022 du Juge de la mise en état des causes de la première chambre civile du Tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il a :
« - DECLARE prescrite l'action dirigée par M Y. et Mme X. épouse Y. contre la CAISSE DU CRÉDIT MUTUEL [Localité 5] EUROPE ;
- DECLARE corrélativement irrecevables M. Y. et Mme X. épouse Y. en l'ensemble de leurs demandes ;
- CONDAMNE M. Y. et Mme X. épouse Y. aux entiers frais et dépens de la procédure ;
- DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » ;
Et statuant à nouveau,
DECLARER la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Europe irrecevable, subsidiairement mal fondée en ses demandes de première instance tendant à voir 'déclarer la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action des demandeurs recevable et bien fondée' et 'déclarer l'action des demandeurs, en toutes ces dispositions, irrecevable en raison de l'indétermination de son objet et de la prescription', faute de distinguer entre les actions formées par Monsieur et Madame Y. ;
DECLARER Monsieur et Madame Y. recevables en leurs demandes ;
DEBOUTER, en conséquence, la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Europe de ses demandes ;
CONDAMNER la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Europe à payer à Monsieur et Madame Y. une indemnité de procédure de 5.000 € ainsi qu'au dépens de première instance et d'appel.
[*]
Dans ses dernières écritures déposées le 18 octobre 2023, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Europe demande à la cour de :
DECLARER l'appel mal fondé ;
REJETER l'appel ;
DEBOUTER les appelants de toutes leurs fins et prétentions ;
CONFIRMER l'ordonnance entreprise ;
CONDAMNER solidairement Monsieur et Madame Y. à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 5] EUROPE une indemnité de 4.000 € au titre de l'article 700 du CPC ;
CONDAMNER solidairement Monsieur et Madame Y. aux entiers frais et dépens d'appel.
[*]
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.
L'affaire a été évoquée à l'audience du 13 novembre 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la recevabilité de la demande présentée par la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Europe :
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En l'espèce, Mme X. épouse Y. et M. Y. demandent à la cour de déclarer la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Europe irrecevable en ses prétentions. Toutefois, aucun moyen n'est présenté au soutien de leur demande, qui ne pourra dès lors aboutir.
Sur la recevabilité de l'action déclaratoire :
L'article 7 § 1 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, prévoit que les États membres veillent à ce que, dans l'intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent, afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.
Par arrêts du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19 et C-609/19), la CJUE a dit pour droit que l'article 6, § 1 et l'article 7, § 1 de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur, aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur, à un délai de prescription.
Dès lors, la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation n'est pas soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.
En conséquence, l'action déclaratoire engagée par M. Y. et Mme X. épouse Y., à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Europe, est recevable et l'ordonnance déférée sera infirmée en ce sens.
Sur la recevabilité de l'action restitutoire :
L'article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans, à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Par arrêts du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19 et C-609/19), la CJUE a dit pour droit que l'article 6, § 1 et l'article 7, § 1 de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de telles clauses abusives, à un délai de prescription de cinq ans, dès lors que ce délai commence à courir à la date de l'acceptation de l'offre de prêt de telle sorte que le consommateur a pu, à ce moment-là, ignorer l'ensemble de ses droits découlant de cette directive. Elle a relevé que les modalités de mise en oeuvre de la protection des consommateurs prévue par la directive 93/13 ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d'équivalence), ni être aménagées de manière à rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile, l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union (principe d'effectivité).
S'agissant de l'opposition d'un délai de prescription à une demande introduite par un consommateur, aux fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de clauses abusives au sens de la directive 93/13, elle a rappelé avoir dit pour droit que l'article 6 § 1 et l'article 7 § 1 de cette directive ne s'opposent pas à une réglementation nationale qui, tout en prévoyant le caractère imprescriptible de l'action tendant à constater la nullité d'une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, soumet à un délai de prescription l'action visant à faire valoir les effets restitutifs de cette constatation, sous réserve du respect des principes d'équivalence et d'effectivité (CJUE, 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C-698/18 et C-699/18 ; CJUE, 16 juillet 2020, Caixabank et Banco [Localité 4] Vizcaya Argentaria, C-224/19 et C-259/19). Ainsi, l'opposition d'un tel délai n'est pas, en soi, contraire au principe d'effectivité, pour autant que son application ne rende pas, en pratique, impossible ou excessivement difficile, l'exercice des droits conférés par cette directive. En conséquence, un délai de prescription est compatible avec le principe d'effectivité uniquement si le consommateur a eu la possibilité de connaître ses droits avant que ce délai ne commence à courir ou ne s'écoule.
Par arrêt du 9 juillet 2020 (C-698/18 et C-699/18), la CJUE a dit pour droit que l'article 2, sous b), l'article 6, § 1 et l'article 7, § 1 de la directive 93/13/CEE ainsi que les principes d'équivalence, d'effectivité et de sécurité juridique doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une interprétation juridictionnelle de la réglementation nationale selon laquelle l'action judiciaire en restitution des montants indûment payés sur le fondement d'une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel est soumise à un délai de prescription de trois ans qui court à compter de la date de l'exécution intégrale de ce contrat, lorsqu'il est présumé, sans besoin de vérification, que, à cette date, le consommateur devait avoir connaissance du caractère abusif de la clause en cause ou lorsque, pour des actions similaires, fondées sur certaines dispositions du droit interne, ce même délai ne commence à courir qu'à partir de la constatation judiciaire de la cause de ces actions.
S'agissant du respect du principe d'équivalence, il sera rappelé qu'en droit interne, le délai de prescription des actions en restitution, consécutives à l'annulation d'un contrat ou d'un testament, ne court qu'à compter de cette annulation, que cette annulation résulte de l'accord des parties ou d'une décision de justice (1ère Civ, 1er juillet 2015, n°14-20.369 ; 1ère Civ., 28 octobre 2015, n°14-17.893 ; 3ème Civ, 14 juin 2018, n°17-13.422 ; 1ère Civ, 13 juillet 2022 n°20-20.738).
S'agissant du principe d'effectivité, il serait contradictoire de déclarer imprescriptible l'action en reconnaissance du caractère abusif d'une clause et de soumettre la principale conséquence de cette reconnaissance à un régime de prescription la privant d'effet.
Il s'en déduit que le point de départ du délai de prescription quinquennale, tel qu'énoncé à l'article 2224 du code civil, de l'action, fondée sur la constatation du caractère abusif de clauses d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères, en restitution de sommes indûment versées doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses. (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 12 Juillet 2023, n° 22-17.030).
Concernant le moyen relatif à la sécurité juridique évoqué par la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Europe (page 8 de ses conclusions), il sera rappelé que :
- la prohibition des clauses abusives remonte à la directive 93/13 CEE du Conseil du 5 avril 1993, applicable à tous les contrats conclus à compter du 1er janvier 1995,
- cette directive a été transposée en droit interne par la loi n°95-96 du 1er février 1995,
- la jurisprudence, tant européenne que nationale, n'a fait qu'interpréter les règles européennes et nationales relatives aux clauses abusives, dont elle a éclairé et précisé la signification et la portée, telles qu'elles auraient dû être comprises depuis leur entrée en vigueur. En conséquence, ces règles ainsi interprétées doivent être appliquées par le juge à tous les rapports juridiques nés et constitués postérieurement à cette entrée en vigueur, quand bien même ils l'ont été antérieurement à cette jurisprudence et seule la CJUE peut décider des limitations dans le temps à apporter à une telle interprétation (CJUE, 21 décembre 2016, C-154/15, C-307-15 et C-308-12),
- la Cour européenne des droits de l'Homme juge que les exigences de la sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas de droit acquis à une jurisprudence constante (CEDH, 18 décembre 2008, Unédic c. France),
- enfin, cette jurisprudence sur l'imprescriptibilité de l'action en reconnaissance du caractère abusif d'une clause d'un contrat et sur le point de départ du délai de prescription de l'action restitutoire ne présente pas d'inconvénients manifestement disproportionnés dès lors qu'elle ne prive pas la banque de son accès au juge et de son droit à un procès équitable mais d'une partie de sa rémunération et qu'elle est sans conséquence sur son droit de propriété.
En conséquence, l'action restitutoire engagée par M. Y. et Mme X. épouse Y., à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Europe, est recevable et l'ordonnance déférée sera infirmée en ce sens.
Sur les demandes accessoires :
Succombant, la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] EUROPE sera déboutée de ses demandes au titre des dépens et condamnée aux dépens des procédures de première instance et d'appel. L'ordonnance du juge de la mise en état sera infirmée en ce sens.
L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes présentées au titre de frais irrépétibles pour la procédure d'appel, la décision de première instance étant confirmée sur ce point.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme l'ordonnance rendue le 16 juin 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il a :
Déclaré prescrite l'action dirigée par M. Y. et Mme X. épouse Y. contre la CAISSE DU CRÉDIT MUTUEL [Localité 5] EUROPE ;
- Déclaré corrélativement irrecevables M. Y. et Mme X. épouse Y. en l'ensemble de leurs demandes ;
- Condamné M. Y. et Mme X. épouse Y. aux entiers frais et dépens de la procédure,
La confirme pour le surplus.
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Rejette la fin de non-recevoir présentée par M. Y. et Mme X. épouse Y.,
Déclare recevables M. Y. et Mme X. épouse Y. en leurs actions déclaratoire et restitutoire dirigées à l'encontre la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Europe,
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Europe aux dépens des procédures de première instance et d'appel,
Déboute la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Europe de sa demande relative aux dépens,
Déboute les parties de leurs demandes présentées au titre des frais irrépétibles.
La Greffière : Le Conseiller :