CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 20 février 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10748
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 20 février 2024 : RG n° 22/01785
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « La lettre de mission qui fixe le cadre contractuel des relations entre les parties, contient la clause suivante : « Si malgré les soins apportés à notre mission, un litige venait à opposer les parties à la présente, celles-ci s'engagent à rechercher en premier lieu un arrangement amiable puis en second lieu d'informer la commission Arbitrage de la Chambre des Indépendants du Patrimoine (suit l'adresse). Ce n'est qu'en cas d'échec de cet arrangement amiable que l'affaire serait alors portée devant les tribunaux judiciaires. » Cette même clause se retrouve dans la CDR signée le 18 décembre 2008 par Mme Y.
Ainsi que le relève la société Axyalis, le fait que « les parties s'engagent » implique une obligation, ce dont il résulte que cette clause de conciliation préalable à la saisine du juge est obligatoire et s'impose aux parties. En tout état de cause, la clause litigieuse ne se limite pas à prévoir « une simple information à une commission d'arbitrage et de discipline », ce point constituant la seconde étape du processus de conciliation préalable, la première étape étant clairement énoncée comme étant la recherche d'un arrangement amiable.
Ensuite, la qualification de clause abusive ne saurait s'appliquer à la clause en litige alors même qu’elle ne prive pas les parties d'exercer une action en justice en leur faisant obligation de passer uniquement par un mode alternatif de règlement des litiges. »
2/ « Mme Y. conclut que cette clause de conciliation préalable « liant la victime et l'assuré n'est pas invocable par l'assureur mis en cause dans le cadre d'une action directe ».
Nonobstant le fait que les MMA n'ont pas invoqué cette clause pour s'opposer à l'action directe initiée contre elles par Mme Y., seule la société Axyalis Patrimoine excipant de la non-recevoir tirée de cette clause pour dire l'irrecevabilité de l'action engagée à son encontre par Mme Y. ainsi qu'il en résulte du dispositif de ses conclusions, il n'en demeure pas moins que l'action directe de cette dernière contre les MMA ne se heurte pas à cette fin de non-recevoir qui leur est inopposable. Il est rappelé à cette fin que la recevabilité de l'action directe n'est pas subordonnée à l'appel en la cause de l'assuré par la victime et l’irrecevabilité des demandes formées par le tiers lésé à l'encontre de l'assuré responsable est sans incidence sur la recevabilité de son action directe contre l'assureur, s'agissant d'une action autonome. »
3/ « Il est constant que la société Axyalis Patrimoine est intervenue en qualité de conseil en gestion de patrimoine ainsi qu'en atteste la lettre de mission soumise à la signature de Mme Y., s'étant engagée à lui proposer une stratégie d'investissement et une stratégie de gestion ; cette société a toutefois orienté Mme Y. vers des produits à haut risque (Axyalis Coupons et Kairos) sans aviser celle-ci que la valeur de certaines actions figurant dans ces unités de compte étaient au moment de la souscription des avenants correspondants, était déjà inférieure au plancher fixé par ces deux produits, ce qui induisait dès la signature des arbitrages une perte en capital ; ces produits n'étaient pas adaptés au profil de risque de l'intéressée, qui bien que disposant d'un patrimoine conséquent, n'en étant pas moins un investisseur peu averti.
Les manquements de la société Axyalis Patrimoine à son devoir de conseil sont établis et engage sa responsabilité dans la réalisation du dommage de Mme Y., et les MMA ne concluent pas à un refus de garantie. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/01785. N° Portalis DBVM-V-B7G-LLHP. Appel d'une décision (RG n° 18/01959) rendue par le Tribunal judiciaire de Grenoble, en date du 28 février 2022, suivant déclaration d'appel du 30 avril 2022.
APPELANTE :
Mme X. épouse Y.
née le [Date naissance 1] à [Localité 9], de nationalité Française, [Adresse 4], [Localité 9], représentée et plaidant par Maître Cécile BOUCHET-FOUILLET, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉES :
SA MMA IARD
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2], [Localité 7]
SAS AXYALIS PATRIMOINE
prise en la personne de son Président, domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 5], [Localité 3]
LA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
représentée par son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 2], [Localité 7]
représentées par Maître Jean Damien MERMILLOD-BLONDIN de la SELARL JURISTIA - AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Maître Dounia HARBOUCHE, avocat au barreau de PARIS
SA SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 6], [Localité 8], représentée par Maître Julia MICHEL, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me BOURGOIN, avocat au barreau de PARIS Affina Legal - Association d'avocats (AARPI) Maître Xavier Périnne Avocat au Barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Catherine Clerc, président de chambre, Mme Joëlle Blatry, conseiller, Mme Véronique Lamoine, conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 27 novembre 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 6 février 2024, prorogé au 20 février 2024, Mme Clerc président de chambre chargé du rapport en présence de Mme Blatry, conseiller, assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile. Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SAS Axyalis Patrimoine, société de conseil en gestion de patrimoine, a notamment pour activité le courtage en assurance ainsi que le conseil en investissements financiers, et est assurée au titre de sa responsabilité professionnelle auprès de la société Covea Risks aux droits de laquelle se trouvent les sociétés MMA Iard et MMA assurances mutuelles (ci-après désignées les MMA)
Après une prise de contact le 18 décembre 2008 avec la société Axyalis Patrimoine par l'intermédiaire de l'un de ses conseillers, M. Z., Mme Y., retraitée, a rempli le même jour un questionnaire patrimonial.
Le 6 janvier 2009, Mme Y. a signé une lettre de mission pour définir les conditions d'intervention de la société Axyalis Patrimoine. Cette société a établi le 23 février 2009 le profil investisseur de Mme Y. qui s'est avéré correspondre à « une stratégie équilibrée ».
Le 3 mai 2010, à la suite d'une proposition d'investissement élaborée par la société Axyalis Patrimoine, Mme Y. a souscrit pour une durée de 8 ans un contrat d'assurance-vie multi-supports n° 0010030111001 assuré par la société Swisslife Assurance et Patrimoine, dénommé « Sélection R Oxygène », avec effet au 4 mai 2010, et a versé lors de cette souscription la somme de 170.000 € (hors frais de souscription de 5 % réduits à 1,5 %) qui a été investie sur une unité de compte (UC) POL2.
Le 2 juin 2010, à la suite d'un arbitrage, les fonds versés sur le support POL2 ont été désinvestis au profit du support Optimiz 8-14 %.
Mme Y. a effectué trois versements complémentaires en2010 :
- un versement brut de 69.045,34 € au profit de l'UC Adequity Eurostoxx, le 7 juillet 2010,
- un versement brut de 85.000 € au profit de l'UC Kalyxia, le 8 septembre 2010,
- un versement brut de 3.500 € au profit de l'UC Kalyxia, le 18 novembre 2020.
En exécution de son contrat, elle a bénéficié le 13 décembre 2010 d'un coupon de l'UC Optimiz 8-14 % d'un montant de 23.077,56 €.
Entre le 26 janvier et le 26 avril 2011, Mme Y. a signé plusieurs avenants d'arbitrage :
- avenant à effet du 26 janvier 2011, transfert de l'UC Optimiz 8-14 % d'une somme de 177.976,02 € sur l'UC Axyalis Coupons,
- avenant à effet au 28 janvier 2011, versement supplémentaire de 120.000 € dans l'UC Axyalis Coupons,
- avenant à effet au 26 avril 2011, désinvestissement de 20.000 € en fonds euros pour investir 19.740 € dans l'UC Axyalis Coupons.
Le produit SG Option Axyalis Coupons était présenté comme un instrument financier non garanti en capital indexé sur un panier de 5 actions françaises « choisies pour leur solidité financière et leur potentiel de croissance », (Schneider Electric, Société Générale, Saint Gobain, Carrefour et Vallourec) l'échéance de l'investissement étant fixée à 8 semestres, soit un paiement des coupons et le remboursement du capital au 9 juillet 2014, étant précisé que dans l'hypothèse où « à l'échéance des 8 semestres, au moins une action du panier enregistre une performance inférieure à [moins] 40 % depuis l'origine, l'investisseur ne reçoit donc pas de coupon et reçoit alors la valeur initiale de l'action la moins performante du panier soit 55 % ; il subit dans ce scénario une perte en capital », la brochure d'information sur ce produit énonçant qu'il s'agissait « d'un instrument financier non garanti en capital indexé sur un panier de 5 actions françaises offrant » la sécurisation de l'intégralité du capital initialement investi si aucune action du panier n'a enregistré une baisse supérieure à - 40 % à l'échéance
Le 6 juillet 2011, Mme Y. a bénéficié d'un coupon du support UC Axyalis Coupons de 22.913,52 € qui a été entièrement versé sur le fonds Euros.
Le 26 décembre 2011, elle a signé une lettre de mission de suivi patrimonial ayant pour objet de définir les conditions d'une assistance patrimoniale sur le long terme.
Mme Y. ayant signé de nouveaux avenants d'arbitrages, à savoir :
- avenant à effet au 19 janvier 2012, désinvestissement de 25.000 € en fonds euros au profit de Carmignac Patrimoine,
- avenant du 18 septembre 2012, désinvestissement de la totalité des fonds d'Adequity Eurotoxx 50 au profit de cinq nouvelles unités de compte (Carm Ptf Patriloine A Eur, Fidelity Gestion Equilibre Fund, M&G Optimal Income A', Mandarine Opportunité R, Renaissance Europe C/D)
Selon avenant du 16 avril 2013, elle a effectué un rachat partiel de 175.663,73 € net, en désinvestissant le fonds Euros, ainsi que Ia totalité des UC composant son allocation d'actifs à l'exception d'Axyalis Coupons.
Par lettre circulaire adressée à ses clients le 16 mai 2014, la société Axyalis Patrimoine a informé Mme Y. de l'effondrement de son placement en unités de compte sur le produit Axyalis Coupons et de l'absence de paiement des intérêts à la suite de la baisse de l'une des actions composant le panier, à savoir l'action Vallourec.
Lors d'un rendez-vous le 6 juin 2014, la société Axyalis Patrimoine a proposé à Mme Y. un arbitrage de la totalité des fonds placés sur Option Axyalis Coupons vers un autre support dénommé UC Kairos ; le 7 juin 2014, Mme Y. a suivi cette proposition en signant l'avenant portant transfert du solde des fonds de l'UC Option Axyalis Coupons, afin d'investir soit 138.015,52 € dans le produit Kairos.
A l'échéance du produit UC Kairos, au 30 décembre 2016, le résultat s'est élevé à 29.618,75 €.
Le 7 février 2017, Mme Y. procédait à un rachat partiel du contrat d'assurance vie Sélection Oxygène, puis à un rachat total le 29 mai 2019.
Par lettre recommandée avec AR du 15 novembre 2017 (réceptionné le 21 novembre suivant), Mme Y. a demandé des explications à la société Axyalis Patrimoine et lui a demandé si une solution d'indemnisation pouvait être mise en place.
Par courrier en réponse du 12 janvier 2018, la société Axyalis Patrimoine a opposé un refus aux demandes d'indemnisation.
Par actes extrajudiciaires des 16 et 17 avril 2018, Mme Y. a assigné la société Axyalis Patrimoine, les MMA et la société Swisslife Assurance et Patrimoine devant le tribunal de grande instance de Grenoble en réparation des dommages causés.
Par jugement contradictoire du 28 février 2022, le tribunal précité devenu tribunal judiciaire, a :
- dit irrecevables les demandes de nullité et de résolution des avenants d'arbitrage Optimiz 8-14% en date du 26 janvier 2011 et de souscription au produit Axyalis Coupons en dates des 28 janvier et 26 avril 2011, formulées par Mme Y.,
- dit recevables mais mal fondées les actions en nullité et en résolution de l'avenant de souscription au produit Kairos signé le 7 juin 2014 à effet du 18juin 2014,
- déclaré irrecevable, car prescrite, la demande indemnitaire formée au titre des avenants de souscription au produit Axyalis Coupons en dates des 28 janvier et 26 avril 2011 formulées par Mme Y., à l'exception du défaut de suivi,
- rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme Y. au titre du défaut de suivi du produit Axyalis Coupons souscrit par avenants des 28 janvier et 26 avril 2011,
- dit recevables mais mal fondées les demandes en résolution et indemnitaires présentées par Mme Y. au titre de l'avenant de souscription au produit Kairos en date du 7 juin 2014,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné Mme Y. à payer à la société Axyalis Patrimoine, les MMA et Swisslife assurance et patrimoine la somme de 700 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme Y. aux dépens, avec distraction au profit de Maître Mermillod Blondin, représentant la SELARL Juristia.
Par déclaration déposée le 30 avril 2022, Mme Y. a relevé appel du jugement sauf en ce qu'il a rejeté l'exécution provisoire de ce dernier.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions n°3 déposées le 16 octobre 2023 Mme Y. demande à la cour de' d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau, de :
- dire non écrites, ou subsidiairement annuler les clauses opposées par les sociétés Axyalis Patrimoine et MMA au soutien de leur fin de non-recevoir invoquant un préalable de conciliation,
- déclarer recevables les demandes de Mme Y.,
- annuler, ou à défaut résoudre :
- l'avenant d'arbitrage d'Optimiz 8/14 vers Axyalis Coupons à effet du 26 janvier 2011 conclu entre Swisslife Assurance et Patrimoine et Mme Y.,
- l'avenant de versement complémentaire vers Axyalis Coupons à effet du 28 janvier 2011 et condamner en conséquence la société Swisslife Assurance et Patrimoine à verser à Mme Y. la somme de 120.000 €,
- l'avenant d'arbitrage du fond euros vers Axyalis Coupons en date du 26 avril 2011,
- l'avenant d'arbitrage du produit Axyalis Coupons vers le produit Kairos à effet du 18 juin 2014,
- par suite de l'annulation ou de la résolution des avenants d'arbitrage sus-indiqués, qui implique un recalcul de la valeur de rachat total du contrat d'assurance-vie en cause, condamner la société Swisslife Assurance et Patrimoine à verser à Mme Y. une somme complémentaire de 350.000 € due au titre du rachat total du contrat d'assurance-vie Sélection R oxygène n°0010030111001,
- condamner in solidum, ou à défaut les unes ou les autres, les sociétés Axyalis Patrimoine, MMA et Swisslife Assurance et Patrimoine à verser à Mme Y. la somme de 450.000 € en réparation de son préjudice financier résultant des manquements ci-dessus exposés commis par Axyalis Patrimoine et Swisslife Assurance et Patrimoine lors de la souscription ainsi que dans l'exécution et le suivi des unités de compte Axyalis coupons et Kairos,
- condamner les sociétés intimées à lui payer in solidum la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de Me [M].
- débouter les parties adverses de l'ensemble de leurs demandes.
[*]
Dans ses dernières conclusions déposées le 26 octobre 2023 au visa des articles L. 114-1, L. 131-1, L. 132-27-1, R. 112-1, R. 131-1 du Code des assurances, 1109, 1134, 1147, 1184, 1304 et 1315 anciens, 2224 et 2232 du Code civil, L. 213-5 et L. 621-1 du Code monétaire et financier, la société Swisslife Assurance et Patrimoine entend voir la cour :
- déclarer Mme Y. mal fondée en son appel et l'en débouter, intégralement,
à titre principal, la déclarer bien fondée en son appel incident, y faisant droit, confirmer le déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :
- dit recevables mais mal fondées les actions en nullité et en résolution de l'avenant de souscription au produit Kairos signé le 7 juin 2014 à effet du 18 juin 2014,
- dit recevables mais mal fondées les demandes en résolution et indemnitaires
- présentées par Mme Y. au titre de l'avenant de souscription au produit Kairos en date du 7 juin 2014,
et statuant à nouveau,
- déclarer irrecevable car prescrite toute action et toutes demandes de Mme Y. en nullité, en résolution et indemnitaires au titre de l'avenant de souscription au produit Kairos,
à titre subsidiaire,
- confirmer le déféré en toutes ses dispositions,
en tout état de cause,
- déclarer irrecevable l'ensemble des demandes de Mme Y.,
- débouter Mme Y. de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la même à lui payer la somme de 5.000 € titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Julia Michel en application de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Dans ses dernières conclusions déposées le 27 octobre 2023 au visa des articles 122 du Code de procédure civile, 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil, la société Axyalis Patrimoine et les MMA entendent voir la cour :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré :
- l'action de Mme Y. à l'encontre de la société Axyalis Patrimoine recevable alors qu'elle n'a pas respecté la procédure de conciliation amiable obligatoire,
- les actions en nullité et en résolution de l'avenant de souscription au produit Kairos signé le 7 juin 2014 à effet du 18 juin 2014 recevables alors qu'elles étaient prescrites,
et statuant de nouveau,
à titre principal,
- déclarer la présente action de Mme Y. à l'encontre de la société Axyalis Patrimoine irrecevable pour cause de non-respect de la procédure de conciliation amiable obligatoire et donc rejeter son action,
à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait considérer l'action de Mme Y. recevable malgré |'absence de mise en œuvre de la procédure de conciliation amiable contractuellement prévue par les parties,
- déclarer irrecevables comme étant prescrites les demandes de nullité ou en résolution des avenants en date du 1er et 2 février 2011 et en date 2 mai 2011, Mme Y. ayant introduit son action par acte extrajudiciaire en date des 16 et 17 avril 2018, et par conséquent rejeter l'ensemble de ses demandes,
- déclarer irrecevables comme étant prescrites, la demande de nullité ou en résolution de l'opération d'arbitrage réalisée sur Kairos le 7 juin 2014 et par conséquent rejeter, comme étant irrecevables, l'ensemble des demandes de Mme Y.,
- déclarer irrecevables comme étant prescrites toutes les demandes de Mme Y. et par conséquent les rejeter,
à titre très subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel devait considérer l'action de Mme Y. recevable,
- débouter Mme Y. de sa demande de voir annuler, ou a défaut prononcer la résolution des avenants émis par Swisslife à la suite de ses arbitrages et versement complémentaire au pro't de l'unité de compte Axyalis coupons et à la suite de son arbitrage au profit de l'unité de compte Kairos,
- débouter Mme Y. de sa demande de voir condamner in solidum ou, a défaut Axyalis Patrimoine à lui verser la somme de 450.000 €, le préjudice allégué ne pourrait au maximum constituer, en tout état de cause, qu'une perte de chance, en l'espèce égale a zéro,
- débouter Mme Y. de toutes ses demandes,
à titre infiniment subsidiaire,
- condamner les MMA à garantir la société Axyalis Patrimoine de toutes condamnations mises à sa charge, en exécution de la police responsabilité civile professionnelle n°225732 précitée, déduction faite de la franchise de 3.000 €,
en tout état de cause,
- condamner Mme Y. à payer chacune d'elle la somme de 7.000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Mermillod Blondin représentant la SELARL Juristia en application de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2023.
Il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé exhaustif des moyens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes. Elle ne doit par ailleurs statuer que sur les prétentions figurant au dispositif des dernières conclusions d'appel des parties.
Sur la recevabilité de l'action de Mme Y. :
À l'égard de la société Axyalis Patrimoine :
La société Axyalis Patrimoine soutient que Mme Y. est irrecevable en son action pour ne pas avoir mis en œuvre la procédure de conciliation obligatoire contractuellement prévue entre les parties dans le Document d'entrée en relation (DER) signé par Mme Y. le 18 décembre 2008, cette disposition étant également rappelée dans la lettre de mission du 6 janvier 2009 signée par celle-ci.
La société Axyalis Patrimoine ajoute que Mme Y. n'est pas fondée à se prévaloir de la bonne exécution de cette clause en se prévalant du fait qu'elle aurait valablement saisi la Chambre des Indépendants du Patrimoine (CIP) devenue Chambre Nationale des Conseils en Gestion de Patrimoine (CNCGP) mais que celle-ci lui avait répondu n'être plus habilitée à mener des missions de médiation de consommation.
A cet effet, elle oppose que Mme Y. a inexactement saisi la CNCGP en vue d'une médiation de la consommation au sens des articles L. 661-1 et suivants du code de la consommation alors que la clause contractuelle qui lui est opposable est une clause de conciliation obligatoire entre les parties, préalablement à la saisine du juge.
Mme Y. réplique à hauteur d'appel que la clause ainsi invoquée ne saurait être assimilée à une procédure de conciliation obligatoire et qu'en tout état de cause elle a recherché une solution amiable et a saisi la CNCGP avant d'initier son action judiciaire ; elle ajoute que la clause litigieuse est une clause abusive qui doit être écartée s'agissant d'un litige entre un professionnel et un consommateur ; elle oppose également que la clause de conciliation liant la victime et l'assuré n'est pas invocable par l'assureur mis en cause dans le cadre d'une action directe.
Mme Y. ne reprend pas à hauteur d'appel ses moyens développés dans ses écritures de première instance sur le fondement de l'article L. 612-4 du code de la consommation dont la société Axyalis Patrimoine conteste le bien-fondé ; ce faisant, Mme Y. est réputée y avoir renoncé et la cour n'a pas à l'examiner.
[*]
La lettre de mission qui fixe le cadre contractuel des relations entre les parties, contient la clause suivante :
« Si malgré les soins apportés à notre mission, un litige venait à opposer les parties à la présente, celles-ci s'engagent à rechercher en premier lieu un arrangement amiable puis en second lieu d'informer la commission Arbitrage de la Chambre des Indépendants du Patrimoine (suit l'adresse). Ce n'est qu'en cas d'échec de cet arrangement amiable que l'affaire serait alors portée devant les tribunaux judiciaires. »
Cette même clause se retrouve dans la CDR signée le 18 décembre 2008 par Mme Y.
Ainsi que le relève la société Axyalis, le fait que « les parties s'engagent » implique une obligation, ce dont il résulte que cette clause de conciliation préalable à la saisine du juge est obligatoire et s'impose aux parties. En tout état de cause, la clause litigieuse ne se limite pas à prévoir « une simple information à une commission d'arbitrage et de discipline », ce point constituant la seconde étape du processus de conciliation préalable, la première étape étant clairement énoncée comme étant la recherche d'un arrangement amiable.
Ensuite, la qualification de clause abusive ne saurait s'appliquer à la clause en litige alors même qu’elle ne prive pas les parties d'exercer une action en justice en leur faisant obligation de passer uniquement par un mode alternatif de règlement des litiges.
D'autre part, il ne peut pas être sérieusement soutenu par Mme Y. qu'elle a exécuté la clause de conciliation préalable en recherchant une solution amiable et en ayant saisi la CNCGP avant d'initier son action judiciaire ; en effet, d'une part dans son courrier daté du 15 novembre 2018 adressé à la société Axyalis Patrimoine, elle réclamait à cette dernière ses explications et les éventuels documents sur lesquels elle s'était basée pour faire ses recommandations et l'interrogeait sur le fait de savoir si elle pensait mettre en place une solution d'indemnisation, sans requérir une conciliation, et d'autre part, la saisine de la CNCGP s'avère avoir été non conforme à la clause de conciliation, en ce que Mme Y. entendait lui voir confier une mission de médiation de consommation ainsi qu'il en résulte des termes du courrier en réponse de cet organisme.
Dès lors que la clause de conciliation préalable contractuellement prévue s'impose au juge dès lors que l'une des parties l'invoque, il y a lieu, sans plus ample discussion, d'infirmer le jugement déféré, les demandes de Mme Y. étant irrecevables à l'égard de la société Axyalis Patrimoine comme se heurtant à la fin de non-recevoir tirée de cette clause, procédure qu'elle n'a pas respecté préalablement à la délivrance de son assignation en justice.
À l'égard des MMA :
Mme Y. conclut que cette clause de conciliation préalable « liant la victime et l'assuré n'est pas invocable par l'assureur mis en cause dans le cadre d'une action directe ».
Nonobstant le fait que les MMA n'ont pas invoqué cette clause pour s'opposer à l'action directe initiée contre elles par Mme Y., seule la société Axyalis Patrimoine excipant de la non-recevoir tirée de cette clause pour dire l'irrecevabilité de l'action engagée à son encontre par Mme Y. ainsi qu'il en résulte du dispositif de ses conclusions, il n'en demeure pas moins que l'action directe de cette dernière contre les MMA ne se heurte pas à cette fin de non-recevoir qui leur est inopposable.
Il est rappelé à cette fin que la recevabilité de l'action directe n'est pas subordonnée à l'appel en la cause de l'assuré par la victime et l’irrecevabilité des demandes formées par le tiers lésé à l'encontre de l'assuré responsable est sans incidence sur la recevabilité de son action directe contre l'assureur, s'agissant d'une action autonome.
Si l'action directe de la victime, trouvant son fondement dans son droit à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que celui de son action contre le responsable et qu'il résulte des articles 2224 du code civil et L. 124-3 du code des assurances que l'action directe du tiers lésé à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité de la personne responsable se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, il n'en demeure pas moins que la fin de non-recevoir tirée de la prescription ne peut être relevée d'office par le juge même si le délai lui-même est d'ordre public.
Or, les MMA, au dispositif de leurs conclusions prises conjointement avec la société Axyalis Patrimoine, n'ont pas opposé la fin de non-recevoir tirée de la prescription à l'action directe initiée à leur encontre par Mme Y., la fin de non-recevoir tirée de la prescription n'ayant été soutenue que par la société Axyalis Patrimoine pour la défense de ses intérêts personnels.
L'action directe contre les MMA est donc jugée recevable.
À l'égard de la société Swisslife Assurance et Patrimoine :
Cette société qui est l'assureur du contrat et non pas le conseiller en gestion de patrimoine qui est la société Axyalis Patrimoine, oppose à bon droit la prescription de l'action de Mme Y. dirigée à son encontre.
Cette action découlant du contrat d'assurance vie est soumise à la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances, le point de départ de cette prescription étant le jour de souscription du contrat, ce qui est d'ailleurs rappelé à l'article 18 des conditions générales de ce contrat.
Il en résulte que quel que soit le fondement de l'action initiée à son égard (dol, erreur) par Mme Y., cette action est prescrite, dès lors que le contrat a été signé le 3 mai 2010 et que l'assignation a été délivrée les16 et 17 avril 2018, et ce même à retenir la prescription de droit commun de 5 ans.
L'action de Mme Y. à l'encontre de la société Swisslife Assurance et Patrimoine est donc irrecevable tant sur la responsabilité que sur la réparation du préjudice.
Sur le bien-fondé de l'action directe à l'encontre des MMA :
Il est constant que la société Axyalis Patrimoine est intervenue en qualité de conseil en gestion de patrimoine ainsi qu'en atteste la lettre de mission soumise à la signature de Mme Y., s'étant engagée à lui proposer une stratégie d'investissement et une stratégie de gestion ; cette société a toutefois orienté Mme Y. vers des produits à haut risque (Axyalis Coupons et Kairos) sans aviser celle-ci que la valeur de certaines actions figurant dans ces unités de compte étaient au moment de la souscription des avenants correspondants, était déjà inférieure au plancher fixé par ces deux produits, ce qui induisait dès la signature des arbitrages une perte en capital ; ces produits n'étaient pas adaptés au profil de risque de l'intéressée, qui bien que disposant d'un patrimoine conséquent, n'en étant pas moins un investisseur peu averti.
Les manquements de la société Axyalis Patrimoine à son devoir de conseil sont établis et engage sa responsabilité dans la réalisation du dommage de Mme Y., et les MMA ne concluent pas à un refus de garantie.
Le préjudice de Mme Y. qui réside dans la perte de chance de ne pas souscrire les produits Axyalis Coupons et Kairos, ne peut pas être égal au préjudice financier dont elle excipe ; la perte de chance indemnisable qui doit s'apprécier à l'époque des investissements, consiste en la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, et doit être mesurée à la chance perdue, ne pouvant pas être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s''était réalisée.
Tout investissement financier étant affecté d'un aléa ; il y a lieu d'arrêter cette perte de chance à 40 % au regard du profil d'investisseur de Mme Y. et de lui allouer en conséquence une indemnité de 115.000 € à la charge des MMA.
Le jugement querellé est en conséquence infirmé en ce sens.
Sur les mesures accessoires :
Succombant dans son recours, Mme Y. est condamnée aux dépens d'appel avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et conserve la charge de ses frais irrépétibles exposés devant la cour ; elle est dispensée en équité de verser une indemnité de procédure aux intimées.
Les mesures accessoires du jugement déféré sont confirmées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives aux mesures accessoires,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant,
Dit irrecevable l'action de Mme Y. née X. à l'encontre de la société Axyalis Patrimoine et la société Swisslife Assurance et Patrimoine,
Dit l'action directe de Mme Y. née X. recevable et bien fondée à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA assurances mutuelles,
Condamne les sociétés MMA Iard et MMA assurances mutuelles à payer à Mme Y. née X. la somme de 115.000 € à titre de dommages et intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne Mme Y. née X. aux dépens d'appel avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE