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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 5 mars 2024

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 5 mars 2024
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 22/02606
Date : 5/03/2024
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 5/07/2022
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10749

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 5 mars 2024 : RG n° 22/02606

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Il se déduit du dispositif des écritures des appelants, mélangeant moyens et prétentions, que ceux-ci soutiennent tout à la fois devant la cour : - la « réformation » du jugement déféré pour violation du contradictoire, - l'inexistence des contrats définitifs de prêts, - la déchéance du droit aux intérêts du chef de l'irrégularité du TEG et la non-remise de la notice d'information sur les modalités de variation du taux d'intérêt, - la nullité de la déchéance du terme et de la résiliation des contrats de prêt, - le dol commis par le Crédit Agricole dans l'application du taux Euribor et son exécution de mauvaise foi des contrats de prêts, - la réduction de l'indemnité de 7 % des prêts, - l'octroi de délais de paiement avec effet rétroactif, - la responsabilité du Crédit Agricole dans le refus de prise en charge du remboursement des prêts par l'assurance invalidité et la compensation de l'indemnité due à ce titre avec la dette. […] Il y a lieu, dans un souci de logique juridique d'examiner en premier lieu la prétention tirée de la violation du contradictoire, puis celle de « l'inexistence » des contrats définitifs de prêts, et enfin celle relative à la régularité du prononcé de la déchéance du terme, avant de statuer plus avant sur les autres prétentions des appelants. »

2/ « Pour dénoncer l'irrégularité du prononcé de la déchéance du terme dans les deux prêts, M. et Mme X. affirment avoir sollicité et obtenu l'accord du Crédit Agricole pour moduler à la baisse leurs remboursements, à savoir qu'ils ont payé au titre des échéances des deux prêts la somme globale de 1.080 € jusqu'en août 2018 (disant également août 2019 en page 27 de leurs écritures), soutenant ainsi que les « paiements partiels de 2018 étaient parfaitement possibles sans entraîner la résiliation » même « en dehors d'une demande strictement formelle » de modulation.

Pour autant, leurs allégations sont faites sans offre de preuve quant à l'existence d'une demande de modulation dans les délais contractuellement prévus (cette initiative leur incombant selon les conditions générales des contrats de prêt) et quant à l'accord du Crédit Agricole (les conditions générales précitées enfermant l'exercice de cette option de modulation dans un cadre bien précis, dont notamment le fait pour l'emprunteur d'être à entièrement à jour de ses remboursements, un refus pouvant même être opposé si le prêteur estime que les nouvelles charges de remboursement qui découleraient de l'option modulation échéance seraient incompatibles avec les ressources de l'emprunteur). Ces allégations se heurtent de plus fort aux mises en demeure adressées par le Crédit Agricole dès le 30 mars 2018 pour réclamer paiement des échéances impayées dans un délai de 15 jours, cette mise en demeure démontrant sa non-acceptation de la minoration des échéances opérée unilatéralement par les emprunteurs conduisant à des échéances impayées.

Enfin, c'est vainement que les appelants disent abusive cette clause de modulation en opposant qu'ils ne peuvent pas exercer cette option ni moduler le règlement des échéances étant de simples particuliers non informés de l'évolution de l'indice Euribor ; en effet, outre le fait qu'ils concluent ainsi contre leurs intérêts et se contredisent (à savoir qu'une clause abusive est en droit réputée non écrite ce qui priverait d'effet leurs moyens de défense au prononcé de la déchéance du terme en tant que fondés sur la modulation à la baisse de leurs mensualités), cette prétention ne saisit pas la cour en tant que n'étant pas reprise au dispositif de leurs dernières conclusions d'appel. »

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 5 MARS 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/02606. N° Portalis DBVM-V-B7G-LOCI. Appel d'une décision (RG n° 19/02626) rendue par le Tribunal judiciaire de Grenoble, en date du 30 mai 2022, suivant déclaration d'appel du 5 juillet 2022.

 

APPELANTS :

M. X.

né le [Date naissance 2] à [Localité 6] (pays), de nationalité Française, [Adresse 5], [Adresse 5]

Mme Y. épouse X.

née le [Date naissance 1] à [Localité 7], de nationalité Française, [Adresse 4], [Adresse 4]

représentés par Maître Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE

 

INTIMÉE :

LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHÔNE ALPES

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 3], [Adresse 3], représentée par Maître Pascale MODELSKI de la SELARL EYDOUX MODELSKI, avocat au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Catherine Clerc, président de chambre, Mme Joëlle Blatry, conseiller, Mme Véronique Lamoine, conseiller

DÉBATS : A l'audience publique du 19 décembre 2023, Mme Clerc président de chambre chargé du rapport, assistée de Mme Anne Burel, greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile. Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. X. et Mme Y. épouse X. ont obtenu pour financer l'acquisition en VEFA d'un appartement destiné à devenir leur résidence principale, deux prêts auprès de la Caisse de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes (ci-après désigné le Crédit Agricole), à savoir,

- selon offre préalable acceptée le 19 mai 2008, un prêt immobilier n° 11XXX2 d'un montant de 220.000 € d'une durée de 240 mois, hors anticipation (durée maximum 36 mois) cette période hors anticipation se décomposant en deux périodes, la première de 84 mois au taux d'intérêt annuel initial fixe de 4,34 %, la seconde de 156 mois au taux d'intérêt annuel révisable selon l'index Euribor 3 mois, le taux effectif global (TEG) s'établissant à 4,6986 % l'an et à 4,6702 % l'an en tenant compte de l'anticipation maximum,

- selon offre préalable acceptée le 15 mars 2010, un prêt immobilier n° 33YYY6 d'un montant de 32.000 € d'une durée de 180 mois hors anticipation (durée maximum 36 mois), cette période hors anticipation se décomposant en deux périodes, la première de 84 mois au taux d'intérêt annuel initial fixe de 3,30 %, la seconde de 96 mois au taux d'intérêt annuel révisable selon l'index Euribor 3 mois, le TEG s'établissant à 3,9584 % l'an et à 3,8908 % l'an en tenant compte de l'anticipation maximum,

Ces deux prêts étaient garantis par une assurance décès invalidité souscrite auprès de la CAMCA Assurance, contrat d'assurance groupe du Crédit Agricole.

Le remboursement des deux prêts n'étant plus assuré, le Crédit Agricole a, par courriers recommandés avec AR du 30 mars 2018 (réceptionné le 10 avril 2018 par M. X. ; non distribué à Mme X. pour défaut d'accès ou d'adressage), mis en demeure chacun des emprunteurs de régler la somme de 4.508,49 € au titre des échéances impayées, et ce, dans un délai de 15 jours à peine de déchéance du terme.

Il a, par courriers recommandés avec AR du 13 février 2019 (réceptionné le 20 février suivant par M. X. et le 16 février suivant par Mme X.) notifié à l'égard de chacun des emprunteurs, la déchéance du terme des deux prêts immobiliers et les a mis en demeure de s'acquitter de la somme de 170.027,11 € au titre des deux prêts.

Suivant acte extrajudiciaire du 17 juin 2019, le Crédit Agricole a assigné en paiement M. et Mme X. devant le tribunal de grande instance de Grenoble.

Par jugement contradictoire du 30 mai 2022, le tribunal précité devenu tribunal judiciaire a :

- déclaré recevable la demande reconventionnelle de déchéance du droit aux intérêts conventionnels s'agissant d'un moyen soulevé en défense,

- au fond, l'a rejetée ainsi que la demande subséquente de remboursement des intérêts perçus (demande en remboursement formulée au titre du dol),

- condamné in solidum M. et Mme X. à payer au Crédit Agricole

* la somme de 166.511,60 € au titre du prêt n° 11XXX2 assortie des intérêts au taux contractuel à compter du 19 janvier 2021,

* la somme de 17.226,98 € au titre du prêt n° 33YYY6 assortie des intérêts au taux contractuel à compter du 19 janvier 2021,

- rejeté la demande de capitalisation des intérêts,

- débouté M. et Mme X. de leurs demandes de réduction de la clause pénale, de délai et d'indemnisation au titre du défaut de prise en charge par l'assurance caution,

- condamné in solidum M. et Mme X. à payer au Crédit Agricole la somme de 800 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. et Mme X. aux dépens,

- débouté le Crédit Agricole de sa demande d'intégration dans les dépens de frais d'inscription hypothécaire,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 5 juillet 2022, M. et Mme X. ont relevé appel de ce jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable leur demande reconventionnelle de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

[*]

Dans leurs dernières écritures d'appel déposées le 28 mars 2023 sur le fondement des articles 1907, 1134, 1184, 1244-1, 1152 devenu 1235-1, 1147 et 1116 du code civil, R. 632-1, L. 312-23, L. 312-8, L. 312-33, L. 313-1, L. 313-2, L. 341- 48-1, L. 314-5, L. 312-21, L. 312-22 du code de la consommation, 14 et 23 de la directive n° 2008-48 du 23 avril 2018, M. et Mme X. entendent voir la cour' (dispositif repris in extenso) :

- réformer le jugement du 30 mai 2022 sur tous les chefs déférés à la cour d'appel,

I - Réformer sur la demande en paiement jugée mal fondée du Crédit Agricole,

- juger, vu l'article R. 632-1 du code de la consommation, qu'il n'y avait pas de contrats de prêts définitifs et que les tableaux d'amortissement théoriques ne remplissaient pas les obligations du code de la consommation,

par conséquent,

- débouter le Crédit Agricole de ses demandes,

- débouter le Crédit Agricole de l'intégralité de ses demandes relatives aux prêts en cause et de toutes ses demandes de condamnation à leur encontre,

1. réformer sur la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels,

- juger la réformation le jugement sur le fondement de l'article 16 du code de procédure civile, ainsi que l'intégralité des dispositions du code de la consommation, le contradictoire ayant manifestement été violé faute de communication des actes notariés du 6 octobre 2008 et 17 octobre 2008, ainsi que celui du 12 décembre 2008 qui n'étaient pas versés aux débats par le Crédit Agricole comme pièces,

- juger que le défaut d'une remise d'une notice, en violation à l'article L. 312-8 2èmement du code de la consommation, entraîne l'annulation des stipulations relatives au taux des intérêts et du TEG et réformer le jugement,

par conséquent,

- prononcer l'annulation des stipulations relatives au taux des intérêts et du TEG,

- juger, vu les articles L. 312-8, L. 312-33, L. 313-1, L. 313-2 du code de la consommation, que sont ajoutés aux intérêts tous les frais et constater l'omission du Crédit Agricole dans le calcul du TEG des frais relatifs à l'assurance décès et des frais notariés ainsi que des frais relatifs à la souscription d'une caution mutuelle et dire le TEG erroné ce qui a fait varier le TEG de plus d'une décimale,

- juger vu les articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation que le caractère erroné du TEG dans l'offre de prêt est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge,

par conséquent,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion de la cour fixera,

a. la réformation du jugement s'agissant du TEG du prêt du 19 mai 2008,

- juger vu le défaut de notice et le défaut de mention du TEG dans l'acte authentique,

- juger que le calcul du TEG du prêt n° 11XXX2 n'est pas conforme aux dispositions légales puisqu'il n'intégrait pas le coût de la CAMCA, caution mutuelle, ni le coût prévisionnel de l'acte notarié et que le TEG est totalement irrégulier,

par conséquent, réformer le jugement en ce sens,

- prononcer la déchéance du droit à intérêts pour 88.904,79 €, et juger que cette somme doit s'imputer sur le capital,

b. s'agissant du TEG du prêt du 15 mars 2010,

- juger que le calcul du TEG du prêt 33046 n'est pas régulier au regard de l'ensemble des dispositions du code de la consommation et faute de notice,

par conséquence, réformer le jugement en ce sens,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts et dire que ceux-ci s'imputeront sur le capital,

- prononcer a minima la déchéance du droit aux intérêts et des deux prêts en raison des manquements constatés dans le TEG, en raison du défaut d'intégration notamment de la caution CAMCA,

- juger déchue l'intégralité des intérêts dus au titre des 2 prêts,

c. s'agissant du défaut de remise de la notice d'information sur les modalités de variation du taux d'intérêts, réformer le jugement,

- juger, vu l'article L. 312-8 du code de la consommation, la réformation du jugement et prononcer la déchéance de tous les intérêts contractuels faute d'avoir remis une notice suffisante dès l'offre de prêt et aucune n'était jointe à l'acte de prêt,

- juger vu les articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation que le défaut de notice est sanctionné par la déchéance du taux des intérêts,

- juger que l'intégralité des intérêts perçus et non contestés sont irréguliers et seront imputés sur le capital,

- juger que la somme totale irrégulièrement imputée pour un montant de 59.651,69 € pour les périodes jusqu'en mai 2015 et 29.251,10 € depuis qu'Euribor est devenu négatif en 2015 soit au total la somme de 88.904,79 €,

par conséquent, réformer le jugement,

- prononcer la déchéance du droit à intérêts pour 88.904,79 € et juger que cette somme doit s'imputer sur le capital restant dû,

- renvoyer par arrêt avant dire droit le Crédit Agricole à calculer après imputation de la somme de 89.000 € d'intérêts illégalement pratiqués à rétablir un décompte conforme aux règles légales,

d. sur la demande de remboursement des intérêts au titre du dol, réformer le jugement,

- juger vu l'article 1116 du code civil que le fait que le Crédit Agricole soit intervenu pour une manipulation illicite du taux Euribor est un dol et qu'il existait bien un dol tant au stade de la formation du contrat qu'au stade de l'exécution de celui-ci par les manipulations du taux effectuées par le Crédit Agricole,

- juger que les articles 14 et 23 de la directive n° 2008-48 CE du 23 avril 2018 sont applicables au litige,

- juger, vu l'article 1116 du code civil, favorable leur demande de dommages et intérêts contractuels formée à la même hauteur que les intérêts irrégulièrement prélevés soit 88.904,79 €,

par conséquent,

- réformer le jugement sur ce point,

vu les articles L. 341-48-1 et L. 314-5 du code de la consommation,

- condamner le Crédit Agricole à payer une somme de 88.904,79 € au titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1147 du code civil,

- juger que les sommes indûment perçues au titre des intérêts sont elles-mêmes productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal compter du jour de leur versement conformément aux dispositions du code de la consommation,

2. réformer le jugement sur la déchéance du terme et l'exigibilité des prêts,

- juger, vu l'article 1134 du code civil, qu'il n'y avait plus d'intérêts qui pouvait (sic) courir au regard d'Euribor et devaient être purement et simplement portés à zéro depuis 2015,

- juger vu l'article 1134 du code civil qu'il y avait un dol au stade de l'exécution du contrat et le devoir d'information du banquier, ainsi que l'exécution de bonne foi des conventions qui imposaient d'indiquer à l'emprunteur qu'il y avait des facultés de modulation devant la baisse constatée des taux d'intérêts,

- juger, vu les articles 1134 et 1134 alinéa 2 du code civil, qu'ils, en toute bonne foi, pouvaient effectuer une modulation contractuelle,

- juger vu les articles 1134 et 1184 du code civil que la clause de déchéance n'a pas été mise en cause de bonne foi par le Crédit Agricole,

par conséquent, réformer le jugement,

- annuler la déchéance et la résiliation prononcées et les déclarer inopposables,

en conséquence, dire que la déchéance du terme n'a pu jouer, ni n'a été exercé de bonne foi par le Crédit Agricole,

- juger la clause résolutoire suspendue et sans cause, et vu l'article 1244-1 allouer des délais rétroactifs de deux ans parfaitement justifiés vu la bonne foi des débiteurs,

II - Sur la demande de réduction des pénalités contractuelles, réformer le jugement qui n'a pas réduit la clause pénale à hauteur de 7 % des prêts manifestement excessive,

- juger vu l'article 1152 devenu 1235-1 du code civil,

- juger la clause pénale excessive et non justifiée en l'espèce,

par conséquent,

- réformer le jugement en ce sens,

- juger que l'indemnité de recouvrement est une clause pénale et en tout état de cause réductible conformément aux dispositions de l'article 1152 du code civil applicables en l'espèce puisqu'il est manifeste que rajouter aux difficultés financières des emprunteurs des sommes totalement fictives qui font en outre double emploi avec le paiement des dépens ou d'un éventuel article 700 du code de procédure civile est manifestement excessif,

- réduire la clause pénale à 1 € symbolique,

III - Réformer le jugement sur la demande de délais de paiement sur le fondement de l'article1244 du code civil,

- juger qu'ils pourront reprendre le paiement de la somme de 1.100 € par mois dès l'acceptation du Crédit Agricole ou l'arrêt à intervenir et apurer l'arriéré sur un délai de 24 mois avec reprise des crédits en capital, aucun intérêt n'était dû,

- juger, vu les articles L. 312-21 et L. 312-22 du code de la consommation, qu'aucune indemnité de recouvrement, ni aucun autre coût que ceux mentionnés à ces articles ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance,

par conséquent,

- allouer des délais et réduire la clause pénale à 1 € symbolique,

- allouer en tout état de cause des délais rétroactifs sur le fondement article 1244-1 du code civil et réduire à 1 € symbolique les clauses pénales dites de recouvrement manifestement excessif en l'espèce,

V - Sur la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles d'indemnisation de 50.000 € au titre du défaut de prise en charge par l'assurance invalidité et la compensation avec la dette,

- juger, vu l'article 1147 du code civil, responsable contractuellement le Crédit Agricole qui n'a pas centralisé les déclarations d'arrêts de travail et d'invalidité de M. X. et que de ce fait les garanties d'assurances de prêts n'ont pas pu jouer,

par conséquent,

- condamner, vu l'article 1147 du code civil, le Crédit Agricole à leur payer à titre de dommages et intérêts la somme de 50.000 €, la responsabilité du banquier étant incontestable de ce fait,

- ordonner compensation judiciaire,

VII - Réformer le jugement en ce qu'il n'y a pas lieu à les condamner à une quelconque somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile en l'état leurs difficultés de santé, cela étant inéquitable,

par conséquent,

- débouter le Crédit Agricole de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le Crédit Agricole à leur payer une somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- confirmer la décision en ce que les frais de l'hypothèque judiciaire n'ont pas à être jugés dans l'instance principale.

[*]

Par dernières conclusions déposées le 29 décembre 2022 sur le fondement des articles 1134 et 1244-1 anciens du code civil, 122 du code de procédure civile, et sous réserve des dispositions de l'article 12 du code de procédure civile, le Crédit Agricole demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a exclu des dépens les frais d'inscription hypothécaire et par voie de conséquence,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'intégration dans les dépens de frais d'inscription hypothécaire,

et ainsi,

- juger recevable et bien fondée ses demandes,

- débouter M. et Mme X. de l'ensemble de leurs demandes comme étant irrecevables et, à tout le moins, non fondées,

- juger les offres de prêts régulières,

- juger que M. et Mme X. ne démontrent pas que leur consentement aurait vicié par le concluant,

- juger qu'il a exécuté de bonne foi le contrat de prêt immobilier litigieux, et n'a ainsi commis aucune faute de quelque nature que ce soit,

- juger en tout état de cause que M. et Mme X. ne rapportent pas la preuve qu'ils auraient pu contracter à de meilleures conditions, ni de leur éventuel préjudice, pas plus que du lien de causalité entre la prétendue faute et leur préjudice,

- débouter M. et Mme X. de leur demande de dommages-intérêts,

- juger irrecevables car prescrites les demandes de M. et Mme X. relatives au TEG des deux contrats de prêts,

à défaut,

- débouter M. et Mme X. de leur demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels, les TEG étant parfaitement réguliers, le concluant ayant rempli l'ensemble de ses obligations,

subsidiairement,

- juger que M. et Mme X. ne justifient d'aucun préjudice, et les ainsi les débouter de leur demande de déchéance du droit aux intérêts,

- juger régulière la déchéance du terme, du fait de la défaillance des emprunteurs, et par voie de conséquence,

- débouter M. et Mme X. de leur demande de nullité et d'inopposabilité de la déchéance du terme,

- juger que les indemnités contractuelles ne peuvent être qualifiées de clause pénale, et que, de surcroît, ni M. X. ni Mme X. ne rapportent la preuve du caractère excessif des indemnités, et en conséquence, les débouter de leur demande de réduction à néant des indemnités contractuelles,

- condamner solidairement M. et Mme X. à lui payer les sommes de :

* 166.511,60 € au titre du prêt n°11XXX2, outre intérêts contractuels postérieurs au 19 janvier 2021, date du décompte de créance,

* 17.226,98 € au titre du prêt n° 33YYY6, outre intérêts contractuels postérieurs au 19 janvier 2021, date du décompte de créance,

- débouter M. et Mme X. de leur demande de délai de paiement,

à titre subsidiaire, si des délais étaient accordés, juger que M. et Mme X. seraient tenus de s'acquitter de leur dette en 24 mensualités,

- juger que sa créance continuerait à produire intérêts au taux contractuel,

- juger que l'intégralité de sa créance redeviendrait immédiatement et de plein droit exigible, sans formalité dès le premier incident de paiement, ou retour à meilleur fortune,

- condamner solidairement les mêmes au paiement d'une somme de 4.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens qui comprendront les frais d'inscription hypothécaire,

- ordonner la capitalisation des intérêts.

[*]

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2023.

Il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Compte tenu de la date des contrats de prêt, le litige est soumis aux dispositions du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et de la loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018 et il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi n ° 2010-737 du 1er juillet 2010 applicable au 1er mai 2011.

Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes. Elle ne doit par ailleurs statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions d'appel des parties et les « demandes » tendant à voir « juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

A cet égard, la cour relève que les protestations du Crédit Agricole au sujet de la demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire formulée par M. et Mme X. sont sans objet, cette prétention ne figurant plus au dispositif des dernières conclusions d'appel de ces derniers qui sont donc réputés y avoir renoncé.

Il se déduit du dispositif des écritures des appelants, mélangeant moyens et prétentions, que ceux-ci soutiennent tout à la fois devant la cour :

- la « réformation » du jugement déféré pour violation du contradictoire,

- l'inexistence des contrats définitifs de prêts,

- la déchéance du droit aux intérêts du chef de l'irrégularité du TEG et la non-remise de la notice d'information sur les modalités de variation du taux d'intérêt,

- la nullité de la déchéance du terme et de la résiliation des contrats de prêt,

- le dol commis par le Crédit Agricole dans l'application du taux Euribor et son exécution de mauvaise foi des contrats de prêts,

- la réduction de l'indemnité de 7 % des prêts,

- l'octroi de délais de paiement avec effet rétroactif,

- la responsabilité du Crédit Agricole dans le refus de prise en charge du remboursement des prêts par l'assurance invalidité et la compensation de l'indemnité due à ce titre avec la dette.

Le Crédit Agricole soutient à titre liminaire l'irrecevabilité de leurs demandes, faisant valoir à cette fin qu'ils ont fait l'aveu judiciaire de leur dette en concluant dans leurs écritures n°1 de première instance à l'octroi de délais de paiement pour s'acquitter des sommes dues, au constat qu'il n'y avait pas lieu à résiliation des prêts et à l'octroi au besoin de délais rétroactifs pour suspendre la clause résolutoire des prêts.

Ce qui ne peut être retenu, M. et Mme X. ayant abandonné ces prétentions dans leurs dernières conclusions de première instance.

Il y a lieu, dans un souci de logique juridique d'examiner en premier lieu la prétention tirée de la violation du contradictoire, puis celle de « l'inexistence » des contrats définitifs de prêts, et enfin celle relative à la régularité du prononcé de la déchéance du terme, avant de statuer plus avant sur les autres prétentions des appelants.

 

Sur la violation du contradictoire par le premier juge :

M. et Mme X. soutiennent que le premier juge a statué en méconnaissance des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile en faisant référence dans sa décision aux actes notariés des 6 et 17 octobre 2008 et à celui du 12 décembre 2008 alors « qu'ils n'étaient pas versés aux débats par le Crédit Agricole comme pièces » pour conclure à la réformation de ce chef du jugement déféré.

Outre le fait que la sanction dans un tel cas ne serait pas la réformation mais l'annulation du jugement, il apparaît que M. et Mme X. ont eux-mêmes mis dans le débat l'acte notarié du 12 décembre 2008 (leur pièce n°10 selon le bordereau de communication de pièces annexés à leurs conclusions n°6 de première instance signifiées le 6 décembre 2021 et elles-mêmes communiquées en appel par les appelants sous le n°25), la cour relevant en outre qu'à la page 2 de cet acte notarié en son paragraphe « exposé préalable », il était mentionné que « la vente objet des présentes, fait suite à un acte aux présentes minutes en date du 6 octobre 2008, suivi d'un acte complémentaire en date du 17 octobre 2008. Le tout publié au 3ème bureau des hypothèques de [Localité 7] le 6 novembre 2008 volume 2008 P numéro 6427. »

Ainsi, c'est sans violer le principe du contradictoire que le premier juge a pu viser dans son jugement l'existence de ces trois actes notariés dès lors qu'avait été communiqué au débat celui du 12 décembre 2008 contenant référence aux deux autres, peu important que cette production soit le fait de M. et Mme X. et non pas du Crédit Agricole.

 

Sur « l'inexistence de contrats de prêts définitifs » :

M. et Mme X. entendent voir la cour juger, au regard des dispositions de l'article R. 632-1 du code de la consommation, « qu'il n'y avait pas de contrats de prêts définitifs et que les tableaux d'amortissement théoriques ne remplissaient pas les obligations du code de la consommation », développant à cette fin (moyens repris tels quels) que les offres de prêt n'ont jamais été formalisées par un acte de prêt définitif, que ce n'est que par l'émission postérieure d'une simple page intitulée « document contrat de prêt » que le Crédit Agricole a fait croire au tribunal en première instance qu'il y avait un contrat de prêt finalisé, que pour l'un des prêts il n'y avait qu'un tableau d'amortissement théorique et pour l'autre, il était présenté a posteriori un tableau d'amortissement prétendu depuis son origine qui n'était pas un document contractuel mais qui avait en réalité été intégré a posteriori.

Il est établi sans aucune équivoque que M. et Mme X. ont reconnu avoir reçu l'offre de prêt immobilier n° 11XXX2 par voie postale le 28 avril 2008 et l'ont acceptée à partir du 11ème jour de sa réception, à savoir le 19 mai 2008.

Ils ont de la même manière reconnu avoir reçu l'offre de prêt immobilier n° 33YYY6 par voie postale le 3 mars 2010 et l'avoir acceptée après le 11ème jour de cette réception, soit le 15 mars 2010.

L'absence de caractère réel des prêts immobiliers conduit à retenir que les deux contrats de prêt ont été valablement formés par l'acceptation des offres de crédit par M. et Mme X., sans que leur réitération en la forme authentique soit nécessaire pour valider leur existence ; par ailleurs, M. et Mme X. ne contestent pas avoir reçu les fonds correspondant à ces deux contrats de prêt, cette remise de fonds constituant le premier acte d'exécution de ces contrats.

Enfin, chacune des offres de prêt était accompagnée d'un tableau d'amortissement depuis l'origine du prêt ainsi que les emprunteurs ont reconnu avoir reçu en signant les offres de prêt.

Sans plus ample discussion, M. et Mme X. sont déboutés de leurs prétentions relatives à l'absence de contrats définitifs de prêt.

 

Sur la déchéance du terme :

Les conditions générales de chacune des offres de prêt acceptées réservent au prêteur la possibilité de se prévaloir de l'exigibilité immédiate du prêt, en capital, intérêts et accessoires, « en cas de non-paiement des sommes exigibles ou d'une seule échéance » (prêt n°11XXX2) « en cas de défaillance dans le remboursement des sommes dues en vertu du /des prêts du présent financement » (prêt n°33YYY6) sans qu'il soit besoin d'aucun préavis et d'aucune formalité judiciaire après mise en demeure de régulariser restée sans effet pendant 15 jours.

Si chacun des contrats de prêt prévoit au bénéfice de l'emprunteur la faculté d'exercer en cours de contrat une option de modulation des échéances à la baisse, l'exercice de cette option est toutefois subordonné à plusieurs conditions énoncées au contrat de prêt.

Pour dénoncer l'irrégularité du prononcé de la déchéance du terme dans les deux prêts, M. et Mme X. affirment avoir sollicité et obtenu l'accord du Crédit Agricole pour moduler à la baisse leurs remboursements, à savoir qu'ils ont payé au titre des échéances des deux prêts la somme globale de 1.080 € jusqu'en août 2018 (disant également août 2019 en page 27 de leurs écritures), soutenant ainsi que les « paiements partiels de 2018 étaient parfaitement possibles sans entraîner la résiliation » même « en dehors d'une demande strictement formelle » de modulation.

Pour autant, leurs allégations sont faites sans offre de preuve quant à l'existence d'une demande de modulation dans les délais contractuellement prévus (cette initiative leur incombant selon les conditions générales des contrats de prêt) et quant à l'accord du Crédit Agricole (les conditions générales précitées enfermant l'exercice de cette option de modulation dans un cadre bien précis, dont notamment le fait pour l'emprunteur d'être à entièrement à jour de ses remboursements, un refus pouvant même être opposé si le prêteur estime que les nouvelles charges de remboursement qui découleraient de l'option modulation échéance seraient incompatibles avec les ressources de l'emprunteur).

Ces allégations se heurtent de plus fort aux mises en demeure adressées par le Crédit Agricole dès le 30 mars 2018 pour réclamer paiement des échéances impayées dans un délai de 15 jours, cette mise en demeure démontrant sa non-acceptation de la minoration des échéances opérée unilatéralement par les emprunteurs conduisant à des échéances impayées.

Enfin, c'est vainement que les appelants disent abusive cette clause de modulation en opposant qu'ils ne peuvent pas exercer cette option ni moduler le règlement des échéances étant de simples particuliers non informés de l'évolution de l'indice Euribor ; en effet, outre le fait qu'ils concluent ainsi contre leurs intérêts et se contredisent (à savoir qu'une clause abusive est en droit réputée non écrite ce qui priverait d'effet leurs moyens de défense au prononcé de la déchéance du terme en tant que fondés sur la modulation à la baisse de leurs mensualités), cette prétention ne saisit pas la cour en tant que n'étant pas reprise au dispositif de leurs dernières conclusions d'appel.

M. et Mme X. soutiennent également que les paiements partiels de 2018 étaient « parfaitement possibles sans entraîner la résiliation » au motif que le taux moyen de l'indice Euribor 3 mois étant négatif depuis 2015 et qu'il n'y avait donc plus d'intérêts à compter de cette date, que le Crédit Agricole aurait dû appliquer ce taux variable plus bénéfique dès 2015, sans attendre la fin de la première période de taux fixe prévue aux contrats de prêt ; ils concluent ainsi que le Crédit Agricole a manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution des contrats de prêt, a violé l'article 1134 du code civil car les règles d'interprétation des contrats faisaient que dès lors qu'il n'y avait plus d'intérêts qui pouvaient courir au regard d'Euribor, les intérêts devaient être purement et simplement portés à zéro et ce depuis 2015, de sorte que la mise en demeure de payer n'était pas fondée, aucune somme n'étant due au titre des intérêts, mais que le Crédit Agricole a également commis un dol et a manqué à son obligation d'information, motif pris qu'il ne leur a pas indiqué qu'il y avait des facultés de modulation devant la baisse constatée des taux d'intérêts.

Ce faisant, M. et Mme X. se livrent à une analyse toute personnelle et erronée du cadre contractuel qu'ils ont accepté en signant les offres de prêt et dont ils entendent s'émanciper.

Il est en effet indiscutable que le Crédit Agricole a respecté les termes des contrats de prêt en répercutant la baisse des taux d'intérêt (voire même leur disparition) à la suite de la baisse de l'indice Euribor 3 mois aux seules périodes au cours desquelles le taux d'intérêt variable basé sur cet indice devenait applicable, soit après la 84ème mensualité, donc pour les deux prêts à partir de mai 2017 (la première mensualité de remboursement se situant au 5 avril 2010 hors période d'anticipation)'de sorte que les appelants ne peuvent pas utilement affirmer qu'ils n'étaient redevables d'aucune somme au titre des intérêts dès 2015 ; faire application de l'indice Euribor à la première période des contrats de prêt consacrée au taux d'intérêt fixe comme revendiqué par les emprunteurs aurait alors signé de la part du Crédit Agricole une violation de ses engagements contractuels.

Ensuite, ainsi qu'il l'a déjà été relevé supra, l'initiative d'une demande de modulation à la baisse des échéances de remboursement incombait uniquement aux emprunteurs, aucune obligation contractuelle n'étant mise à la charge du prêteur pour proposer l'exercice d'une telle option aux emprunteurs ; par ailleurs, aucune manœuvre ou réticence dolosive n'est démontrée à l'encontre du Crédit Agricole dans la mise en œuvre de la procédure de déchéance du terme prévue aux contrats de prêt.

Enfin, M. et Mme X. sont tout aussi mal fondés à se prévaloir du fait qu'ils ont opéré plusieurs règlements après le délai de 15 jours imparti par la mise en demeure et que la banque était encore payée pour conclure que celle-ci a, « à tort et illégalement prononcé la déchéance du terme »; il est en effet rappelé que la déchéance du terme est automatiquement acquise au terme du délai imparti pour l'apurement des impayés et que les règlements après ce délai s'imputent, non pas sur les échéances impayées, mais sur le capital restant dû.

L'ensemble de ces constatations et considérations conduit la cour à dire régulière la déchéance du terme prononcée à l'égard des deux prêts et à confirmer le jugement déféré sur ce point, sans qu'il y ait lieu de « juger la clause résolutoire suspendue », une telle prétention étant juridiquement inopérante et infondée.

 

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Selon l'article 64 du code de procédure civile, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire. Aux termes de l'article 71 du même code, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.

La demande de déchéance du droit du Crédit Agricole aux intérêts soutenue par M. et Mme X. s'analyse en une défense au fond dès lors qu'elle tend seulement au rejet de la demande de la banque tendant à leur condamnation au paiement des intérêts conventionnels.

C'est donc à bon droit que le premier juge a dit cette demande recevable en écartant la prescription opposée par le Crédit Agricole.

Pour voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts du Crédit Agricole, M. et Mme X. soutiennent tout à la fois qu'aucune notice de calcul des intérêts variables ne leur a été remise pour les deux prêts en violation des dispositions de l'article L. 312-8 du code de la consommation, que le TEG figurant dans les offres de prêt est irrégulier car omettant le les frais relatifs à l'assurance décès, le coût de la caution, les frais notariés et que l'erreur affectant le TEG est supérieure à la décimale.

 

S'agissant de l'information sur les conditions et modalités de variation du taux :

L'article L. 312-8 du code de la consommation, dans sa version applicable à l'offre de prêt acceptée le 19 mai 2008 (à savoir celle issue de la loi n° 96 -314 du 12 avril 1996) précisait que :

« Toute modification des conditions d'obtention du prêt, notamment le montant ou le taux du crédit, donne lieu à la remise à l'emprunteur d'une nouvelle offre préalable.

Toutefois, cette obligation n'est pas applicable aux prêts dont le taux d'intérêt est variable, dès lors qu'a été remise à l'emprunteur avec l'offre préalable une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux. »

L'article L. 312-8 dans sa version issue de l'article 25 de la loi 2008-3 du 3 janvier 2008 emportant la création d'un 2° ter ainsi rédigé : « 2° ter : Pour les offres de prêts dont le taux d'intérêt est variable, est accompagnée d'une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux d'intérêt et d'un document d'information contenant une simulation de l'impact d'une variation de ce taux sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit. Cette simulation ne constitue pas un engagement du prêteur à l'égard de l'emprunteur quant à l'évolution effective des taux d'intérêt pendant le prêt et à son impact sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit. Le document d'information mentionne le caractère indicatif de la simulation et l'absence de responsabilité du prêteur quant à l'évolution effective des taux d'intérêt pendant le prêt et à son impact sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit » n'est pas applicable à l'offre de prêt acceptée le 19 mai 2008 dès lors que l'article 25 II de cette loi précise notamment que « Les obligations fixées par le 2° ter de l'article L. 312-8 du code de la consommation entrent en vigueur le 1er octobre 2008 », mais uniquement à l'offre de prêt acceptée le 15 mars 2010.

L'information des emprunteurs a été respectée dans la première offre de prêt qui comporte en page 4, ainsi que l'a relevé le premier juge, l'énoncé des modalités de fonctionnement du taux variable dont le contenu est similaire à la notice figurant dans l'offre de prêt du 15 mars 2010.

Il est vérifié que la notice et le document d'information contenant les simulations de variation du taux d'intérêt ont bien été annexés à la seconde offre de prêt signée le 15 mars 2010, M. et Mme X. ne pouvant pas sérieusement le contester dès lors qu'ils ont paraphé ces deux documents.

En conséquence de ces constatations et considérations, ne peut être accueillie la demande de M. et Mme X. tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts au motif de l'absence de remise d'une notice en violation de l'article L. 312-8 2°et encore moins leur demande sollicitant de voir sur le même fondement « prononcer l'annulation des stipulations relatives au taux des intérêts et du TEG », la sanction ne pouvant être que la déchéance du droit aux intérêts.

 

S'agissant du calcul du TEG :

Les moyens soutenus par M. et Mme X. ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux qui ont été soumis au premier juge et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter

- que les frais de notaire n'ont pas à être intégrés dans le calcul du TEG,

- qu'en présence d'un prêt remboursable à taux fixe dans une première période puis à taux variable dans une seconde période, la circonstance que le contrat de prêt ne comporte qu'un tableau d'amortissement limité à la première période à taux fixe n'est pas de nature à entraîner la déchéance du droit aux intérêts, l'échéancier des amortissements n'étant plus exigé depuis la loi n° 96 -314 du 12 avril 1996, les modalités de fonctionnement du taux variable ayant été énoncées dans l'offre de prêt du 19 mai 2008, de sorte que sont mal fondés les griefs de M. et Mme X. disant l'absence de calcul du taux de chaque période dans le calcul du TEG qui n'intègre pas la variation de ce taux calculé sur Euribor,

- qu'est sans emport le fait que l'acte notarié de Maître Z. du 12 décembre 2008 comporte pas mention du TEG (« aucun TEG n'est fixé » dans cet acte), dès lors qu'il s'agissait d'un acte de vente et aucunement d'un acte notarié de prêt.

Outre que M. et Mme X. affirment, sans offre de preuve ni démonstration, l'existence d'une erreur de calcul du TEG supérieure à la décimale dans les deux prêts, il y a lieu en conséquence de les débouter de leurs contestations sur la régularité du TEG desdits prêts.

L'ensemble de ces constatations et considérations justifie qu'ils soient déboutés de leur demande en déchéance du droit aux intérêts, et le jugement déféré confirmé par motifs ajoutés.

 

Sur la demande en remboursement des intérêts fondée sur le dol :

M. et Mme X. soutiennent l'existence d'un dol de la part du Crédit Agricole tant au stade de la formation des contrats de prêt qu'au stade de leur exécution en faisant valoir que celui-ci a été sanctionné par la Commission européenne pour manipulation illicite du taux Euribor.

Comme en toute matière, y compris en matière de souscription d'un prêt immobilier, le dol doit être prouvé, celui-ci ne se présumant pas.

S'il est acquis que le Crédit Agricole a condamné au paiement d'une amende par la Commission européenne le 7 décembre 2016, en tant qu'ayant participé avec d'autres établissements bancaires entre 2005 et 2008 à une entente visant à manipuler des taux de référence à l'euro, dont le taux Euribor, en infraction avec le droit de la concurrence, il n'en demeure pas moins que cette décision n'est pas définitive car frappée d'appel par l'intéressé le 20 février 2017.

Ensuite et surtout, les appelants ne démontrent pas que le Crédit Agricole a usé de manœuvres dolosives ou a commis des réticences dolosives à leur égard pour les convaincre d'accepter les deux offres de prêt, aucun lien n'étant concrètement démontré et établi par les intéressés entre cette décision de la Commission européenne et les propositions de prêt émises à leur profit par le Crédit Agricole.

En conséquence, le jugement entrepris est confirmé sur le rejet de la demande indemnitaire des emprunteurs fondée sur le dol.

 

Sur l'indemnité de 7 % :

Les conditions générales des deux contrats de prêt prévoient qu'en cas de déchéance du terme, le prêteur demandera à l'emprunteur une indemnité égale à 7 % des sommes dues (en capital et intérêts échus).

Cette clause contractuelle est une clause pénale, définie comme une stipulation contractuelle consistant dans l'attribution au créancier, en cas d'inexécution, d'une somme forfaitaire destinée à fixer par anticipation le montant du préjudice subi à la suite de l'inexécution.

Il résulte de l'article 1152 du code civil, que le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter le montant résultant de l'application d'une clause pénale, si elle est manifestement excessive ou dérisoire, en considération du préjudice subi par le créancier.

Le premier juge a considéré avec pertinence qu'en l'état de l'absence totale de règlement même partiel depuis février 2019 par les emprunteurs, du taux d'intérêt de 0 % dont ils bénéficient depuis plusieurs années au titre du prêt n° 11XXX2 à la suite de la baisse de l'indice Euribor, l'indemnité ainsi prévue aux contrats n'avait pas lieu d'être réduite, la cour relevant qu'elle s'élève à 10.604,52 € pour le prêt n° 11XXX2 (pour un capital restant dû de 147.058,28 €) et à 1.203,94 € pour le prêt n° 33YYY6 (pour un capital restant dû de 16.060,26 €) et que M. et Mme X. ne démontrent pas qu'elles seraient manifestement excessives, sauf à l'affirmer péremptoirement, sans offre de preuve.

Le jugement entrepris est confirmé sur le rejet de la demande en réduction de cette indemnité contractuelle.

 

Sur la responsabilité du Crédit Agricole :

M. et Mme X. soutiennent que le Crédit Agricole a commis une négligence engageant sa responsabilité contractuelle en lui faisant grief « de ne pas avoir centralisé les arrêts de travail et d'invalidité de M. X. de sorte que les garanties d'assurances des prêts n'ont pas pu jouer » ; ils concluent ainsi à une perte de chance de ne pas avoir reçu indemnisation pour les arrêts de travail et l'invalidité qu'ils chiffrent à 50.000 €.

Or, le Crédit Agricole objecte à bon droit que l'initiative de saisine de l'assureur incombait aux emprunteurs et non pas à l'établissement prêteur, ce qu'à justement relevé également le premier juge en rappelant que les contrats d'assurance en garantie des deux prêts avaient été souscrits par M. et Mme X. et qu'il appartenait aux assurés de solliciter auprès de l'assureur la mise en 'uvre de leurs garanties.

Et même à considérer que le Crédit Agricole, souscripteur du contrat groupe assurance-décès-invalidité a auquel ont adhéré M. et Mme X., était tenu envers ceux-ci d'une obligation d'information et de conseil consistant notamment en cours d'exécution du contrat de prêt à correspondre avec cette assurance groupe pour la mise en jeu des garanties en cas de survenance chez l'un des emprunteurs d'un sinistre garanti, il n'en demeure pas moins que M. et Mme X. ne justifient pas plus en appel qu'en première instance, avoir effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur et encore moins avoir avisé en temps utile le Crédit Agricole des difficultés de santé de M. X. et lui avoir transmis les justificatifs correspondants de manière à ce que la banque puisse les répercuter à son assurance groupe.

Sans plus ample discussion, le jugement dont appel est confirmé, par motifs ajoutés, sur le rejet de cette prétention.

 

Sur les délais de paiement :

Indépendamment des longs développements de M. et Mme X. au soutien de cette prétention, il ne peut qu'être relevé qu'ils ne font pas la preuve de leur situation économique actualisée à ce jour (revenus et charges) pour prétendre obtenir un apurement différé de leur dette, les pièces parcellaires communiquées se rapportant uniquement à l'année 2014 (bulletins de salaire de M. X. de janvier et février 2014 ; proposition de mutuelle au nom de M. X. du 27 février 2014), à l'année 2017 (facture EDF d'août 2017), à l'année 2018 (avis d'imposition 2019 sur les revenus 2018 ; facture d'eau d'octobre 2018 ; facture de téléphone Sosh de mars 2018) à l'année 2019 (avis taxes foncières' et taxes d'habitation ; synthèse contrats assurances Macif du 26 janvier 2019 ; échéancier contrat santé Macif de Mme X. du 9 novembre 2019 ; appel de fonds copropriétaire de juillet 2019) et à l'année 2020 (attestation versement retraite de M. X. du 6 février 2020 ; facture internet de janvier 2020).

Par ailleurs, sauf à ajouter au texte de l'article 1244-1 du code civil dans sa version applicable au litige, l'octroi de délais de paiement « rétroactifs » pour voir « suspendre la clause résolutoire » n'est pas juridiquement envisageable, et ce d'autant que la déchéance du terme est jugée régulière, le premier juge ayant pertinemment rappelé que les délais de paiement ne sont pas susceptibles de remettre en cause la déchéance du terme qui a été régulièrement prononcée.

En définitive, M. et Mme X. sont déboutés de leur demande de délais de paiement, y compris de délais « rétroactifs », et le jugement confirmé sur ce point.

 

Sur l'appel incident du Crédit Agricole :

Le Crédit Agricole réclame à hauteur d'appel la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a exclu des dépens les frais d'inscription hypothécaires qu'il a exposés tout en sollicitant la capitalisation des intérêts, ce qui doit s'analyser également en un appel incident dès lors qu'il avait été débouté de cette dernière prétention par le premier juge.

C'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de capitalisation des intérêts par d'exacts motifs adoptés par la cour et non combattus à hauteur d'appel par des moyens contraires du Crédit Agricole.

Le jugement déféré est également confirmé en ce qu'il a écarté des débats les frais d'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire obtenue par le Crédit Agricole selon ordonnance sur requête du 11 juin 2019, le montant de ceux-ci n'étant pas plus justifiés en appel qu'en première instance, outre le fait qu'ils devront être intégrés dans les frais de procédure de recouvrement forcé de sa créance devant le juge de l'exécution.

 

Sur les mesures accessoires :

Parties succombantes dans l'intégralité de leurs prétentions, M. et Mme X. sont condamnés in solidum aux dépens d'appel et conservent la charge de leurs frais irrépétibles exposés devant la cour ; ils sont condamnés in solidum à verser au Crédit Agricole une indemnité de procédure pour l'instance d'appel.

Les mesures accessoires du jugement querellé sont par ailleurs confirmées.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Disant l'absence de violation du contradictoire par le premier juge,

Déboutant M. X. et Mme Y. épouse X. de leur prétention tenant à l'absence de contrats de prêt définitifs,

Confirme le jugement déféré,

Ajoutant,

Condamne in solidum M. X. et Mme Y. épouse X. à verser à la Caisse de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes une somme de 4.000 € à titre d'indemnité de procédure pour l'instance d'appel,

Déboute M. X. et Mme Y. épouse X. de leur demande présentée en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                                LA PRÉSIDENTE