CA METZ (ch. com.), 25 janvier 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10751
CA METZ (ch. com.), 25 janvier 2024 : RG n° 19/01174 ; arrêt n° 24/00021
Publication : Judilibre
Extrait (rappel des motifs du jugement) : « Pour se déterminer ainsi, le tribunal a d'abord considéré que la SCI HP 57 ne pouvait se prévaloir des dispositions relatives aux clauses abusives, prévues à l'article L. 132-1 du code de la consommation applicable au présent litige, pour voir déclarer la clause de remboursement anticipé du prêt non écrite. D'une part, il a relevé que la SCI HP 57 était une personne morale, de sorte qu'elle ne pouvait être considérée comme un consommateur en l'espèce. D'autre part, il a relevé que la SCI HP 57 avait conclu le prêt litigieux dans le cadre de son activité professionnelle, de sorte qu'elle ne pouvait être considérée comme non-professionnelle en l'espèce. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 25 JANVIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/01174. Arrêt n° 24/00021. N° Portalis DBVS-V-B7D-FAWK. Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de METZ, décision attaquée en date du 24 Janvier 2019, enregistrée sous le R.G. n° 2016/03530.
APPELANTE :
SCI HP 57
représentée par son représentant légal, [Adresse 2], [Localité 3], Représentée par Maître Elise SEBBAN, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
SA BPIFRANCE FINANCEMENT anciennement dénommé OSEO FINANCEMENT
représentée par son Président Directeur Général en exercice [Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître David ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ et par Maître Sylvie EX-IGNOTIS, avocat plaidant du barreau de VAL DE MARNE
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 5 octobre 2023 tenue par Mme Claire DUSSAUD, Conseillère, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 25 janvier 2024.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Saida LACHGUER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT, Conseillère, Mme DUSSAUD, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire ; Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte authentique du 19 décembre 2008, la SA Oseo financement, aujourd'hui dénommée SA Bpifrance financement, a consenti à la SCI HP 57 un prêt d'un montant de 900.000 euros sur une durée de 15 ans au taux de 5,10 % l'an.
Ce prêt se décomposait en trois tranches :
- la première de 350.000 euros,
- la deuxième de 470.000 euros
- et la troisième de 80.000 euros,
remboursables en 60 versements trimestriels à termes échus comprenant l'amortissement du capital et le paiement des intérêts les 31 mars, 30 juin, 30 septembre et 31 décembre de chaque année, le premier versement étant prévu le 30 juin 2009 et le dernier le 31 mars 2024.
Suite à la cession de l'immeuble pour lequel elle avait souscrit cet emprunt, la SCI HP 57 a procédé au remboursement anticipé des trois tranches de prêt en un règlement de 640.722,83 euros le 21 septembre 2015.
Divers échanges relatifs au calcul de l'indemnité de remboursement anticipé s'en sont suivis.
Par acte d'huissier du 27 octobre 2016 remis en l'étude, la SA Bpifrance financement a fait assigner la SCI HP 57 devant le tribunal de grande instance de Metz aux fins de le voir, au visa de l'article 1134 du code civil :
- condamner la SCI HP 57 à lui payer la somme de 130 521,33 euros majorée des intérêts au taux de 8,10 % postérieurs au 23 mars 2016,
- condamner la SCI HP 57 à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Mme Sylvie Ex-Ignotis, avocate, laquelle pourra en effectuer le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Par conclusions du 9 avril 2018, la SA Bpifrance financement a maintenu ses demandes.
Par conclusions du 6 juin 2018, la SCI HP 57 a demandé au tribunal, au visa des articles 1134 et suivants du code civil, de :
A titre principal,
- dire et juger que la clause de remboursement anticipé est inintelligible et qu'elle crée ainsi un déséquilibre significatif à son détriment,
En conséquence,
- dire et juger que cette clause relève du régime des clauses abusives et doit donc lui être déclarée inopposable,
- débouter la SA Bpifrance financement de l'ensemble de ses demandes, 'ns et conclusions,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que les stipulations du troisième alinéa de l'article sur les remboursements anticipés doivent s'interpréter en lui profitant compte tenu du doute sur l'étendue de l'obligation,
En conséquence,
- dire et juger que la somme pouvant être réclamée par la SA Bpifrance financement au titre des indemnités de remboursement anticipé ne peut s'élever au maximum qu'à la somme de 19 200 euros conformément aux stipulations de l'acte authentique de prêt en date du 19 décembre 2008,
A titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger que la prorogation de la durée d'amortissement n'est pas acquise et que le nombre de trimestrialités restant à courir s'élève à 35 et non à 53,
En conséquence,
- réduire la somme de 130 521,33 euros réclamée au titre des indemnités de remboursement anticipé en considération du nombre de trimestrialités restant à courir, à savoir 35,
A titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger que la somme réclamée au titre des indemnités de remboursement anticipé est manifestement excessive,
En conséquence,
- la réduire à de plus justes proportions,
- condamner la SA Bpifrance financement à lui payer la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, aux entiers frais et dépens ainsi qu'à tous les droits d'exécution.
Par jugement du 24 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Metz a :
- condamné la SCI HP 57 à payer à SA Bpifrance financement la somme de 130.521,33 euros outre intérêts au taux de 8,10 % à compter du 23 mars 2016,
- condamné la SCI HP 57 à payer à la SA Bpifrance financement la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SCI HP 57 aux entiers dépens,
- dit n'y avoir lieu à distraction des dépens,
- débouté la SCI HP 57 de l'ensemble de ses demandes,
- prononcé l'exécution provisoire du présent jugement.
Pour se déterminer ainsi, le tribunal a d'abord considéré que la SCI HP 57 ne pouvait se prévaloir des dispositions relatives aux clauses abusives, prévues à l'article L. 132-1 du code de la consommation applicable au présent litige, pour voir déclarer la clause de remboursement anticipé du prêt non écrite. D'une part, il a relevé que la SCI HP 57 était une personne morale, de sorte qu'elle ne pouvait être considérée comme un consommateur en l'espèce. D'autre part, il a relevé que la SCI HP 57 avait conclu le prêt litigieux dans le cadre de son activité professionnelle, de sorte qu'elle ne pouvait être considérée comme non-professionnelle en l'espèce.
Ensuite, le tribunal a considéré que la clause litigieuse était intelligible, notamment en ce que sa rédaction était similaire à la clause déterminant le taux d'intérêt du prêt, et ce d'autant plus que la SCI HP 57 agissait en l'espèce dans le cadre de son activité professionnelle.
Par ailleurs, le tribunal a considéré que le mode de calcul de l'indemnité de remboursement anticipé avait été défini de manière claire et précise dans le contrat de prêt et que la technique d'actualisation employée n'était pas de nature à créer un doute chez la SCI HP 57 sur l'étendue de son obligation, notamment, car le montant dû à ce titre était librement consultable à l'avance chaque mois sur internet. Au contraire, il a affirmé que cette technique permettait à la SCI HP 57 de choisir le moment le plus opportun pour rembourser son prêt.
En outre, le tribunal a considéré que les parties avaient conclu un avenant au prêt, de sorte que la SA Bpifrance financement avait retenu à juste titre pour le calcul de l'indemnité de remboursement anticipé une durée de prêt restant à courir de 53 échéances. D'une part, il a relevé que la SCI HP 57 avait demandé un allongement de la durée du prêt puis que son gérant avait signé l'avenant litigieux. Il a noté que l'expertise privée réalisée par la SCI HP 57 ne respectait pas le principe du contradictoire et n'établissait pas que son gérant n'était pas l'auteur de la signature qui lui était attribuée en l'espèce. D'autre part, il a relevé que suite aux nombreux échanges entre la SA Bpifrance financement et la SCI HP 57, les échéances honorées entre le 31 décembre 2013 et septembre 2015 avaient connu des modifications significatives, démontrant ainsi l'existence d'un avenant entre les parties.
Enfin, le tribunal a rappelé que l'indemnité de remboursement anticipé était une compensation du préjudice subi par la SA Bpifrance financement, et non une clause pénale susceptible de réduction par le juge. Il a considéré en tout état de cause que cette indemnité n'était pas disproportionnée au regard de l'économie générale du contrat, de sorte qu'elle demeurait due à la SA Bpifrance financement.
Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 10 mai 2019, la SCI HP 57 a interjeté appel aux fins d'infirmation du jugement rendu le 24 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Metz en toutes ses dispositions à l'exception de celle disant n'y avoir lieu à distraction des dépens.
[*]
Par conclusions du 20 juillet 2020, la SCI HP 57 a demandé à la cour de :
- recevoir l'appel,
- infirmer le jugement, et statuant à nouveau,
- débouter la SA Bpifrance financement de ses demandes,
- condamner la SA Bpifrance financement aux entiers dépens et à la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
- interpréter la clause pénale avec pour limite 3 % du capital remboursé,
- dire que l'avenant du 25 septembre 2013 est inapplicable,
- au besoin ordonner une expertise graphologique de la lettre du 20 juin 2013 pour vérifier si la signature de ce document est celle de M. [G] [C], gérant de la SCI HP 57,
- dire que le nombre d'échéances restant dues est de 35 et non de 53,
- ordonner avant-dire-droit à la SA Bpifrance financement de recalculer l'indemnité de résiliation anticipée.
[*]
Par conclusions du 11 juin 2020, la SA Bpifrance financement a demandé à la cour, au visa de l'ancien article 1134 du code civil, devenu 1103 du même code, de :
Vu l'acte notarié du 19 décembre 2008,
Vu le réaménagement de prêt du 23 juin 2013,
- confirmer le jugement rendu le 24 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Metz en toutes ses dispositions,
- condamner la SCI HP 57 à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de M. David Zachayus, avocat, lequel pourra en effectuer le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
ordonner l'exécution provisoire.
[*]
Par arrêt avant-dire-droit du 24 juin 2021, la cour d'appel de Metz a :
- confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté les prétentions de la SCI HP 57 se prévalant d'une clause abusive, et sollicitant la modération de l'indemnité de remboursement anticipé ou son interprétation en la limitant à 3 %,
- infirmé le jugement en ce qu'il a condamné la SCI HP 57 à payer à la SA Bpifrance financement la somme de 130.521,33 euros outre intérêts au taux de 8,10 % à compter du 23 mars 2016, en incluant notamment dans cette somme trois indemnités forfaitaires de 765 euros et des frais de gestion à hauteur de 185 euros,
- réservé à statuer sur les frais et dépens de première instance,
Statuant à nouveau sur la disposition infirmée et y ajoutant,
- rejeté la demande de la SCI HP 57 tendant à l'annulation de la clause relative à l'indemnité de remboursement anticipé pour vice du consentement,
- déclaré recevable la contestation par la SCI HP 57 des indemnités forfaitaires et frais de gestion mis en compte par la SA Bpifrance financement,
- rejeté la demande formée par la SA Bpifrance financement tendant à la condamnation de la SCI HP 57 à payer trois indemnités forfaitaires d'un montant de 765 euros chacune et des frais de gestion d'un montant de 185 euros,
- condamné la SCI HP 57 à payer à la SA Bpifrance financement une somme de 7 443,07 euros avec intérêts au taux de 8,10 % l'an à compter du 26 mars 2016, au titre du capital restant dû sur la 3' tranche de prêt,
Avant-dire-droit sur le montant de l'indemnité de remboursement anticipé,
- invité les parties à formuler toutes observations sur la question de savoir si, à supposer qu'un avenant prévoyant un allongement de la durée du prêt de 4 ans ait été conclu par les parties - ce qui est affirmé par l'intimée et contesté par l'appelante -, cela a eu pour conséquence de modifier la date prévue par l'acte du 19 décembre 2008 jusqu'à laquelle l'indemnité de remboursement anticipé doit être calculée,
- enjoint à la SA Bpifrance financement de fournir en tout état de cause un décompte détaillé de l'indemnité de remboursement anticipé qui serait due dans l'hypothèse où celle-ci devrait être calculée en tenant compte d'échéances jusqu'au 31 mars 2024,
- renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 16 septembre 2021,
- réservé à statuer sur les frais et dépens de la procédure d'appel.
[*]
La SCI HP 57 a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.
Par ordonnance du 3 mars 2022, le conseiller de la mise en état a :
- sursis à statuer en attente de la décision de la Cour de cassation à intervenir sur pourvoi contre l'arrêt du 24 juin 2021,
- dit que chacune des parties conservera la charge des dépens exposés par elle pour le présent incident.
[*]
Par arrêt du 23 novembre 2022, la Cour de cassation a :
- rejeté le pourvoi,
- condamné la SCI HP 57 aux dépens,
en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la SCI HP 57 et l'a condamnée à payer à la SA Bpifrance financement la somme de 3.000 euros.
Pour se déterminer ainsi, la Cour de cassation a considéré qu'aucun moyen n'était de nature à entraîner la cassation de l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel de Metz.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 juillet 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :
Par conclusions déposées le 16 juin 2023, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SCI HP 57 demande à la cour de :
Vu l'arrêt avant-dire-droit du 24 juin 2021,
- infirmer le jugement et statuant à nouveau,
- débouter la SA Bpifrance financement de ses demandes,
- dire et juger que l'avenant du 25 septembre 2013 est inapplicable,
- au besoin ordonner une expertise graphologique de la lettre du 20 juin 2013 pour vérifier si la signature de ce document est celle de M. [C], son gérant,
- dire et juger que le nombre d'échéances restant dues est de 35 et non de 53,
vcondamner la SA Bpifrance financement aux entiers dépens et à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile.
La SCI HP 57 conteste l'existence d'un avenant au contrat de prêt qui aurait été conclu le 23 juin 2013 et aurait pour conséquence de porter le nombre d'échéances retenues au titre du calcul de l'indemnité de remboursement anticipé à 53 au lieu de 35. Elle en conclut que le prêt litigieux devait prendre fin le 31 mars 2024, de sorte que l'indemnité de remboursement anticipé ne pouvait être supérieure à la somme de 73.260,78 euros.
D'abord, la SCI HP 57 expose qu'elle a effectivement demandé un réaménagement du prêt afin de réaliser un nouveau projet, mais que la SA Bpifrance financement n'a pas donné de suite favorable à sa demande, de sorte qu'elle a dû se tourner vers une autre banque auprès de laquelle elle a finalement conclu un avenant le 25 septembre 2013. Dès lors, elle affirme que la lettre du 20 juin 2013 dont se prévaut la SA Bpifrance financement à titre d'avenant au prêt initial est antidatée, car l'accord de l'intimée était justement conditionné à l'accord de cette seconde banque, lequel est pourtant intervenu postérieurement à ce courrier. Elle en déduit que l'accord de la SA Bpifrance financement ne peut avoir été donné antérieurement au 26 septembre 2013, date à laquelle cette dernière a été informée de l'accord de la seconde banque.
Ensuite, la SCI HP 57 explique que son gérant n'était pas en mesure de signer la lettre du 20 juin 2013 le 23 juin 2013, alors qu'il n'était ni informé de l'accord de la SA Bpifrance financement, ni de celui de sa seconde banque. En ce sens, elle indique qu'elle n'a été informée de l'existence de la lettre du 20 juin 2013 que par courriel du 16 octobre 2013, et que son gérant n'y a jamais donné suite nonobstant les relances de la SA Bpifrance financement, de sorte qu'il n'a jamais signé l'avenant litigieux.
Sur ce point, la SCI HP 57 affirme d'une part que son gérant n'a pas réalisé la signature qui lui est attribuée sur ce même document, tel qu'il résulte du rapport d'expertise qu'il a fait réaliser à cet égard. Elle précise ici que l'expertise privée a été réalisée sur une copie de la lettre du 20 juin 2013 puisque l'intimée n'a pas produit la version originale de ce document en première instance et qu'elle ne disposait pas d'un original de signature à défaut d'avoir consenti au réaménagement du prêt. Subsidiairement, elle demande à la cour d'ordonner une expertise graphologique afin de constater que la signature qui est attribuée à son gérant n'a pas été réalisée de sa main.
D'autre part, elle affirme que le courriel envoyé par son gérant le 26 septembre 2013 ne vaut pas consentement à la lettre du 23 juin 2013. Elle rappelle à cet égard que la SA Bpifrance financement a refusé de soutenir son nouveau projet et qu'elle a au contraire exigé le remboursement anticipé du prêt du fait de la vente de son immeuble, de sorte que l'allongement du prêt n'était pas pertinent pour les parties.
Par ailleurs, la SCI HP 57 soupçonne la SA Bpifrance financement de commettre une escroquerie au jugement, car les documents qu'elle a versés aux débats ne correspondent pas à ceux qui lui ont été envoyés en 2013 et estime qu'ils ont au contraire été créés pour les besoins de la procédure.
En outre, la SCI HP 57 soutient que la lettre du 23 juin 2013 ne peut valoir avenant au contrat de prêt, mais uniquement accord de principe de la SA Bpifrance financement sur son réaménagement.
Sur ce point, elle note d'une part que ce courrier ne précise pas les éléments essentiels d'un avenant, à savoir sa date de prise d'effet, les références du contrat initial, l'hypothèque consentie, ou encore le montant des nouvelles échéances.
D'autre part, elle soutient qu'un parallélisme des formes est nécessaire afin de modifier le présent prêt, car il a été établi sous la forme authentique, de sorte qu'un simple acte sous seing privé ne peut être qualifié d'avenant en l'espèce.
En parallèle, elle note que l'allègement ponctuel de l'échéancier de remboursement qu'elle a obtenu par la SA Bpifrance financement ne constitue pas non plus un avenant au présent prêt, tel que l'a constaté le premier juge.
Enfin, la SCI HP 57 conteste l'allégation adverse selon laquelle elle aurait volontairement exécuté l'avenant litigieux. Elle affirme au contraire que la SA Bpifrance financement a procédé sans son consentement au prélèvement de nouvelles échéances du prêt en 2014, soit plus d'un semestre après la conclusion du prétendu avenant. Elle indique également que l'intimée lui a indûment prélevé des sommes nonobstant le remboursement de l'intégralité du capital du prêt, qu'elle a dû justement lui rembourser compte tenu de l'absence d'avenant.
Subsidiairement, elle soutient que si un tel avenant avait effectivement été conclu, alors le nouveau contrat prendrait son terme au 31 mars 2028, et non au 31 décembre 2028 tel que le soutient la SA Bpifrance financement.
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Par conclusions déposées le 29 novembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SA Bpifrance financement demande à la cour, au visa de l'ancien article 1134 du code civil, devenu 1103 du même code, de :
Vu l'acte notarié du 19 décembre 2008,
Vu le réaménagement de prêt du 23 juin 2013,
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Metz du 24 juin 2021 rendu avant-dire-droit sur le montant de l'indemnité de remboursement anticipé,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2022 qui rejette le pourvoi en cassation de la SCI HP 57 à l'encontre de cet arrêt,
- condamner la SCI HP 57 à lui payer au titre des indemnités de remboursement anticipé des trois tranches du prêt la somme totale de 120.295,14 euros,
Subsidiairement, si par extraordinaire la cour considérait que l'indemnité de remboursement anticipé devrait être calculée en tenant compte d'échéances jusqu'au 31 mars 2024,
- condamner, dans cette hypothèse, la SCI HP 57 à lui payer la somme de 73.260,78 euros,
- condamner la SCI HP 57 à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
Dans un premier temps, la SA Bpifrance financement soutient qu'elle a conclu avec la SCI HP 57 un avenant à leur contrat de prêt, de sorte que celui-ci n'a pris fin qu'au 30 septembre 2028 et non au 31 mars 2024 tel que le soutient la partie adverse.
A titre principal, elle rappelle d'abord que la SCI HP 57 est à l'initiative du réaménagement de son prêt.
Ensuite, elle indique verser aux débats la version originale de l'avenant signé par les parties le 23 juin 2013. À cet égard, elle note que le fait que ce document ait été signé un dimanche est sans emport sur sa validité.
Enfin, elle affirme que la SCI HP 57 ne démontre pas que son gérant n'est pas l'auteur de la signature litigieuse et de la mention « bon pour accord » qui lui sont attribuées.
D'une part, elle relève à l'appui des pièces versées aux débats que le gérant de la SCI HP 57 change régulièrement de signature, de sorte qu'une différence entre les signatures qui lui sont attribuées ne démontre pas qu'il n'est pas l'auteur de celle en cause.
D'autre part, elle soutient que le rapport d'expertise privée réalisé par la SCI HP 57 ne lui est pas opposable, car cette dernière n'a pas été réalisée conformément au principe du contradictoire. Elle ajoute en tout état de cause que les résultats de cette expertise ne sont pas probants, car cette dernière n'a été effectuée qu'à partir de photocopies et non de l'original de signature de l'avenant litigieux.
En tout état de cause, elle note qu'il n'est pas nécessaire que la SCI HP 57 soit en possession d'un original de signature de l'avenant litigieux afin de prouver son consentement, car elle peut tout à fait avoir rempli l'exemplaire qui lui était destiné sans pour autant remplir le sien.
A titre subsidiaire, la SA Bpifrance financement soutient que la SCI HP 57 a consenti au réaménagement de son prêt.
D'une part, elle estime que les termes du mail envoyé par le gérant de la SCI HP 57 le 26 septembre 2013 démontrent que la partie adverse a bien consenti à l'avenant litigieux.
D'autre part, elle note que la SCI HP 57 s'est volontairement acquittée des sommes nécessaires au réaménagement de son prêt ainsi que des nouvelles échéances de celui-ci jusqu'à la vente de son immeuble, de sorte que son consentement est établi.
Par ailleurs, elle estime que le renvoi à la SCI HP 57 de la lettre du 20 juin 2013 par courriel d'octobre 2013 n'est pas constitutive d'une fraude ou d'une escroquerie au jugement, notamment au motif qu'elle ne se souvenait pas que l'avenant avait déjà été signé par l'appelante.
En conséquence, elle précise que l'avenant litigieux a pris effet en septembre 2013 et que l'indemnité de remboursement anticipé doit être calculée sur une base de 53 échéances restant à courir au titre du prêt.
Dans un second temps, la SA Bpifrance financement soutient que malgré l'absence de stipulation à ce titre, l'avenant a une influence sur le mode de calcul de l'indemnité de remboursement anticipé, et ce sans qu'un nouvel écrit soit nécessaire. En effet, elle rappelle que selon le contrat signé par les parties, cette indemnité est calculée au regard de la date du terme du prêt. Or, elle relève que suite à l'avenant, celui-ci a été porté au 30 septembre 2028, de sorte que l'indemnité litigieuse doit prendre en compte les nouvelles échéances allant jusqu'à cette date.
Dans un troisième temps, la SA Bpifrance financement expose à titre principal que la clause de calcul de l'indemnité de remboursement anticipé est claire quant à son contenu, et ce nonobstant sa technicité. Elle estime que le caractère variable du montant de l'indemnité due, en fonction de la date à laquelle le remboursement anticipé est réalisé, ressort sans équivoque de la clause litigieuse.
Elle rappelle aussi que le mécanisme d'actualisation appliqué par la clause a pour but de préserver la conformité du remboursement anticipé à l'économie du prêt. Elle ajoute qu'il n'engendre aucun anatocisme, car il ne conduit pas à la capitalisation des intérêts du prêt mais permet au contraire à la SCI HP 57 de choisir le moment opportun pour rembourser son prêt de façon anticipée.
Afin de calculer le montant de l'indemnité litigieuse, elle précise que pour chacune des tranches du prêt, le TME du mois précédant le remboursement anticipé est inférieur au TME du mois précédant le décaissement, de sorte que l'indemnité doit être au moins égale à 3 % du principal remboursé par anticipation, conformément aux stipulations contractuelles. Elle en déduit que la SCI HP 57 doit lui verser une somme totale de 120.295,14 euros à titre d'indemnité de remboursement anticipé du prêt, soit les sommes de 46.812,06 euros au titre de la première tranche du prêt, 62 861,88 euros au titre de la seconde et 10.621,20 euros au titre de la dernière.
A titre subsidiaire, la SA Bpifrance financement informe la cour qu'elle a versé aux débats le détail du calcul des indemnités de remboursement anticipé sur la base d'un nombre d'échéances allant jusqu'au 31 mars 2024, c'est-à-dire au titre du contrat initial. Elle affirme ainsi que dans cette hypothèse, l'indemnité litigieuse due par la SCI HP 57 s'élèverait à la somme totale de 73 260,78 euros, soit les sommes de 28 490,36 euros au titre de la première tranche du prêt, 38 258,40 euros au titre de la seconde et 6 512,02 euros au titre de la dernière.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I - Sur l'indemnité de remboursement anticipé :
Conformément à l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la date du prêt, les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont conclus et doivent être exécutés de bonne foi.
Il ressort de la clause intitulée « remboursements anticipés », insérée en page 7 de l'acte authentique de prêt du 19 décembre 2008 liant les parties, que « tout remboursement anticipé, volontaire ou non, et notamment dans les cas d'exigibilité prévus au présent contrat, donnera lieu à une indemnité exigible lors du remboursement ».
Le transfert de propriété du bien constitué en garantie est l'un des cas d'exigibilité prévu au contrat, ainsi qu'il ressort de la clause « exigibilité anticipée », en page 8 de l'acte.
Il est constant que la SCI HP 57 a vendu l'immeuble qui faisait l'objet d'une garantie expressément prévue au contrat. Il s'agit d'un cas d'exigibilité anticipée prévu par le contrat donnant lieu à indemnité de remboursement anticipé en vertu de cette clause.
La SCI HP 57 est dès lors tenue de payer l'indemnité prévue au contrat qu'elle a accepté.
Ledit contrat de prêt du 19 décembre 2008 prévoit une durée de remboursement de 15 ans, en 60 versements trimestriels à termes échus.
Les trois tableaux d'amortissement édités en 2009 après le décaissement de chaque tranche de prêt prévoient des échéances jusqu'au 31 mars 2024.
La clause « remboursements anticipés » insérée en page 7 de l'acte authentique de prêt précise que « les délais de remboursement sont stipulés dans l'intérêt des deux parties (') sous réserve d'un préavis d'un mois, l'emprunteur pourra se libérer par anticipation du montant total ou partiel du présent prêt », que « tout remboursement anticipé (...) donnera lieu à une indemnité (...) » et que « cette indemnité sera calculée par application au principal remboursé par anticipation et jusqu'aux dates fixées pour le paiement dudit principal, d'un taux annuel égal à (...) ».
Cette clause fait référence aux « délais de remboursement » qui avaient été, à l'époque de la signature de l'acte authentique, déterminés et « stipulés dans l'intérêt des deux parties » dans ledit contrat de prêt, soit un délai de remboursement de 15 ans ou de 60 échéances trimestrielles. Les « dates fixées pour le paiement du principal » sont les dates fixées par ledit acte authentique de prêt dans lequel la clause est insérée, soit jusqu'au 31 mars 2024.
Lors de la signature de l'acte authentique de prêt les parties se sont engagées sur ces dates, et ont prévu de calculer l'indemnité de remboursement anticipé jusqu'au 31 mars 2024.
Il ne résulte pas de la clause « remboursements anticipés » qu'en cas d'éventuelle prolongation future du délai de remboursement, le calcul de l'indemnité de remboursement anticipé serait également prolongé au-delà du 31 mars 2024, et que le montant de cette indemnité serait ainsi augmenté.
A supposer qu'un doute soit à envisager à cet égard, ladite clause s'interprète en faveur de l'emprunteur, conformément à l'article 1190 du code civil, ce qui conduit en tout état de cause à retenir que les « délais de remboursement » et les « dates fixées pour le paiement du principal » sont ceux qui ont été consentis par l'emprunteur dans le contrat de prêt, et non pas ceux qui résulteraient d'une prolongation par avenant et conduiraient à augmenter l'indemnité à sa charge.
De plus la lettre litigieuse du 20 juin 2013, relative à un allongement de la durée du prêt de 4 ans, n'évoque pas la clause d'indemnité de remboursement anticipé. Aucun document contractuel n'évoque l'incidence d'un éventuel allongement de la durée de remboursement du prêt sur la détermination de l'indemnité de remboursement anticipé.
Au regard de tout ce qui précède l'indemnité de remboursement anticipé doit être calculée jusqu'au 31 mars 2024, et ce qu'un avenant ait été conclu par les parties ou non. Il n'est dès lors pas utile de vérifier l'existence d'un avenant, qui est contestée entre les parties.
Conformément aux dispositions contractuelles la SCI HP 57 est tenue de payer l'indemnité de remboursement anticipée calculée au regard d'échéances jusqu'au 31 mars 2014. Selon le détail de calcul de l'indemnité jusqu'au 31 mars 2014 qui est produit en pièce n° 25 par la SA Bpifrance financement, il s'agit d'une somme de 73.260,78 euros. Il est en conséquence fait droit à la demande subsidiaire de la SA Bpifrance financement, le surplus de la demande principale étant rejeté.
Le jugement a déjà été infirmé par arrêt du 24 juin 2021 en ce qu'il a alloué à la SA Bpifrance financement un montant global de 30 521,33 euros avec intérêts au taux de 8,10 %, qui couvrait à la fois du capital restant dû sur la 3' tranche de prêt, une indemnité de remboursement anticipé, et des indemnités forfaitaires et de frais de gestion.
II - Sur les dépens et l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile :
Il n'a pas été interjeté appel du jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à distraction des dépens,
Les dispositions du jugement statuant sur la charge des dépens et l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance sont confirmées, la SCI HP 57 étant redevable d'une indemnité envers la SA Bpifrance financement.
Il n'est pas fait droit aux prétentions principales de la SA Bpifrance financement et de la SCI HP 57 développées initialement en appel avant l'arrêt avant dire droit du 24 juin 2021. Les dépens de la procédure d'appel sont dès lors partagés entre les parties, et leurs demandes respectives formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Vu l'arrêt du 24 juin 2021 ayant notamment infirmé le jugement en ce qu'il a condamné la SCI HP 57 à payer à la SA Bpifrance financement la somme de 130.521,33 euros outre intérêts au taux de 8,10 % à compter du 23 mars 2016 ;
Statuant à nouveau sur le montant de l'indemnité de remboursement anticipé,
Condamne la SCI HP 57 à payer à la SA Bpifrance financement la somme de 73 260,78 euros au titre de l'indemnité de remboursement anticipé ;
Rejette toute demande plus ample de la SA Bpifrance à ce titre ;
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- condamné la SCI HP 57 à payer à la SA Bpifrance financement la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,
- condamné la SCI HP 57 aux entiers dépens de la procédure de première instance,
- débouté la SCI HP 57 de sa demande en indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
Condamne la SCI HP 57 à supporter la moitié des dépens de la procédure d'appel, et condamne la SA Bpifrance financement à supporter l'autre moitié des dépens de la procédure d'appel ;
Déboute la SCI HP 57 et la SA Bpifrance financement de leurs demandes au titre des dépens et de l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
La Greffière La Présidente de chambre