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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 18 janvier 2024

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 18 janvier 2024
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 1 - 9
Demande : 23/06999
Décision : 2024/025
Date : 18/01/2024
Nature de la décision : Annulation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 24/05/2023
Numéro de la décision : 25
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10752

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 18 janvier 2024 : RG n° 23/06999 ; arrêt n° 2024/025 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Dès lors que le premier juge a soulevé d'office, sur le fondement précité, le caractère abusif de la clause « exigibilité immédiate » stipulée à l'article 17 du contrat de prêt, il avait l'obligation de rouvrir les débats pour permettre aux parties de formuler leurs observations. A défaut, le jugement déféré est entaché de nullité pour cause de violation du principe du contradictoire. Par conséquent, la nullité du jugement déféré sera prononcée. L'appel-nullité produit un effet dévolutif pour le tout de sorte que la cour doit statuer sur les contestations des époux X. »

2/ « Selon les dispositions de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Cependant, le droit positif dissocie le régime de la clause nulle de celui de la clause réputée non écrite au titre de la prescription et considère que la clause réputée non écrite est non avenue par le seul effet de la loi de sorte que la demande destinée à y faire échec n'est pas soumise à la prescription (Civ. 3ème, 7 mai 2008, n° 07.13-149 et Civ. 1ère, 13 mars 2019, n°17-23.169). Il s'en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite la clause litigieuse ne s'analyse pas en une demande de nullité, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale. »

3/ « L'article 2 du code civil dispose que la loi ne vaut que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif. Il s'en déduit que le législateur pose le principe de la non-rétroactivité de la loi et non de celle de la jurisprudence. De plus, le droit positif considère que la sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit au procès équitable pour contester l'application immédiate d'une solution nouvelle résultant d'une évolution de la jurisprudence ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée. Cette évolution relève de l'office du juge dans l'application du droit. »

4/ « L'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi 2010-737 du 1er juillet 2010, applicable au contrat de prêt du 25 janvier 2011, dispose que : […]. L'article R. 132-2 dans sa rédaction issue du décret 2009-302 du 18 mars 2009 dispose que dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et second alinéa de l'article L 132-1, sauf à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet notamment de reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable.

Le droit positif communautaire considère que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, 4 juin 2009, C-243/08).

Un arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14) de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dit pour droit que […]. Un arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21) de la CJUE dit pour droit que […]. Le droit positif interne considère que crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, une clause d'un contrat de prêt immobilier qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable. Une telle clause est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation. (Civ. 1ère, 22 mars 2023, n° 21-16.044).

En l'absence de précision, dans l'arrêt précité, sur l'application dans le temps du droit prétorien nouveau, il s'applique aux procédures en cours et aux contrats souscrits antérieurement à la date de son prononcé.

Dans l'hypothèse où une clause de déchéance du terme est déclarée abusive, le prêteur dispose de la faculté de procéder au recouvrement forcé des échéances impayées ou de saisir le juge pour solliciter la résolution du contrat de prêt pour manquement grave des emprunteurs à leur obligation de remboursement des sommes prêtées et leur condamnation au paiement des échéances impayées non régularisées, du capital restant dû, des intérêts moratoires, et de l'indemnité de résiliation.

En l'espèce, l'article 17 intitulé « exigibilité immédiate » stipule que « les sommes seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par écrit » et notamment si « l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt ». Il s'en déduit que la clause précitée a pour effet la déchéance de « plein droit » du terme en cas de retard de plus de trente jours de paiement d'une échéance de remboursement, que les sommes dues sont « immédiatement exigibles » et que la seule obligation du prêteur est d'en avertir les emprunteurs par un écrit. En l'état d'une déchéance de plein droit du terme sans délai raisonnable laissé aux emprunteurs pour tenter de régulariser les impayés, et de l'absence d'un autre mécanisme conventionnel de régularisation des retards de paiement, la clause précitée créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au préjudice des époux X. Par conséquent, la clause de l'article 17 du contrat de prêt du 25 janvier 2011 est réputée non écrite. »

5/ « Selon les dispositions de l'article R. 321-3 dernier alinéa, la nullité du commandement n'est pas encourue au motif que les sommes réclamées sont supérieures à celles dues au créancier. Au titre des effets de la sanction du caractère abusif de la clause de l'article 17, la déchéance du terme a deux sources, légale (par exemple l'article 1188 ancien du code civil) ou conventionnelle selon les principe et modalités convenues par les parties. Dès lors que les modalités de mise en œuvre de la déchéance du terme sont stipulées exclusivement par l'article 17 précité réputé non écrit, la faculté pour le prêteur de prononcer la déchéance du terme n'existe plus. Il n'est fondé à procéder au recouvrement forcé que des seules échéances impayées et doit saisir le juge aux fins de résolution du contrat de prêt et de paiement des autres sommes restant dues.

La déchéance du terme prononcée par la Lyonnaise de Banque, par lettre recommandée du 24 octobre 2016, suite à une mise en demeure du 12 août 2016 de régulariser quatre échéances impayées, résulte de son initiative unilatérale et ne résulte pas de l'exécution de dispositions conventionnelles. La déchéance du terme affecté au contrat de prêt, objet du litige, ne peut donc résulter de la lettre du 24 octobre 2016. Le défaut de validité de la déchéance du terme n'induit pas de plein droit, comme les débiteurs saisis semblent le considérer, la nullité pour défaut de créance exigible, du commandement de payer valant saisie du 1er septembre 2021. En effet, ce dernier produit effet pour le montant des échéances impayées par les époux X. jusqu'à la date de sa délivrance, soit celles de : […] »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-9

ARRÊT DU 18 JANVIER 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/06999. Arrêt n° 2024/025. N° Portalis DBVB-V-B7H-BLKRA. ARRÊT MIXTE. Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution de MARSEILLE en date du 9 mai 2023 enregistré au répertoire général sous le RG n° 21/00222.

 

APPELANTE :

SA CIC LYONNAISE DE BANQUE

immatriculée au RCS de LYON sous le n° B XXX, représentée en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 8] - [Localité 6], représentée par Maître Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Maître Virginie ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE,

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [Date naissance 1] à [Localité 18], demeurant [Adresse 11] - [Localité 17], assigné à jour fixe le 22/08/2023 à personne

Madame Y. épouse X.

née le [Date naissance 3] à [Localité 13], demeurant et actuellement domiciliée [Adresse 12] - [Localité 13], assignée le 22/08/2023 par PV art 659 du cpc

Tous deux représentés par Maître Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistés de Maître Edouard Paul SEKLI, avocat au barreau de MARSEILLE

MONSIEUR LE RESPONSABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPÉCIALISÉ DE [Localité 2]

[Adresse 4] - [Localité 2], assigné à jour fixe le 22/08/2023 à l'étude, signification de conclusions le 08/11/2023 à personne habilitée, défaillante

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 29 novembre 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de : Madame Evelyne THOMASSIN, Président, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.

ARRÊT : Réputé contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024, Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits, procédure et prétentions des parties :

La Lyonnaise de Banque poursuit à l'encontre des époux X., suivant commandement signifié le 18 août 2021 à madame X. et le 1er septembre suivant à monsieur X. par procès-verbal de recherches infructueuses, la vente de biens et droits immobiliers leur appartenant sur la commune de [Localité 13], [Adresse 16], dans immeuble dénommé « [Adresse 14] » avec un accès par un chemin privé qui prend naissance sur le boulevard des Cigales sur lequel il porte le numéro 32, cadastrés section BY n° [Cadastre 9], [Adresse 15] pour une contenance de 00ha 12a 75 ca, plus amplement désignés au cahier des conditions de vente déposé au greffe du juge de l'exécution le 18 novembre 2021, pour avoir paiement d'une somme de 463.765,21 € en principal, intérêts de retard, indemnité forfaitaire, intérêts au 1er juillet 2021, en vertu de la copie exécutoire d'un acte authentique, contenant prêt reçu par maître W., notaire associé, le 11 février 2011.

Le commandement, publié le 28 septembre 2021 est demeuré sans effet. Au jour de cette publication, il existait un créancier inscrit, le Trésor Public-Pôle de Recouvrement spécialisé de [Localité 2], à qui la procédure de saisie immobilière a été dénoncée le 16 novembre 2021.

Un jugement d'orientation du 9 mai 2023 du juge de l'exécution de Marseille :

- à titre liminaire, accueillait l'exception d'incompétence du juge de l'exécution pour statuer sur l'action en responsabilité exercée contre la banque,

- constatait le caractère abusif de l'article 17 du contrat de prêt,

- annulait la déchéance du terme du 14 octobre 2016,

- disait la procédure de saisie immobilière irrégulière faute de créance exigible,

- ordonnait la radiation du commandement de payer signifié les 18 août et 1er septembre 2021 et publié le 28 septembre 2021 au service de la publicité foncière de Marseille 3ème bureau volume 2021 n°108,

- condamnait la société CIC Lyonnaise de Banque au paiement de la somme de 5.000 € de dommages et intérêts et d'une indemnité de 1.500 € pour frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

Le premier juge retenait que :

- les commandements de payer délivrés les 18 août 2021 et 1er septembre 2021 ont été publiés le 28 septembre 2021, soit dans le délai de deux mois et que l'assignation a été délivrée le 15 novembre 2021, soit dans le délai de deux mois de la publication précitée,

- la prescription biennale de l'action en recouvrement du créancier poursuivant n'est pas acquise au motif que si le premier impayé non régularisé date du 5 mai 2016, les commandements délivrés les 29 juin et 4 juillet 2017 puis les 19 mars 2019 et 28 janvier 2021, sont interruptifs de prescription,

- la nullité du commandement délivré à monsieur X. n'est pas établie en l'absence de grief causé par l'erreur d'adresse dès lors qu'il a eu connaissance de la procédure, a comparu et a été en mesure de saisir le juge de ses contestations,

- le juge de l'exécution n'est pas compétent pour statuer sur une demande indemnitaire fondée sur les conditions d'exécution du contrat de crédit et non sur la saisie immobilière,

- l'article 17 du contrat de prêt a pour effet un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et constitue une clause abusive en l'absence de mise en demeure préalable de payer les échéances impayées dans un délai raisonnable avant de prononcer la déchéance du terme par un premier courrier du 14 octobre 2016 portant demande de payer le capital restant du de 394 246 € dans un délai de 14 jours. En l'absence de déchéance du terme, la créance n'est pas exigible et ne peut donner lieu à commandement,

- les époux X. ont subi un préjudice compte tenu de la poursuite d'une procédure de saisie immobilière pour recouvrer une créance non exigible.

Par déclaration reçue le 24 mai 2023 au greffe de la cour, la société Lyonnaise de Banque formait appel du jugement précité. Une ordonnance du 1er juin 2023 de madame la présidente de la chambre 1-9 de la cour d'appel autorisait l'assignation à jour fixe.

Le 22 août 2023, la société Lyonnaise de Banque faisait assigner les époux X. et monsieur le Responsable du Pôle de Recouvrement Spécialisé de [Localité 2], créancier inscrit, d'avoir à comparaître. Les assignations étaient déposées au greffe, le 25 août 2023.

[*]

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 28 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la Lyonnaise de Banque demande à la cour de :

- annuler le jugement pour violation du principe du contradictoire,

- à défaut, réformer le jugement du 09 mai 2023 en ce qu'il a :

- constaté le caractère abusif de l'article 17 du contrat de prêt,

- annulé la déchéance du terme du 14 octobre 2016,

- dit que la procédure de saisie immobilière est irrecevable faute de créance exigible,

- ordonné la radiation du commandement de payer signifié par maître Z., huissier de justice associé à [Localité 13], les 18 août 2021 et du 1er septembre 2021, publié le 28 septembre 2021 au Service de la Publicité Foncière de Marseille, 3ème Bureau Volume 2021 S n° XX et ordonné sa radiation,

- prononcé condamnation au paiement de la somme de 5.000 € de dommages et intérêts, d'une indemnité de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accueilli l'exception d'incompétence du juge de l'exécution pour connaître de l'action en responsabilité de la banque,

Statuant à nouveau et en tout état de cause,

- constater la validité de la saisie immobilière au regard des textes applicables,

- ordonner la poursuite de la procédure nonobstant la décision de surendettement dont bénéficie madame Y.,

- mentionner le montant retenu de la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et autres accessoires tel que résultant du décompte inséré au cahier des conditions de la vente augmenté des intérêts moratoires y figurant, à défaut à hauteur des échéances impayées soit 230.960.97 € au 24 mai 2023 outre intérêts au taux contractuel majoré de 3 points jusqu'au parfait paiement,

- déterminer, conformément à l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution, les modalités de poursuite de la procédure,

- débouter les époux X. de toutes leurs prétentions, fins, et conclusions,

- ordonner la vente forcée des biens saisis et fixer les date et heure de l'audience forcée,

- fixer la date de l'audience d'adjudication et la date de visite conformément à l'article R. 322-26 du code des procédures civiles d'exécution, avec le concours de la SCP Synergie Huissiers 13, huissiers de justice à [Localité 13], [adresse], ou de tel autre huissier qu'il plaira au juge de l'exécution de désigner, lequel pourra se faire assister si besoin est, de deux témoins, d'un serrurier et de la force publique,

- autoriser d'ores et déjà le requérant à :

- faire pratiquer les diagnostics immobiliers : loi Carrez, plomb, amiante, termites, diagnostic de performance énergétique et autres si besoin, par un expert consultant, lequel pourra se faire assister d'un huissier avec la présence, si besoin est de la force publique, d'un serrurier, voire de deux témoins, compléter l'avis prévu à l'article R. 322-31 du code des procédures civiles d'exécution par une photo du bien à vendre, compléter les avis simplifiés prévus à l'article R. 322-32 du code des procédures civiles d'exécution par une désignation sommaire des biens mis en vente ainsi que l'indication du nom de l'avocat poursuivant, à accomplir la publicité par un autre mode de communication à travers l'annonce de la vente sur site national internet : (ABT COMMUNICATIONS) et ce en vertu des dispositions de l'article R 322-37 du code des procédures civiles d'exécution,

- faire procéder à cette dernière publicité par des mentions similaires à l'avis prévu à l'article R. 322-31 du code des procédures civiles d'exécution qu'il y soit adjoint : le cahier des charges, en prenant soin de retirer de cet acte les coordonnées de la partie saisie et une photographie,

- ordonner dans le jugement d'adjudication, l'expulsion du saisi et de tous occupants de son chef des biens saisis, la décision à intervenir de ce chef devant profiter à l'adjudicataire définitif des l'accomplissement des formalités prévues au cahier des conditions de vente, notamment le paiement des frais et du prix,

- condamner les époux X. à payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner que les dépens seront des frais privilégiés de vente dus par l'adjudicataire ou l'acquéreur amiable en sus du prix principal qui comprendront notamment le coût des visites et des divers diagnostics immobiliers et de leur ré-actualisation, dont distraction au profit de maître Virginie Rosenfeld.

Elle fonde sa demande de nullité du jugement déféré sur la violation du principe du contradictoire des articles 14 et 17 du code de procédure civile au motif que le premier juge s'est saisi d'office du caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme de plein droit sans solliciter les observations des parties au moyen d'une réouverture des débats.

Elle invoque la prescription quinquennale de l'action visant à faire valoir les effets de la constatation de clause abusive dont le point de départ peut être fixé à la réception au cours de l'année 2016 des premiers courriers de mise en demeure à compter desquels les époux X. pouvaient exercer un recours effectif.

Elle soutient que la clause d'exigibilité immédiate est licite au sens des dispositions des articles L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de consommation.

Elle affirme que le contrôle du caractère abusif de la clause doit être écarté dès lors qu'elle définit l'objet du contrat de prêt (clause relative aux effets du non-paiement des échéances de remboursement) et qu'elle est claire et compréhensible par les époux X., consommateurs moyens normalement avisés, lesquels ne pouvaient ignorer le risque d'exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement des mensualités de remboursement,

Elle invoque un défaut de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au motif que les époux X. étaient informés des risques inhérents au défaut de paiement des échéances et qu'ils disposaient de droits (référé, surendettement, demande de moratoire) qu'ils n'ont pas exercé pour tenter d'en suspendre les effets.

Elle conteste la rétroactivité du droit positif issu des arrêts du 22 mars 2023 de la Cour de cassation sur le fondement du droit au procès équitable de l'article 6 §1 de la CEDH.

Elle invoque une nécessaire appréciation au cas par cas de la rétroactivité ainsi qu'une disproportion manifeste entre les avantages et les inconvénients de l'évolution jurisprudentielle.

Elle affirme avoir respecté les obligations mises à sa charge au moment de la conclusion du contrat et de la déchéance du terme et qu'elle ne pouvait anticiper l'évolution du droit positif alors que la sécurité juridique impose à la cour de se placer au jour de la conclusion du contrat pour déterminer le droit applicable.

Elle affirme qu'en tout état de cause, même en cas de nullité de la mise en demeure, le commandement vise les sommes dues par les époux X. pour un montant total de 230 960,97 € au 24 mai 2023. Elle conteste sa condamnation à payer des dommages et intérêts alors qu'elle dispose d'un titre exécutoire et subit le défaut de paiement de sommes dues depuis l'année 2016. Enfin, elle constate l'absence de demande de suspension de la saisie immobilière pour cause de recevabilité de la demande de surendettement de madame X. aux motifs qu'il s'agit d'une mesure individuelle et qu'elle reste codébiteur solidaire de l'intégralité des sommes dues au titre du prêt.

[*]

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 12 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, les époux X. demandent à la cour :

Sur l'appel incident :

- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la nullité de la signification du commandement de payer et de l'assignation en vue de l'audience d'orientation signifiées à Monsieur X.,

Statuant à nouveau,

- Prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière du 18 août 2021, (délivré le 1er septembre 2021 à monsieur X.), pour caducité de la procédure de saisie immobilière, aux motifs que la banque n'a pas respecté les dispositions légales au visa de l'article L. 218-2 du code de la consommation, plus de deux ans s'étant écoulés, entre le 1er incident de paiement non régularisé (5 mai 2016) et la délivrance du commandement de payer valant saisie,

- Prononcer la nullité de l'assignation signifiée le 15 novembre 2021 selon les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile,

- Juger que l'annulation d'un commandement de payer valant saisie immobilière, prive cet acte de son effet interruptif de prescription,

- Annuler la procédure de saisie immobilière,

- Réformer le jugement en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'acte,

Statuant à nouveau,

- Déclarer prescrite l'action engagée par la SAS Cic Lyonnaise,

En tout état de cause,

- Ordonner la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière, signifié par exploit de Synergie Huissiers 13 en date du 18 août 2021, publié au service de la Publicité Foncière de Marseille 3, le 28 septembre 2021, Volume 2021 S, N°XX, pour un bien immobilier sis actuellement [Adresse 7] (anciennement numéroté [Adresse 5]), et figurant au cadastre de la ville de [Localité 13], Section BY N°[Cadastre 9], pour une contenance de 12a75ca.

- Ordonner la radiation de l'inscription de privilège de prêteur de deniers, déposé le 11 février 2011, publié et enregistré le 24 mars 2011, à la Conservation des Hypothèques de [Localité 2] 3ème bureau, Volume 2011 V, N°YY.

- Radier les époux X. du fichier national d'incident de paiement Banque de France,

- Débouter le CIC Lyonnaise de Banque de toutes ses prétentions, fins et conclusions.

Sur l'appel principal :

- Confirmer le jugement en date du 9 mai 2023, en ce qu'il a :

- accueilli l'exception d'incompétence du juge de l'exécution pour connaître de l'action en responsabilité de la Banque.

- constaté le caractère abusif de l'article 17 « Exigibilité immédiate » du contrat de prêt.

- annulé la déchéance du terme du 14 octobre 2016.

- dit que la procédure de saisie immobilière est irrecevable faute de créance exigible.

- ordonné la radiation du commandement de payer signifié par Maître Z., huissier de justice associé à [Localité 13], en date du 18 août et du 1er septembre 2021, publié le 28 septembre 2021 au Service de la Publicité Foncière de Marseille 3ème Bureau Volume 2021 S N°WW et ordonné sa radiation.

- condamné la Société Lyonnaise de Banque à payer aux époux X. la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts.

- condamné la Société Lyonnaise de Banque à payer aux époux X. la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

Statuant à nouveau :

- Accueillir l'exception d'incompétence du Juge de l'Exécution pour connaître de l'action en responsabilité de la Banque.

- Constater le caractère abusif de l'article 17 « Exigibilité Immédiate » du contrat de prêt.

- Annuler la déchéance du terme du 14 octobre 2016,

- Juger que la procédure de saisie immobilière est irrecevable faute de créance exigible,

- Ordonner la radiation du commandement de payer signifié par Me Z., Huissier de justice associé à [Localité 13] en date du 18 août et du 1er septembre 2021, publié le 28 septembre 2021 au Service de la Publicité Foncière de Marseille 3ème Bureau Volume 2021 S N°WW et Ordonné sa radiation,

- Rejeter l'intégralité des demandes de la banque CIC Lyonnaise de Banque,

- Ne pas prononcer l'annulation du jugement en date du 9 mai 2023, aux motifs qu'il n'y pas eu de violation du principe du contradictoire, le Juge de l'Exécution, devant se saisir d'office de la validité de toute clause, qui au sein du titre exécutoire, lui semblerait abusive,

- Condamner la SA CIC Lyonnaise de Banque à verser aux époux X., solidairement la somme de 5.000 € de dommages et intérêts, au visa de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution,

- Condamner la SA CIC Lyonnaise de Banque à verser aux époux X., la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la SA CIC Lyonnaise de Banque, aux entiers dépens de l'instance d'appel, distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval Guedj, sous leur affirmation de droit, au titre des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

Ils fondent la caducité de la procédure de saisie immobilière sur la prescription biennale de l'article L 218-2 du code de la consommation à compter de la première échéance impayée du 5 mai 2016 de sorte que la prescription est acquise depuis le 5 mai 2018. Ils soutiennent que les actes d'exécution forcée postérieurs ne sont pas interruptifs et que la caducité du premier commandement des 29 juin et 4 juillet 2017, prononcée par jugement du 8 janvier 2019, le prive d'effet interruptif.

En outre, ils invoquent la signification irrégulière du commandement à monsieur X. au [Adresse 10] à [Localité 17] alors que cette adresse n'existe pas et que le créancier connaissait le lieu de travail de monsieur X. Ils opposent que le commandement ne mentionne que la délivrance de l'acte à madame X. sans aucune référence à celui délivré le 1er septembre à monsieur X., lequel en a eu connaissance par son épouse dont il est pourtant séparé de fait depuis plusieurs années.

Ils fondent aussi leur demande de nullité sur l'absence d'exigibilité de la créance en raison du défaut de validité de la déchéance du terme. Ils soutiennent que l'article 17 du contrat de prêt ne prévoit aucune mise en demeure préalable de payer les échéances impayées dans un délai raisonnable.

Par contre, le créancier poursuivant leur a adressé un courrier de notification de la déchéance du terme avec mise en demeure de payer la somme de 394.246 € dans un délai de 14 jours. Ils considèrent que l'article 17 caractérise un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties de sorte que la créance n'est pas exigible et ne peut donner lieu à recouvrement forcé au moyen d'une saisie immobilière.

Ils contestent la violation par le premier juge du principe du contradictoire dès lors que le juge peut se saisir d'office de la question du caractère abusif d'une clause sans avoir à procéder à la réouverture des débats.

Ils invoquent l'existence d'une clause abusive dans le cadre d'une action aux fins de déclaration imprescriptible dès lors qu'elle n'est pas une demande de nullité soumise à la prescription quinquennale. Ils rappellent que le droit positif considère que la clause d'exigibilité de plein droit sans mise en demeure préalable est une clause abusive qui s'applique aux contrats en cours.

Ils fondent leur demande de dommages et intérêts sur un abus de saisie en l'état de commandements antérieurs irréguliers et non suivis d'effet et de l'engagement d'une nouvelle procédure pour recouvrer une créance dont la Lyonnaise de Banque ne pouvait ignorer la prescription.

[*]

Monsieur le Responsable du Pôle de Recouvrement Spécialisé de [Localité 2], cité à personne habilitée, n'a pas comparu.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

Sur la demande de nullité du jugement déféré :

Selon les dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel tend à faire réformer ou annuler par la cour d'appel un jugement rendu par une juridiction du premier degré.

L'article 16 du code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

En l'espèce, il résulte du rappel des prétentions (pages 3 et 4) et de la motivation du jugement déféré (page 7) que si les débiteurs contestaient la validité de la déchéance du terme au motif d'un défaut de mise en demeure préalable, il ne résulte pas des conclusions des époux X. devant le premier juge (pièce n°5 de l'appelant) que leur demande de nullité soit fondée sur l'article L 132-1 devenu L 212-1 du code de la consommation, non mentionné dans leurs écritures, relatifs aux clauses abusives.

Dès lors que le premier juge a soulevé d'office, sur le fondement précité, le caractère abusif de la clause « exigibilité immédiate » stipulée à l'article 17 du contrat de prêt, il avait l'obligation de rouvrir les débats pour permettre aux parties de formuler leurs observations. A défaut, le jugement déféré est entaché de nullité pour cause de violation du principe du contradictoire.

Par conséquent, la nullité du jugement déféré sera prononcée. L'appel-nullité produit un effet dévolutif pour le tout de sorte que la cour doit statuer sur les contestations des époux X.

 

Sur la demande de nullité du commandement fondée sur sa caducité et la prescription de la créance :

L'article R. 311-11 du code des procédures civiles d'exécution dispose que les délais prévus par les articles R. 321-1, R. 321-6, R. 322-6, R. 322-10 et R. 322-31 ainsi que les délais de deux et trois mois prévus par l'article R. 322-4 sont prescrits à peine de caducité du commandement de payer valant saisie.

Toute partie intéressée peut demander au juge de l'exécution de déclarer la caducité et d'ordonner, en tant que de besoin, qu'il en soit fait mention en marge de la copie du commandement publié au fichier immobilier.

Il n'est pas fait droit à la demande si le créancier poursuivant justifie d'un motif légitime.

La déclaration de la caducité peut également être rapportée si le créancier poursuivant fait connaître au greffe du juge de l'exécution, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de celle-ci, le motif légitime qu'il n'aurait pas été en mesure d'invoquer en temps utile.

L'article L. 311-2 du code précité dispose que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées par le présent livre et par les dispositions qui ne lui sont pas contraires du livre Ier.

L'article L. 218-2 du code de la consommation dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

En l'espèce, la demande de nullité du commandement ne peut être fondée sur sa caducité, laquelle suppose le non-respect des délais définis par l'article R. 311-11 précité non invoqué en appel.

Par contre, elle est fondée sur la prescription du droit d'agir de la Lyonnaise de Banque.

Le droit positif considère qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune des fractions à compter de son échéance de sorte que si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme qui emporte son exigibilité.

La validité de la déchéance du terme, contestée par les époux X., sera examinée ci-après. La première échéance impayée est celle du mois de mai 2016. Si les commandements aux fins de saisie immobilière délivrés les 29 juin et 4 juillet 2017 dont la caducité a été prononcée par jugement du 8 janvier 2019 devenu définitif, n'ont produit aucun effet interruptif de prescription, la Lyonnaise de Banque justifie avoir fait délivrer aux époux X. des commandements de payer aux fins de saisie-vente, les 19 mai 2017, 29 juin 2017, 19 mars 2019, 28 janvier 2021 et 28 décembre 2022, dont la régularité n'est pas contestée, lesquels ont eu pour effet d'interrompre régulièrement la prescription biennale.

Par conséquent, la fin de non-recevoir de la prescription du droit d'agir de la Lyonnaise de Banque doit être écartée.

 

Sur la demande de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière et de l'assignation à comparaître en audience d'orientation fondée sur les modalités de leur signification à monsieur X. :

L'article 654 du code de procédure civile dispose que la signification doit être faite à personne.

L'article 114 du code de procédure civile dispose qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.

En l'espèce, l'acte de signification, délivré le 1er septembre 2021 à monsieur X., du commandement de payer valant saisie, et celui du 15 novembre 2021 de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation, mentionnent qu'ils ont été délivrés au [Adresse 10] à [Localité 17] alors que cette adresse n'existe pas selon attestation du maire de cette commune et que le domicile de l'intimé se situe au 894 de la même rue. La signification a donc été convertie en procès-verbal de recherches infructueuses alors que le créancier connaissait l'adresse exacte de monsieur X. au 894 de la même rue.

Cependant, monsieur X. doit justifier d'un grief en lien avec l'irrégularité formelle précitée. Or, il a eu connaissance de la procédure par un autre moyen, notamment une information de son épouse dont il est séparé de fait, et a constitué avocat devant le premier juge pour saisir ce dernier de plusieurs contestations et obtenir la nullité du commandement.

Par conséquent, monsieur X. n'établit pas un grief en lien avec l'irrégularité de la signification du commandement de payer valant saisie et de l'assignation à comparaître devant le premier juge. Sa demande de nullité des actes précités n'est donc pas fondée et doit être rejetée.

 

Sur la demande de nullité du commandement fondée sur le défaut de validité de la déchéance du terme et d'exigibilité de la créance en raison du caractère abusif de l'article 17 du contrat de prêt :

* Sur la prescription de la demande ayant pour objet de faire constater le caractère abusif l'article 17 du contrat de prêt :

Selon les dispositions de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Cependant, le droit positif dissocie le régime de la clause nulle de celui de la clause réputée non écrite au titre de la prescription et considère que la clause réputée non écrite est non avenue par le seul effet de la loi de sorte que la demande destinée à y faire échec n'est pas soumise à la prescription (Civ. 3ème, 7 mai 2008, n° 07.13-149 et Civ. 1ère, 13 mars 2019, n°17-23.169).

Il s'en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite la clause litigieuse ne s'analyse pas en une demande de nullité, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale.

En l'espèce, la Lyonnaise de Banque ne peut opposer aux époux X. la prescription de leur demande ayant pour objet de faire déclarer abusive la clause d'exigibilité immédiate du contrat de prêt du 25 janvier 2011. Cette demande n'a pas pour objet la nullité de la clause mais son caractère réputé non écrit en raison de son caractère abusif. La recevabilité de la demande des époux X. n'est donc pas soumise au respect d'un délai de prescription.

Par conséquent, la demande des époux X., de ce chef est recevable.

 

* Sur l'examen du caractère abusif de l'article 17 du contrat de prêt :

L'article 2 du code civil dispose que la loi ne vaut que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif.

Il s'en déduit que le législateur pose le principe de la non-rétroactivité de la loi et non de celle de la jurisprudence. De plus, le droit positif considère que la sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit au procès équitable pour contester l'application immédiate d'une solution nouvelle résultant d'une évolution de la jurisprudence ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée. Cette évolution relève de l'office du juge dans l'application du droit.

L'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi 2010-737 du 1er juillet 2010, applicable au contrat de prêt du 25 janvier 2011, dispose que :

Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission instituée à l'article L. 132-2, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.

Ces dispositions sont applicables quel que soit la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses. Les dispositions du présent article sont d'ordre public.

L'article R. 132-2 dans sa rédaction issue du décret 2009-302 du 18 mars 2009 dispose que dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et second alinéa de l'article L 132-1, sauf à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet notamment de reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable.

Le droit positif communautaire considère que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, 4 juin 2009, C-243/08).

Un arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14) de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dit pour droit que l'article 3, paragraphe 1 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombe à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.

Un arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21) de la CJUE dit pour droit que l'arrêt précité devait être interprété en ce sens que les critères qu'il dégage pour l'appréciation du caractère abusif d'une clause contractuelle, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat que cette clause créé au détriment du consommateur, ne pouvaient être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais devaient être compris comme faisant partie de l'ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national doit examiner afin d'apprécier le caractère abusif d'une clause contractuelle.

Le droit positif interne considère que crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, une clause d'un contrat de prêt immobilier qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable. Une telle clause est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation. (Civ. 1ère, 22 mars 2023, n° 21-16.044).

En l'absence de précision, dans l'arrêt précité, sur l'application dans le temps du droit prétorien nouveau, il s'applique aux procédures en cours et aux contrats souscrits antérieurement à la date de son prononcé.

Dans l'hypothèse où une clause de déchéance du terme est déclarée abusive, le prêteur dispose de la faculté de procéder au recouvrement forcé des échéances impayées ou de saisir le juge pour solliciter la résolution du contrat de prêt pour manquement grave des emprunteurs à leur obligation de remboursement des sommes prêtées et leur condamnation au paiement des échéances impayées non régularisées, du capital restant dû, des intérêts moratoires, et de l'indemnité de résiliation.

En l'espèce, l'article 17 intitulé « exigibilité immédiate » stipule que « les sommes seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par écrit » et notamment si « l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt ».

Il s'en déduit que la clause précitée a pour effet la déchéance de « plein droit » du terme en cas de retard de plus de trente jours de paiement d'une échéance de remboursement, que les sommes dues sont « immédiatement exigibles » et que la seule obligation du prêteur est d'en avertir les emprunteurs par un écrit.

En l'état d'une déchéance de plein droit du terme sans délai raisonnable laissé aux emprunteurs pour tenter de régulariser les impayés, et de l'absence d'un autre mécanisme conventionnel de régularisation des retards de paiement, la clause précitée créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au préjudice des époux X.

Par conséquent, la clause de l'article 17 du contrat de prêt du 25 janvier 2011 est réputée non écrite.

 

Sur les effets du caractère abusif de la clause stipulée à l'article 17 du contrat de prêt sur les caractères liquide et exigible de la créance et la validité du commandement :

Selon les dispositions de l'article R. 321-3 dernier alinéa, la nullité du commandement n'est pas encourue au motif que les sommes réclamées sont supérieures à celles dues au créancier.

Au titre des effets de la sanction du caractère abusif de la clause de l'article 17, la déchéance du terme a deux sources, légale (par exemple l'article 1188 ancien du code civil) ou conventionnelle selon les principe et modalités convenues par les parties. Dès lors que les modalités de mise en œuvre de la déchéance du terme sont stipulées exclusivement par l'article 17 précité réputé non écrit, la faculté pour le prêteur de prononcer la déchéance du terme n'existe plus. Il n'est fondé à procéder au recouvrement forcé que des seules échéances impayées et doit saisir le juge aux fins de résolution du contrat de prêt et de paiement des autres sommes restant dues.

La déchéance du terme prononcée par la Lyonnaise de Banque, par lettre recommandée du 24 octobre 2016, suite à une mise en demeure du 12 août 2016 de régulariser quatre échéances impayées, résulte de son initiative unilatérale et ne résulte pas de l'exécution de dispositions conventionnelles. La déchéance du terme affecté au contrat de prêt, objet du litige, ne peut donc résulter de la lettre du 24 octobre 2016.

Le défaut de validité de la déchéance du terme n'induit pas de plein droit, comme les débiteurs saisis semblent le considérer, la nullité pour défaut de créance exigible, du commandement de payer valant saisie du 1er septembre 2021. En effet, ce dernier produit effet pour le montant des échéances impayées par les époux X. jusqu'à la date de sa délivrance, soit celles de :

- mai 2016 pour un montant de 962,25 € dont 935,01 € en capital et 27,24 € en intérêts,

- juin 2016 à août 2021 inclus pour un montant de 172 168,29 € (63 échéances à 2 732,63 €) dont 107 309,90 € en capital, 6 435,45 € de primes d'assurance et 58 422,94 € d'intérêts.

Il convient de rappeler que la prescription biennale des échéances impayées a été interrompue par les commandements de payer aux fins de saisie-vente des 19 mai et 29 juin 2017,19 mars 2019, 28 janvier 2021.

Par conséquent, le commandement de payer valant saisie signifié aux époux X. sera validé à hauteur de 173 130,54 € (962,25 € + 172 168,29 €) outre intérêts à compter du 1er septembre 2021 jusqu'à parfait paiement, au taux conventionnel de 3,59 % sur la somme de 108 244,91 € (935,01 € + 107 309,90 €), et au taux légal sur la somme de 6 435,45 €.

Le Responsable du Pôle de Recouvrement Spécialisé de [Localité 2] a déclaré sa créance, par acte du 4 janvier 2022, pour un montant de 319 926,17 € au titre des impôts sur le revenu des années 2009, 2010, 2011, 2012, charges sociales de l'année 2009, et des majorations, selon bordereau de situation annexé à la déclaration, garantie par une inscription d'hypothèque légale du 8 juillet 2019 volume V 2331. Sa déclaration de créance sera validée à hauteur du montant précité.

 

Sur la procédure de surendettement en cours à l'égard de madame X. et son incidence sur la saisie immobilière :

Selon les dispositions des articles 1413 et 1418 du code civil, le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs. S'il y a solidarité, la dette est réputée entrer en communauté du chef des deux époux.

Selon les dispositions de l'article L. 722-2 du code de la consommation, la recevabilité de la demande emporte suspension et interdiction des procédures d'exécution diligentées à l'encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui-ci et portant sur les dettes autres qu'alimentaires.

En l'espèce, si la Lyonnaise de Banque fait état d'une demande de surendettement de madame X. déclarée recevable et d'un projet de plan conventionnel de redressement, aucune pièce versée au débat ne permet d'établir la persistance d'une procédure en cours, la recevabilité de la demande, ainsi qu'un plan conventionnel de redressement ou des mesures recommandées homologuées par la juridiction du contentieux de proximité.

Il convient donc de surseoir à statuer sur l'orientation de la procédure de saisie immobilière, de rouvrir les débats et d'enjoindre, aux parties de produire la demande de surendettement de madame X. et les éventuelles décisions de la commission de surendettement (décision de recevabilité, plan conventionnel de redressement ou mesures recommandées), et à madame X. de formuler ses observations sur ce point.

Les demandes relatives aux dommages et intérêts, frais irrépétibles et dépens seront réservées.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

PRONONCE la nullité du jugement déféré,

Mais sur évocation,

CONSTATE que la clause de l'article 17 du contrat de prêt du 25 janvier 2011 selon laquelle « les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par écrit, si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt... » est abusive et DIT qu'elle est réputée non-écrite,

VALIDE le commandement de payer valant saisie des 18 août et 1er septembre 2021 à hauteur de 173.130,54 € outre intérêts, à compter du 1er septembre 2021, au taux conventionnel de 3,59% sur la somme de 108.244,91 € et au taux légal sur la somme de 6.435,45 €, jusqu'à parfait paiement,

DIT que la Lyonnaise de Banque poursuit la procédure de saisie immobilière pour une créance liquide et exigible de 173.130,54 € outre intérêts, à compter du 1er septembre 2021, au taux conventionnel de 3,59 % sur la somme de 108.244,91 € et au taux légal sur la somme de 6.435,45 €, jusqu'à parfait paiement,

VALIDE la déclaration de créance du Pôle de Recouvrement Spécialisé de [Localité 2] à hauteur de 319.926,17 € au titre des impôts sur le revenu des années 2009, 2010, 2011, 2012, charges sociales de l'année 2009, et majorations, selon bordereau de situation du 18 novembre 2021,

SURSEOIT à statuer sur l'orientation de la procédure de saisie immobilière,

PRONONCE la réouverture des débats à l'audience du mercredi 17 Avril 2024 à 14h15 de la chambre 1-9 de la cour d'appel d'Aix en Provence, salle 4 Palais Monclar,

ENJOINT aux parties de produire la demande de surendettement de madame Y. épouse X. et les éventuelles décisions ultérieures de la commission de surendettement (décision de recevabilité, plan conventionnel de redressement ou mesures recommandées), et invite madame X. et les parties à formuler leurs éventuelles observations sur les effets de la procédure de surendettement à l'égard de la saisie immobilière,

RESERVE les demandes relatives aux dommages et intérêts, à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

LA GREFFIÈRE                                         LA PRÉSIDENTE