CA VERSAILLES (ch. com. 3-1), 29 février 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10758
CA VERSAILLES (ch. com. 3-1), 29 février 2024 : RG n° 22/05445
Publication : Judilibre
Extrait : « L'article 1171 du code civil dispose que : « Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation ». Par ailleurs, l'article 1104 du même code énonce que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public ».
La clause 11.2 des conditions générales du contrat stipule que : « Le matériel restitué devra être propre et en bon état d'entretien et de conservation et équipé de tous les accessoires visés dans la fiche d'état du matériel. Un contrôle contradictoire de l'état apparent du véhicule loué est réalisé lors de la restitution afin de le comparer à celui indiqué dans la fiche d'état établie lors de la mise à disposition. Si l'état apparent du véhicule loué diffère, le Loueur facturera au locataire les dégâts constatés. Si le Locataire choisit de ne pas réaliser le contrôle contradictoire, il acceptera sans réserve les constatations ainsi réalisées par le seul Loueur et le cas échéant, la facturation des dommages correspondants. Les frais éventuels de remise en état du matériel seront facturés au Locataire de telle façon que l'état du véhicule, soit en termes de fonctionnalité, identique après cette remise en état à celui constaté sur la fiche d'état au moment de sa mise à disposition au Locataire. Dans le cas où le matériel ne serait pas dans l'état correspondant à son usure normale, le Locataire devra supporter les frais de remise en état. L'immobilisation consécutive à cette remise en état sera facturée sur la base des loyers contractuels ».
Comme le soutient la société Exo Océan, le contrat de location conclu par les parties est un contrat d'adhésion, dont les clauses figurant sur le formulaire type ont été imposées par le loueur et n'ont donc pas pu être négociées par le locataire. La cour constate que seules les conditions générales signées par la société Exo Océan le 8 août 2019 sont communiquées. Néanmoins, comme le relève l'appelante, les numéros du contrat initial et du contrat de prolongation sont identiques (77A3206), hormis les derniers numéros qui correspondent à la date et la société Exo Océan demande à la cour d'appliquer les conditions générales du contrat initial en page 8 de ses conclusions.
Ces stipulations contractuelles prévoient, à l'article 7 intitulé « Etat du véhicule », l'établissement d'« une fiche d'état du véhicule (…) établie contradictoirement par le Loueur et le Locataire ». Il est ensuite précisé que « La fiche d'état décrit l'état apparent du véhicule loué et mentionne les éventuels dégâts ainsi que le nombre de kilomètres (…) Le Locataire doit y indiquer au jour de son départ toute réserve sur l'état du véhicule et toute défectuosité qui n'y figurerait pas. A défaut, le Loueur est réputé avoir délivré un véhicule conforme à la fiche d'état et en bon état ».
En application de l'article 11.2 relatif à l’« Etat de restitution », un autre contrôle contradictoire de l'état du véhicule est réalisé lors de sa restitution et comparé à la fiche d'état du véhicule établie au départ et ne sont facturés au locataire que les dommages apparus au cours de la période de location. La société Exo Océan est ainsi mal fondée à soutenir que les travaux de réparation sont fixés sans respect du contradictoire.
Par ailleurs, contrairement à ce que prétend l'appelante, il est tenu compte de l'usure dans la mesure où d'une part, le locataire peut en faire mention dans la fiche d'état du véhicule et d'autre part, l'article 11.2 y fait expressément référence puisqu'il en ressort que le locataire doit restituer le véhicule dans un état correspondant à l'usure normale.
Le fait que la clause ne prévoit pas de discussion contradictoire concernant le montant des travaux de reprise ne caractérise pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, dès lors que le locataire peut contrôler que les prestations facturées correspondent aux dommages dont il est responsable et que les conditions particulières figurant au recto du contrat du 28 juillet 2020 signé par la société Exo Océan prévoient que "tous devis de réparation supérieur à 1.000 € HT sera soumis à votre acceptation dans un délai d'une semaine. Passé ce délai, ces devis seront considérés comme acceptés sans recours. Tous devis de réparation inférieurs à 1.000 € HT seront considérés comme acceptés sans réponse de votre part sous 48H". Le contrat soumet ainsi le coût des travaux de reprise au contradictoire, puisqu'il est conditionné à l'acceptation du locataire.
Enfin, la référence à la notion de « fonctionnalité » ne confère pas à la clause un caractère abscons, puisqu'il résulte clairement des stipulations contractuelles discutées que le véhicule doit être restitué dans un état équivalent à celui qui était le sien lors de sa remise, tout en tenant compte de l'usure normale.
En conséquence, il n'y a pas lieu à annuler la clause 11.2 du contrat et la société Exo Océan doit être déboutée de sa demande. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
CHAMBRE COMMERCIALE 3-1
ARRÊT DU 29 FÉVRIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/05445 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VMNN. Code nac : 59B. CONTRADICTOIRE. Décisions déférées à la cour : Jugements rendus les 21 juin 2022 et 15 juillet 2022 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE, 4e ch. : R.G. n° 2021F00513 et 2022F00590.
LE VINGT NEUF FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE :
SARL EXO OCEAN
RCS Pontoise n° XXX, [Adresse 2], [Localité 4], Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 22/05467 (Fond), Représentant : Maître Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637, Représentant : Maître Anne BARRES DANIEL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2127
INTIMÉE :
SAS TROUILLET RENT
RCS Evry n° YYY, [Adresse 1], [Localité 3], Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 22/05467 (Fond), Représentant : Maître Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627, Représentant : Maître Violaine THEVENET, Plaidant, avocat au barreau de Paris
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président, Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller, Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS :
Par acte du 8 août2019, la société Exo Océan a pris à bail auprès de la société Trouillet Rent, ci-après dénommée la société Trouillet, pour une durée de douze mois, un véhicule de livraison de marque Iveco gamme Daily, moyennant un loyer mensuel de 1.874,40 €.
A l'issue de la période de douze mois, les parties ont conclu le 28 juillet 2020 un contrat de prolongation de douze mois.
Le 30 septembre 2020, la société Exo Océan a dénoncé le contrat et restitué le véhicule.
Le 6 janvier 2021, la société Trouillet a mis la société Exo Océan en demeure de régler une facture de 11.920,78 € au titre du coût des travaux de reprise des dommages constatés sur le véhicule.
La société Exo Océan a contesté devoir cette somme.
Le 5 mai 2021, la société Trouillet a saisile président du tribunal de commerce de Pontoise d'une requête en injonction de payer et par ordonnance du 10 mai2021, il a été enjoint à la société Exo Océan de payer à la société Trouillet la somme de 11.902,78 €, à titre principal.
Par courrier reçu le 18 juin 2021, la société Exo Océan a formé opposition à ladite ordonnance.
Par jugement du 21 juin 2022, le tribunal de commerce de Pontoise a :
- Déclaré la société Exo Océan mal fondée en sa demande de rejet de la pièce n° 17 de la société Trouillet Rent, l'en a déboutée ;
- Déclaré la société Exo Océan recevable mais mal fondée en son opposition, l'en a déboutée ;
- Déclaré la société Trouillet Rent recevable et partiellement fondée en ses demandes ;
- Condamné la société Exo Océan à payer à la société Trouillet Rent la somme de 19.920,78 €, majorée d'intérêts égaux à trois fois le taux d'intérêt légal, à compter du 12 janvier 2021 ;
- Condamné la société Exo Océan à payer à la société Trouillet Rent la somme de 40 € au titre des frais de recouvrement ;
- Déclaré la société Exo Océan mal fondée en sa demande reconventionnelle, l'en a déboutée ;
- Condamné la société Exo Océan à payer à la société Trouillet Rent la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Déclaré la société Exo Océan mal fondée en sa demande en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'en a déboutée ;
- Condamné la société Exo Océan aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 97,18 € ;
- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par requête enregistrée au greffe le 8 juillet 2022, la société Trouillet Rent a saisi le tribunal de commerce de Pontoise d'une requête en erreur matérielle.
Par jugement 15 juillet 2022, le tribunal de commerce de Pontoise a :
- Dit la société Trouillet Rent recevable et bien fondée en sa requête formée en application de l'article 462 du code de procédure civile et a rectifié comme suit le jugement entrepris :
- en page 5, avant le paragraphe « Sur les intérêt de retard et sur les frais de recouvrement », et à la fin de ce paragraphe, il convient de remplacer la somme de 19.920,78 € par celle de 11.902,78 € ;
- dans le dispositif, le paragraphe « Condamne la société Exo Océan à payer à la société Trouillet Rent la somme de 19.920,78 €, majorée d'intérêts égaux à trois fois le taux d'intérêt légal, à compter du 12 janvier 2021 », doit être remplacé par le paragraphe suivant :
- « Condamne la société Exo Océan à payer à la société Trouillet Rent la somme de 11.902,78 €, majorée d'intérêts égaux à trois fois le taux d'intérêt légal, à compter du 12 janvier 2021 » ;
- Dit que le reste du jugement demeure inchangé ;
- Ordonné qu'il soit fait mention de cette rectification en marge de la minute du jugement et des expéditions qui en seront délivrées ;
- Dit que le jugement sera notifié conformément aux dispositions de l'article 465 du code de procédure civile ;
- Autorisé le greffier en chef à en délivrer une expédition comportant la formule exécutoire ;
- Dit n'y avoir lieu, pour aucune des parties, de supporter les dépens du jugement rectificatif.
Par déclaration du 24 août 2022, la société Exo Océan a interjeté appel du jugement du 21 juin 2022.
Par déclaration du 25 août 2022, la société Exo Océan a interjeté appel du jugement du 15 juillet 2022.
Le magistrat chargé de la mise en état a, par ordonnance de jonction du 22 septembre 2022, prononcé la jonction de ces procédures.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par dernières conclusions notifiées le 22 novembre 2022, la société Exo Océan demande à la cour de :
- Infirmer les décisions entreprises en ce qu'elles ont :
- Déclaré la société Exo Océan mal fondée en son opposition ;
- Condamné la société Exo Océan à payer à la société Trouillet Rent la somme de 11.902,78 € majorée d'intérêts égaux à trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 12 janvier 2021 ;
- Condamné la société Exo Océan à payer à la société Trouillet Rent la somme de 40 € au titre des frais de recouvrement ;
- Déclaré la société Exo Océan mal fondée en sa demande reconventionnelle et l'en ont déboutée ;
- Condamné la société Exo Océan à payer à la société Trouillet Rent la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Déclaré la société Exo Océan mal fondée en sa demande d'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Exo Océan aux dépens d'instance ;
Statuant à nouveau,
- Recevoir la société Exo Océan en son opposition à l'injonction de payer du 10 mai 2021 et en ses demandes ;
- La déclarer bien fondée ;
- Déclarer nulle et non avenue la clause 11.2 des conditions générales du contrat initial du 9 août 2019 ;
- Débouter la société Trouillet Rent de l'ensemble de ses demandes et la dire irrecevable et infondée ;
- Constater que la société Trouillet Rent n'apporte pas la preuve de ses prétentions ;
Subsidiairement,
- Fixer le taux horaire de main d'œuvre à la somme de 60 € HT ;
- Fixer le temps de main d'œuvre de la société Trouillet Rent à 15 heures ;
- Fixer la quantité des ingrédients peinture facturés à 10 unités à 20 € soit 200 € ;
- Fixer la quantité des ingrédients divers consommable facturés à 10 unités à 5 € soit 50 € ;
- Rejeter la demande de paiement de la fourniture et la pose d'un hayon neuf ;
Subsidiairement,
- Dire que les frais de réparation sur le hayon devront être limités à la somme de 2.000 € selon la contribution financière choc haut du contrat ;
- Condamner la société Trouillet Rent à payer à la société Exo Océan la somme de 1.500 € au titre de dommages et intérêts ;
- Condamner la société Trouillet Rent à payer à la société Exo Océan la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
[*]
Par dernières conclusions notifiées le 20 février 2023, la société Trouillet Rent demande à la cour de :
- Déclarer l'appel régularisé le 24 août 2022 mal fondé et l'appel régularisé le 25 août 2022 irrecevable en tout état de cause mal fondé, la décision rectificative du 15 juillet 2022 ne pouvant être frappée d'appel sans le visa de la décision rectifiée du 21 juin 2022, ce qui ne résulte que de la jonction prononcée a posteriori la régularisation de la seconde déclaration d'appel, la jonction prononcée ne pouvant régulariser l'insuffisance de la seconde déclaration d'appel, au sens de l'article 545 du code de procédure civile ;
- Déclarer la société Trouillet Rent recevable et bien fondée en ses conclusions d'intimée ;
- Déclarer mal fondée la société Exo Océan en son opposition à l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le tribunal de commerce de Pontoise le 21 juin2022 ;
- Débouter la société Exo Océan de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Confirmer le jugement rectifié en date du 21 juin 2022 et le jugement rectificatif rendu par le tribunal de commerce de Pontoise le 15 juillet 2022 ;
En conséquence,
- Condamner la société Exo Océan à payer à la société Trouillet Rent la somme de 11.902,78 € majorée d'intérêts égaux à trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 12 janvier 2021 date de réception de la mise en demeure ;
- Condamner la société Exo Océan à payer à la société Trouillet Rent la somme de 40 € au titre des frais de recouvrement par facture impayée conformément à l'article L. 441-10-II du code de commerce ;
- Condamner la société Exo Océan à payer à la société Trouillet Rent la somme de 2.800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Exo Océan aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Debray en application de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 novembre 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
L'appelante considère que la société Trouillet est irrecevable en sa demande fondée sur les conditions générales du contrat de location, dès lors qu'elle n'a pas communiqué celles se rapportant au contrat de prolongation du 28 juillet 2020. Elle soutient que la société Trouillet a modifié unilatéralement les conditions particulières du contrat de prolongation concernant le montant du devis de réparation présumé accepté en l'absence d'observation dans le délai de 48 heures. Elle fait valoir qu'en l'absence de communication des conditions générales du contrat de prolongation, seules celles du contrat initial peuvent être appliquées. Elle précise que le devis lui a été communiqué sans mention du délai de 48 heures.
Elle soutient que l'article 11.2 du contrat d'adhésion signé entre les parties devra être réputé non écrit en application de l'article 1171 du code civil et du principe de bonne foi de l'article 1104 du même code, dès lors qu'il confère au loueur un avantage excessif en ce qu'il fait peser sur le locataire toutes les réparations sans distinction, sans tenir compte de l'usure normale, sans garantie du contradictoire concernant la fixation des travaux de réparation et leur coût et en se référant à la notion de fonctionnalité qui ne permet pas de donner de précision quant à l'étendue de la remise en état envisagée.
La société Exo Océan considère par ailleurs que la demande en paiement est mal fondée dès lors qu'elle repose uniquement sur la facture, document d'expertise interne, non contradictoire et alors que la société Trouillet refuse de communiquer les factures justificatives. Elle soutient que les documents auxquels la société Trouillet se réfère concernant l'état du véhicule ne revêtent pas de caractère probant. Elle conteste la facture des travaux de remise en état qu'elle estime injustifiés dans leur principe et leur quantum. Elle relève que la réalisation des travaux n'est pas démontrée. Elle sollicite la somme de 1.500 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier subi du fait de la particulière mauvaise foi de la société Trouillet pour la communication de devis et facture imprécis, le refus de justifier des travaux de réparation réellement effectués et acquittés et l'obtention d'une ordonnance portant injonction de payer, alors qu'elle connaissait sa contestation.
La société Trouillet répond que le défaut de communication des conditions générales de vente ne caractérise pas un moyen d'irrecevabilité. Elle ajoute que les conditions générales sont produites, qu'elles sont identiques pour les deux contrats et que la société Exo Océan les a acceptées le 8 août 2019. Elle soutient justifier d'un rapport d'inspection de départ signé et d'un rapport de retour signé d'un préposé de la société Exo Océan qui n'a fait l'objet d'aucune réserve. Elle explique ne pas pouvoir communiquer de facture des réparations qui sont effectuées dans ses ateliers. Elle souligne qu'aux termes des conditions générales de vente, elle n'a pas l'obligation de remettre la facture. Elle rappelle avoir transmis le devis des réparations, qui n'a fait l'objet d'aucune observation dans le délai contractuel de la part de la société Exo Océan, malgré ses relances.
La société Trouillet conteste le caractère abusif de l'article 11.2 du contrat. Elle estime que l'appelante ne démontre pas en quoi les relations entre les parties se seraient inscrites dans le cadre d'un contrat d'adhésion, la société locataire ayant parfaitement le choix de son loueur de véhicules. Elle rappelle que la société Exo Océan a accepté les conditions générales de vente. Elle considère qu'il n'y a aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties s'agissant d'une clause usuelle en matière de location et alors que le locataire peut parfaitement formuler des réserves sur le rapport d'inspection s'il le souhaite.
Elle soutient que tous les travaux de réparation sont justifiés dans leur principe et leur quantum. Elle s'oppose à la demande indemnitaire de la société Exo Océan, considérant qu'elle ne démontre pas son préjudice.
* * * * *
Sur la recevabilité de l'appel :
La société Trouillet demande à la cour au dispositif de ses conclusions de « déclarer l'appel régularisé le 24 août 2022 mal fondé et l'appel régularisé le 25 août 2022 irrecevable en tout état de cause mal fondé, la décision rectificative du 15 juillet 2022 ne pouvant être frappée d'appel sans le visa de la décision rectifiée du 21 juin 2022, ce qui ne résulte que de la jonction prononcée a posteriori la régularisation de la 2nde déclaration d'appel, la jonction prononcée ne pouvant régulariser l'insuffisance de la 2nde déclaration d'appel, au sens de l'article 545 du code de procédure civile ».
Cependant, la déclaration d'appel régularisée le 25 août 2022 fait bien mention du « jugement rectificatif » du 15 juillet 2022, faisant ainsi implicitement référence au jugement du 21 juin 2022.
Le moyen d'irrecevabilité de l'appel doit être rejeté.
Sur l'irrecevabilité de l'action :
Si la société Exo Océan conclut à l'irrecevabilité de la demande en paiement (sic) en raison du défaut de communication des conditions générales du contrat de prolongation du 28 juillet 2020, la cour relève que ce moyen se rapporte au bien-fondé de la demande et non à sa recevabilité.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé l'action en paiement de la société Trouillet recevable.
Sur la nullité de la clause 11.2 des conditions générales du contrat initial du 9 août 2019 :
L'article 1171 du code civil dispose que :
« Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation ».
Par ailleurs, l'article 1104 du même code énonce que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public ».
La clause 11.2 des conditions générales du contrat stipule que :
« Le matériel restitué devra être propre et en bon état d'entretien et de conservation et équipé de tous les accessoires visés dans la fiche d'état du matériel.
Un contrôle contradictoire de l'état apparent du véhicule loué est réalisé lors de la restitution afin de le comparer à celui indiqué dans la fiche d'état établie lors de la mise à disposition.
Si l'état apparent du véhicule loué diffère, le Loueur facturera au locataire les dégâts constatés.
Si le Locataire choisit de ne pas réaliser le contrôle contradictoire, il acceptera sans réserve les constatations ainsi réalisées par le seul Loueur et le cas échéant, la facturation des dommages correspondants.
Les frais éventuels de remise en état du matériel seront facturés au Locataire de telle façon que l'état du véhicule, soit en termes de fonctionnalité, identique après cette remise en état à celui constaté sur la fiche d'état au moment de sa mise à disposition au Locataire.
Dans le cas où le matériel ne serait pas dans l'état correspondant à son usure normale, le Locataire devra supporter les frais de remise en état.
L'immobilisation consécutive à cette remise en état sera facturée sur la base des loyers contractuels ».
Comme le soutient la société Exo Océan, le contrat de location conclu par les parties est un contrat d'adhésion, dont les clauses figurant sur le formulaire type ont été imposées par le loueur et n'ont donc pas pu être négociées par le locataire.
La cour constate que seules les conditions générales signées par la société Exo Océan le 8 août 2019 sont communiquées. Néanmoins, comme le relève l'appelante, les numéros du contrat initial et du contrat de prolongation sont identiques (77A3206), hormis les derniers numéros qui correspondent à la date et la société Exo Océan demande à la cour d'appliquer les conditions générales du contrat initial en page 8 de ses conclusions.
Ces stipulations contractuelles prévoient, à l'article 7 intitulé « Etat du véhicule », l'établissement d'« une fiche d'état du véhicule (…) établie contradictoirement par le Loueur et le Locataire ». Il est ensuite précisé que « La fiche d'état décrit l'état apparent du véhicule loué et mentionne les éventuels dégâts ainsi que le nombre de kilomètres (…) Le Locataire doit y indiquer au jour de son départ toute réserve sur l'état du véhicule et toute défectuosité qui n'y figurerait pas. A défaut, le Loueur est réputé avoir délivré un véhicule conforme à la fiche d'état et en bon état ».
En application de l'article 11.2 relatif à l’« Etat de restitution », un autre contrôle contradictoire de l'état du véhicule est réalisé lors de sa restitution et comparé à la fiche d'état du véhicule établie au départ et ne sont facturés au locataire que les dommages apparus au cours de la période de location. La société Exo Océan est ainsi mal fondée à soutenir que les travaux de réparation sont fixés sans respect du contradictoire.
Par ailleurs, contrairement à ce que prétend l'appelante, il est tenu compte de l'usure dans la mesure où d'une part, le locataire peut en faire mention dans la fiche d'état du véhicule et d'autre part, l'article 11.2 y fait expressément référence puisqu'il en ressort que le locataire doit restituer le véhicule dans un état correspondant à l'usure normale.
Le fait que la clause ne prévoit pas de discussion contradictoire concernant le montant des travaux de reprise ne caractérise pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, dès lors que le locataire peut contrôler que les prestations facturées correspondent aux dommages dont il est responsable et que les conditions particulières figurant au recto du contrat du 28 juillet 2020 signé par la société Exo Océan prévoient que "tous devis de réparation supérieur à 1.000 € HT sera soumis à votre acceptation dans un délai d'une semaine. Passé ce délai, ces devis seront considérés comme acceptés sans recours. Tous devis de réparation inférieurs à 1.000 € HT seront considérés comme acceptés sans réponse de votre part sous 48H". Le contrat soumet ainsi le coût des travaux de reprise au contradictoire, puisqu'il est conditionné à l'acceptation du locataire.
Enfin, la référence à la notion de « fonctionnalité » ne confère pas à la clause un caractère abscons, puisqu'il résulte clairement des stipulations contractuelles discutées que le véhicule doit être restitué dans un état équivalent à celui qui était le sien lors de sa remise, tout en tenant compte de l'usure normale.
En conséquence, il n'y a pas lieu à annuler la clause 11.2 du contrat et la société Exo Océan doit être déboutée de sa demande.
Sur la demande en paiement :
L'article 1353 du code civil dispose que : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
Au soutien de sa demande en paiement, la société Trouillet communique :
- le rapport d'inspection du véhicule loué établi contradictoirement lors de sa remise à la société Exo Océan le 9 août 2019 ; il en ressort qu'il manque une bavette à droite et que le panneau intérieur présente des trous ; ce document est signé par un préposé de la société Exo Océan ; si l'appelante soutient que la demande en paiement de la société Trouillet est fondée sur un document de départ daté du 1er juillet 2020, il apparaît que ce document se rapporte à une visite de contrôle technique du véhicule réalisé à cette date ; qu'il ne s'agit donc pas de la fiche d'état du véhicule, dénommée « rapport d'inspection », établie le 9 août 2019, lors de la conclusion du contrat, et portant la signature de la société Exo Océan ;
- le rapport d'inspection du véhicule établi contradictoirement lors de sa restitution à la société Trouillet le 30 septembre 2020 mentionnant :
« Plancher sale »,
« Traces et chocs sur les panneaux de la caisse intérieure (latéraux, face avant et toit) »,
« Couvercle marche pied conducteur manquant + enjoliveur fissuré ».
Extérieur :
« Plaque d'immatriculation avant HS »,
« Moteur de hayon qui fait un gros bruit (= en train de lâcher) »,
« Bris de glace au centre du pbrise » (sic),
« Choc sur la porte côté conducteur au niveau de la poignée »,
« Brancard latéral gauche + panneau lat. gauche frottés en partie arr »(sic),
« Feux gabarits latéraux manquants ' (2 de chaque côté) »,
« Porte côté passager abimée (rayures) »,
« Véhicule très sale (caisse et cabine intérieur/extérieur) ».
Intérieur :
« Bavette à refixer sur aile ARG »,
« Hayon de travers : choc sur le bâti au centre et sur le plateau du hayon + crochets de stop rolls manquant (hayon à changer) + soufflet de vérin HS »,
« Panneaux de porte abîmés côté intérieur en partie basse + arrêt de porte ARD HS »,
« Butoirs ronds en caoutchoucs sur les 2 montants de cadre arrière HS »,
« Casquette alu de cadre arrière HS »,
« Choc sur montant AVD en haut »,
« Crochet d'arrêt de porte latérale HS »,
« Rayures sur panneau lat. droit et sur le brancard inf.lat. droit » (sic),
« Bavette manquante sur l'aile ARD ».
Comme indiqué précédemment, ces réserves ont été établies contradictoirement et n'ont fait l'objet d'aucune remarque de la part du signataire, préposé de la société Exo Océan.
La société Trouillet produit encore au soutien de sa demande en paiement :
- un courriel qu'elle a adressé à la société Exo Océan le 18 novembre 2020 par lequel le loueur a communiqué au locataire le devis des réparations ;
- un courriel qu'elle a adressé à la société Exo Océan le 26 novembre 2020, soit 8 jours plus tard, par lequel le loueur a relancé la société Exo Océan à propos du devis : « Sauf erreur de ma part, je n'ai pas eu de retour concernant le devis 2001112 » ;
- la facture du 3 décembre 2020 relative aux travaux de réparation du véhicule d'un montant de 11.920,78 €.
Si la société Exo Océan reproche à la société Trouillet d'avoir modifié les conditions particulières du second contrat par rapport aux conditions particulières du premier contrat en faisant disparaître l'hypothèse des devis inférieurs à 1.000 € HT, il ressort des conditions particulières du contrat de prolongation que cela est inexact et que la mention suivant laquelle tout devis de réparation supérieur à 1.000 € HT est soumis à l'acceptation du locataire dans un délai d'une semaine précise celle figurant aux deux contrats concernant l'acceptation des devis, en allongeant le délai de réponse du locataire, dans son intérêt, lorsque le montant des travaux est important car dépassant les 1.000 € HT.
Par ailleurs, il ne saurait être prétendu que la demande en paiement formulée par la société Trouillet ne repose que sur la facture, document d'expertise interne non contradictoire, dès lors que le loueur justifie des fiches d'état du véhicule lors de sa remise et lors de sa restitution, permettant à la cour de confronter objectivement les prestations facturées aux dommages constatés contradictoirement. La facture ne caractérise ainsi aucune violation du principe du contradictoire et est parfaitement recevable. La cour constate que les travaux décrits dans la facture correspondent aux réserves émises lors de la restitution du véhicule. En outre, l'indemnisation du préjudice du loueur n'est subordonnée ni par la loi, ni par le contrat, à l'exécution des travaux, de sorte qu'il n'incombe pas à la société Trouillet, propriétaire du véhicule endommagé, de produire le justificatif de l'exécution des réparations.
Comme l'a justement retenu le tribunal, la société Exo Océan n'a formulé aucune observation concernant les réserves mentionnées sur les fiches d'état du véhicule les 9 août 2019 et 30 septembre 2020. Elle n'a pas davantage discuté le devis des travaux de réparation dans le délai contractuel, malgré sa communication le 18 novembre 2020 et la relance de la société Trouillet le 26 novembre suivant, de sorte que les contestations qu'elle a émises par l'intermédiaire de son conseil le 16 janvier 2021 et celles qu'elle développe dans le cadre de l'instance sont tardives et ne peuvent être examinées par la cour.
En conséquence, par confirmation du jugement, la société Exo Océan doit être condamnée à payer à la société Trouillet la somme de 11.902,78 €, avec intérêts égaux à trois fois le taux d'intérêt légal, conformément aux stipulations contractuelles, à compter du 12 janvier 2021, date de la mise en demeure. La décision sera également confirmée en ce qu'elle a condamné la société Exo Océan au paiement de la somme de 40 € au titre des frais de recouvrement conformément aux dispositions de l'article L. 441-10 II du code de commerce.
Sur la demande de dommages et intérêts :
Au regard de la solution du litige, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société Exo Océan de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement sera confirmé des chefs des dépens et des frais irrépétibles.
Par ailleurs, la société Exo Océan, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Debray, ainsi qu'au paiement de la somme de 2.800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Rejette le moyen d'irrecevabilité de l'appel ;
Rejette la demande de la société Exo Océan tendant à la nullité de la clause 11.2 des conditions générales du contrat du 9 août 2019 ;
Rejette le moyen d'irrecevabilité de l'action de la société Trouillet Rent ;
Confirme le jugement du 21 juin 2022, tel que rectifié par jugement du 15 juillet 2022, en toutes ses dispositions ;
Condamne la société Exo Océan aux dépens dont distraction au profit de Maître Debray ;
Condamne la société Exo Océan à payer à la société Trouillet Rent la somme de 2.800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévuesau deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le conseiller,