CA LYON (1re ch. civ. sect. A), 7 mars 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10769
CA LYON (1re ch. civ. sect. A), 7 mars 2024 : RG n° 20/03442
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Dès lors, la seule sanction d'un taux effectif global erroné n'est pas la nullité de la clause de stipulation d'intérêts mais la déchéance du droit aux intérêts ainsi que l'a rappelé le premier juge. En conséquence, il ne peut être fait droit à la demande de nullité formée par les emprunteurs. »
2/ « Les emprunteurs, qui font valoir que la banque a procédé au calcul de l'intérêt conventionnel sur la base d'une année de 360 jours ne rapportent pas la preuve que cette erreur, à supposer qu'elle existe, a généré à leur détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale. En effet, ils produisent (leur pièce n°3) un document manifestement relatif à un autre prêt que le contrat liant les parties, portant un numéro différent ainsi qu'un nom, prêt Primo, qui n'apparaît pas dans le contrat du 30 juin 2011. Ce document n'a donc aucune valeur probante, et l'affirmation des emprunteurs dans leurs conclusions ne suffit à démontrer le surcout/surcoût d'un montant supérieur à 0,1. Il ne peut donc être fait droit à leur demande de ce chef. »
3/ « S'agissant du caractère abusif de la clause d'intérêt conventionnel soulevé devant la cour, les emprunteurs font valoir que la référence à un calcul d'intérêts sur la base d'une année de 360 jours et non d'une année civile de 365 jours les prive de la possibilité de calculer le coût réel de leur crédit, de sorte que cette stipulation présente en elle-même un caractère abusif et doit être réputée non écrite.
En l'espèce, les conditions générales du contrat de prêt sont ainsi rédigées (article 2) : les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an. Il est constant que la clause litigieuse est une clause d'équivalence financière, et que le calcul des intérêts sur 360 jours par an est corrigé par l'application de mois uniformément comptés pour 30 jours. En effet, ainsi que l'explique la banque dans ses écritures : […] Les emprunteurs à qui cette preuve incombe ne démontrant pas que cette clause a créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, elle ne peut être qualifiée d'abusive par la cour. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 7 MARS 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/03442. N° Portalis DBVX-V-B7E-NAUW. Décision du Tribunal Judiciaire de LYON (4ème chambre), Au fond, du 24 mars 2020 : R.G. n° 16/08248.
APPELANTS :
M. X.
né le [Date naissance 1] à [Localité 6] (pays), [Adresse 2], [Adresse 2], Représenté par Maître Anne PORTIER, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 2204, Et ayant pour avocat plaidant Maître Louisa DAHMANI, avocat au barreau de LILLE, toque : 0470
Mme Y. épouse X.
née le [Date naissance 3] à [Localité 5] (pays), [Adresse 2], [Adresse 2], Représentée par Maître Anne PORTIER, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 2204, Et ayant pour avocat plaidant Maître Louisa DAHMANI, avocat au barreau de LILLE, toque : 0470
INTIMÉE :
SA CRÉDIT LYONNAIS
[Adresse 4], [Adresse 4], Représentée par Maître Pierre BUISSON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 140, Et ayant pour avocat plaidant la SELEURL SELARL CABINET CUSIN, avocat au barreau de PARIS
Date de clôture de l'instruction : 27 avril 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 novembre 2023
Date de mise à disposition : 7 mars 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Anne WYON, président - Julien SEITZ, conseiller - Thierry GAUTHIER, conseiller, assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier. A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon offre de prêt du 30 juin 2011, M. X. et Mme Y. épouse X. (ci-après les emprunteurs) ont souscrit un prêt immobilier d'un montant de 348.853 euros au taux effectif global de 5,59 % auprès de la société Crédit Lyonnais (ci-après la banque). Par acte d'huissier de justice du 7 juillet 2016, M. et Mme X. ont fait assigner la société Crédit Lyonnais afin d'obtenir que l'intérêt au taux légal soit substitué au taux d'intérêt contractuel en raison d'erreurs affectant le calcul du TEG.
Par jugement du 24 mars 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- débouté les époux X. de leurs demandes
- condamné les époux X. à payer à la société Crédit Lyonnais la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné les époux X. aux dépens, avec droit de recouvrement direct dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat adverse.
Par déclaration du 2 juillet 2020, les époux X. ont interjeté appel de la décision.
[*]
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 2 octobre 2020, M. et Mme X. demandent à la cour de :
- juger recevable et fondé l'appel qu'ils ont interjeté à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 24 mars 2020,
Y faisant droit :
- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés et condamnés à payer à la société Crédit Lyonnais la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, avec droit de recouvrement direct dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat adverse,
Et statuant à nouveau :
A titre principal :
- juger que la clause d'intérêts conventionnels stipulée au contrat de prêt immobilier daté du 30 juin 2011 conclu par les époux X. auprès de la société Crédit Lyonnais a été calculée illicitement sur la base d'une année de 360 jours ;
- surabondamment, juger que le TEG stipulé au contrat de prêt immobilier daté du 30 juin 2011 est erroné dans la mesure où il ne tient pas compte des frais inhérents à l'octroi dudit prêt ;
- juger nulle la clause d'intérêts conventionnels stipulée au contrat de prêt immobilier du 30 juin 2011 ;
- condamner la société Crédit Lyonnais à procéder à la substitution du taux d'intérêts conventionnels de 4,20% stipulé au contrat, par le taux d'intérêt légal en vigueur à la date de conclusion du contrat, à savoir 0,38% jusqu'au terme du contrat de prêt ;
- condamner la société Crédit Lyonnais à leur communiquer un nouveau tableau d'amortissement prenant en compte la substitution au taux conventionnel du taux légal applicable au jour de la signature du contrat de prêt, soit 0,38% jusqu'au terme du contrat ;
- condamner sur la base d'un nouvel échéancier à établir par la société Crédit Lyonnais et qui prend en compte le taux d'intérêt légal de 0,38 %, la société Crédit Lyonnais à leur verser une somme correspondant aux trop-perçus d'intérêts pour la période comprise entre la date d'entrée en vigueur du contrat de prêt du 30 juin 2011, et la décision à intervenir ;
A titre subsidiaire :
- juger que la clause d'intérêts conventionnels stipulée au contrat a été calculée illicitement sur la base d'une année de 360 jours ;
- juger que le TEG stipulé au contrat est erroné dans la mesure où il ne tient pas compte des frais inhérents à l'octroi dudit prêt ;
- juger abusive la clause d'intérêts conventionnels intitulée « modalités et lieux de paiement- ajustement du montant de la première échéance » en ce que les intérêts courus entre deux échéances ont été calculés sur une base de 360 jours et non de 365 jours ;
- condamner la société Crédit Lyonnais à procéder à la substitution du taux d'intérêts conventionnel de 4,20 % stipulé au contrat par le taux d'intérêt légal en vigueur à la date de conclusion du contrat de prêt immobilier, à savoir, 0,83 % jusqu'au terme du contrat de prêt ;
- condamner la société Crédit Lyonnais à leur communiquer un nouveau tableau d'amortissement prenant en compte la substitution au taux conventionnel du taux légal applicable au jour de la signature du contrat de prêt, soit 0,83 % jusqu'au terme du contrat de prêt ;
- condamner sur la base d'un nouvel échéancier à établir par la société Crédit Lyonnais et qui prend en compte le taux d'intérêt légal de 0,83%, la société Crédit Lyonnais à leur verser une somme correspondant aux trop-perçus d'intérêts pour la période comprise entre la date d'entrée en vigueur du contrat de prêt du 30 juin 2011, et la décision à intervenir ;
A titre infiniment subsidiaire :
- juger que la clause d'intérêts conventionnels stipulée au contrat a été calculée illicitement sur la base d'une année de 360 jours ;
- juger que le TEG stipulé au contrat est erroné dans la mesure où il ne tient pas compte des frais inhérents à l'octroi dudit prêt ;
- prononcer à l'encontre de la société Crédit Lyonnais la déchéance du droit aux intérêts au taux d'intérêt contractuel pour avoir été calculés sur le fondement d'une année de 360 jours en lieu et place d'une année de 365 jours et sur le fondement d'un TEG erroné ;
- condamner la société Crédit Lyonnais à procéder à la substitution du taux d'intérêts conventionnel de 4,20% stipulé au contrat par le taux d'intérêt légal en vigueur à la date de conclusion du contrat de prêt immobilier à savoir 0,38 % jusqu'au terme du contrat de prêt ;
- condamner la société Crédit Lyonnais à leur communiquer un nouveau tableau d'amortissement du prêt immobilier prenant en compte la substitution au taux conventionnel du taux légal applicable au jour de la signature du contrat de prêt soit 0,38 % jusqu'au terme du contrat de prêt ;
- condamner sur la base d'un nouvel échéancier à établir par la société Crédit Lyonnais et qui prend en compte le taux d'intérêt légal de 0,38 %, la société Crédit lyonnais à leur verser une somme correspondant aux trop-perçus d'intérêts pour la période comprise entre la date d'entrée en vigueur du contrat de prêt du 30 juin 2011, et la décision à intervenir,
En tout état de cause,
- débouter la société Crédit Lyonnais de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Crédit Lyonnais à leur verser une somme correspondant aux intérêts légaux dus sur les montants d'intérêts trop-perçus par la société Crédit Lyonnais pendant la période courant de la date de l'assignation à la décision à intervenir, conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil ;
- condamner la société Crédit Lyonnais à leur porter et payer la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société Crédit Lyonnais en tous les dépens dont ceux de première instance ;
- dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par Maître Louisa Dahmani conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 22 décembre 2021, la société Crédit Lyonnais demande à la cour de :
- dire et juger les époux X. sans fondement en leur appel ainsi qu'en toutes leurs contestations, argumentations, prétentions, actions et demandes,
- les en déboutant, confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 24 mars 2020,
- condamner in solidum les époux X. à lui payer une indemnité de 5.000 euros égale à leur propre réclamation sur ce même fondement, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
- et les condamner aux entiers dépens.
[*]
La clôture a été ordonnée le 27 avril 2021.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et de l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016, que la mention, dans l'offre de prêt acceptée, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile, ne peut être sanctionnée que par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que ce calcul ait généré au détriment de l'emprunteur un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 précité.
Dès lors, la seule sanction d'un taux effectif global erroné n'est pas la nullité de la clause de stipulation d'intérêts mais la déchéance du droit aux intérêts ainsi que l'a rappelé le premier juge.
En conséquence, il ne peut être fait droit à la demande de nullité formée par les emprunteurs.
Les emprunteurs, qui font valoir que la banque a procédé au calcul de l'intérêt conventionnel sur la base d'une année de 360 jours ne rapportent pas la preuve que cette erreur, à supposer qu'elle existe, a généré à leur détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale. En effet, ils produisent (leur pièce n°3) un document manifestement relatif à un autre prêt que le contrat liant les parties, portant un numéro différent ainsi qu'un nom, prêt Primo, qui n'apparaît pas dans le contrat du 30 juin 2011. Ce document n'a donc aucune valeur probante, et l'affirmation des emprunteurs dans leurs conclusions ne suffit à démontrer le surcout/surcoût d'un montant supérieur à 0,1. Il ne peut donc être fait droit à leur demande de ce chef.
Il en va de même de l'absence d'intégration des frais conditionnant l'octroi du crédit comme des coûts liés à la période d'anticipation, dont il n'est pas démontré qu'elle a eu pour effet de générer au préjudice des emprunteurs un surcoût d'un montant supérieur à celui prévu par les textes. En outre, s'agissant de la période d'anticipation, la banque démontre que l'erreur de calcul évoquée par les emprunteurs en ce qui concerne la première échéance du prêt, qui suit le déblocage des fonds porte sur une somme de 5,18 euros qui n'occasionne à l'évidence pas un surcoût d'un montant supérieur à 0,1 du montant du prêt, de 348 853 euros.
Le jugement critiqué sera donc encore confirmé, en ce qu'il a débouté les emprunteurs de leur action en substitution du taux légal au taux d'intérêt contractuel.
S'agissant du caractère abusif de la clause d'intérêt conventionnel soulevé devant la cour, les emprunteurs font valoir que la référence à un calcul d'intérêts sur la base d'une année de 360 jours et non d'une année civile de 365 jours les prive de la possibilité de calculer le coût réel de leur crédit, de sorte que cette stipulation présente en elle-même un caractère abusif et doit être réputée non écrite.
En l'espèce, les conditions générales du contrat de prêt sont ainsi rédigées (article 2) : les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an.
Il est constant que la clause litigieuse est une clause d'équivalence financière, et que le calcul des intérêts sur 360 jours par an est corrigé par l'application de mois uniformément comptés pour 30 jours.
En effet, ainsi que l'explique la banque dans ses écritures : (365/12)/365 = (360/12)/360 = 0.08333333...
0.08333333...x 365 = 30,41666 soit un mois normalisé = 1/12ème d'année
et 0.08333333... x 360 = un mois de 30 jours = 1/12ème d'année.
Les emprunteurs à qui cette preuve incombe ne démontrant pas que cette clause a créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, elle ne peut être qualifiée d'abusive par la cour.
Leur demande sur ce point sera donc rejetée.
M. et Mme X., qui succombent en leur recours, supporteront les dépens d'appel et seront condamnés à payer à la banque la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, leur propre demande sur ce point étant rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort et par mise à disposition greffe,
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 24 mars 2020 dans toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Dit que la clause de stipulation de l'intérêt conventionnel ne constitue pas une clause abusive ;
Condamne M. et Mme X. aux dépens d'appel et à payer à la société Crédit Lyonnais la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et rejette leur demande sur ce point.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT