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CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 21 février 2024

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 21 février 2024
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 22/03333
Date : 21/02/2024
Nature de la décision : Annulation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 9/02/2022
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10770

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 21 février 2024 : RG n° 22/03333 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Le paragraphe de la convention de prêt relatif à la déchéance du terme prévoit notamment que « le Prêteur aura la possibilité de se prévaloir de l'exigibilité immédiate du présent prêt (...) par la seule survenance de l'un quelconque des événements ci-après et sans qu'il soit besoin d'aucun préavis et d'aucune formalité judiciaire : si l'Emprunteur se dessaisit du bien objet du financement », et ce, en pouvant « se prévaloir de l'exigibilité immédiate de la totalité de sa créance par lettre recommandée avec accusé de réception adressé à l'Emprunteur ». Mettant en œuvre cette clause, la banque a adressé deux lettres recommandées avec accusés de réception datées du 15 mars 2021 à M. X. et à Mme Y., les accusés de réception étant produits et respectivement datés des 24 et 30 mars suivant. […]

Alors que Mme Y. fait valoir sommairement que le caractère abusif de la clause est « évident » sans s'expliquer plus avant, M. X. lui fait grief de ne pas prévoir un délai de préavis suffisant permettant la régularisation.

S'agissant d'un prêt immobilier garanti exclusivement, outre les assurances, par un cautionnement professionnel d'une caisse de garantie liée à la banque à laquelle adhèrent les emprunteurs (CAMCA) - ce qui permet les mutations du bien financé sans la mainlevée d'une inscription de privilège de prêteur de deniers et les frais liés -, il n'est pas abusif d'ériger le dessaisissement du bien financé du fait de l'emprunteur en cause de résiliation du prêt. Dès lors que la cession du bien ne constitue pas un manquement de l'emprunteur revêtant un caractère momentané auquel ce dernier pourrait remédier mais une inexécution grave des stipulations du contrat prévoyant expressément que, sous peine de résiliation - et, implicitement mais nécessairement sauf accord de la banque -, il doit rester en sa possession jusqu'à son terme, le défaut de véritable préavis ne constitue pas un abus puisqu'il n'instaure pas de déséquilibre manifeste en sa défaveur. En outre, en l'espèce, si par sa mise en demeure du 15 mars 2021, la banque a fait valoir qu'elle entendait se prévaloir de cette clause de déchéance du terme, elle n'a prononcé l'exigibilité des sommes dues au titre du prêt qu'à une échéance d'un mois, laissant aux emprunteurs la faculté de lui proposer, le cas échéant, un accord moyennant une garantie de paiement.

En conséquence de ce qui précède, la stipulation relative à la déchéance du terme ne constitue pas une clause abusive et, dès lors que l'immeuble financé a fait l'objet d'un dessaisissement, elle a été régulièrement mise en œuvre. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 21 FÉVRIER 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/03333 (8 pages). N° Portalis 35L7-V-B7G-CFIFV. Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 décembre 2021 - Tribunal judiciaire de Paris - 9ème chambre 3ème section - RG n° 21/07114.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [Date naissance 1] à [Localité 10], [Adresse 3], [Localité 6], Représenté par Maître Alexandra BALDINI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0527

 

INTIMÉES :

Madame Y.

née le [Date naissance 2] à [Localité 9], [Adresse 8], [Localité 7], Représentée par Maître Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440

Société LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE (CRCACF)

[Adresse 4], [Localité 5], N° SIRET : XXX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège., Représentée par Maître Olivier BOHBOT, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 342

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, président de chambre, et M. Vincent BRAUD, président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : M. Marc BAILLY, président de chambre chargé du rapport, M. Vincent BRAUD, président, Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre France a consenti, par offre acceptée le 11 février 2008, à M. X. et à Mme Y. un prêt immobilier d'un montant de 238.088 euros remboursable en 300 mois au taux fixe de 4,85 %, destiné à financer l'acquisition d'un appartement et d'une place de parking à [Localité 11], à usage locatif.

La banque a prononcé la déchéance du terme par lettres recommandées avec accusés de réception du 15 mars 2021 reçues les 24 et 30 mars 2021, motivée par la vente du bien intervenue sans qu'elle ne soit désintéressée des causes du prêt.

Sans paiement de la créance réclamée, elle a assigné M. X. et à Mme Y. devant le tribunal judiciaire de Paris par acte en date du 20 mai 2021.

Par jugement, réputé contradictoire en l'absence de comparution des défendeurs, le tribunal judiciaire de Paris, par jugement du 17 décembre 2021 a notamment statué ainsi :

« - Condamne Madame Y. solidairement avec Monsieur X. à payer à la CAISSE REGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE la somme de 182.865,87 € arrêtée au 25 avril 2021 avec intérêts au taux de 4,85 % l'an à compter du 15 mars 2021, outre la somme de 500 € à titre de clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2021.

- Condamne Madame Y. solidairement avec Monsieur X. à payer à la CAISSE REGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.

- Rappelle que l'exécution provisoire est de droit ».

Par déclaration au greffe en date du 9 février 2022 M. X. a interjeté appel en intimant le Crédit Agricole et Mme Y., puis le 14 février 2022, M. X. a interjeté un nouvel appel et Mme Y. a elle-même fait appel de concert en intimant la banque et M. X., les appels ayant été joints par ordonnance du 17 mai 2022.

[*]

Par ses dernières conclusions en date du 6 mai 2022, M. X. expose :

- que le prêt a servi à l'acquisition, avec son épouse Mme Y., d'un bien immobilier à [Localité 11] qui a toujours été loué, ce qui a assuré son « autofinancement », qu'après des difficultés financières de son entreprise, il a obtenu, par téléphone, l'autorisation de la banque de le vendre, ce qui est intervenu le 30 décembre 2013 au prix de 205.000 euros, ce dont la banque a été informée sans prononcer la déchéance du terme pendant 8 ans avant 2021, qu'il a continué à rembourser toutes les échéances de l'emprunt,

- à titre principal, que l'action en paiement est prescrite dès lors que la banque a été informée de la vente dès le 30 décembre 2013 et a continué à encaisser les échéances,

- subsidiairement, que la clause de déchéance du terme est abusive puisque le prêteur peut la prononcer sans préavis d'une durée raisonnable puisqu'il n'est que d'un mois si l'emprunteur se dessaisit du bien et qu'il ne peut s'expliquer, qu'en outre il n'a pas été destinataire de la lettre de déchéance du terme lui demandant de payer la somme de 182.134,96 euros dans le délai d'un mois et qu'il doit être précisé que le couple est en instance de séparation, une procédure de divorce étant en cours,

- que la banque a été mise au courant de la vente dont le prix est parvenu sur leur compte et a servi à désintéresser leurs autres créanciers et que la banque a manqué à son obligation de conseil en s'abstenant de rappeler la clause de déchéance en cas d'aliénation, qu'il a vendu le bien avec l'assentiment de la banque, de sorte qu'elle a causé un indéniable préjudice et qu'il demande, en conséquence, à la cour d'infirmer le jugement et de :

« - Dire et juger que l'action diligentée par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France est prescrite ;

- Réputer non écrite la clause abusive DECHEANCE DU TERME - EXIGIBILITE DU PRESENT PRÊT en son paragraphe b de l'offre de prêt en date du 11 février 2008 comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des époux X. ;

- Déclarer nulle et non avenue la déchéance du terme prononcée par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France ;

- Débouter la Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France au paiement de la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ».

[*]

Par ses dernières conclusions en date du 12 octobre 2022, Mme Y. fait valoir :

- à titre principal, que le jugement est nul, par application des articles 14 et 16 du code de procédure civile, dès lors qu'elle avait constitué avocat en première instance le 23 septembre 2021 et que la décision a été rendue sans qu'elle ne soit appelée à l'audience du 26 novembre 2021,

- à titre subsidiaire, au fond, que l'action en paiement est prescrite puisque la banque a été tenue au courant de la vente et avait alors un délai de deux ans à compter de celle-ci datée du 30 décembre 2013 pour se prévaloir de la déchéance du terme, que la clause est abusive, ce qui est 'évident', l'action étant prescrite,

- que la banque échoue à rapporter la preuve de l'envoi de la déchéance du terme dès lors que c'est son fils qui habitait à l'adresse de destination puisqu'elle avait déménagé, que cette déchéance est donc nulle,

- qu'elle n'est pour rien dans l'utilisation des fonds faite par M. X. pour les besoins de son entreprise, qu'elle ne peut démontrer qu'elle n'a pas reçu les bulletins de procédure, que le conseil de la banque a manqué à ses obligations déontologiques de l'avertir de la date d'audience, que la réduction de l'indemnité de défaillance par le tribunal était justifiée de sorte qu'elle demande à la cour de :

« A TITRE PRINCIPAL,

- DIRE que le Jugement rendu le 17 décembre 2021 par le Tribunal judiciaire de Paris est nul,

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- INFIRMER le Jugement rendu le 17 décembre 2021 par le Tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

Condamné solidairement Madame Y. et Monsieur X. à régler à la CRCACF REGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE la somme de 182.865,87 euros, arrêtée au 25 avril 2021, avec intérêts au taux de 4,85 % l'an à compter du 15 mars 2021 ; la somme de 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2021.

STATUANT A NOUVEAU

- DIRE que l'action en paiement de la CRCACF est éteinte par prescription,

- DIRE que la clause de déchéance est abusive,

Y découlant,

- DEBOUTER la CRCACF en ses demandes, fins et conclusions,

- DIRE que la déchéance du terme prononcée par la CRCACF est nulle,

- CONDAMNER la CRCACF à régler à Madame Y. la somme de 5.000 € euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ».

[*]

Par ses dernières conclusions en date du 21 février 2023, la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre France expose :

- qu'elle n'a été informée que récemment, par téléphone, de la vente immobilière dont le produit a servi à désintéresser les créanciers professionnels de l'entreprise de M. X., placée depuis lors en liquidation judiciaire ainsi qu'à abonder des livrets dont les sommes ont été consommées, que chacun des époux a signé les accusés de réception de la lettre de déchéance du terme mais sans réaction de sorte qu'elle a saisi le tribunal tout en lui demandant de ne pas statuer avec exécution provisoire,

- qu'il est justifié que les conditions de mise en œuvre de la clause sont réunies, que chacun des emprunteurs a reçu la déchéance du terme, que la vente de l'immeuble sans désintéressement de la banque est faite de mauvaise foi,

- que le jugement n'est pas nul dès lors que Mme Y. a constitué avocat et que ce dernier a été destinataire des bulletins du RPVA, qu'il a d'ailleurs formé une demande de renvoi lors de la clôture qui n'a pas été acceptée sans former de conclusions de rétractation de ladite clôture et après avoir reçu toutes les pièces par courriel du 16 juillet 2021,

- que contrairement à ce que soutiennent les emprunteurs, elle n'a été alertée de la vente de l'immeuble financée que récemment par téléphone, aucune pièce n'objectivant qu'elle en avait connaissance auparavant, qu'elle a immédiatement mis en demeure les emprunteurs de rembourser l'intégralité du prêt, que les emprunteurs ont profité de la vente pour pourvoir à leur trésorerie puisqu'il n'y avait pas de garantie réelle mais seulement une caution mutuelle, que si le paiement n'a pas été exigé en décembre 2013 au moment de la vente c'est qu'elle l'ignorait,

- que les appelants ne procèdent que par affirmation en soutenant le caractère abusif de la clause dont la parfaite validité a été jugée à maintes reprises, notamment qu'elle n'avait pas à mettre en demeure préalablement les débiteurs compte tenu du motif de déchéance,

- que M. X. ne forme pas de demande judiciaire au regard de ses allégations de manquement à l'obligation de conseil,

- qu'elle forme appel incident en demandant à la cour de condamner les emprunteurs à lui payer l'indemnité conventionnelle qui n'apparaît pas excessive, de sorte qu'elle demande à la cour de :

« - Réformer la décision la décision dont appel,

Et ,

Statuant à nouveau :

- Condamner solidairement Monsieur X. et Madame Y. à payer à CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE (CRCACF) prise en la personne de son représentant légal, une somme de 12.800,61 € au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement.

- Confirmer le jugement rendu le 17 décembre 2021 par la 9 ème chambre du tribunal judiciaire de PARIS, en ce qu'il a condamné Monsieur X. et Madame Y. solidairement à payer à CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE (CRCACF) prise en la personne de son représentant légal, la somme de 182.865,87 € arrêtée au 25 avril 2021 avec intérêts au taux contractuel de 4,85 % l'an à compter du 15 mars 2021.

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle condamné solidairement Monsieur X. et Madame Y. à payer à la Caisse RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE (CRCACF) prise en la personne de son représentant légal la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

* En ce qu'elle les a condamnés aux entiers dépens,

* En ce qu'elle a autorisé Maître Olivier BOHBOT à recouvrer directement contre Monsieur X. et Madame Y. les frais compris dans les dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

- Débouter Monsieur X. et Madame Y. de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

- Les condamner solidairement à régler à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE (CRCACF) prise en la personne de son représentant légal, une somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Les condamner solidairement aux entiers dépens.

- Autoriser Me BOHBOT Olivier à les recouvrer, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ».

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2023.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la demande de nullité du jugement :

L'article 16 du code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Mme Y. produit l'acte de constitution d'avocat en première instance et un message RPVA de ce dernier sollicitant le renvoi de l'affaire à la mise en état pour ses conclusions tous deux datés du 23 septembre 2021, respectivement à 13h50 et 13h54.

Il ressort du jugement que la clôture, initialement fixée au 24 septembre 2021 a été effectivement prononcée à cette date.

Compte tenu de ce que l'assignation introductive d'instance a été délivrée le 20 mai 2021, et que la banque fait valoir, sans être contredite, qu'elle avait communiqué ses pièces au conseil de Mme Y. le 16 juillet 2021, il était loisible au juge de la mise en état de considérer que la demande de renvoi pour conclure était tardive et que la clôture devait être prononcée à la date initialement prévue le 24 septembre 2019.

Toutefois, il y a lieu d'observer, d'une part, qu'il n'est pas justifié de la remise des bulletins d'audience, et notamment de la convocation à l'audience à l'occasion de laquelle des conclusions de rétractation de la clôture peuvent être présentées au conseil de Mme Y. et, d'autre part, qu'il apparaît que la clôture et le jugement ont été prononcés en réalité parce que le juge ne connaissait pas la constitution d'avocat de Mme Y. puisqu'en dépit de ladite constitution, le jugement est réputé contradictoire et mentionne que les deux défendeurs sont défaillants, non représentés.

En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande tendant au prononcé de la nullité du jugement.

Il résulte néanmoins des articles 561 et 562, alinéa 2, du code de procédure civile que, lorsqu'un appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité.

 

Sur la prescription de l'action :

M. X. et Mme Y. ne produisant aux débats, respectivement, que, d'une part, l'offre de prêt, l'acte de vente du bien financé et le récapitulatif des paiements au titre de l'année 2021 et, d'autre part, des bulletins de procédure, ils échouent à rapporter la preuve, qui leur incombe, que la banque était informée dès le 30 décembre 2013 ou dans les semaines suivantes de la cession de l'immeuble dont la banque affirme n'avoir eu connaissance que récemment sans être utilement contredite par une pièce permettant d'affirmer qu'elle ne l'ignorait pas et, partant de la prescription de son action en paiement.

En effet, la seule mention de la perception d'une somme d'une étude notariale au crédit du compte, en l'absence de tout autre élément, ne prouve pas à suffisance l'information donnée à la banque sur la vente du bien.

Ils doivent donc être déboutés de leur fin de non-recevoir.

 

Sur la régularité de la déchéance du terme :

Le paragraphe de la convention de prêt relatif à la déchéance du terme prévoit notamment que « le Prêteur aura la possibilité de se prévaloir de l'exigibilité immédiate du présent prêt (...) par la seule survenance de l'un quelconque des événements ci-après et sans qu'il soit besoin d'aucun préavis et d'aucune formalité judiciaire : si l'Emprunteur se dessaisit du bien objet du financement », et ce, en pouvant « se prévaloir de l'exigibilité immédiate de la totalité de sa créance par lettre recommandée avec accusé de réception adressé à l'Emprunteur ».

Mettant en œuvre cette clause, la banque a adressé deux lettres recommandées avec accusés de réception datées du 15 mars 2021 à M. X. et à Mme Y., les accusés de réception étant produits et respectivement datés des 24 et 30 mars suivant.

Dès lors que l'accusé de réception de Mme Y. est signé soit par elle-même soit par un mandataire à l'adresse donnée lors du prêt et sans qu'elle n'objective avoir alors eu un autre domicile, les modalités de notification prévues au contrat ont été respectées.

En vertu de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa version antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Alors que Mme Y. fait valoir sommairement que le caractère abusif de la clause est « évident » sans s'expliquer plus avant, M. X. lui fait grief de ne pas prévoir un délai de préavis suffisant permettant la régularisation.

S'agissant d'un prêt immobilier garanti exclusivement, outre les assurances, par un cautionnement professionnel d'une caisse de garantie liée à la banque à laquelle adhèrent les emprunteurs (CAMCA) - ce qui permet les mutations du bien financé sans la mainlevée d'une inscription de privilège de prêteur de deniers et les frais liés -, il n'est pas abusif d'ériger le dessaisissement du bien financé du fait de l'emprunteur en cause de résiliation du prêt.

Dès lors que la cession du bien ne constitue pas un manquement de l'emprunteur revêtant un caractère momentané auquel ce dernier pourrait remédier mais une inexécution grave des stipulations du contrat prévoyant expressément que, sous peine de résiliation - et, implicitement mais nécessairement sauf accord de la banque -, il doit rester en sa possession jusqu'à son terme, le défaut de véritable préavis ne constitue pas un abus puisqu'il n'instaure pas de déséquilibre manifeste en sa défaveur.

En outre, en l'espèce, si par sa mise en demeure du 15 mars 2021, la banque a fait valoir qu'elle entendait se prévaloir de cette clause de déchéance du terme, elle n'a prononcé l'exigibilité des sommes dues au titre du prêt qu'à une échéance d'un mois, laissant aux emprunteurs la faculté de lui proposer, le cas échéant, un accord moyennant une garantie de paiement.

En conséquence de ce qui précède, la stipulation relative à la déchéance du terme ne constitue pas une clause abusive et, dès lors que l'immeuble financé a fait l'objet d'un dessaisissement, elle a été régulièrement mise en œuvre.

C'est enfin vainement que M. X. soutient que la banque aurait manqué à son devoir de conseil en ne lui « rappelant » pas l'existence de la clause puisque la banque prêteuse de deniers n'est pas, sauf stipulation inexistante en l'espèce, débitrice d'une telle obligation et qu'il n'est pas objectivé que M. X. ait entretenu la banque de son projet de cession du bien financé.

C'est par de justes motifs que la cour adopte, étant ajouté que le paiement à bon termes des échéances du prêt jusqu'au 10 mars 2021 et la déchéance ensuite prononcée par la banque soit pendant plus de huit années, n'est pas contestée, le tribunal a, en estimant manifestement excessive la clause pénale de 7 % des sommes restant dues, réduit celle-ci à la somme de 500 euros et c'est également à bon droit qu'il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts prohibée par l'article devenu L 312-23 du code de la consommation.

Eu égard au décompte produit non contesté, il y a lieu de condamner solidairement M. X. et Mme Y. à payer au Crédit Agricole la somme de 182.134,96 euros avec intérêts au taux conventionnel de 4,85 % sur la somme de 180.843,90 euros outre la somme de 500 euros, à compter du 15 mars 2021.

En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de condamner M. X. et Mme Y. aux dépens d'appel, l'équité commandant de ne pas prononcer de condamnation au titre des frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

ANNULE le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau ;

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par M. X. et Mme Y. ;

DÉBOUTE M. X. et Mme Y. de leurs demandes tendant à voir reconnaître abusive la clause de déchéance du terme et à voir constater l'irrégularité de sa mise en œuvre ;

CONDAMNE M. X. et Mme Y. à payer à la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre France les sommes de :

- de 182.134,96 euros avec intérêts au taux conventionnel de 4,85 % sur la somme de 180 843,90 euros à compter du 15 mars 2021,

- de 500 euros d'indemnité de résiliation ;

DÉBOUTE la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre France du surplus de ses demandes ;

DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. X. et Mme Y. aux dépens de la présente instance qui seront recouvrés par Maître Olivier Bohbot, comme il est disposé à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                                            LE PRÉSIDENT