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CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 18 mars 2024

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 18 mars 2024
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 4e ch.
Demande : 22/01157
Date : 18/03/2024
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 7/03/2022
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10774

CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 18 mars 2024 : RG n° 22/01157 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « 6 - Au cas présent, il n'est pas contesté que le contrat a été conclu dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel (la société Matécopie) exerce son activité en permanence ou de manière habituelle et en la présence physique simultanée des parties. Par ailleurs, M. X. emploie un seul salarié. Le litige ne porte donc que sur le fait de déterminer si l'objet du contrat, à savoir la location et la maintenance d'une caisse enregistreuse, entre dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité (M. X.). 7 - M. X. exerce une activité de fleuriste. 8 - Si la location d'une caisse enregistreuse est sans conteste utile et même nécessaire à l'activité professionnelle de M. X., celle-ci n'entre cependant pas de ce seul fait dans le champ de l'activité principale de M. X. qui est limitée à la vente de fleurs, domaine sans lien direct avec l'activité de location de caisse enregistreuse. 9 - Dès lors, les premiers juges ont, à tort, retenu que les dispositions relatives aux contrats hors établissement devaient être écartées aux motifs que l'usage d'une caisse enregistreuse est obligatoire dans un commerce de détails et que les caractéristiques techniques à prendre en compte pour un tel matériel ne sont pas d'une complexité telle qu'elles nécessiteraient d'être examinées par un expert technique. 10 - Il sera dès lors jugé que M. X. peut prétendre au bénéfice des dispositions protectrices relatives aux contrats conclus hors établissement. »

2/ « 19 - En l'espèce, la concomitance de la conclusion des contrats conclus le même jour démontre d'une part, que la société Matécopie s'est comportée dans cette opération comme le mandataire de la société NBB Lease France 1, avec l'accord de celle-ci, et, d'autre part, l'intention commune des parties de recourir à une même opération, à savoir la mise à disposition d'une caisse enregistreuse en état de marche pour une durée longue, le contrat de maintenance prévoyant une garantie totale sur 5 ans, pièces, main d'oeuvre et déplacement inclus. 20- Même s'il n'est pas démontré que la société NBB Lease France 1 ait été informée des propositions de rachat du matériel effectuées par le fournisseur, elle avait cependant une connaissance certaine de l'opération dans son ensemble, à savoir la location d'une caisse enregistreuse accompagnée de la maintenance nécessaire à son utilisation réalisée par le fournisseur lui-même du matériel loué.

21- Par ailleurs, la cour relève que le contrat de maintenance ne prévoit aucune mensualité distincte de celle figurant au bon de commande auquel s'est substitué le jour même un contrat de location financière au titre des 63 loyers. Il apparaît ainsi que le contrat de location financière incluait, outre la fourniture du bien, la maintenance de celui-ci, qui ne peut être ainsi déléguée à un tiers, sauf à imposer au client une nouvelle charge financière. Dès lors, l'exécution du contrat de location financière n'est plus possible du fait de la disparition du contrat de maintenance. 22- La cour ajoutera que la poursuite du contrat de maintenance par la société Matécopie était également une condition déterminante du consentement de M. X. à l'opération dans son ensemble. 23- Il convient dès lors de constater la caducité, et non la nullité comme l'appelant le sollicite, du contrat de location financière. »

3/ « 29 - La résiliation des contrats de location et de maintenance [de matériel informatique] n'entraîne pas, lorsque ces contrats constituent un ensemble contractuel complexe et indivisible, la résolution du contrat de vente mais seulement sa caducité, l'acquéreur devant restituer le bien vendu et le vendeur son prix, sauf à diminuer celui-ci d'une indemnité correspondant à la dépréciation subie par la chose en raison de l'utilisation que l'acquéreur en a faite et à tenir compte du préjudice subi par l'acquéreur par suite de l'anéantissement de cet ensemble contractuel.( Civ. 1re, 4 avr. 2006, n° 02-18.277). 30 - Il convient d'ordonner à M. X. de restituer le matériel objet du contrat dont la caducité a été prononcée. Il appartiendra à la société NBB Lease France 1 de venir chercher à ses frais le matériel dans les locaux professionnels de M. X. Il n'y a pas lieu à ce stade de la procédure de prononcer d'astreinte.

31 - La caisse enregistreuse et ses accessoires ont nécessairement subi une dépréciation liée au temps mais également à son utilisation par M. X. a minima jusqu'au mois de février 2020, date à laquelle la société Matécopie, en liquidation judiciaire, n'a plus assuré la maintenance de la caisse enregistreuse. 32 - Pour tenir compte de cette dépréciation et de la jouissance que M. X. a eu du matériel jusqu'à l'annulation du contrat, la société NBB Lease France 1 ne sera tenue de la restitution des loyers qu'à compter du 1er février 2020, cette restitution étant assortie des intérêts au taux légal à compter de chaque versement et de la capitalisation des intérêts. »

4/ « 35 - La preuve d'un dol commis par l'intimée de connivence avec la société Matécopie ne ressort pas des pièces produites aux débats. 36 - Les dispositions relatives aux pratiques commerciales abusives ne sont pas applicables à M. X. qui n'est pas un consommateur. 37 - Il n'appartient pas enfin à l'organisme de location financière de s'assurer de la régularité du contrat qu'il ne fait que financer de sorte qu'il n'est pas démontré une faute délictuelle à son encontre. En outre, l'irrégularité du contrat principal est déjà sanctionnée par la caducité du contrat de location financière. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 18 MARS 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/01157. N° Portalis DBVJ-V-B7G-MSTK. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 janvier 2022 (R.G. n° 2020F01015) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 7 mars 2022.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [Date naissance 2] à [Localité 5], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3], représenté par Maître Julien PLOUTON de la SELAS JULIEN PLOUTON, avocat au barreau de BORDEAUX

 

INTIMÉES :

SELARL LAURENT MAYON, es qualité de mandataire liquidateur de la SARL MATECOPIE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 4], non représentée, assignée à personne habilitée

SAS NBB LEASE FRANCE 1

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 1], représentée par Maître Carolina CUTURI-ORTEGA de la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

 

INTERVENANTE :

SARL AMOUR DE FLEURS

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 3], représentée par Maître Julien PLOUTON de la SELAS JULIEN PLOUTON, avocat au barreau de BORDEAUX

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 janvier 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président, Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller, Monsieur Nicolas GETTLER, Vice-Président Placé,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT : - réputé contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. X., exerçant une activité de fleuriste à titre individuel sous l'enseigne « Amour de Fleurs », a signé un bon de commande le 15 juin 2017 établi par la société Matécopie portant sur la location d'une caisse enregistreuse pour une durée de 21 trimestres pour un loyer mensuel de 290 euros.

Le même jour, deux autres contrats ont été conclus :

- un contrat de maintenance du matériel entre la société Matécopie et M. X.,

- un contrat de location financière portant sur le matériel fourni par la société Matécopie entre M. X. et la société NBB Lease prévoyant la location du matériel sur une période de 63 mois pour un montant de loyer mensuel hors taxe de 290 euros, soit 340 euros TTC.

Par ailleurs, selon facture du 28 juin 2017, la société Matécopie a racheté l'ancien matériel d'encaissement de M. X. pour la somme de 6.720 euros HT et selon contrat dit de reprise/rachat du 15 juin 2017 s'est engagé à lui racheter le matériel fourni passé un délai de 21 mois pour la somme de 5.600 euros HT.

Le matériel a été livré le 17 juillet 2017 à M. X. Le 20 juillet 2017, la société Leasecom a adressé à M. X. une facture portant sur la location de la caisse enregistreuse louée et de des périphériques et l'échéancier des loyers.

La société Matécopie a été placée en liquidation judiciaire par décision du tribunal de commerce de Bordeaux du 5 février 2020. La société Laurent Mayon a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par actes d'huissier de justice du 9 octobre 2020, M. X. a assigné la société Leasecom et la société Laurent Mayon, en sa qualité de liquidateur de la société Matécopie, devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de voir prononcer la nullité des contrats conclus le 15 juin 2017, d'obtenir la restitution des loyers versés et de voir condamner les défendeurs au paiement de dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire du 13 janvier 2022, le tribunal a statué comme suit :

- déclare M. X. irrecevable en son action à l'encontre de la société Laurent Mayon, ès qualités,

- déboute M. X. de ses demandes de nullité du contrat conclu avec la société NBB Lease France 1,

- déboute M. X. de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société NBB Lease France 1,

- condamne M. X. à payer à la société NBB Lease France 1 la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne M. X. à payer à la société Laurent Mayon, ès qualités, la somme de 300 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne M. X. aux entiers dépens.

Par déclaration du 7 mars 2022, M. X. a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société NBB Lease France 1 et la société Laurent Mayon, ès qualités.

La SARL Amour de fleurs, société créé par M. X. en 2020 et ayant repris l'activité de fleuriste de celui-ci, a pris des conclusions aux fins d'intervention volontaire.

Par actes des 9 mai et 10 juin 2022, M. X. a fait assigner devant cette cour la société Laurent Mayon, ès qualités, et lui a fait signifier ses conclusions. Celui-ci n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 janvier 2024.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières écritures notifiées par RPVA le 03 juin 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, M. X. et la SARL Amour de Fleurs, demandent à la cour de :

Vu l'article préliminaire et les articles L. 221-1 et L. 221-3 du code de la consommation,

Vu les articles R. 111-1, L. 111-1, L. 221-5, L. 221-9 prévus à peine de nullité par l'article L. 242-1 du code de la consommation,

Vu les dispositions des articles 1128, 1130, 1137, 1138 et 1169, 1186 et 1240 du code civil,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 13 janvier 2022 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- recevoir l'intervention volontaire de la société Amour de Fleurs,

- ordonner la nullité du contrat conclu avec la société Matecopie en date du 15 juin 2017 pour manquements aux dispositions du code de la consommation et/ou pour dol et/ou pour pratiques commerciales agressives,

- ordonner la nullité du contrat de location conclu avec la société NBB Lease France 1 le 15 juin 2017 en raison de l'interdépendance des conventions,

A titre subsidiaire,

- ordonner la nullité du contrat conclu avec la société Matecopie en date du 15 juin 2017 pour manquements aux dispositions du code de la consommation et/ou pour dol et/ou pour pratiques commerciales agressives,

- ordonner la nullité du contrat de location conclu avec la société NBB Lease France 1 le 15 juin 2017 pour manquements aux dispositions du code de la consommation et/ou pour dol et/ou pour pratiques commerciales agressives,

En tout état de cause,

- condamner la société NBB Lease France 1 à restituer à M. X. la somme de 12.842,40 euros perçue au titre des loyers et arrêtée à juillet 2020 (somme à parfaire) avec intérêt au taux légal à compter de chacun des versements et capitalisation,

- condamner la société NBB Lease France 1 à récupérer le matériel objet du contrat du 15 juin 2020, en l'état et à ses frais à l'adresse de l'entreprise de M. X.,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Matecopie la somme de 6.720 euros TTC, en réparation du préjudice subi par M. X. et opérer compensation avec les restitutions des sommes versées au titre de participation commerciale,

- condamner la société NBB Lease France 1 à verser à M. X. la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral, et fixer la même somme au passif de la liquidation judiciaire de la société Matecopie,

- condamner la société NBB Lease France 1 à verser à M. X. la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et fixer la même somme au passif de la liquidation judiciaire de la société Matecopie,

- condamner solidairement les sociétés Matecopie et NBB Lease France 1 aux entiers dépens,

- débouter la société NBB Lease France 1 de toutes ses demandes, fins et conclusions.

[*]

Par dernières écritures notifiées par RPVA le 1er septembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société NBB Lease France 1, demande à la cour de :

Vu les articles 1103,1124, 1225, 1227, 1229, 1137, 1182, 1186, 1217 du code civil, vu l'article liminaire du code de la consommation, vu les articles L. 111-1, L. 111-2, L. 121-6, L. 121-7, L. 132-10 et L. 221-1 et suivants du code de la consommation, vu le contrat de location,

Et, à titre principal,

- confirmer le jugement déféré (13 janvier 2022, n°2020F01015) en toutes ses dispositions,

- débouter M. X. et la société Amour de Fleurs de l'intégralité de leurs demandes,

A titre subsidiaire, si la cour infirmait/réformait la décision déférée quant à l'application du code de la consommation et/ou l'existence d'un dol,

- débouter M. X. et la société Amour de Fleurs de l'intégralité de leurs demandes dirigées contre elle et le contrat de location, notamment au titre d'une prétendue interdépendance contractuelle,

A titre infiniment subsidiaire, si, par extraordinaire, la cour prononçait la caducité ou la nullité du contrat de location,

- débouter M. X. et la société Amour de Fleurs de leur demande de dommages et intérêts,

- ordonner à M. X. et la société Amour de Fleurs de restituer à leurs frais le matériel objet du contrat de location en bon état d'entretien et de fonctionnement, sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la signification du jugement à intervenir, exclusivement à elle au lieu choisi par cette dernière, ou à toute personne désignée par elle,

- dans l'hypothèse où M. X. et la société Amour de Fleurs ne restitueraient pas le matériel objet du contrat de location autoriser la elle ou toute personne qu'elle se réserve le droit de désigner, à appréhender le matériel objet du contrat de location en quelque lieu qu'il se trouve pour en prendre possession en ses lieux et place, les frais d'enlèvement et de transport incombant exclusivement M. X. et la société Amour de Fleurs,

- débouter M. X. et la société Amour de Fleurs de toute demande de restitution des loyers, et, à défaut, condamner M. X. et la société Amour de Fleurs au paiement d'une somme équivalente aux loyers restitués (somme à parfaire), au titre de l'indemnité de jouissance du matériel mis à sa disposition,

- ordonner la compensation des sommes qui pourraient être dues entre M. X. et la société Amour de Fleurs et elle au titre du présent jugement,

En tout état de cause,

- condamner M. X. à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des frais de la procédure d'appel,

- condamner M. X. et la société Amour de Fleurs aux entiers dépens.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 - Il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire de la société Amour de Fleurs qui justifie d'un intérêt à agir. Il sera cependant constaté qu'elle ne forme aucune demande de condamnation à son bénéfice.

 

Sur la demande visant à voir prononcer la nullité du contrat principal :

2 - M. X. et la société Amour de Fleurs arguent de multiples fondements juridiques au soutien de sa demande de nullité du premier contrat, à savoir des « manquements aux dispositions du code de la consommation et/ou un dol et/ou des pratiques commerciales agressives ». Ils soutiennent notamment que les dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement sont applicables, la location de photocopieur n'entrant pas dans le champ de l'activité principale de M. X. Ils exposent que le contrat conclu avec la société Matécopie ne respecte pas les dispositions relatives à l'obligation d'information précontractuelle prévue à l'article L. 221-5 du code de la consommation, les dispositions relatives à la désignation précise de la nature et des caractéristiques essentielles du bien prévues à l'article L. 111-1 du code de la consommation et les dispositions relatives au droit de rétractation prévues à l'article L. 221-5 du code de la consommation.

3 - La société NBB Lease France 1 réplique que les dispositions du code de la consommation, et notamment celles relatives aux pratiques commerciales agressives, ne sont pas applicables à M. X. car celui-ci a contracté dans le cadre de son activité professionnelle. S'agissant plus spécifiquement des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement, elle soutient que M. X. ne démontre pas que le contrat n'entrait pas dans le champ de l'activité principale de celui-ci et qu'en tout état de cause, il n'établit pas avoir subi un quelconque manque d'information.

Sur ce :

Sur l'application des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement :

4 - Aux termes de l'article L. 221-1 du code de la consommation dans sa version applicable à ce litige sont considérés comme contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :

a) Dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ;

b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes.

5 - Aux termes de l'article L. 221-4 du même code, les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

6 - Au cas présent, il n'est pas contesté que le contrat a été conclu dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel (la société Matécopie) exerce son activité en permanence ou de manière habituelle et en la présence physique simultanée des parties. Par ailleurs, M. X. emploie un seul salarié. Le litige ne porte donc que sur le fait de déterminer si l'objet du contrat, à savoir la location et la maintenance d'une caisse enregistreuse, entre dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité (M. X.).

7 - M. X. exerce une activité de fleuriste.

8 - Si la location d'une caisse enregistreuse est sans conteste utile et même nécessaire à l'activité professionnelle de M. X., celle-ci n'entre cependant pas de ce seul fait dans le champ de l'activité principale de M. X. qui est limitée à la vente de fleurs, domaine sans lien direct avec l'activité de location de caisse enregistreuse.

9 - Dès lors, les premiers juges ont, à tort, retenu que les dispositions relatives aux contrats hors établissement devaient être écartées aux motifs que l'usage d'une caisse enregistreuse est obligatoire dans un commerce de détails et que les caractéristiques techniques à prendre en compte pour un tel matériel ne sont pas d'une complexité telle qu'elles nécessiteraient d'être examinées par un expert technique.

10 - Il sera dès lors jugé que M. X. peut prétendre au bénéfice des dispositions protectrices relatives aux contrats conclus hors établissement.

 

Sur le respect des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement :

11 - Aux termes des dispositions des articles L. 221-5, L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation pris ensemble et applicables au contrat conclu hors établissement, le professionnel doit fournir au consommateur, sous peine de nullité du contrat conclu hors établissement un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, comprenant de manière lisible et compréhensible :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2,

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

12 - Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à titre onéreux, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, ainsi que celles du service numérique ou du contenu numérique, compte tenu de leur nature et du support de communication utilisé, et notamment les fonctionnalités, la compatibilité et l'interopérabilité du bien comportant des éléments numériques, du contenu numérique ou du service numérique, ainsi que l'existence de toute restriction d'installation de logiciel ;

2° Le prix ou tout autre avantage procuré au lieu ou en complément du paiement d'un prix en application des articles L. 112-1 à L. 112-4-1 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à délivrer le bien ou à exécuter le service.

13 - Il ressort de la lecture du contrat conclu entre M. X. et la société Matécopie que le bon de commande et le contrat de maintenance ont été signés le même jour et renvoient aux mêmes conditions générales. Un seul bon de rétractation a été fourni au client au titre des deux contrats. Le bon de commande préalable à la signature du contrat de location financière n'énonce pas clairement le prix total toutes taxes comprises du matériel vendu puisqu'il n'indique que le coût mensuel de la prestation sans préciser d'ailleurs si ce prix est hors taxe ou toutes taxes comprises. Le contrat de maintenance indique qu'est fourni gratuitement « un kit de démarrage » sans plus de précision mais ne comporte aucune précision quant au prix de la prestation qui semble ainsi incluse dans le prix de location de la caisse enregistreuse. Le délai de livraison a été omis. Il est ainsi démontré que les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement prévues à peine de nullité ne sont dès lors pas respectées.

14 - Il convient de prononcer la nullité du contrat conclu entre la société Matécopie et M. X., sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens soulevés par les appelants relatifs aux pratiques commerciales agressives et au dol.

 

Sur la demande visant à voir prononcer la nullité du contrat de location financière sur le fondement de l'interdépendance des contrats :

15 - M. X. et la société Amour de fleurs sollicitent que la nullité du contrat de location financière soit prononcée sur le fondement de l'article 1186 du code civil. Ils soutiennent que la société NBB Lease France 1 n'était pas un tiers à l'opération et qu'elle agissait même de connivence avec la société Matécopie.

1 6- La société NBB Lease France 1 rétorque que les conditions d'application des dispositions de l'article 1186 du code civil ne sont pas réunies car :

- elle ne connaissait pas l'existence de l'opération d'ensemble, et notamment l'engagement de la société Matécopie à racheter le matériel,

- il ne résulte ni de la commune intention des parties, ni des clauses contractuelles que les contrats tendaient à la réalisation d'une même opération et ne pouvaient exister les uns sans les autres,

- il n'est pas démontré que l'exécution du contrat de location soit devenue impossible du fait de l'anéantissement du contrat de maintenance, la possibilité étant offerte à M. X. de recourir à un autre prestataire pour la maintenance de son matériel.

Sur ce :

17 - Aux termes des dispositions de l'article 1186 du code civil dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.

La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.

18 - Sur le fondement de cet article dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, la chambre commerciale de la cour de cassation a jugé, dans le cadre d'un contrat de location financière portant également sur un copieur et ses accessoires, qu'un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît. Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie. La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement. (Cass., Com, 10 janvier 2024, n° 22.20.466).

19 - En l'espèce, la concomitance de la conclusion des contrats conclus le même jour démontre d'une part, que la société Matécopie s'est comportée dans cette opération comme le mandataire de la société NBB Lease France 1, avec l'accord de celle-ci, et, d'autre part, l'intention commune des parties de recourir à une même opération, à savoir la mise à disposition d'une caisse enregistreuse en état de marche pour une durée longue, le contrat de maintenance prévoyant une garantie totale sur 5 ans, pièces, main d'oeuvre et déplacement inclus.

20 - Même s'il n'est pas démontré que la société NBB Lease France 1 ait été informée des propositions de rachat du matériel effectuées par le fournisseur, elle avait cependant une connaissance certaine de l'opération dans son ensemble, à savoir la location d'une caisse enregistreuse accompagnée de la maintenance nécessaire à son utilisation réalisée par le fournisseur lui-même du matériel loué.

21 - Par ailleurs, la cour relève que le contrat de maintenance ne prévoit aucune mensualité distincte de celle figurant au bon de commande auquel s'est substitué le jour même un contrat de location financière au titre des 63 loyers. Il apparaît ainsi que le contrat de location financière incluait, outre la fourniture du bien, la maintenance de celui-ci, qui ne peut être ainsi déléguée à un tiers, sauf à imposer au client une nouvelle charge financière. Dès lors, l'exécution du contrat de location financière n'est plus possible du fait de la disparition du contrat de maintenance.

22 - La cour ajoutera que la poursuite du contrat de maintenance par la société Matécopie était également une condition déterminante du consentement de M. X. à l'opération dans son ensemble.

23 - Il convient dès lors de constater la caducité, et non la nullité comme l'appelant le sollicite, du contrat de location financière.

24 - La décision de première instance sera infirmée de ce chef.

 

Sur les conséquences de l'annulation du contrat de location financière :

25 - Aux termes de l'article 1178 du code civil, un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord.

Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.

26 - Aux termes de l'article 1187 du code civil, la caducité met fin au contrat. Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

27 - M.X. et la société Amour de fleurs font valoir que les parties doivent être remises dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la signature du contrat. Ils sollicitent ainsi la restitution de l'ensemble des sommes prélevées au titre des loyers, frais et accessoires, assorties du paiement des intérêts au taux légal sur les loyers versés à compter de chacun des paiements, compte tenu de la mauvaise foi de la société NBB Lease France 1. Le matériel sera en outre restitué à la société NBB Lease France 1 à ses frais.

28 - La société NBB Lease France 1 rétorque que l'annulation du contrat ne peut avoir un effet rétroactif, la caducité affectant l'acte qu'elle atteint uniquement pour l'avenir. Elle rappelle que M. X. a bénéficié et joui du matériel loué et qu'une restitution des loyers équivaudrait à un enrichissement sans cause. Si la cour devait la condamner à restituer les loyers perçus, elle sollicite la condamnation de M. X. à lui verser une somme équivalente aux loyers restitués au titre d'une indemnité de jouissance du matériel mis à sa disposition

Sur ce :

29 - La résiliation des contrats de location et de maintenance [de matériel informatique] n'entraîne pas, lorsque ces contrats constituent un ensemble contractuel complexe et indivisible, la résolution du contrat de vente mais seulement sa caducité, l'acquéreur devant restituer le bien vendu et le vendeur son prix, sauf à diminuer celui-ci d'une indemnité correspondant à la dépréciation subie par la chose en raison de l'utilisation que l'acquéreur en a faite et à tenir compte du préjudice subi par l'acquéreur par suite de l'anéantissement de cet ensemble contractuel.( Civ. 1re, 4 avr. 2006, n° 02-18.277).

30 - Il convient d'ordonner à M. X. de restituer le matériel objet du contrat dont la caducité a été prononcée. Il appartiendra à la société NBB Lease France 1 de venir chercher à ses frais le matériel dans les locaux professionnels de M. X. Il n'y a pas lieu à ce stade de la procédure de prononcer d'astreinte.

31 - La caisse enregistreuse et ses accessoires ont nécessairement subi une dépréciation liée au temps mais également à son utilisation par M. X. a minima jusqu'au mois de février 2020, date à laquelle la société Matécopie, en liquidation judiciaire, n'a plus assuré la maintenance de la caisse enregistreuse.

32 - Pour tenir compte de cette dépréciation et de la jouissance que M. X. a eu du matériel jusqu'à l'annulation du contrat, la société NBB Lease France 1 ne sera tenue de la restitution des loyers qu'à compter du 1er février 2020, cette restitution étant assortie des intérêts au taux légal à compter de chaque versement et de la capitalisation des intérêts.

 

Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. X. à l'encontre de la société NBB Lease France 1 :

33 - M. X. soutient que la société NBB Lease France 1 a commis une faute délictuelle en acceptant de financer des contrats qu'elle savait nuls compte tenu des pratiques commerciales agressives de la société Matécopie, du dol commis par celle-ci et du non respect des dispositions du code de la consommation. Elle serait en outre complice de ces pratiques agressives et de ce dol. Il argue à ce titre d'un préjudice moral dont il sollicite l'indemnisation à hauteur de 10.000 euros.

34 - La société NBB Lease France 1 conclut au débouté des demandes en faisant valoir que l'appelant ne justifie pas de ses allégations.

Sur ce :

35 - La preuve d'un dol commis par l'intimée de connivence avec la société Matécopie ne ressort pas des pièces produites aux débats.

36 - Les dispositions relatives aux pratiques commerciales abusives ne sont pas applicables à M. X. qui n'est pas un consommateur.

37 - Il n'appartient pas enfin à l'organisme de location financière de s'assurer de la régularité du contrat qu'il ne fait que financer de sorte qu'il n'est pas démontré une faute délictuelle à son encontre. En outre, l'irrégularité du contrat principal est déjà sanctionnée par la caducité du contrat de location financière.

38 - L'appelant sera débouté de ce chef de demande.

 

Sur les demandes formées à l'encontre de la société Matécopie :

39 - L'appelant forme des demandes à l'encontre de la société Matécopie dans le dispositif de ses conclusions sans développer aucun moyen dans le corps de celle-ci.

40 - Les premiers juges avaient déclaré irrecevables les demandes formées de ce chef au motif que M. X. ne produisait pas de déclaration de créance. A défaut de produire en appel une telle déclaration, la décision de première instance sera confirmée.

 

Sur les demandes accessoires :

41 - Les condamnations prononcées par les premiers juges au titre des dépens et des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile seront infirmées.

42 - La société NBB Lease France 1 et la société Matécopie seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel.

43 - La société NBB Lease France 1 sera condamnée à verser la somme de 4.000 euros à M. X. au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'intervention volontaire de la société Amour de Fleurs,

Infirme la décision du tribunal de commerce de Bordeaux du 13 janvier 2022 sauf en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes formées par X. à l'encontre de la société Matécopie représentée par son liquidateur,

et statuant à nouveau,

Annule le contrat conclu le 15 juillet 2017 entre la société Matécopie et X.,

Constate la caducité du contrat conclu le 15 juillet 2017 entre la société NBB Lease France 1 et X.,

Ordonne à X. de restituer le matériel objet du contrat et dit qu'il appartiendra à la société NBB Lease France 1 de venir chercher à ses frais le matériel dans les locaux professionnels de M. X.,

Rejette la demande visant à voir prononcer une astreinte,

Condamne la société NBB Lease France 1 à restituer à X. les loyers versés à compter du 1er février 2020 au titre du contrat de location financière déclaré caduc, cette restitution étant assortie des intérêts au taux légal à compter de chaque versement et de la capitalisation des intérêts,

Déboute X. de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral formée à l'encontre de la société NBB Lease France 1,

Y ajoutant,

Condamne la société NBB Lease France 1 et la société Matécopie aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne la société NBB Lease France 1 à verser la somme de 4.000 euros à X. au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier                                                   Le Président