CA LYON (1re ch. civ. A), 31 janvier 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10780
CA LYON (1re ch. civ. A), 31 janvier 2024 : RG n° 20/07057
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Il s'en déduit que l'irrecevabilité des demandes nouvelles en appel, édictée à l'article 564 du code de procédure civile, ne s'oppose pas à l'examen d'office du caractère abusif d'une clause contractuelle par le juge national, qui y est tenu dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (Cass. civ. 1re, 2 février 2022, pourvoi n° 19-20.640). Lorsque le juge considère, à l'issue de cet examen, que la clause est abusive, il doit rejeter la fin de non-recevoir fondée sur l'article 564 du code de procédure civile et déclarer la clause abusive (même arrêt). Il convient en conséquence d'écarter la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau de la demande correspondante. »
2/ « Mme X. a demandé en première instance que soient déclarées abusives « les stipulations contractuelles selon lesquelles l'intérêt conventionnel prévoit la révision du taux d'intérêt en fonction des variations du taux de change » applicable aux contrats des 22 novembre 2008 et 10 décembre 2010, ainsi que « les stipulations contractuelles selon lesquelles l'intérêt conventionnel est calculé sur une année bancaire de 360 jours contenues dans chacune des offres de prêt ». Or, la banque s'est abstenue de demander, dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives, l'infirmation du jugement, notamment en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes visant à ce que les stipulations contractuelles prévoyant la révision du taux d'intérêt en fonction des variations du taux de change applicable aux prêts. »
3/ « L'action visant à ce qu'une clause alléguée abusive soit réputée non écrite n'est pas soumise à la prescription quinquennale invoquée par la banque (Cass. civ. 1re, 13 mars 2019, n° 17-23.169), ce qui conduit à écarter la fin de non-recevoir opposée à la clause de frais sur commissions de change. Ce n'est qu'au surplus que la cour rappelle qu'elle ne peut déclarer une prétention irrecevable lorsque cette prétention a pour objet de faire réputer une disposition contractuelle non-écrite et que la juridiction dispose, comme en l'espèce, des éléments de fait et de droit devant la conduire à soulever d'office le caractère abusif de cette disposition (Cass. civ. 1re, 2 février 2022, pourvoi n° 19-20.640). Il convient en conséquence de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, en tant qu'opposée à la demande visant à ce que la clause de commissions de change soit déclarée abusive et réputée non-écrite. »
4/ « Ces stipulations relatives au taux d'intérêt portent sur l'objet même du contrat et le prix du service fourni, savoir le coût du crédit. Elles ne peuvent être déclarées abusives que si elles ne sont pas rédigées en des termes clairs et compréhensibles. Leur examen révèle que le taux est variable, quoique l'échéance soit fixe, sans que ces caractéristiques ne les prive de caractère clair et compréhensible. Le fait qu'il faille en faire une lecture combinée pour déterminer le jeu de l'intérêt conventionnel ne suffit, à lui seul, à priver les clauses afférentes de caractère clair et compréhensible.
En revanche ces dispositions ne précisent à aucun moment, de manière claire et compréhensible, le taux de référence, en renvoyant simplement au « taux du CHF à 3 mois ». Or, il existe plusieurs taux du CHF à 3 mois, sans que l'offre ne précise expressément celui retenu. S'il est fait référence à deux reprises au « cours de l'eurodevise », ces références demeurent très peu explicites et il n'est précisé à aucun moment, de manière non équivoque, que le taux applicable est l'eurodevise CHF 3 mois. Les conclusions de la banque entretiennent d'ailleurs cette imprécision, puisque l'intimée ne précise toujours pas le taux applicable, renvoyant simplement au « CHF 3 mois ». Il s'ensuit : - que l'ensemble contractuel organisant la stipulation d'intérêts n'est pas clair et compréhensible, - qu'il crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, dans la mesure où il ne permet pas à l'emprunteur de connaître le taux de révision appliqué à l'intérêt conventionnel de son prêt. Il convient en conséquence de déclarer la stipulation d'intérêts abusive et de la réputer non-écrite.
La même solution doit être adoptée pour le prêt du 18 novembre 2010, qui organise le même mécanisme de calcul de l'intérêt conventionnel, sans renvoyer expressément au taux eurodevise, sinon dans des clauses étrangères à la stipulation d'intérêts, de manière non explicite ne permettant pas de le rattacher de manière claire au jeu de l'intérêt conventionnel.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande visant à ce que ces stipulations soient déclarées abusives et réputées non-écrites. Statuant à nouveau, il y a lieu de les déclarer abusives et de dire que le taux légal français doit être substitué au taux conventionnel depuis l'origine du contrat. Si la banque se trouve tenue de rembourser à Mme X. les sommes correspondant à la différence entre l'application du taux d'intérêt conventionnel et celle du taux légal, la cour ne saurait la condamner à payer une somme indéterminée. Il sera donc jugé ainsi qu'il sera dit plus bas à l'occasion de l'examen de la demande en paiement de la banque. »
5/ « Les contrats de prêts litigieux disposent que « Toute opération en devises donnera lieu à la perception, par le prêteur de la commission de change, selon les barèmes en vigueur au jour de l'opération ». Contrairement à ce qu'affirme Mme X., cette clause, fixant la rémunération de la banque pour le service de change qu'elle peut être amenée à fournir à l'emprunteur réglant une mensualité en euros alors que le prêt est stipulé remboursable en francs suisses, porte sur l'adéquation de la rémunération au service offert. Elle ne peut être déclarée abusive que si elle n'est pas rédigée en termes clairs et compréhensibles.
La cour relève à cet égard : - que la clause renvoie à l'application d'un barème dont le contenu à la date de souscription de l'offre n'est ni communiqué, ni accepté par l'emprunteur, - qu'elle n'organise pas les modalités selon lesquelles l'emprunteur peut être averti des modifications du barème ou avoir accès au barème appliqué lors de chaque opération, - qu'aucune stipulation ne donne foi aux déclarations de la banque selon lesquelles l'emprunteur pourrait recevoir communication du barème appliqué à chaque opération de change. Une telle clause, renvoyant à l'application d'un barème dont le contenu n'est pas communiqué, à la souscription de l'offre puis lors des opérations de change successives, ne peut être regardée comme claire et compréhensible. Elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en ce qu'elle permet à la banque d'appliquer un barème fixé unilatéralement, sans que l'emprunteur ait pu l'accepter ou même le connaître et sans qu'il lui soit accessible.
Le fait allégué que Mme X. n'ait jamais effectué de paiement en euro pouvant donner lieu à application de la clause est indifférent quant à son caractère abusif. Il convient en conséquence de réputer cette clause non-écrite et de dire que la banque est tenue de rembourser toute commission de change appliquée depuis le début du contrat. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A
ARRÊT DU 31 JANVIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/07057. N° Portalis DBVX-V-B7E-NJIH. Décision du Tribunal Judiciaire de BOURG-EN-BRESSE (chambre civile), Au fond, du 1er octobre 2020 : RG n° 18/02080.
APPELANTE :
Mme X.
née le [Date naissance 2] à [Localité 5] (pays), [Adresse 3], [Localité 1], Représentée par la SCP DESBOS BAROU & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1726
INTIMÉE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DES SAVOIE
[Adresse 6], [Adresse 6], [Localité 4], Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 475, Et ayant pour avocat plaidant la SARL AVOLAC, avocat au barreau d'ANNECY, toque : 99
Date de clôture de l'instruction : 28 septembre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 octobre 2023
Date de mise à disposition : 25 janvier 2024 prorogée au 31 janvier 2024, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Anne WYON, président, - Julien SEITZ, conseiller, - Thierry GAUTHIER, conseiller, assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier. A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mme X. a souscrit le 22 novembre 2008 un prêt immobilier n° 000001XX54 auprès de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie (la banque) l'obligeant à rembourser la contre-valeur en francs suisses de la somme de 196.537 euros, outre intérêts conventionnels.
Elle a souscrit le 10 décembre 2010 un prêt immobilier n° 0000YY440 auprès de la même banque, l'obligeant à rembourser la contre-valeur en francs suisses de la somme de 278.059 euros, outre intérêts conventionnels.
Par assignation signifiée le 27 juin 2018, Mme X. a fait citer la banque devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, afin d'entendre juger abusives les stipulations contractuelles selon lesquelles l'intérêt conventionnel sera révisé en fonction des variations du taux de change applicable aux contrats des 22 novembre 2008 et 10 décembre 2010.
Par lettre recommandée du 18 janvier 2019, la banque a mis Mme X. en demeure de lui régler la somme globale de 26.042,93 euros au titre des échéances impayées des prêts immobiliers dans un délai de 15 jours, sous peine de déchéance du terme de ces emprunts.
Par jugement du premier octobre 2020, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie, tirée de la prescription des actions de Mme X. ;
- débouté Mme X. de toutes ses demandes ;
- condamné Mme X. à payer à la société caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie la somme de 422.933,87 euros en remboursement des prêts datés des 22 novembre 2008 et 10 décembre 2010 ;
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de son jugement ;
- condamné Mme X. à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme X. aux dépens.
Mme X. a relevé appel de ce jugement selon déclaration enregistrée le 14 décembre 2020.
[*]
Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 17 mai 2021, l'appelante demande à la cour, au visa de l'article 1907 du code civil et de l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation, de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse le 1 er octobre 2020, en ce qu'il a :
* débouté Mme X. de toutes ses demandes,
* condamné Mme X. à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie la somme de 422.933,87 euros en remboursement des prêts datés des 22 novembre 2008 et 10 décembre 2010,
* condamné Mme X. à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoies la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné Mme X. aux dépens,
- confirmer le jugement pour le surplus,
statuant à nouveau sur le prêt immobilier n° 000001XX54 :
- juger abusives les clauses fixant le taux d'intérêt conventionnel et les réputer non écrites,
- substituer le taux conventionnel par le taux légal depuis l'origine,
- condamner la banque à lui transmettre un nouveau tableau d'amortissement tenant compte de cette substitution sous astreinte de 150 euros par jours à compter de la décision à intervenir,
- condamner la banque à lui rembourser le trop-perçu d'intérêts depuis l'origine,
- juger abusive la clause relative aux commissions de change et la réputer non écrite,
- condamner la banque à lui rembourser les commissions de change réglées par cette dernière,
- supprimer la clause pénale d'indemnité conventionnelle de 7% ou à tout le moins la réduire à de plus justes proportions,
statuant à nouveau sur le prêt immobilier n° 0000YY440 :
- juger abusives les clauses fixant le taux d'intérêt conventionnel et les réputer non écrites,
- substituer le taux conventionnel par le taux légal depuis l'origine,
- condamner la banque à lui transmettre un nouveau tableau d'amortissement tenant compte de cette substitution sous astreinte de 150 euros par jours à compter de la décision à intervenir,
- condamner la banque à lui rembourser le trop-perçu d'intérêts depuis l'origine,
- juger abusive la clause relative aux commissions de change et la réputer non écrite,
- condamner la banque à lui rembourser les commissions de change réglées par cette dernière,
- supprimer la clause pénale d'indemnité conventionnelle de 7 % ou à tout le moins la réduire à de plus justes proportions,
statuant à nouveau sur la déchéance abusive du terme :
- condamner la banque à lui verser la somme de 422.933,87 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la déchéance abusive prononcée pour chacun des emprunts,
- ordonner la compensation de cette somme avec celle éventuellement due par la concluante au titre de ses deux emprunts,
en tout état de cause :
- condamner la banque à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la banque aux entiers dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de Me Florian Desbos, avocat sur son affirmation de droit.
[*]
Par conclusions déposées le 19 avril 2021, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie demande à la cour, au visa de l'article L. 110-4 du code de commerce, de la loi du 17 juin 2008 relative à la prescription, de l'article 1304 du code civil, et des articles 122 et 564 du code de procédure civile, de :
- dire et juger prescrites les actions de Mme X. et les déclarer par voie de conséquence irrecevables,
- dire et juger irrecevables les demandes nouvelles formalisées par Mme X. sur la créance de la concluante,
- confirmer les termes du jugement pour le surplus sauf à y ajouter une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel, outre la condamnation de Mme X. aux entiers dépens,
à titre subsidiaire :
- confirmer les termes du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme X. comme non fondées,
en tout état de cause :
- dire et juger irrecevables les demandes nouvelles formalisées par Mme X. sur la créance de la société Caisse régionale de crédit agricole des Savoie,
- voir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme X. au paiement de la somme de 422.933,87 euros au titre des prêts impayés des 22 novembre 2008 et 10 décembre 2010 outre intérêts jusqu'à parfait paiement,
- voir condamner en sus en cause d'appel Mme X. au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- rejeter toute autres demandes nouvelles.
[*]
Il est renvoyé aux conclusions susmentionnées pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
Le conseiller de la mise en état a prononcé l'ordonnance de clôture le 28 septembre 2021 et l'affaire a été appelée à l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle elle a été mise en délibéré au 25 janvier 2024. Le délibéré a été prorogé au 1er février 2024.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau de certaines demandes en cause d'appel :
Vu l'article 7 § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ;
Vu l'article L. 132-1, alinéa 1er, devenu L. 212-1, alinéa 1er du code de la consommation ;
Vu l'article 564 du code de procédure civile ;
La banque fait observer que Mme X. sollicite pour la première fois, à hauteur de cour, que la clause relative aux commissions de change soit déclarée abusive et réputée non-écrite.
Elle considère que cette demande, nouvelle en cause d'appel, est irrecevable par application de l'article 564 du code de procédure civile.
Elle tient le même raisonnement relativement à la demande de dommages-intérêts formée à raison du caractère prétendument irrégulier des conditions dans lesquelles la banque a prononcé de la déchéance du terme des deux emprunts.
Mme X. rappelle qu'en vertu de l'article 564 du code de procédure civile, les demandes de compensation sont toujours recevables en cause d'appel. Elle en déduit que les demandes visant à ce que la banque soit condamnée à l'indemniser des conséquences du prononcé irrégulier de la déchéance du terme des emprunts et à ce que la créance née de cette condamnation soit compensée avec les sommes dues à la banque demeurent recevables devant la présente juridiction.
Elle ne conclut pas sur le caractère nouveau de la demande afférente aux commissions de change.
Sur ce :
S'agissant en premier lieu de la demande visant la clause relative aux commissions de change, la cour rappelle qu'aux termes de l'article 7 § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, les États membres veillent à ce que, dans l'intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.
La Cour de justice des Communautés européennes devenue la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/08).
En outre, il appartient aux juridictions nationales, en tenant compte de l'ensemble des règles du droit national et en application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, de décider si et dans quelle mesure une disposition nationale est susceptible d'être interprétée en conformité avec la directive 93/13 sans procéder à une interprétation contra legem de cette disposition nationale.
A défaut de pouvoir procéder à une interprétation et à une application de la réglementation nationale conformes aux exigences de cette directive, les juridictions nationales ont l'obligation d'examiner d'office si les stipulations convenues entre les parties présentent un caractère abusif et, à cette fin, de prendre les mesures d'instruction nécessaires, en laissant au besoin inappliquées toutes dispositions ou jurisprudence nationales qui s'opposent à un tel examen (CJUE, arrêt du 4 juin 2020, Kancelaria Médius, C-495/19).
Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans ses rédactions applicables à l'espèce, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Il s'en déduit que l'irrecevabilité des demandes nouvelles en appel, édictée à l'article 564 du code de procédure civile, ne s'oppose pas à l'examen d'office du caractère abusif d'une clause contractuelle par le juge national, qui y est tenu dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (Cass. civ. 1re, 2 février 2022, pourvoi n° 19-20.640).
Lorsque le juge considère, à l'issue de cet examen, que la clause est abusive, il doit rejeter la fin de non-recevoir fondée sur l'article 564 du code de procédure civile et déclarer la clause abusive (même arrêt).
Il convient en conséquence d'écarter la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau de la demande correspondante.
S'agissant en second lieu de la demande visant à ce que la banque soit condamnée à payer à Mme X. la somme de 422.933,87 euros en indemnisation du préjudice né du caractère prétendument abusif de la déchéance du terme des emprunts, la cour observe qu'elle se trouve formulée pour la première fois en cause d'appel, mais qu'elle tend expressément à ce que la compensation judiciaire soit ordonnée entre les créances respectives des parties.
L'article 564 du code de procédure civile dispose à cet égard qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
La demande indemnitaire formée par Mme X. ayant expressément pour objet d'opposer la compensation de sa créance avec celle de la banque, elle demeure recevable, quoique nouvelle en cause d'appel.
Il convient en conséquence d'écarter la fin de non-recevoir tenant au caractère nouveau de cette demande en cause d'appel.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes :
Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile ;
La banque soutient que la clause prévoyant le remboursement de la contre-valeur en francs suisses d'un capital prêté en euros constitue une clause d'indexation. Elle ajoute que l'action visant à ce qu'une telle clause soit réputée non-écrite ne saurait être regardée comme imprescriptible, sauf à permettre à l'emprunteur de remettre en cause le contrat, à tout moment, de manière unilatérale et de compromettre ce faisant la sécurité juridique.
Elle affirme que cette action, soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, se trouve prescrite au cas d'espèce, le délai ayant commencé à courir dès la souscription des offres de prêts.
Elle tient le même raisonnement s'agissant des demandes visant à ce que les clauses afférentes à l'intérêt conventionnel et aux commissions de change soient déclarées abusives et réputées non-écrites.
Mme X. fait connaître que l'action visant à ce qu'une clause contractuelle abusive soit réputée non-écrite ne s'analyse pas en une demande en nullité et n'est pas soumise à la prescription quinquennale invoquée par la banque.
Sur ce :
Conformément à l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
En vertu des deuxième et troisième alinéas de l'article 954 du même code, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En application combinée de ces dispositions, l'appelant à titre principal ou incident doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement.
En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.
Mme X. a demandé en première instance que soient déclarées abusives « les stipulations contractuelles selon lesquelles l'intérêt conventionnel prévoit la révision du taux d'intérêt en fonction des variations du taux de change » applicable aux contrats des 22 novembre 2008 et 10 décembre 2010, ainsi que « les stipulations contractuelles selon lesquelles l'intérêt conventionnel est calculé sur une année bancaire de 360 jours contenues dans chacune des offres de prêt ».
Or, la banque s'est abstenue de demander, dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives, l'infirmation du jugement, notamment en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes visant à ce que les stipulations contractuelles prévoyant la révision du taux d'intérêt en fonction des variations du taux de change applicable aux prêts.
Il s'ensuit que ce chef de dispositif doit être confirmé.
Mme X. demande également que la clause relative aux commissions de change soit déclarée abusive et réputée non-écrite. Cette demande est nouvelle et le premier juge n'a pas statué à cet égard.
L'action visant à ce qu'une clause alléguée abusive soit réputée non écrite n'est pas soumise à la prescription quinquennale invoquée par la banque (Cass. civ. 1re, 13 mars 2019, n° 17-23.169), ce qui conduit à écarter la fin de non-recevoir opposée à la clause de frais sur commissions de change.
Ce n'est qu'au surplus que la cour rappelle qu'elle ne peut déclarer une prétention irrecevable lorsque cette prétention a pour objet de faire réputer une disposition contractuelle non-écrite et que la juridiction dispose, comme en l'espèce, des éléments de fait et de droit devant la conduire à soulever d'office le caractère abusif de cette disposition (Cass. civ. 1re, 2 février 2022, pourvoi n° 19-20.640).
Il convient en conséquence de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, en tant qu'opposée à la demande visant à ce que la clause de commissions de change soit déclarée abusive et réputée non-écrite.
Sur le caractère abusif des dispositions relatives à la stipulation d'intérêts :
Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;
Vu le même article dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
Mme X. fait valoir que les clauses organisant le jeu de l'intérêt conventionnel font tantôt référence à un taux fixe, tantôt à un taux variable et renvoient à l'application d'un taux interbancaire non publié, empêchant l'emprunteur de vérifier son application.
Elle estime que la possibilité pour la banque d'appliquer à son choix un taux fixe ou variable et le renvoi à un taux interbancaire non publié privent la stipulation d'intérêts conventionnels de clarté et crée un déséquilibre significatif entre les droits des parties au contrat.
Elle demande en conséquence que les clauses afférentes soient déclarées abusives et réputées non-écrites.
La banque réplique que les clauses litigieuses font clairement référence à un taux variable, indexé sur le taux CHF à trois mois, de sorte qu'elle s'avèrent parfaitement claires et ne créent aucun déséquilibre entre les droits et obligations des parties.
Sur ce :
Conformément à l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans chacune de ses rédactions applicables à l'espèce, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Le contrat de prêt du 22 novembre 2008 précise en pages 1 et 2 :
« FINANCEMENT EN DEVISES :
Montant : la contrevaleur en CHF (Franc suisse) de la somme de 195 537,00 EUR (Euros) soit à titre indicatif 293 783,52 CHF selon le cours de l'Eurodevise à la date du 06/11/2008.
Durée : 300 mois.
Le taux d'intérêt du prêt sera révisable ; il sera celui du CHF à 3 mois en vigueur au jour de la mise à disposition des fonds augmenté de la marge. Le taux du CHF est de 2,5583 % au 7/11/2008. La marge est de 1,6900 points.
Echéance fixe de principe : la contre-valeur en CHF (Franc suisse) de la somme de 3 227,61 EUR (Euros) soit à titre indicatif 4 824,63 CHF selon le cours de l'Eurodevise à la date du 06/11/2008 ».
Il précise en page 2 :
« Les intérêts sont payables à terme échu. S'agissant d'un prêt à échéances constantes, le montant de l'échéance est ici précisé en capital et intérêts.
Ce montant n'est qu'indicatif. Il a été calculé sur la base du taux d'intérêt initial précisé ci-dessus. Le montant de l'échéance constante définitive sera déterminé sur la base du taux du CHF à trois mois en vigueur au jour de la mise à disposition des fonds ».
Il précise en page 3 :
« TAUX DU PRÊT
Le taux est celui de la devise sur le marché de change à [Localité 7], majoré d'une marge. Ce taux est révisable à chaque échéance en fonction des conditions du moment.
Ce taux génère le paiement d'intérêts à terme échu à la périodicité stipulée. Les intérêts sont calculés sur le montant restant dû en capital du prêt en devises et sur la base d'une année égale à 360 jours (sauf pour la Livre Sterling : 365 jours), conformément aux usages commerciaux ».
Ces stipulations relatives au taux d'intérêt portent sur l'objet même du contrat et le prix du service fourni, savoir le coût du crédit.
Elles ne peuvent être déclarées abusives que si elles ne sont pas rédigées en des termes clairs et compréhensibles.
Leur examen révèle que le taux est variable, quoique l'échéance soit fixe, sans que ces caractéristiques ne les prive de caractère clair et compréhensible.
Le fait qu'il faille en faire une lecture combinée pour déterminer le jeu de l'intérêt conventionnel ne suffit, à lui seul, à priver les clauses afférentes de caractère clair et compréhensible.
En revanche ces dispositions ne précisent à aucun moment, de manière claire et compréhensible, le taux de référence, en renvoyant simplement au « taux du CHF à 3 mois ». Or, il existe plusieurs taux du CHF à 3 mois, sans que l'offre ne précise expressément celui retenu. S'il est fait référence à deux reprises au « cours de l'eurodevise », ces références demeurent très peu explicites et il n'est précisé à aucun moment, de manière non équivoque, que le taux applicable est l'eurodevise CHF 3 mois.
Les conclusions de la banque entretiennent d'ailleurs cette imprécision, puisque l'intimée ne précise toujours pas le taux applicable, renvoyant simplement au « CHF 3 mois ».
Il s'ensuit :
- que l'ensemble contractuel organisant la stipulation d'intérêts n'est pas clair et compréhensible,
- qu'il crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, dans la mesure où il ne permet pas à l'emprunteur de connaître le taux de révision appliqué à l'intérêt conventionnel de son prêt.
Il convient en conséquence de déclarer la stipulation d'intérêts abusive et de la réputer non-écrite.
La même solution doit être adoptée pour le prêt du 18 novembre 2010, qui organise le même mécanisme de calcul de l'intérêt conventionnel, sans renvoyer expressément au taux eurodevise, sinon dans des clauses étrangères à la stipulation d'intérêts, de manière non explicite ne permettant pas de le rattacher de manière claire au jeu de l'intérêt conventionnel.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande visant à ce que ces stipulations soient déclarées abusives et réputées non-écrites.
Statuant à nouveau, il y a lieu de les déclarer abusives et de dire que le taux légal français doit être substitué au taux conventionnel depuis l'origine du contrat.
Si la banque se trouve tenue de rembourser à Mme X. les sommes correspondant à la différence entre l'application du taux d'intérêt conventionnel et celle du taux légal, la cour ne saurait la condamner à payer une somme indéterminée. Il sera donc jugé ainsi qu'il sera dit plus bas à l'occasion de l'examen de la demande en paiement de la banque.
Sur le caractère abusif de la clause relative aux commissions de change :
Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-776 du 04 août 2008 ;
Vu le même article dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 ;
Mme X. fait valoir que les clauses des contrats relatives aux commissions de change prévoient l'application d'un barème non communiqué à l'emprunteur, susceptible d'évoluer sans que celui-ci en soit informé.
Elle estime que ces clauses caractérisent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et doivent être déclarées abusives.
La banque réplique que le barème appliqué est celui en vigueur au jour de l'opération, ainsi que le contrat l'indique, et qu'elle ne peut transmettre à l'emprunteur un barème non encore publié. Elle ajoute que l'emprunteur peut valablement demander le barème appliqué lors de chaque opération de change, en précisant que la réalisation d'une opération de change n'est pas automatique et qu'elle n'a jamais eu lieu s'agissant de Mme X., celle-ci étant payée en francs suisses et remboursant les emprunts en francs suisses.
Sur ce :
Les contrats de prêts litigieux disposent que « Toute opération en devises donnera lieu à la perception, par le prêteur de la commission de change, selon les barèmes en vigueur au jour de l'opération ».
Contrairement à ce qu'affirme Mme X., cette clause, fixant la rémunération de la banque pour le service de change qu'elle peut être amenée à fournir à l'emprunteur réglant une mensualité en euros alors que le prêt est stipulé remboursable en francs suisses, porte sur l'adéquation de la rémunération au service offert.
Elle ne peut être déclarée abusive que si elle n'est pas rédigée en termes clairs et compréhensibles.
La cour relève à cet égard :
- que la clause renvoie à l'application d'un barème dont le contenu à la date de souscription de l'offre n'est ni communiqué, ni accepté par l'emprunteur,
- qu'elle n'organise pas les modalités selon lesquelles l'emprunteur peut être averti des modifications du barème ou avoir accès au barème appliqué lors de chaque opération,
- qu'aucune stipulation ne donne foi aux déclarations de la banque selon lesquelles l'emprunteur pourrait recevoir communication du barème appliqué à chaque opération de change.
Une telle clause, renvoyant à l'application d'un barème dont le contenu n'est pas communiqué, à la souscription de l'offre puis lors des opérations de change successives, ne peut être regardée comme claire et compréhensible.
Elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en ce qu'elle permet à la banque d'appliquer un barème fixé unilatéralement, sans que l'emprunteur ait pu l'accepter ou même le connaître et sans qu'il lui soit accessible.
Le fait allégué que Mme X. n'ait jamais effectué de paiement en euro pouvant donner lieu à application de la clause est indifférent quant à son caractère abusif. Il convient en conséquence de réputer cette clause non-écrite et de dire que la banque est tenue de rembourser toute commission de change appliquée depuis le début du contrat.
Ce remboursement s'opérera ainsi qu'il sera dit ci-après à l'occasion de l'examen de la demande en paiement de la banque.
Sur la responsabilité de la banque à raison de la déchéance du terme :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Mme X. soutient que la banque aurait prononcé la déchéance du terme de manière irrégulière et abusive, en s'abstenant de la mettre préalablement en demeure. Elle conteste que le courrier du 18 janvier 2019 lui ait été adressé.
Elle estime que cette irrégularité justifie la condamnation de la banque à lui verser des dommages-intérêts d'un montant égal à celui des sommes restant dues, en faisant valoir qu'elle n'a pas été en mesure de 'rétablir la situation'.
La banque réplique que le courrier de mise en demeure du 18 janvier 2019 est produit aux débats et soutient que l'appelante ne saurait lui réclamer, sans la moindre explication sur la nature et le montant de son préjudice, une somme égale à l'encours des prêts.
Sur ce :
Les contrats de prêt litigieux subordonnent tous deux la déchéance du terme à une mise en demeure de l'emprunteur, demeurée infructueuse passé le délai de 15 jours.
Le contrat de 2008 dispose que la mise en demeure peut être adressée par tout moyen, alors que le contrat de 2010 ne prévoit aucun formalisme particulier. Il n'en demeure pas moins que la banque doit être en mesure de justifier de l'envoi effectif des mises en demeure prévues par les contrats.
Or, l'intimée produit le courrier recommandé de mise en demeure, mais ne justifie pas de son envoi effectif. Elle s'abstient en effet de communiquer le récépissé d'envoi ou l'accusé de réception.
Il s'ensuit que la déchéance du terme a été prononcée de manière irrégulière au regard des stipulations contractuelles.
Mme X. ne définit pas le préjudice né de ce manquement et ne demande aucunement qu'il soit revenu sur la déchéance du terme des emprunts. Elle ne démontre pas se trouver dans l'impossibilité de refinancer la dette ni contrainte, de ce fait, de devoir régler immédiatement l'ensemble des sommes dues.
Elle n'apporte pas la preuve de ce qu'elle aurait pu éviter la déchéance du terme et la mise en compte de l'indemnité conventionnelle de 7 % si le courrier du 18 janvier 2019 lui était effectivement parvenu.
Dans ces conditions, le seul préjudice découlant de l'irrégularité du prononcé de la déchéance du terme s'entend d'un préjudice moral, qu'il convient de réparer à hauteur de 10.000 euros.
Sur la demande en paiement de la banque :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Vu l'article 1152 du même code, dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016 ;
La banque fait valoir que Mme X. a cessé tout remboursement des prêts depuis le 20 juin 2018 et que les montants dus ensuite de la déchéance du terme sont justifiés par les décomptes versés aux débats.
Elle considère en dernier lieu que l'indemnité de 7% prévue par le code de la consommation ne peut être regardée comme excessive.
Mme X. fait observer que la banque ne produit pas les historiques de compte et ne justifie pas de ses créances.
Elle conclut à l'anéantissement de la clause d'indemnité conventionnelle, dont elle considère qu'elle serait excessive par nature, la défaillance étant déjà sanctionnée par la déchéance du terme.
Sur ce :
L'indemnité de 7 % est expressément prévue par le code de la consommation et ne saurait être déclarée manifestement excessive du seul fait qu'elle s'ajoute à la déchéance du terme en tant que sanction de la défaillance de l'emprunteur dans le remboursement du prêt.
Il n'y a lieu en conséquence d'en ordonner la réduction.
Madame X. ne conteste point, pour le surplus, que le solde du prêt soit exigible ensuite de la déchéance du terme.
La cour n'est cependant pas en mesure de déterminer le montant de ce solde, dans la mesure ou les décomptes produits par la banque appliquent l'intérêt conventionnel et mettent en compte les éventuelles commissions de change, alors que les stipulations correspondantes doivent être réputées non-écrites, ainsi qu'il a été précédemment retenu.
Il convient en conséquence de réserver à statuer sur la créance de la banque et de lui enjoindre, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, de verser aux débats, pour chacun des contrats :
- un décompte faisant apparaître mensualité par mensualité, jusqu'à la déchéance du terme, le montant du principal, des intérêts conventionnels incorporés à chaque échéance ainsi que le montant des intérêts résultant, pour la même mensualité, de l'application du taux légal et la différence entre ces montants,
- un décompte faisant la somme de l'ensemble des commissions de change appliquées depuis l'origine du contrat,
- un décompte faisant apparaître les sommes dues à la date de déchéance du terme, en mensualités impayées, capital restant dû et indemnité conventionnelle de 7 %, après substitution de l'intérêt légal à l'intérêt conventionnel, retranchement des commissions de change et imputation du trop-versé d'intérêts sur le capital restant dû.
Ce dernier décompte correspondra aux sommes dues par Mme X.
Il convient de réserver partant à statuer sur le surplus des demandes et les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt mixte et contradictoire prononcé en dernier ressort,
- Rejette l'ensemble des fins de non-recevoir élevées par la société Caisse régionale de crédit mutuel agricole des Savoie ;
- Infirme le jugement prononcé le premier octobre 2020 entre les parties par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, sous le numéro RG 20/284, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée à la demande visant à ce que les clauses relatives à l'intérêt conventionnel des prêts soient déclarées abusives ;
Statuant à nouveau sur les chefs de dispositif infirmés :
- Juge que les clauses des contrats de prêts n° 000001XX54 et 0000YY440 souscrits les 22 novembre 2008 et 18 novembre 2010 relatives à l'intérêt conventionnel sont abusives et les répute non-écrites ;
- Substitue l'intérêt légal à l'intérêt conventionnel dans chacun de ces contrats, depuis son origine ;
- Juge qu'il appartient à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie de rembourser à Mme X. la différence entre le montant des intérêts conventionnels versés et celui de l'intérêt légal applicable ;
- Juge que les clauses des contrats de prêts n° 000001XX54 et 0000YY440 souscrits les 22 novembre 2008 et 18 novembre 2010 relatives aux commissions de change sont abusives et les répute non-écrites ;
- Juge qu'il appartient à la société Caisse régionale de crédit mutuel agricole mutuel des Savoie de rembourser à Mme X. l'ensemble des commissions de change susceptibles d'avoir été appliquées dans chacun des contrats depuis l'origine ;
- Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie à payer à Mme X. la somme de 10.000 euros en indemnisation du préjudice né de l'irrégularité du prononcé de la déchéance du terme des deux emprunts ;
- Rejette la demande visant à la réduction de l'indemnité conventionnelle de 7 % prévue par chacun des contrats de prêt en cas de déchéance du terme par suite de la défaillance de l'emprunteur dans le remboursement ;
Avant dire droit sur le surplus des demandes :
- Réserve à statuer sur le surplus des demandes et les dépens ;
- Rabat l'ordonnance de clôture ;
- Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 19 mars 2024 ;
- Enjoint à la société Caisse de crédit agricole mutuel des Savoie de produire, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, pour chacun des contrats :
un décompte faisant apparaître mensualité par mensualité, jusqu'à la déchéance du terme, le montant du principal, des intérêts conventionnels incorporés à chaque échéance ainsi que le montant des intérêts résultant, pour la même mensualité, de l'application du taux légal ainsi que la différence entre ces montants,
un décompte faisant la somme de l'ensemble des commissions de change appliquées depuis l'origine du contrat,
un décompte faisant apparaître les sommes dues à la date de déchéance du terme, en mensualités impayées, capital restant dû et indemnité conventionnelle de 7 %, après substitution de l'intérêt légal à l'intérêt conventionnel, retranchement des commissions de change et imputation du trop-versé d'intérêts sur le capital restant dû.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT