CA LYON (3e ch. A), 21 mars 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10790
CA LYON (3e ch. A), 21 mars 2024 : RG n° 20/03977
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Selon l'article L. 221-2, 4°, du code de la consommation, sont exclus du champ d'application du présent chapitre les contrats portant sur les services financiers. C'est par de justes motifs que la cour adopte, que le tribunal a écarté le moyen de la société Locam tiré de l'exclusion des services financiers du champ d'application des dispositions du code de la consommation invoquées par la société Salons prestige. »
2/ « La société Locam ne conteste pas que ces conditions sont remplies en l'espèce et, en tout état de cause, il résulte des mentions du contrat que celui-ci a été conclu à [Localité 4], lieu de situation des locaux de la société Salons prestige. De plus, celle-ci justifie qu'elle employait moins de cinq salariés à la date du contrat signé le 16 juin 2017 et qu'elle a une activité de vente en gros et au détail de salons, meubles et articles de décoration, de sorte que la location du photocopieur n'entrait pas dans le champ de son activité principale. Dès lors, les dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-8 et suivants du code de la consommation s'appliquent. »
3/ « Le contrat de location étant annulé et la société Locam condamnée à restituer les loyers versés, la société Salons prestige ne démontre pas subir un autre préjudice, de sorte que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 21 MARS 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/03977. N° Portalis DBVX-V-B7E-NCBC. Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE du 2 juin 2020 : RG n° 2018j00471.
APPELANTE :
SAS LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS
au capital de XXX €, immatriculée au RCS de SAINT-ÉTIENNE sous le numéro B YYY, agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié ès qualité audit siège, [Adresse 1], [Localité 2], Représentée par Maître Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT- ÉTIENNE
INTIMÉE :
SARL SALONS PRESTIGE
inscrite au RCS de FREJUS sous le numéro ZZZ, prise en la personne de la Société JCK GROUPE, associé unique suite à la décision de dissolution en date du 25 novembre 2020, Adresse 5], [Adresse 3], [Localité 4], Représentée par Maître Lydie PAUL, avocat au barreau de LYON, toque : 1746, postulant et par Maître Noëlle ROUVIER DUFAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Date de clôture de l'instruction : 19 mai 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 janvier 2024
Date de mise à disposition : 21 mars 2024
Audience tenue par Aurore JULLIEN, présidente, et Viviane LE GALL, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière. A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré : - Patricia GONZALEZ, présidente - Aurore JULLIEN, conseillère - Viviane LE GALL, conseillère
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Se prévalant d'un contrat de location signé le 16 juin 2016 par la société Salons prestige, portant sur deux photocopieurs, et dont les loyers n'étaient plus payés, la SAS Location Automobiles Matériels (Locam) l'a assignée en paiement, le 15 décembre 2017, devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne.
L'affaire a été radiée par jugement du 10 janvier 2018.
Le 29 mars 2018, la société Locam a de nouveau assigné la société Salons prestige en paiement de la somme principale de 31.701,78 euros et restitution du matériel objet des contrats.
Par lettre du 12 avril 2019, la société Salons prestige a sollicité la réinscription au rôle de la première affaire et par jugement du 15 mai 2019, les deux procédures ont été jointes.
Par jugement contradictoire du 2 juin 2020, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :
- débouté la société Salons Prestige de sa demande sursis à statuer,
- débouté la société Salons Prestige de sa demande de constatation de manœuvres frauduleuses exercées par la société Locam,
- dit que les conditions prévues aux dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation sont en l'espèces réunies,
- dit que les dispositions consuméristes afférentes à l'obligation d'informations précontractuelles et au droit de rétractation sont applicables,
- prononcer la nullité du contrat de location conclu le 16 juin 2017 entre la société Salons Prestige et la société Locam,
- débouté la société Locam de l'ensemble de ses demandes,
- dit les moyens et demandes fondés sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce irrecevables et a invité la société Salons Prestige à mieux se pourvoir à ce titre,
- condamné la société Locam à rembourser à la société Salons Prestige la somme de 1.616,98 euros au titre des loyers indus,
- condamné la société Locam à payer la somme de 2.000 euros à la société Salons Prestige au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens sont à la charge de la société Locam,
- rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement,
- débouté la société Salons Prestige du surplus de ses demandes.
La société Locam a interjeté appel par acte du 23 juillet 2020.
[*]
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 23 février 2021 fondées sur les articles 1103 et suivants et 1231-2 du code civil, l'article L. 121-16-1-4° (L. 221-2 4° nouveau) du code de la consommation, les articles L. 311-2 et 511-21 du code monétaire et financier et, ensemble, l'article 511-3 du code monétaire et financier et le règlement CRB n° 86-21 du 24 novembre 1986 relatif aux activités non bancaires modifié par l'arrêté du 23 décembre 2013, la société Locam demande à la cour de :
- dire bien fondé son appel,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le contrat de location, l'a débouté de ses demandes et condamné à restituer les loyers encaissés ainsi qu'au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- condamné la société Salons Prestige à lui régler la somme principale de 31.701,78 euros avec intérêts au taux légal et autres accessoires de droit à compter de la mise en demeure du 27 février 2018,
- débouté la société Salons Prestige de toutes ses demandes,
- subsidiairement, prononcer la résiliation du contrat de location aux torts de la société Salons Prestige à la date du premier loyer impayé soit le 30 décembre 2017 et la condamner en réparation à lui payer la somme de 28.819,80 euros,
- la condamner à lui régler une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Salons Prestige en tous les dépens d'instance et d'appel.
[*]
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 18 janvier 2021 fondées sur les articles L. 121-1 et L. 121-2, L. 221-1 et suivants notamment L. 221-2, L. 221-3, L. 221-5, L. 221-7, L. 221-8, L. 221-9, L. 221-16, L. 221-18, L. 221-20, L. 221-24, L. 221-27, L. 121-20-10, L. 121-20-11, L. 121-20-12 et R. 121-2-1, L.222-1 L. 222-15, R. 222-1, L. 222-7 et L. 242-1 et suivants code de la consommation, l'article L. 442-6 du code de commerce, la directive 2011/83UE et les articles 1171 et 1231-5 du code civil, la société Salons Prestige demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que les conditions prévues aux articles L 221-3 du code de la consommation étaient réunies,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que dispositions consuméristes afférentes à l'obligation d'informations précontractuelles et au droit de rétractation sont applicables,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de location invoqué par la société Locam,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Locam de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Locam au paiement de la somme de 1.616, 98 euros au titre des loyers indus, 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 outre les entiers dépens
à titre subsidiaire,
- juger que la société Locam a manqué à ses obligations d'information précontractuelle et sur le droit à l'exercice du droit de rétractation prévues par les articles L. 222-1 du code de la consommation visant les opérations des services financiers à distance les obligations, L. 222-5 et R. 222-1, l'article L222-7 du code de la consommation,
- juger que la société Locam a usé de man'uvres illicites et frauduleuses à son encontre,
- ordonner la nullité du contrat de location invoqué par la société Locam et à tout le moins sa résiliation à la date du 8 août 2017,
- débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Locam au paiement de la somme de 1.616, 98 euros au titre des loyers indus,
à titre infiniment subsidiaire,
- constater qu'elle a immédiatement informé la société Locam de sa volonté de mettre un terme aux relations contractuelles, exerçant ainsi son droit de rétractation,
- débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes,
en tout état de cause,
- condamner la société Locam au paiement de la somme de 20.000 euros au titre des dommages-intérêts,
- condamner la société Locam au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Locam aux entiers dépens.
[*]
La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 mai 2021, les débats étant fixés à l'audience du 24 janvier 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la nullité du contrat de location :
La société Locam fait valoir que :
- les conditions générales de location sont opposables à la société Salons prestige en ce que, au-dessus de la signature manuscrite du gérant de celle-ci figure la mention selon laquelle le locataire déclare avoir pris connaissance, reçu et accepté les conditions générales figurant au verso ;
- le contrat de location est exclu des dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement ; les opérations connexes de location simple qu'elle réalise participe des services financiers qu'elle dispense en tant que société de financement agréée, de sorte que ces contrats échappent aux dispositions du code de la consommation invoquées par la société Salons prestige au titre de la faculté de rétractation.
La société Salons prestige réplique que :
- elle a conclu un contrat de location le 19 mai 2014 et s'est toujours acquittée du paiement des loyers de 381 euros par trimestre ; le 12 juillet 2017, la société Locam a fait reprendre le matériel et installer un nouveau photocopieur ; alors que le fournisseur lui avait assuré que les conditions restaient inchangées, le loyer trimestriel est passé à 1.143 euros ;
- elle conteste avoir signé un nouveau contrat le 16 juin 2017 dont les conditions générales ne lui sont pas opposables, les clauses invoquées par la société Locam lui créent un déséquilibre significatif ;
- les dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation lui sont applicables en ce qu'elle a moins de cinq salariés, a une activité de vente de matelas et sommiers, et que le contrat a été conclu hors établissement ; le contrat de location n'est pas un service financier et n'est donc pas exclu du champ des dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement ;
- les dispositions relatives au droit de rétractation sont applicables et le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il prononce la nullité du contrat de location, dès lors que l'obligation d'information précontractuelle et la mention du droit de rétractation n'ont pas été remplies ; aucun exemplaire du contrat ne lui a été remis.
Sur ce,
Selon l'article L. 221-2, 4°, du code de la consommation, sont exclus du champ d'application du présent chapitre les contrats portant sur les services financiers.
C'est par de justes motifs que la cour adopte, que le tribunal a écarté le moyen de la société Locam tiré de l'exclusion des services financiers du champ d'application des dispositions du code de la consommation invoquées par la société Salons prestige.
Y ajoutant, il convient d'observer que, si le code de la consommation n'apporte pas de définition précise de ce qui doit être considéré comme étant un contrat portant sur un service financier, la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, indique toutefois, à l'article 2, 12), qu'il faut entendre par «service financier», tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.
Or, aux termes du contrat de location en cause, la société Locam acquiert le bien auprès du fournisseur et se trouve donc en être propriétaire ; à l'issue du contrat, le locataire dispose pour seule option de restituer le bien au bailleur ou de renouveler la location. Aucune option ne lui permet d'acquérir le bien ou de s'en voir transférer la propriété à l'issue du contrat.
Il en résulte que le contrat de location ne constitue aucunement une opération de crédit au sens du code monétaire et financier, ni un service financier au sens du code de la consommation, mais une simple location de matériel.
Le fait que l'article L. 311-2, 6°, du code monétaire et financier permette à des établissements de crédit d'effectuer des opérations connexes à leur activité, parmi lesquelles la location simple de biens mobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail, ne signifie pas pour autant que les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement ne s'appliquent pas lorsqu'un tel contrat est conclu dans ces conditions.
En effet, l'article L. 311-2 se borne à définir, de façon exhaustive, les 'opérations connexes' que les établissements de crédit sont autorisés à réaliser sans bénéficier du monopole bancaire. Il ne s'en déduit pas que l'établissement de crédit peut s'affranchir des règles qui peuvent par ailleurs s'appliquer au titre du code de la consommation.
De même, les dispositions du code monétaire et financier relatives au démarchage bancaire ou financier ne permettent pas de soustraire le contrat de location aux dispositions du code de la consommation, dès lors que l'article L. 341-2, 7°, du code monétaire et financier exclut expressément des règles du démarchage bancaire et financier, les contrats de financement de location aux personnes physiques ou morales.
Les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement peuvent donc être invoquées par société Salons prestige et le jugement sera confirmé à ce titre.
L'article L. 221-3 dispose que « les dispositions des sections 2, 3 et 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ».
La société Locam ne conteste pas que ces conditions sont remplies en l'espèce et, en tout état de cause, il résulte des mentions du contrat que celui-ci a été conclu à [Localité 4], lieu de situation des locaux de la société Salons prestige. De plus, celle-ci justifie qu'elle employait moins de cinq salariés à la date du contrat signé le 16 juin 2017 et qu'elle a une activité de vente en gros et au détail de salons, meubles et articles de décoration, de sorte que la location du photocopieur n'entrait pas dans le champ de son activité principale. Dès lors, les dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-8 et suivants du code de la consommation s'appliquent.
Or, le contrat de location en date du 16 juin 2017 dont se prévaut la société Locam ne comporte pas les informations relatives au droit de rétractation ainsi qu'un formulaire de rétractation, ce qui entraîne la nullité de ce contrat. Le jugement sera donc confirmé à ce titre. La condamnation de la société Locam au remboursement des loyers versés par la société Salons prestige, soit la somme de 1.616,98 euros, conséquence de l'annulation prononcée, est également confirmée.
Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société Salons prestige :
La société Salons prestige sollicite la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts et fait valoir qu'elle a été victime de manœuvres frauduleuses et déloyales par la société Locam.
La société Locam conclut au rejet de cette demande.
Sur ce,
Le contrat de location étant annulé et la société Locam condamnée à restituer les loyers versés, la société Salons prestige ne démontre pas subir un autre préjudice, de sorte que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société Locam succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens d'appel.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, sa demande formée à ce titre sera rejetée et elle sera condamnée à payer à la société Salons prestige la somme de 1.200 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement, dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions critiquées ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société Salons prestige contre la société LOCAM - Location Automobiles Matériels ;
Condamne société LOCAM - Location Automobiles Matériels aux dépens d'appel ;
Condamne la société LOCAM - Location Automobiles Matériels à payer à la société Salons prestige la somme de 1.200 euros (mille deux-cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE