CA VERSAILLES (ch. 1-3), 18 janvier 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10810
CA VERSAILLES (ch. 1-3), 18 janvier 2024 : RG n° 21/07548
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Les conditions générales du contrat prévoient que « pour les professions médicales, l'invalidité est appréciée en fonction des répercussions de l'accident ou de la maladie sur l'activité professionnelle de l'assuré. Pour les autres professions, l'appréciation de l'invalidité tient compte des critères fonctionnels et professionnels.
L'incapacité fonctionnelle est établie de 0 à 100 % en dehors de toute considération professionnelle d'après le guide barème des invalidités applicables au titre du code des pensions militaires et victimes de guerre. L'incapacité professionnelle est appréciée de 0 à 100 % d'après le taux et la nature de l'incapacité fonctionnelle par rapport à la profession déclarée par l'assuré en tenant compte de la façon dont l'assuré l'exerçait antérieurement à son accident ou sa maladie, de ses conditions normales d'exercice et des possibilités d'exercice qui lui restent. Il sera toujours tenu compte des possibilités de rééducation d'appareillage. Le tableau suivant indique le taux d'invalidité global résultant de la combinaison des taux d'incapacité fonctionnelle et professionnelle. »
Il n'est pas contesté que la clause litigieuse fait une distinction entre les professionnels de santé et les non professionnels de santé.
En application de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation applicable au litige (aujourd'hui l'article L.212-1), […]. C'est par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont rappelé que la loi énumère les discriminations illicites, qui sont fondées notamment sur le sexe, l'origine, les appartenances syndicales et que la profession exercée ne fait pas partie des discriminations visées par la loi. Cette distinction entre les professionnels de santé et les non professionnels de santé relève effectivement de la pure liberté contractuelle des parties. L'assureur a le droit de proposer des conditions de garanties invalidités différentes selon ses assurés, du moment qu'elles sont fondées sur un élément objectif et non discriminant au sens de la loi - comme ici selon la profession exercée.
Au cas d'espèce, la clause critiquée définit l'objet principal du contrat, en ce qu'elle détermine le risque assuré en matière d'invalidité permanente qui est un élément essentiel de la police et caractérise celle-ci. Elle ne peut donc être qualifiée de clause abusive, l'assureur restant libre de définir le risque comme il l'entend. Cette clause qui précise seulement les conditions dans lesquelles l'assureur garantit ce risque selon que l'assuré exerce une profession médicale ou non médicale, n'est pas une clause d'exclusion de garantie et n'a pas à répondre ainsi aux dispositions de l'article L. 112-4 du code des assurances.
Mais au surplus, sa lecture montre qu'elle est précise, rédigée non seulement de manière claire et compréhensible de telle sorte à être intelligible pour un consommateur sur le plan linguistique mais qu'elle expose également de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel elle se réfère, notamment par le tableau qu'elle inclut qui permet de comprendre aisément que l'invalidité permanente résulte de l'association du taux d'incapacité professionnelle et du taux d'incapacité fonctionnelle et par l'indication que seul un taux d'incapacité contractuelle global atteignant au moins 66 % ouvre droit à la garantie, comme il a été vu. La demande de mise à l'écart et de nullité de la clause doit être rejetée. »
2/ « Sur la clause relative à la fixation du taux d'incapacité fonctionnelle en vertu du guide barème des pensions militaires et victimes de guerre, il doit être relevé que l'expert M. [Y] n'en a pas fait application. Cet expert a préféré une approche holistique de l'état de santé de Mme X. pour des raisons tenant compte des spécificités de la maladie et du ressenti de la douleur, comme réclamé par Mme X. épouse Y. et a fondé son avis sans se référer à cet élément du contrat comme il avait le droit de le faire. Il lui appartenait en effet de déterminer le mode d'évaluation de l'incapacité qui lui paraissait le plus approprié au regard des circonstances propres de l'espèce et des données objectives de la science médicale. En outre, le fait que ce barème fasse corps aux conditions générales du contrat n'est en rien discriminatoire dans la mesure où il ne cible pas une population ni aucune profession puisqu'il s'agit de déterminer un taux d'incapacité fonctionnelle et non professionnelle. Et la circonstance que l'expert ne l'ait pas utilisé n'a pas non plus pour effet de rendre inapplicables les dispositions contractuelles concernant ledit barème et le tableau des taux d'invalidité globale déterminés en fonction de ce barème. Il ne sera pas écarté ou réputé non écrit.
Le moyen tiré du caractère abusif des deux clauses sera en conséquence également écarté comme il l'a été en première instance et la demande de leur nullité rejetée sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur simple argumentation.
En conclusion, il y a lieu de dire que la société Médicale est parfaitement fondée à opposer à Mme X. la clause litigieuse ouvrant droit à la garantie incapacité de travail à partir d'un taux d'incapacité contractuelle de 66 % qui n'est pas atteint. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
CHAMBRE 1-3
ARRÊT DU 18 JANVIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/07548. N° Portalis DBV3-V-B7F-U42Q. Code nac : 58G. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 9 novembre 2021 par le TJ de VERSAILLES (1re ch.) : R.G. n° 20/02103.
LE DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTES :
Madame X. épouse Y.
née le [Date naissance 1] à [Localité 11], de nationalité Française, [Adresse 5], [Localité 8]
SCI AMAN
[Adresse 5], [Localité 8],
Représentant : Maître Larbi BELHEDI, Postulant/plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 314
INTIMÉE :
SA LA MEDICALE anciennement dénommée MEDICALE FRANCE
N° SIRET : XXX, [Adresse 4], [Localité 7], Représentant : Maître Margaret BENITAH, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.409 - Représentant : Maître Mauricia COURREGE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2616
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 octobre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence PERRET, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Florence PERRET, Président, Madame Gwenael COUGARD, Conseiller, Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme FOULON,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Aman, dont Mme X. épouse Y. est associée, a contracté un prêt auprès du LCL assorti d'un contrat d'assurance souscrit le 3 août 2006 auprès de la société Médicale de France, en vue de l'acquisition d'un bien immobilier situé [Adresse 6] à [Localité 8].
Le contrat garantissait les risques décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité de travail/invalidité permanente professionnelle totale, avec une franchise de 90 jours, à hauteur de la moitié du prêt pour chaque associé.
Mme X. épouse Y. a présenté des douleurs articulaires et a bénéficié d'un arrêt de travail à compter du 17 janvier 2007. Les examens médicaux subis ont révélé qu'elle était atteinte d'une maladie auto-immune, à savoir une connectivité mixte avec syndromes de Sharp, Raynaud et Goujerot-Stogren.
Elle a fait l'objet d'arrêts de travail successifs.
Elle a demandé à la société Médicale de France la prise en charge des échéances du prêt dans le cadre des garanties souscrites.
Le médecin conseil de la société Médicale de France, le Dr Z., a considéré que l'état de santé de Mme X. était consolidé depuis le mois de février 2011 avec un taux d'incapacité professionnelle de 70 % et un taux d'incapacité fonctionnelle de 50 %, ce qui correspond à une invalidité permanente de 55,93 %, inférieure au taux d'invalidité ouvrant droit à une prise en charge.
Mme X. a contesté ces conclusions et les parties ont décidé d'avoir recours à l'arbitrage d'un médecin tiers. Le Dr W., aux termes de son rapport en date du 1er février 2013, a conclu que Mme X. pouvait être considérée comme consolidée à la date de l'expertise soit au 17 décembre 2012 et que son invalidité pouvait être évaluée sur le plan professionnel à 70 % et sur le plan fonctionnel à 50 %.
Mme X. a sollicité une expertise judiciaire en référé.
Par ordonnance de référé en date du 20 juin 2013, le Dr V., rhumatologue a été désigné en qualité d'expert.
Le Dr V. a été remplacé par le Dr U., exerçant sous la même spécialité.
Le rapport d'expertise daté du 15 juillet 2014 a été déposé le 28 novembre 2014.
Mme X. épouse Y. a saisi le juge du contrôle des expertises d'une demande en récusation ou de changement d'expert. Par ordonnance en date du 28 janvier 2015, elle a été déboutée de sa demande.
Elle a interjeté appel de cette décision. Par arrêt en date du 15 septembre 2016, la cour d'appel de Versailles a déclaré son appel irrecevable.
Par exploit d'huissier du 5 octobre 2017, Mme X. épouse Y. et la société Aman ont fait assigner la société Médicale de France devant le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Versailles auquel elles ont demandé notamment de prononcer la nullité du rapport du Dr U. et désigner un expert notoirement connu comme spécialiste des maladies auto-immunes en général et des connectivités mixtes en particulier.
Par jugement en date du 14 mai 2017, le tribunal judiciaire de Versailles a :
- débouté Mme X. épouse Y. et la société Aman de leur demande de nullité du rapport d'expertise du Dr U.,
- désigné conjointement :
* Mme le Dr A., service de pneumologie, Hôpital [9], [Adresse 3],
* et M. le Dr B., Hôpital Universitaire [10], [Adresse 2],
en qualité d'experts, avec mission de :
- se faire remettre toutes pièces médicales nécessaires à l'accomplissement de leur mission, notamment le certificat médical initial, les ordonnances, les rapports hospitaliers, les autres certificats, les examens radiographiques et autres, les comptes-rendus opératoires et examens divers,
- interroger et examiner Mme X. épouse Y.,
- noter les doléances de Mme X. et décrire les constatations faites à l'examen,
- dire si l'évolutivité de la maladie de Mme X. épouse Y. peut faire supposer une amélioration, une aggravation ou une stabilisation de l'état de santé,
- proposer, le cas échéant, une date de consolidation juridique, et indiquer, le cas échéant, la nécessité de soins après consolidation en précisant leur nature et leur périodicité,
- en cas de consolidation constatée :
- décrire les actes, gestes et mouvements rendus difficiles, partiellement ou entièrement impossibles, en raison de la maladie,
- donner un avis sur le taux de l'incapacité fonctionnelle,
- donner un avis sur le taux de l'incapacité professionnelle,
- dit que les experts déposeront leur rapport au greffe dans les six mois du jour où ils auront été informés du versement de la provision, après avoir fait parvenir aux parties un pré-rapport,
- fixé la provision à consigner entre les mains du régisseur d'avances et de recettes, dans le délai maximum de six semaines à compter du présent jugement, à la somme de 4.000 euros, à titre d'avance sur les honoraires des experts et mis cette provision à la charge de la société La Médicale de France,
- désigné le magistrat chargé du contrôle des expertises pour surveiller les opérations d'expertise,
- sursis à statuer sur les autres demandes,
- ordonné la radiation de l'affaire et dit qu'elle sera remise au rôle sur1'initiative de la partie la plus diligente, après le dépôt du rapport d'expertise,
- réservé les dépens.
L'expert a déposé son rapport d'expertise le 20 décembre 2019.
Par jugement du 9 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a :
- débouté Mme X. épouse Y. et la société Aman de toutes leurs demandes,
- condamné in solidum Mme X. épouse Y. et la société Aman à payer à la société Médicale de France la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement déféré,
- condamné in solidum Mme X. épouse Y. et la société Aman aux dépens comprenant les frais des deux expertises judiciaires.
Par acte du 20 décembre 2021, Mme X. et la société Aman ont interjeté appel.
[*]
Par dernières écritures du 11 mars 2022, Mme X. et la société Aman prient la cour de :
- les recevoir en leur appel et y faisant droit,
- infirmer le jugement et statuant à nouveau,
* sur l'incapacité de travail,
- condamner la société La Médicale de France à payer à Mme X. et à la société Aman la somme de 36 925,44 euros au titre de la période d'incapacité de travail,
* sur l'invalidité permanente professionnelle totale,
- écarter l'application du guide barème du code des pensions militaires et des victimes de guerre au profit du guide barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées du code de l'action sociale et des familles,
- juger que la stipulation contractuelle relative à la détermination de l'incapacité fonctionnelle des professions non médicales est une clause abusive en ce qu'elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,
- juger que la clause relative à l'incapacité des professions non médicales est une clause d'exclusion de garantie ni formelle, ni limitée et qu'elle est en conséquence nulle en application de l'article L. 113-1 du code des assurances,
- juger que la stipulation contractuelle relative à la détermination de l'incapacité fonctionnelle des professions non médicales est une clause d'exclusion de garantie rédigée en caractères de petite taille en violation de l'article L. 112-4 du code des assurances,
- juger que la stipulation contractuelle relative à la détermination de l'incapacité fonctionnelle des professions non médicales est une clause qui vide de sa substance l'obligation essentielle de l'assureur et qu'elle est en conséquence nulle en application de l'article 1131 ancien du code civil,
- juger que Mme X. dont le taux d'incapacité professionnelle est de 80 % est en invalidité permanente professionnelle totale au sens du contrat d'assurance,
- subsidiairement, déclarer non écrit le tableau reproduit dans les conditions générales destiné à l'illustration de la combinaison des deux taux d'incapacité applicables aux professions non médicales et juger que le taux d'invalidité globale est de 67,7 % correspondant à la moyenne arithmétique du taux de l'incapacité fonctionnelle et du taux de l'incapacité professionnelle,
- plus subsidiairement, juger que la mise en œuvre du tableau indicatif du guide barème du code des pensions militaires et des victimes de guerre sur la base d'une incapacité fonctionnelle de 60 % et d'une incapacité professionnelle de 80 % fait ressortir le taux d'invalidité permanente professionnelle totale de Mme X. à 66,04 %,
- condamner la société Médicale de France à payer à Mme X. et à la société Aman la somme de 75 202,56 euros au titre de la période d'invalidité permanente professionnelle totale,
- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité de chaque mensualité,
- ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 5 octobre 2017, date de l'assignation,
- condamner la société La Médicale de France à payer à Mme X. la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice moral,
- condamner la société La Médicale de France à payer à Mme X. et la société Aman la somme de 20.000 euros en réparation de leur préjudice matériel,
- condamner la société La Médicale de France à payer à Mme X. et la société Aman une somme de 12.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société La Médiale de France aux entiers dépens y compris les frais des expertises judiciaires.
Par dernières écritures du 11 mai 2023, la société La Médicale prie la cour de :
- dire Mme X. épouse Y. et la société Aman mal fondées en leur appel,
- les en déboutant, confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- condamner in solidum Mme X. épouse Y. et la société Aman à payer à la société La Médicale sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel une indemnité de 12.000 euros de même montant que celle qu'elles lui réclament à ce titre,
- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, parmi lesquels le coût des rapports d'expertise judiciaire.
[*]
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture rendue le 28 septembre 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Les circonstances de la cause et les moyens développés par Mme X. et la SCI Aman dans leurs écritures ont été minutieusement rapportés par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé dans la mesure où notamment ces derniers n'ont pas essentiellement évolué entre les deux instances.
La cour rappelle néanmoins que les appelantes, s'agissant de l'incapacité de travail, s'estiment bien fondées à demander la condamnation de la SA Médicale de France à leur payer les indemnités journalières pour la période du 1er décembre 2011, date à laquelle la société Médicale a cessé de s'en acquitter, jusqu'au 16 mars 2015.
S'agissant de la garantie de l'assureur au titre de l'invalidité permanente professionnelle, elles indiquent que la nécessité de l'approche holistique de l'état de santé de Mme X. épouse Y. est incompatible avec l'application du guide barème des invalidités du code des pensions militaires et des victimes de guerre.
Elles exposent qu'il ressort du rapport du docteur [Y] que le facteur « douleur » est central dans les répercussions fonctionnelles provoquées par la maladie de la connectivité mixte dont soufre Mme X.
Elles indiquent que le contrat d'assurance est inadapté à la situation des professions libérales, que le tableau d'invalidité global est incompréhensible et ne permet pas de déterminer le taux d'invalidité permanente professionnel.
Elles ajoutent que la stipulation contractuelle relative à la détermination de l'incapacité fonctionnelle des professions non médicales est une clause abusive qui doit être réputée non écrite faisant état du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Elles font également état de l'illicéité de l'exclusion de garantie concernant ces professions et demandent au tribunal de déclarer non écrite et illicite la clause relative à la fixation de l'incapacité fonctionnelle en vertu du guide du barème des invalidités au titre du code des pensions militaires et des victimes de guerre et du tableau du taux d'invalidité global.
Les appelantes poursuivent en exposant que l'ensemble du mécanisme contractuel de détermination du taux d'invalidité global des professions non médicales est affecté par la clause de fixation du taux de l'incapacité fonctionnelle dont il est demandé qu'elle soit écartée.
Elles demandent au tribunal de dire qu'avec un taux d'incapacité professionnelle de 80 % justifiant une mise en longue maladie, Mme X. est en situation d'invalidité permanente totale au sens du contrat d'assurance justifiant la mobilisation de la garantie de l'assureur.
Elles estiment que, compte-tenu du fait que le tableau combinant le taux d'invalidité fonctionnelle et le taux d'invalidité professionnelle, est incompréhensible, il convient de le déclarer non écrit et de dire que le « taux d'invalidité globale » doit être déterminé au vu de la moyenne arithmétique du taux d'incapacité fonctionnelle et du taux de l'incapacité professionnelle. Le taux d'invalidité permanente professionnelle de Mme X. doit ainsi, selon les appelantes, être fixé à 67,70 %.
A titre subsidiaire, si l'application du tableau était maintenue, elles sollicitent son interprétation en faveur de l'assurée en expliquant que le taux d'incapacité fonctionnelle de 55 % doit être arrondi à la dizaine supérieure pour intégrer la colonne des 60 %.
S'agissant des indemnités au titre de l'invalidité permanente professionnelle, elles demandent la condamnation de la S A. Médicale de France à verser les indemnités journalières à compter du lendemain du jour de la consolidation jusqu'au terme du contrat de crédit qu'elles ont complètement acquitté, soit le 27 novembre 2021.
Mme X. expose avoir subi un préjudice moral eu égard à l'attitude adoptée par la S.A. Médicale de France et réclame la somme de 20.000 euros à ce titre.
Enfin, les demanderesses s'estiment fondées à réclamer la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice matériel subi outre le remboursement de leurs frais exposés en justice.
La société Médicale répond point par point dans ses écritures.
* * * * *
Pour débouter Mme X. et la SCI Aman de leurs demandes, le tribunal a retenu que :
- contrairement à ce qui était soutenu en défense, il fallait comprendre la définition de l'incapacité/invalidité totale de travail, qu'elle soit temporaire ou permanente, comme un état médicalement constaté et que Mme X. ne faisait pas la preuve de ce qu'elle avait totalement cessé toute activité, comme elle l'a admis elle-même devant l'expert en disant qu'elle travaillait désormais sur les dossiers de son mari, associé dans le même cabinet d'avocats et ce, depuis son domicile. Il a également retenu qu'elle ne s'était pas fait omettre du tableau de l'Ordre des avocats et avait continué d'apparaître comme un avocat de plein exercice.
Sur ce,
L'objet du contrat d'assurance souscrit par Mme X. est de « garantir la contractante contre les risques Décès, Perte Totale et Irréversible d'Autonomie (PITA) et Incapacité de travail/invalidité permanente professionnelle totale atteignant ses débiteurs ayant le remboursement intégral de leur dette ».
Il ressort des conditions générales du contrat d'assurance, les éléments suivants : « Incapacité de travail :
Un assuré est réputé en état d'incapacité totale de travail s'il se trouve, par suite de maladie ou d'accident, dans l'incapacité physique constatée médicalement, d'exercer totalement son activité professionnelle. (...)
L'indemnité est versée jusqu'à reprise totale ou partielle de l'activité et au plus tard jusqu'à consolidation de l'infirmité ou la chronicité de la maladie. »
Mme X. épouse Y. entend prouver son incapacité totale de travail par la production de ses arrêts de travail délivrés sans interruption par ses médecins traitants successifs.
Mais force est de constater que deux expertises judiciaires successives des docteurs U. et [Y] n'ont pas conclu en faveur d'une incapacité totale en dehors des périodes d'hospitalisation fixées à seulement 17 jours par le docteur [Y].
Elles sont corroborées par les deux expertises amiables effectuées avant celles-ci, qui ont attribué à Mme X. un taux d'incapacité fonctionnelle et professionnelle respectif de 50 et 70 %, précision étant apportée qu'avait été passé entre les parties un compromis d'expertise amiable et contradictoire avec désignation conjointe de l'expert, le docteur W.
Les accusations de partialité proférées à l'encontre des experts qui se sont succédé sont donc inopérantes et ont été rejetées successivement par le tribunal judiciaire et la cour d'appel de Versailles à l'encontre du docteur U., même s'il a été jugé nécessaire de compléter le travail de ce dernier par une deuxième expertise judiciaire.
De simples arrêts de travail, au demeurant incomplets en ce que la partie relative à l'assurée n'est pas remplie, délivrés en outre par les propres médecins traitants de Mme X. et sans considération de la définition contractuelle de l'incapacité professionnelle totale, n'ont pas une force probatoire suffisante pour renverser ces constatations médicales concordantes, établies de façon objective et contradictoire par plusieurs professionnels, experts auprès des tribunaux.
Or, c'est à l'assuré de prouver l'incapacité et l'invalidité professionnelle permanente conformément aux dispositions de l'ancien article 1315 du code civil applicable aux faits de l'espèce (actuel article 1353) et aux conditions générales du contrat.
Elle échoue à le faire tout comme elle ne prouve pas s'être fait omettre du tableau de l'Ordre des avocats bien qu'elle prétende ne plus pouvoir travailler et bénéficier d'un statut d'invalidité, allégué devant l'expert mais non prouvé puisqu'elle a refusé d'en transmettre les justificatifs comme il ressort de sa pièce 74 page 4.
Elle n'oppose aucun contre argument à l'affirmation selon laquelle les avocats omis pour raison de santé continuent de cotiser pour leur retraite par le biais du régime d'invalidité de la CNBF ce qui ne nécessite évidemment pas d'être inscrit comme avocat exerçant.
L'état de santé de Mme X. épouse Y., pour sérieux qu'il soit, n'atteint donc pas des proportions d'invalidité totale au vu des éléments dont la cour dispose.
Nombre d'actes commis par les avocats ne nécessitant pas de faire de longues plaidoiries, notamment le travail sur dossier et les démarches au Palais, de même que l'accomplissement et le suivi des procédures écrites, cela explique que le taux d'incapacité professionnelle ne soit pas fixé à 100 % même si indiscutablement, l'exercice de sa profession est objectivement limité par sa maladie.
Aucun motif ne milite pour que le taux de 55 % d'incapacité fonctionnelle proposé par l'expert et que la cour entérine, soit élevé à 60 %.
La cour confirme donc le rejet de la demande en paiement de la somme de 36.925,44 euros liée à la reconnaissance de la position d'incapacité professionnelle totale.
- le tribunal a considéré comme clair et sans équivoque le tableau du calcul du taux d'invalidité globale et la cour fait la même constatation. La combinaison des deux taux d'incapacité fonctionnelle et professionnelle qui le définit se fait aisément et la lecture du tableau, qui ne prévoit nullement une moyenne arithmétique mais une simple lecture classique au moyen d'une abscisse et d'une ordonnée, amène indiscutablement à confirmer que le taux global atteint par Mme X. au vu des conclusions des deux expertises judiciaires et des deux expertises amiables effectuées avant celles-ci, est inférieur au taux minimal de 66 % à partir duquel la garantie de l'assureur intervient.
La stipulation contractuelle représentée par ce tableau ne sera pas écartée.
- le tribunal a déclaré valables les clauses que Mme X. prétend contraires à l'ordre public :
* celle relative à la détermination de l'incapacité fonctionnelle des professions non médicales en retenant que n'existait aucune discrimination entre les personnels médicaux et les non-médicaux et en la considérant comme l'objet de la garantie et non comme une clause d'exclusion de garantie
* et celle relative à la fixation du taux d'incapacité fonctionnelle en vertu du guide barème des pensions militaires et victimes de guerre.
Sur ce,
L'ancien article L. 133-2 du code de consommation, applicable en l'espèce, dispose que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels doivent être présentées et o rédigées de façon claire et compréhensible.
Elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel. Le présent alinéa n'est toutefois pas applicable aux procédures engagées sur le fondement de l'article L. 421-6 du même code.
Sur la première clause
Les conditions générales du contrat prévoient que « pour les professions médicales, l'invalidité est appréciée en fonction des répercussions de l'accident ou de la maladie sur l'activité professionnelle de l'assuré.
Pour les autres professions, l'appréciation de l'invalidité tient compte des critères fonctionnels et professionnels.
L'incapacité fonctionnelle est établie de 0 à 100 % en dehors de toute considération professionnelle d'après le guide barème des invalidités applicables au titre du code des pensions militaires et victimes de guerre.
L'incapacité professionnelle est appréciée de 0 à 100 % d'après le taux et la nature de l'incapacité fonctionnelle par rapport à la profession déclarée par l'assuré en tenant compte de la façon dont l'assuré l'exerçait antérieurement à son accident ou sa maladie, de ses conditions normales d'exercice et des possibilités d'exercice qui lui restent. Il sera toujours tenu compte des possibilités de rééducation d'appareillage. Le tableau suivant indique le taux d'invalidité global résultant de la combinaison des taux d'incapacité fonctionnelle et professionnelle. »
Il n'est pas contesté que la clause litigieuse fait une distinction entre les professionnels de santé et les non professionnels de santé.
En application de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation applicable au litige (aujourd'hui l'article L.212-1), dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Les clauses abusives sont réputées non écrites. L'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
C'est par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont rappelé que la loi énumère les discriminations illicites, qui sont fondées notamment sur le sexe, l'origine, les appartenances syndicales et que la profession exercée ne fait pas partie des discriminations visées par la loi.
Cette distinction entre les professionnels de santé et les non professionnels de santé relève effectivement de la pure liberté contractuelle des parties. L'assureur a le droit de proposer des conditions de garanties invalidités différentes selon ses assurés, du moment qu'elles sont fondées sur un élément objectif et non discriminant au sens de la loi - comme ici selon la profession exercée.
Au cas d'espèce, la clause critiquée définit l'objet principal du contrat, en ce qu'elle détermine le risque assuré en matière d'invalidité permanente qui est un élément essentiel de la police et caractérise celle-ci. Elle ne peut donc être qualifiée de clause abusive, l'assureur restant libre de définir le risque comme il l'entend. Cette clause qui précise seulement les conditions dans lesquelles l'assureur garantit ce risque selon que l'assuré exerce une profession médicale ou non médicale, n'est pas une clause d'exclusion de garantie et n'a pas à répondre ainsi aux dispositions de l'article L. 112-4 du code des assurances.
Mais au surplus, sa lecture montre qu'elle est précise, rédigée non seulement de manière claire et compréhensible de telle sorte à être intelligible pour un consommateur sur le plan linguistique mais qu'elle expose également de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel elle se réfère, notamment par le tableau qu'elle inclut qui permet de comprendre aisément que l'invalidité permanente résulte de l'association du taux d'incapacité professionnelle et du taux d'incapacité fonctionnelle et par l'indication que seul un taux d'incapacité contractuelle global atteignant au moins 66 % ouvre droit à la garantie, comme il a été vu.
La demande de mise à l'écart et de nullité de la clause doit être rejetée.
Sur la clause relative à la fixation du taux d'incapacité fonctionnelle en vertu du guide barème des pensions militaires et victimes de guerre, il doit être relevé que l'expert M. [Y] n'en a pas fait application. Cet expert a préféré une approche holistique de l'état de santé de Mme X. pour des raisons tenant compte des spécificités de la maladie et du ressenti de la douleur, comme réclamé par Mme X. épouse Y. et a fondé son avis sans se référer à cet élément du contrat comme il avait le droit de le faire. Il lui appartenait en effet de déterminer le mode d'évaluation de l'incapacité qui lui paraissait le plus approprié au regard des circonstances propres de l'espèce et des données objectives de la science médicale.
En outre, le fait que ce barème fasse corps aux conditions générales du contrat n'est en rien discriminatoire dans la mesure où il ne cible pas une population ni aucune profession puisqu'il s'agit de déterminer un taux d'incapacité fonctionnelle et non professionnelle. Et la circonstance que l'expert ne l'ait pas utilisé n'a pas non plus pour effet de rendre inapplicables les dispositions contractuelles concernant ledit barème et le tableau des taux d'invalidité globale déterminés en fonction de ce barème. Il ne sera pas écarté ou réputé non écrit.
Le moyen tiré du caractère abusif des deux clauses sera en conséquence également écarté comme il l'a été en première instance et la demande de leur nullité rejetée sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur simple argumentation.
En conclusion, il y a lieu de dire que la société Médicale est parfaitement fondée à opposer à Mme X. la clause litigieuse ouvrant droit à la garantie incapacité de travail à partir d'un taux d'incapacité contractuelle de 66 % qui n'est pas atteint.
Sur les autres demandes :
Il résulte des énonciations précédentes que la demande de dommages et intérêts de Mme X. sera rejetée, tant celle tenant à la réparation d'un préjudice moral que d'un préjudice financier, aucune faute en lien avec les préjudices invoqués par les appelantes n'étant prouvée.
Succombant, les appelantes sont condamnées à une indemnité de procédure d'un montant de 7000 euros. Elles s'acquitteront de l'ensemble des dépens de première instance, par confirmation du jugement comprenant notamment le coût des deux rapports d'expertises judiciaires ainsi que des dépens d'appel.
Les moyens développés par Mme X. et la SCI Aman dans leurs écritures ne faisant que réitérer sans justification complémentaire utile, ceux que les premiers juges ont connus et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts, la cour confirme donc le jugement déféré en toutes ses dispositions.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Condamne Mme X. épouse Y. et la SCI Aman à payer à la société La Médicale la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme X. épouse Y. et la SCI Aman aux entiers dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévuesau deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,