TJ BORDEAUX (7e ch. civ.), 20 février 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10812
TJ BORDEAUX (7e ch. civ.), 20 février 2024 : RG n° 21/05209
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Il ressort de ces dispositions que la survenance de l’un des événements suspensifs, énoncés de manière quasi complète, doit être justifiée par une lettre du maître d’œuvre, tiers au contrat, dont la teneur est soumise à contrôle juridictionnel pour entraîner la suspension du délai de livraison, qui n’est ainsi nullement décidée arbitrairement par la SCCV [Adresse 23].
Le report du délai de livraison pour un temps égal au double du temps de l’événement, du fait de la répercussion sur l’organisation générale du chantier, n’est pas abusif (Cass., 3e civ., 23 mai 2019, pourvoi n° 18-14.212), d’autant qu’il ne modifie pas les stipulations contractuelles qui ne rendent exigibles les obligations de paiement échelonné dues par l’acquéreur qu’au fur et à mesure de l’achèvement des étapes de la construction.
Il ne découle pas de la clause litigieuse un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et l’obligation essentielle du vendeur de livrer dans un délai déterminé ne se trouve aucunement vidée de sa substance.
La dite clause n’est pas abusive, elle est valide et les consorts Y., U., T., Z., W., X. et V. seront déboutés de leur demande tendant à la voir réputer non écrite. »
2/ « L’organisation d’une expertise judiciaire n’a pas été inscrite par les parties dans la liste des causes légitimes de suspension du délai de livraison.
Elle ne correspond en outre pas à un retard provenant de la défaillance d’une entreprise ou entraîné par la recherche et la désignation d’une nouvelle entreprise se substituant à une entreprise défaillante, en l’occurrence la société COBELBA, dès lors que la défaillance de celle-ci, si tant est qu’elle ait été établie, n’aurait consisté qu’en un abandon du chantier et un défaut d’étayage du plancher haut sous-sol comme il lui avait été demandé et non en une mauvaise exécution des travaux réalisés, laquelle est seule à l’origine de la mesure d’instruction.
Partant, l’expertise judiciaire ne constitue pas une cause légitime de suspension du délai de livraison, quelle que soit son utilité pour la SCCV [Adresse 23] ou pour les acquéreurs.
Aucune lettre du maître d’œuvre au sujet de cette mesure n’est en tout état de cause produite.
La mauvaise exécution par une entreprise des travaux qui lui ont été confiés et la nécessité de solliciter l’organisation d’une expertise judiciaire n’étant pas imprévisibles pour le maître d’ouvrage qu’est la SCCV [Adresse 23], l’organisation de la mesure d’instruction par décision du 28 décembre 2018 ne constitue pas un cas de force majeur permettant au vendeur de déroger à son obligation de livraison au 30 juin 2019 au plus tard ainsi que le prévoient les actes authentiques liant les parties. »
3/ « Le délai de livraison des biens aux demandeurs était expiré au 12 mars 2020, de sorte que l’épidémie de COVID-19 et les mesures imposées qu’elle a induites ne peuvent justifier un quelconque report de la livraison. »
4/ « Ces différents événements, justifiés par des attestations du Maître d’œuvre, la société B2iX, sont survenus postérieurement au 30 juin 2019. Ils ne peuvent par conséquent avoir pour effet de reporter la date de livraison des biens. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
SEPTIÈME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 20 FÉVRIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/05209. N° Portalis DBX6-W-B7F-VUC6. SUR LE FOND. 54G
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats et du délibéré : Madame Anne MURE, Vice-Présidente, Madame Alice VERGNE, Vice-Présidente, magistrat rédacteur, Madame Sandrine PINAULT, Juge
Lors des débats et du prononcé : Monsieur Éric ROUCHEYROLLES, Greffier
DÉBATS : à l’audience publique du 21 novembre 2023, Délibéré au 23 janvier 2024 et prorogé au 20 février 2024.
JUGEMENT : Contradictoire, En premier ressort, Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe
DEMANDEURS :
Monsieur X.
né le [date] à [Localité 19] (département), de nationalité Française, [Adresse 12], [Localité 6], représenté par Maître Yolène DAVID, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
Madame Y.
née le [date] à [Localité 18] (département), de nationalité Française, [Adresse 10], [Localité 2]
représentée par Maître Yolène DAVID, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
Monsieur Z.
né le [date] à [Localité 24] (département), de nationalité Française, [Adresse 1], [Localité 15], représenté par Maître Yolène DAVID, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
Madame W.
née le [date] à [Localité 16] (département), de nationalité Française, [Adresse 1], [Localité 15], représentée par Maître Yolène DAVID, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
Madame V.
née le [date] à [Localité 5] (département), de nationalité Française, [Adresse 8], [Localité 20], représentée par Maître Yolène DAVID, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
Monsieur U.
né le [date] à [Localité 22] ([Localité 22]), de nationalité Française, [Adresse 13], [Adresse 13], [Localité 5], représenté par Maître Yolène DAVID, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
Madame T.
née le [date] à [Localité 17] – Pays, de nationalité Française, [Adresse 13], [Adresse 13], [Localité 5], représentée par Maître Yolène DAVID, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
Monsieur Y.
né le [date] à [Localité 25] (département), de nationalité Française, [Adresse 10], [Localité 2], représenté par Maître Yolène DAVID, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
DÉFENDERESSE :
SCCV [Adresse 23]
siège social : [Adresse 3], [Localité 11] Adresse de signification de l’acte : chez SASU TAGERIM PROMOTION [Adresse 7], [Localité 4], représentée par Maître Marie-Christine RIBEIRO de la SELARL CMC AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Succédant à la SAS TAGERIM PROMOTION, bénéficiaire initial du permis de construire délivré le 23 décembre 2016, la SCCV [Adresse 23] a fait édifier un ensemble immobilier portant sur 48 logements destinés à la vente en l’état futur d’achèvement, dénommé [Adresse 23] et situé [Adresse 9] à [Localité 20].
Monsieur I. et Madame B. ont acquis les lots n°30 et 89 moyennant le prix de 190.100 euros, par acte du 23 novembre 2017.
Monsieur Y. et Madame Y. ont acquis les lots n°21 et 63 moyennant le prix de 231.750 euros, par acte du 22 janvier 2018.
Monsieur P. et Madame P. ont acquis les lots n°24 et 66 moyennant le prix de 193.100 euros, par acte du 26 septembre 2017.
Monsieur U. et Madame T. ont acquis les lots n°45 et 91 moyennant le prix de 184.500 euros, par acte du 20 février 2018.
Monsieur Z. et Madame W. ont acquis les lots n°22 et 64 moyennant le prix de 257.500 euros, par acte du 29 novembre 2017.
L’ensemble de ces acquéreurs ont acquis les biens immobiliers dans le cadre du dispositif de défiscalisation dit « Loi Pinel ».
Monsieur X. a acquis les lots n°16 et 86 moyennant le prix de 168.750 euros par acte du 13 décembre 2017, aux fins d’y élire son domicile.
Madame V. a, par acte du 6 juillet 2017, cédé la maison d’habitation dont elle était propriétaire et qui constituait pour partie l’assiette foncière du projet de construction, à la SCCV [Adresse 23] moyennant le prix de 350.000 euros, dont 150.000 euros réglés comptant et une dation en paiement des lots n°44 et 1 de la [Adresse 23].
Les travaux devaient être achevés et livrés par la SCCV [Adresse 23] au plus tard le 30 juin 2019.
Par un courrier du 15 novembre 2018, certains des acquéreurs ont été informés par la SAS TAGERIM PROMOTION, promoteur immobilier et gérant de la SCCV [Adresse 23], du retard pris dans l’avancement des travaux et du report de la livraison au 4ème trimestre 2019. Il était également précisé qu’une procédure de liquidation judiciaire avait été ouverte à l’encontre de la société COBELBA, titulaire du lot gros-œuvre, au mois d’août 2018.
Par un courrier du 9 septembre 2019, la SAS TAGERIM PROMOTION les a informés d’un nouveau report de la livraison, à la suite d’un appel d’offres qu’elle a dû lancer suite à la liquidation de la société COBELBA et aux termes duquel elle a confié la reprise des travaux à la société TE2M ; laquelle a, à l’occasion de son arrivée sur le chantier, constaté des malfaçons et non-conformités confirmées par le bureau de contrôle VERITAS.
Par un courrier du 3 juin 2020, la SAS TAGERIM PROMOTION a notamment informés les acquéreurs que le bureau de contrôle VERITAS avait relevé des fissures impactant directement la structure des ouvrages, une insuffisance notoire des quantités de ferraillage des éléments verticaux et horizontaux prévus par la société COBELBA et une forte suspicion quant à la solidité des fondations de l’ouvrage et à la structure même du bâtiment ; et qu’une expertise judiciaire confiée à M. O. par ordonnance du 21 décembre 2018 du juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux, était en cours.
Par un courrier du 15 juillet 2020, la SCCV [Adresse 23] a indiqué que l’achèvement des travaux devrait intervenir au plus tard au 31 décembre 2021.
Le 31 janvier 2021, la SAS TAGERIM PROMOTION TAGERIM a informé les acquéreurs qu’elle avait choisi la société SECMA BATIMENT pour poursuivre les travaux de gros-œuvre et que le délai prévisionnel d’achèvement des travaux était estimé au plus tard fin septembre 2022.
Se plaignant du retard des travaux et de l’absence de visibilité concernant leur achèvement, Monsieur I. et Madame B., Monsieur Y. et Madame Y., Monsieur P. et Madame P., Monsieur U. et Madame T., Monsieur Z. et Madame W., Monsieur X. et Madame V. ont, par acte du 30 juin 2021, saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux d’une action indemnitaire dirigée contre la SCCV [Adresse 23].
Par ordonnance en date du 11 février 2022, le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la mesure d’expertise, soulevée par la SCCV [Adresse 23].
Les logements ont été livrés courant 2023.
Par une nouvelle ordonnance en date du 24 octobre 2023, le juge de la mise en état a constaté le désistement partiel d’action de Monsieur P. et Madame P. d’une part et de Monsieur I. et Madame B. d’autre part à l’encontre de la SCCV [Adresse 23].
[*]
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 2 novembre 2023, Monsieur Y. et Madame Y., Monsieur U. et Madame T., Monsieur Z. et Madame W., Monsieur X. et Madame V. demandent de voir :
« Vu l’article L. 212-1 du Code de la consommation,
Vu l’avis de la Commission des clauses abusives n° 16-01 du 29 septembre 2016,
Vu les articles 1601-1 et suivants du Code civil,
Vu les articles 1170, 1171, 1217, 1218 et 1231-1 du Code civil,
Vu la jurisprudence visée,
DIRE ET JUGER recevable et bien fondée l’action intentée par les consorts Y., V., X., U. et Z.,
A titre principal,
REPUTER NON ECRITE la clause relative aux causes légitimes de suspension du délai de livraison, insérée dans les actes authentiques de vente de chacun des requérants,
A titre subsidiaire,
JUGER que la SCCV [Adresse 23] accuse un retard de livraison de 1.374 jours à l’égard des époux Y.,
JUGER que la SCCV [Adresse 23] accuse un retard de livraison de 1.373 jours à l’égard de Monsieur X. et des consorts U.-T. et Z.-W.,
JUGER que la SCCV [Adresse 23] accuse un retard de livraison de 1.486 jours à l’égard de Madame V.,
REJETER les évènements invoqués par la SCCV [Adresse 23] aux fins de suspension du délai de livraison,
JUGER que l’absence d’information par la SCCV [Adresse 23] pendant la période de retard est fautive,
En tout état de cause,
CONDAMNER la SCCV [Adresse 23] à verser à Monsieur et Madame Y. la somme totale de 94 412,33 € à titre de dommages et intérêts pour la période du 1er Juillet 2019 au 4 avril 2023,
CONDAMNER la SCCV [Adresse 23] à verser à Madame V. la somme totale de 112 825,73 € à titre de dommages et intérêts pour la période du 1er Juillet 2019 au 25 juillet 2023,
CONDAMNER la SCCV [Adresse 23] à verser à Monsieur X. la somme totale de 102 524,53 € à titre de dommages et intérêts pour la période du 1er Juillet 2019 au 3 avril 2023,
CONDAMNER la SCCV [Adresse 23] à verser à Monsieur U. et Madame T. la somme totale de 63 749,23 € à titre de dommages et intérêts pour la période du 1er Juillet 2019 au 3 avril 2023,
CONDAMNER la SCCV [Adresse 23] à verser à Monsieur Z. et Madame W. la somme totale de 77 316,06 € à titre de dommages et intérêts pour la période du 1er Juillet 2019 au 3 avril 2023,
CONDAMNER la SCCV [Adresse 23] à verser à Monsieur et Madame Y., Madame V., Monsieur X., Monsieur U. et Madame T., Monsieur Z. et Madame W. la somme de 4 000 € chacun en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de l’instance. »
[*]
Par dernières conclusions communiquée par voie électronique le 15 novembre 2023, la SCCV [Adresse 23] demande de voir :
« Vu les articles 73, 74, 378 et 771 du Code de procédure civile
Vu les articles 1103 et suivants du Code civil
Vu l’article 199 novovicies du Code général des impôts
Vu la jurisprudence citée et les pièces versées,
A titre liminaire,
DONNER ACTE à la SCCV [Adresse 23] de ce qu’elle accepte le désistement d’instance et d’action des consorts P. et I.-B. ;
A titre principal,
DEBOUTER les consorts X., V., Z.-W., U.-T., Y. de leur demande visant à voir réputée non écrite la clause relative aux causes légitimes de suspension du délai de livraison insérée dans les actes authentiques de vente des requérants ;
REJETTER l’intégralité des demandes, fins et conclusions des consorts X., V., Z.-W., U.-T., Y. formulées à l’encontre de la SCCV [Adresse 23]
A titre subsidiaire,
REDUIRE à de plus justes proportions la demande formulée par les consorts Z.-W., P., U.-T., Y. en indemnisation de leur lié à la perte de chance de louer leur bien immobilier et de percevoir un revenu locatif à compter du 1er juillet 2019 ;
REJETER les demandes des consorts X., V., Z.-W., U.-T., Y. visant l’indemnisation de leurs prétendus préjudice tirés du paiement des prêts immobiliers, de l’immobilisation des sommes versées, de la perte de l’avantage fiscal entre 2019 et 2022, ainsi que leur demande au titre de leur préjudice moral et de jouissance ;
A défaut,
REDUIRE à de plus justes proportions l’indemnisation du préjudice des consorts Z.-W., U.-T., Y. lié à la perte de chance de bénéficier de la réduction d’impôt dès l’année 2019 ;
REDUIRE les demandes indemnitaires des consorts X., V., Z.-W., U.-T., Y. à de plus justes proportions ;
En tout état de cause,
CONDAMNER in solidum les consorts X., V., Z.-W., U.-T., Y. à verser à la SCCV [Adresse 23] la somme de 7.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
et les CONDAMNER in solidum aux dépens de l’instance ;
ECARTER l’exécution provisoire de la décision à intervenir. »
[*]
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 17 novembre 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre liminaire, il y a lieu de dire sans objet l’acceptation du désistement d’instance et d’action des consorts P. et I.-B. par la SCCV [Adresse 23] en l’état de l’ordonnance de désistement partiel rendue par le juge de la mise en état le 24 octobre 2023.
Sur la validité de la clause relative aux causes légitimes de suspension du délai de livraison :
Les demandeurs font valoir que la clause de prorogation du délai de livraison insérée aux contrats, par son imprécision et son effet d’allongement du délai de livraison du double de la durée de l’événement, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l’acquéreur, dont l’obligation essentielle de paiement à échéance est sanctionnée par l’application de plein droit de pénalités de retard sans aménagement possible et au bénéfice du vendeur, auquel elle octroie la possibilité de ne pas respecter, de manière arbitraire, son obligation essentielle de livraison dans un délai déterminé, laquelle se trouve vidée de sa substance.
La SCCV [Adresse 23] soutient que la clause est valable.
Aux termes de l’article 1170 du code civil, toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite.
Aux termes de l’article L. 212-1 alinéa 1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
En l’espèce, les actes régularisés entre la SCCV [Adresse 23] et les demandeurs stipulent :
« Délai - Livraison
Le VENDEUR [La société dénommée SCCV [Adresse 23]] s’oblige à mener les travaux de telle manière que les ouvrages et les éléments d’équipement nécessaires à l’utilisation des BIENS vendus soient achevés et livrés au plus tard le 30 juin 2019 sauf survenance d’un cas de force majeure ou de suspension du délai de livraison.
[...]
Causes légitimes de suspension du délai de livraison
Pour l’application de cette disposition, sont notamment considérés comme causes légitimes de report de délai de livraison, les évènements suivants :
- Intempéries au sens de la réglementation des travaux sur les chantiers de bâtiment.
- Grève générale ou partielle affectant le chantier ou les fournisseurs.
- Retard résultant de la liquidation des BIENS, l’admission au régime du règlement judiciaire, du redressement judiciaire, de la liquidation judiciaire des ou de l’une des entreprises […]
- Retard provenant de la défaillance d’une entreprise (la justification de la défaillance pouvant être fournie par le VENDEUR à l’ACQUEREUR, au moyen de la production du double de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée par le Maître d’Oeuvre du chantier à l’entrepreneur défaillant).
- Retards entraînés par la recherche et la désignation d’une nouvelle entreprise se substituant à une entreprise défaillante et à l’approvisionnement du chantier par celle-ci.
- Retards provenant d’anomalies du sous-sol (telle que présence de source ou résurgence d’eau, nature du terrain hétérogène aboutissant à des remblais spéciaux ou des fondations particulières, découverte de site archéologique, de poche d’eau ou de tassement différentiel, tous éléments de nature à nécessiter des fondations spéciales ou des reprises ou sous-œuvre d’immeubles avoisinants) et, plus généralement, tous éléments dans le sous-sol susceptibles de nécessiter des travaux non programmés complémentaires ou nécessitant un délai complémentaire pour leur réalisation.
- Injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou d’arrêter les travaux, à moins que lesdites injonctions ne soient fondées sur des fautes ou des négligences imputables au VENDEUR.
- Troubles résultant d’hostilités, cataclysmes, accidents de chantier.
- Retards imputables aux compagnies concessionnaires de fournitures d’énergie et de ressources.
- les difficultés d’approvisionnement du chantier en matériel et matériaux ;
- les vols et actes de vandalisme dont le chantier et les entreprises y intervenant seraient les victimes et le réapprovisionnement du chantier par ces dernières ;
- Retards de paiement de l’acquéreur tant en ce qui concerne la partie principale, que les intérêts de retard et les éventuels travaux supplémentaire ou modificatifs que le VENDEUR aurait accepté de réaliser.
Ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du BIEN d’un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l’organisation générale du chantier.
Dans un tel cas, la justification de la survenance de l’une de ces circonstances sera apportée par le VENDEUR à l’acquéreur par une lettre du Maître d’Oeuvre.
Le tout sous réserve des dispositions des articles L.261-11 du Code de la construction et de l’habitation et 1184 du Code civil. »
Il ressort de ces dispositions que la survenance de l’un des événements suspensifs, énoncés de manière quasi complète, doit être justifiée par une lettre du maître d’œuvre, tiers au contrat, dont la teneur est soumise à contrôle juridictionnel pour entraîner la suspension du délai de livraison, qui n’est ainsi nullement décidée arbitrairement par la SCCV [Adresse 23].
Le report du délai de livraison pour un temps égal au double du temps de l’événement, du fait de la répercussion sur l’organisation générale du chantier, n’est pas abusif (Cass., 3e civ., 23 mai 2019, pourvoi n° 18-14.212), d’autant qu’il ne modifie pas les stipulations contractuelles qui ne rendent exigibles les obligations de paiement échelonné dues par l’acquéreur qu’au fur et à mesure de l’achèvement des étapes de la construction.
Il ne découle pas de la clause litigieuse un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et l’obligation essentielle du vendeur de livrer dans un délai déterminé ne se trouve aucunement vidée de sa substance.
La dite clause n’est pas abusive, elle est valide et les consorts Y., U., T., Z., W., X. et V. seront déboutés de leur demande tendant à la voir réputer non écrite.
Sur le retard de livraison :
Les demandeurs soutiennent que la SCCV [Adresse 23] ne justifie d’aucune cause légitime de suspension du délai de livraison à l’origine du retard de livraison de 1374 jours à l’égard des époux Y., 1373 jours à l’égard de Monsieur X. et des consorts U.-T. et Z.-W. et 1486 jours à l’égard de Madame V., que pour chaque événement, elle ne démontre pas que le retard subi provient de l’événement invoqué et que l’événement invoqué ne répond pas aux caractères de la force majeure, que la SCCV [Adresse 23] n’a pas respecté les modalités formelles d’application de la clause en n’ayant pas communiqué d’attestation du maître d’œuvre et qu’elle n’a pas tenu informés ses acquéreurs.
La SCCV [Adresse 23] fait valoir que le retard de livraison des biens des demandeurs a pour origine exclusive des causes légitimes de suspension du délai de livraison à savoir :
- la survenance de l’épidémie de COVID-19
- le retard provenant de la défaillance de la société COBELBA et l’ouverture d’une procédure collective à son encontre
- les retards entraînés par la recherche et la désignation d’une nouvelle entreprise se substituant à la société COBELBA défaillante
- la mise en place d’une expertise judiciaire destinée à identifier précisément le problème de sous-dimensionnement des ouvrages de fondation et notamment du ferraillage du plancher haut sous-sol ayant donné lieu à un arrêt de chantier, ainsi que déterminer les travaux de reprise nécessaires et les responsables
- le retard causé par les défaillances de la société DUPUY FRERES, titulaire du lot « couverture-bardage »
- le retard causé par l’abandon de chantier et la désignation d’une nouvelle entreprise pour la réalisation du lot « Couverture-bardage »
- le décalage du chantier lié aux difficultés d’approvisionnement
- les arrêts de chantier en raison d’intempéries.
Aux termes des dispositions de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L’article 1601-1 du même code dispose que la vente d’immeubles à construire est celle par laquelle le vendeur s’oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat. Elle peut être conclue à terme ou en l’état futur d’achèvement.
L’article 1217 prévoit que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation, poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, demander réparation des conséquences de l’inexécution. Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées et des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.
La SCCV [Adresse 23] s’est engagée, aux termes des actes des 6 juillet 2017, 29 novembre 2017, 13 décembre 2017, 22 janvier 2018 et 20 février 2018, à livrer les biens aux acquéreurs et à Madame V. au plus tard le 30 juin 2019.
Il est constant que la livraison des appartements n’a eu lieu que courant 2023.
En principe tenue d’indemniser les acquéreurs en application des articles 1601-1, 1611 et 1217 du code civil, la SCCV [Adresse 23], débitrice d’une obligation de résultat, ne peut s’exonérer qu’en rapportant la preuve d’un cas de force majeure ou d’une ou plusieurs causes légitimes de suspension du délai de livraison comme prévu dans les actes authentiques.
Il convient d’analyser les événements invoqués par la défenderesse dans l’ordre de leur survenance.
> sur les causes légitimes de suspension du délai de livraison invoquées par la SCCV [Adresse 23]
* la défaillance de la société COBELBA et l’ouverture d’une procédure collective à son encontre :
Aux termes d’un acte d’engagement corps d’état séparés du 19 octobre 2017, la société COBELBA s’est vue confier le lot gros-œuvre.
La SCCV [Adresse 23] se prévaut de 354 jours de retard légitime subi par le chantier du fait de la défaillance de la société COBELBA qui aurait selon elle accumulé au jour du constat d’huissier du 26 juillet 2018, un retard de 164 jours sur le plancher haut rez-de-chaussée dont les travaux auraient du démarrer le 13 février 2018, qui aurait été à cette même date du 26 juillet 2018 en train de replier l’ensemble du matériel en prévision d’un abandon de chantier, qui n’aurait pas étayé le plancher haut sous-sol sur lequel étaient stockées des prédalles comme il lui avait été demandé ce qui aurait entraîné une interdiction d’accès au chantier à compter du 31 juillet 2018 jusqu’à nouvel ordre écrit pour des raisons de sécurité et qui aurait fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 8 août 2018 de sorte qu’elle n’aurait eu d’autre choix que de résilier le contrat à compter de cette date, le chantier subissant alors un retard de 177 jours depuis le 13 février 2018.
Les parties ont contractuellement convenu que la défaillance d’une entreprise pourrait être justifiée par le vendeur par la production du double de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée par le Maître d’œuvre du chantier à l’entrepreneur défaillant et que, de manière générale, la survenance de l’une des circonstances constituant une cause légitime de report de la date de livraison doit être justifiée par le vendeur à l’acquéreur par une lettre du Maître d’œuvre.
La SCCV [Adresse 23] ne produit aucune lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée par le maître d’œuvre du chantier, la société SCIB, à la société COBELBA relativement à une défaillance de sa part sur la période du 13 février 2018 au 8 juillet 2018, pas plus qu’elle ne produit une lettre du maître d’œuvre établissant que la défaillance de la société COBELBA puis son placement en liquidation judiciaire auraient induit des retards sur le chantier.
La preuve de ces causes légitimes de suspension du délai de livraison invoquées n’est pas faite.
* la recherche et la désignation d’une nouvelle entreprise se substituant à la société COBELBA défaillante :
La SCCV [Adresse 23] se prévaut d’un retard de 66 jours entraîné par la recherche et la désignation d’une nouvelle entreprise de gros-œuvre en remplacement de la société COBELBA.
Si elle justifie de l’attribution du marché relatif au lot Gros-œuvre à la société TE2M suivant acte d’engagement du 12 octobre 2018, elle ne produit pas de lettre du maître d’œuvre établissant que la recherche et la désignation d’une nouvelle entreprise se substituant à la société COBELBA, défaillante, auraient entraîné un tel retard de 66 jours.
La preuve de cette cause légitime de suspension du délai de livraison invoquées n’est pas plus rapportée.
* l’expertise judiciaire :
La SCCV [Adresse 23] soutient que suite au redémarrage du chantier le 22 octobre 2018, un problème de sous-dimensionnement des poutres du plancher haut sous-sol et du plancher haut sous-sol lui-même a été mis en évidence de sorte qu’elle a été contrainte d’arrêter le chantier le 14 novembre 2018 et de saisir en urgence le juge des référés qui a ordonné une expertise par décision du 28 décembre 2018 et que les travaux n’ont pu véritablement reprendre qu’au 12 janvier 2021 après attribution du lot Gros-œuvre à la société SECMA suite à une nouvelle consultation des entreprises, soit avec un retard de 747 jours depuis la date de l’ordonnance désignant l’expert judiciaire.
Elle produit un compte-rendu de réunion dressé par le maître d’œuvre le 28 novembre 2018, aux termes duquel l’entreprise TE2M et son bureau d’étude structure ayant soulevé une problématique concernant les ferraillages dessinés sur les plans du bureau d’étude structure de COBELBA qui pourraient être insuffisants pour reprendre l’ensemble du bâtiment, le chantier a été momentanément arrêté à compter du 14 novembre 2018 dans l’attente du retour du bureau de contrôle et elle justifie que sur son assignation délivrée les 24 et 26 décembre 2018, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, statuant d’heure à heure, a ordonné une expertise confiée à Monsieur O. par décision du 28 décembre 2018.
L’organisation d’une expertise judiciaire n’a pas été inscrite par les parties dans la liste des causes légitimes de suspension du délai de livraison.
Elle ne correspond en outre pas à un retard provenant de la défaillance d’une entreprise ou entraîné par la recherche et la désignation d’une nouvelle entreprise se substituant à une entreprise défaillante, en l’occurrence la société COBELBA, dès lors que la défaillance de celle-ci, si tant est qu’elle ait été établie, n’aurait consisté qu’en un abandon du chantier et un défaut d’étayage du plancher haut sous-sol comme il lui avait été demandé et non en une mauvaise exécution des travaux réalisés, laquelle est seule à l’origine de la mesure d’instruction.
Partant, l’expertise judiciaire ne constitue pas une cause légitime de suspension du délai de livraison, quelle que soit son utilité pour la SCCV [Adresse 23] ou pour les acquéreurs.
Aucune lettre du maître d’œuvre au sujet de cette mesure n’est en tout état de cause produite.
La mauvaise exécution par une entreprise des travaux qui lui ont été confiés et la nécessité de solliciter l’organisation d’une expertise judiciaire n’étant pas imprévisibles pour le maître d’ouvrage qu’est la SCCV [Adresse 23], l’organisation de la mesure d’instruction par décision du 28 décembre 2018 ne constitue pas un cas de force majeur permettant au vendeur de déroger à son obligation de livraison au 30 juin 2019 au plus tard ainsi que le prévoient les actes authentiques liant les parties.
* l’épidémie de COVID-19 :
La SCCV [Adresse 23] soutient que la survenance de la crise sanitaire est une cause légitime de suspension liée à une injonction administrative de suspendre les travaux, ou à défaut un cas de force majeure prorogeant le délai d’achèvement contractuel de livraison des biens des demandeurs de 365 jours.
L’article 8 de l’ordonnance n° 2020 du 25 mars 2020 prévoit la prorogation des délais qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020.
En l’espèce, le délai de livraison a été contractuellement fixé au 30 juin 2019 et la SCCV [Adresse 23] ne justifie d’aucune cause légitime de suspension de ce délai jusqu’à la date du 12 mars 2020.
Le délai de livraison des biens aux demandeurs était expiré au 12 mars 2020, de sorte que l’épidémie de COVID-19 et les mesures imposées qu’elle a induites ne peuvent justifier un quelconque report de la livraison.
* les intempéries, les défaillances de la société DUPUY FRERES, titulaire du lot « couverture-bardage», l’abandon de chantier et la désignation d’une nouvelle entreprise pour la réalisation du lot « Couverture-bardage » et les difficultés d’approvisionnement :
La société défenderesse se prévaut d’intempéries survenues à compter du début de l’année 2021, d’une défaillance de la société DUPUY FRERES lors du démarrage des travaux de couverture en 2022 ayant généré un décalage de trois semaines puis d’un abandon du chantier le 18 juillet 2022 l’ayant contrainte de lancer une nouvelle consultation des entreprises et de nouvelles études avec l’entreprise retenue et des difficultés d’approvisionnement en matériel et matériaux lié au contexte économique et géopolitique de l’année 2022.
Ces différents événements, justifiés par des attestations du Maître d’œuvre, la société B2iX, sont survenus postérieurement au 30 juin 2019. Ils ne peuvent par conséquent avoir pour effet de reporter la date de livraison des biens.
Aucune des causes qu’elle invoque n’ayant justifié la suspension du délai de livraison des biens, la SCCV [Adresse 23] doit répondre des retards de livraison à l’égard des acquéreurs et de Madame V.
Les parties s’accordent sur le fait que les biens des consorts X., Z. et W., U. et T. ont été livrés le 3 avril 2023, le bien des époux Y. a été livré le 4 avril 2023 et le bien de Madame V. a été livré le 25 juillet 2023, soit avec 1373, 1374 et 1486 jours de retard.
La SCCV [Adresse 23] est tenue de réparer les préjudices subis par application des dispositions précitées.
> sur les demandes indemnitaires des époux Y.
* préjudice financier lié à l’emprunt bancaire : assurance du prêt et intérêts intercalaires :
Les époux Y. exposent avoir renégocié leur prêt et précisent que cette renégociation a permis de gommer les conséquences temporelles du retard de livraison.
Dès lors, ils ne subissent aucun préjudice s’agissant de l’assurance de leur prêt qui a conservé la même durée.
Ils justifient avoir payé des intérêts intercalaires à compter du mois de février 2018.
S’il ressort de deux courriers de leur banque qu’ils ont payé en 2019 comme en 2021, 1.264,80 euros d’intérêts, ils ne rapportent pas la preuve qu’il s’agit d’intérêts intercalaires et non des intérêts du crédit, ni qu’ils ont payé 4.761,19 euros d’intérêts intercalaires du seul fait des 1374 jours de retard de livraison.
Ils seront déboutés de leur demande.
* préjudice financier résultant de l’immobilisation des sommes versées depuis 4 ans :
Les époux Y. justifient du rachat partiel d’un contrat CACHEMIRE à la Banque Postale le 9 mars 2022 à hauteur de 23.000 euros, qu’ils disent avoir servi à financer une partie de l’apport de 60.000 euros exigé par la Banque pour renégocier leur prêt immobilier.
Si cette somme n’a plus généré d’intérêts suite au rachat, il n’est pas justifié du taux de rendement de ce produit, que les demandeurs revendiquent à hauteur de 5% l’an sans justification.
Les époux Y. ne justifient par ailleurs pas du prélèvement de la somme de 34.937,50 euros sur leurs Livrets A pour financer l’apport de 60.000 euros.
Il ne peut être fait droit à la demande de ce chef.
* préjudice moral :
Les époux Y. ont du faire face aux reports successifs de la date de livraison de leur bien acquis en vue de le louer, et au stress et à l’anxiété qui en ont nécessairement découlé.
Ils subissent un préjudice moral incontestable, qu’il y a lieu d’indemniser en leur octroyant à chacun une somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts.
* préjudice lié aux investissements de défiscalisation : perte de loyers et perte de l’avantage fiscal :
Les époux Y. ont acquis le bien pour le mettre en location.
Le retard de livraison de l’appartement les a privés de la possibilité de le louer durant la période du 1er juillet 2019 au 4 avril 2023, soit durant 45 mois.
Leur préjudice, incontestable, est constitué de la perte de chance de pouvoir percevoir un loyer durant cette période, et non du montant de 45 loyers.
Ils justifient avoir conclu un bail de location à compter du mois d’aout 2023 pour un loyer de 920 euros.
Ils réclament une indemnisation sur la base de la valeur locative que le promoteur aurait estimée lui-même soit 770 euros par mois.
La perte de chance de pouvoir percevoir un loyer durant la période de retard de livraison doit être évaluée à 70 % du montant du loyer estimé à la livraison à 770 euros, vu la situation et les caractéristiques du bien, soit 539 euros par mois.
Il y a par conséquent lieu de leur allouer une somme de 24.255 euros à titre d’indemnisation.
La réduction d’impôt escomptée dans le cadre du dispositif Pinel est acquise pour toute la durée d’engagement de location, soit 6 ou 9 ans selon le choix des acquéreurs.
Le retard de livraison de leur bien n’a pas eu pour effet de priver les époux Y. de cet avantage fiscal, mais de le décaler de l’année 2019 à l’année 2023, compte-tenu de l’allongement du délai d’achèvement de leur logement à 61 mois et 39 jours suivant la signature de l’acte d’acquisition, ainsi qu’il ressort d’un courrier de l’administration fiscale du 7 juillet 2023, et de l’achèvement des travaux le 21 décembre 2022, avant l’expiration du dit délai, suivant déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux de la SCCV [Adresse 23] du 16 décembre 2022.
Leur préjudice n’est constitué que de la perte de chance d’avoir pu bénéficier de cet avantage dès 2019.
Ils seront indemnisés par l’octroi d’une somme de 2.000 euros.
> sur les demande indemnitaires de Monsieur X. :
* préjudice financier lié aux emprunts bancaires : frais de réaménagement des prêts, intérêts intercalaires et assurance du 05/01 au 21/09/2021, perte du taux zéro, frais liés au nouveau prêt, assurance du prêt, intérêts intercalaires du 6/09/2021 au 5/03/2023
Monsieur X. soutient avoir négocié un différé de remboursement de son prêt moyennant des frais de dossier, des intérêts intercalaires outre le maintien du paiement des cotisations d’assurance, puis avoir du souscrire un nouveau prêt, avec des frais de dossier et de garantie, des cotisations d’assurance et des intérêts liés au différé du nouveau prêt et avoir remboursé par anticipation le prêt à taux zéro dont le capital s’est vu appliquer un taux de 1,15% contre 0% initialement.
S’il produit un avenant à son contrat de crédit immobilier qui lui a été proposé le 12 janvier 2021, il ne justifie pas l’avoir accepté.
Il ne peut en conséquence être indemnisé de quelconques frais de dossier.
Il justifie avoir souscrit le 10 juillet 2021 un nouveau prêt immobilier de 153.472 euros au taux d’intérêt annuel de 1,15% en remplacement de son premier prêt de 102.380 euros au taux de 1,50% et de 54.000 euros au taux zéro.
Il doit être indemnisé des frais de dossier à hauteur de 800 euros.
Les frais de garantie, évalués dans l’offre de prêt à 2.505 euros au titre d’une prise de garantie hypothécaire, ne sont pas avérés.
Ils ne peuvent donner lieu à indemnisation.
Les cotisations d’assurance et intérêts intercalaires éventuellement payés en sus de ceux qu’il aurait payés en l’absence de retard de livraison de son bien ne sont pas justifiés.
Ils ne peuvent par conséquent pas donner lieu à indemnisation.
L’application d’un taux d’intérêt de 1,15% sur le capital de 54.000 euros qui devait bénéficier d’un taux zéro dans le cadre du prêt initialement souscrit doit donner lieu à indemnisation, minorée toutefois au vu du gain tiré de la diminution du taux d’intérêt applicable au surplus du capital emprunté de 1,50% à 1,15% l’an.
Monsieur X. sera indemnisé à ce titre par l’allocation d’une indemnité de 6.000 euros.
* préjudice financier résultant de l’immobilisation des sommes versées depuis 4 ans :
Monsieur X. soutient avoir mobilisé un apport de 20.000 euros provenant de ses deniers personnels placés sur un Livret A pour investir pour sa résidence principale.
Il n’en justifie pas et en tout état de cause il ne résulte du retard de livraison aucun préjudice à ce titre.
Il n’y a pas lieu à indemnisation de ce chef.
* préjudice moral :
Monsieur X. a du faire face aux reports successifs de la date de livraison de son bien acquis en vue d’y établir sa résidence principale, et au stress et à l’anxiété qui en ont nécessairement découlé.
Il subit un préjudice moral incontestable, qu’il y a lieu d’indemniser en lui octroyant une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.
* frais de relogement :
Monsieur X. justifie avoir loué un appartement jusqu’en novembre 2020.
Le retard de livraison est à l’origine de cette dépense qu’il n’aurait pas dû exposer.
Le principe de l’indemnisation à compter du mois de juillet 2019 est incontestable.
L’appartement loué étant un 3 pièces alors que le bien acquis n’est qu’un 2 pièces, Monsieur X. sera indemnisé par l’allocation d’une somme de 650 euros par mois de juillet 2019 à novembre 2020 soit 11.050 euros au total.
Les échéances de remboursement du prêt contracté en juillet 2021 servant à l’acquisition d’un nouveau bien où il a établi sa résidence principale, elles ne sauraient donner lieu à indemnisation.
* préjudice de jouissance :
Monsieur X. n’a pu disposer de son bien durant les 45 mois de retard de livraison.
Il a subi un préjudice de jouissance incontestable, indépendamment de l’indemnisation des loyers exposés du fait de ce retard et de l’établissement de sa résidence principale dans un autre appartement avant la livraison.
Il est justifié qu’il soit indemnisé à hauteur d’une somme qui ne saurait correspondre à la valeur locative de l’appartement comme il la réclame, mais qui doit être évaluée à 200 euros par mois soit 9.000 euros au total.
> sur les demandes indemnitaires de Monsieur Z. et Madame W.
* préjudice financier lié aux emprunts bancaires : assurance du prêt :
Les consorts Z. - W. réclament la somme de 2.716,06 euros au titre de l’assurance de leur prêt.
Ils produisent leur offre de prêt, non signée.
Ils ne justifient aucunement d’un allongement de la durée de l’assurance du prêt du fait du retard de livraison du bien.
Ils seront déboutés de leur demande
* préjudice moral :
Monsieur Z. et Madame W. ont du faire face aux reports successifs de la date de livraison de leur bien acquis en vue de le louer, et au stress et à l’anxiété qui en ont nécessairement découlé.
Ils subissent un préjudice moral incontestable, qu’il y a lieu d’indemniser en leur octroyant à chacun une somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts.
* préjudice lié aux investissements de défiscalisation : perte de loyers / perte de l’avantage fiscal :
Les consorts Z. - W. ont acquis le bien pour le mettre en location.
Le retard de livraison de l’appartement les a privés de la possibilité de le louer durant la période du 1er juillet 2019 au 3 avril 2023, soit durant 45 mois.
Leur préjudice, incontestable, est constitué de la perte de chance de pouvoir percevoir un loyer durant cette période, et non du montant de 45 loyers.
Ils justifient avoir conclu un bail de location à compter du 14 avril 2023 pour un loyer de 708 euros.
Ils réclament une indemnisation sur la base de la valeur locative que le promoteur aurait estimée lui-même soit 700 euros par mois.
La perte de chance de pouvoir percevoir un loyer durant la période de retard de livraison doit être évaluée à 70% du montant du loyer estimé à 700 euros, vu la situation et les caractéristiques du bien, soit 490 euros par mois.
Il y a par conséquent lieu de leur allouer une somme de 22.050 euros à titre d’indemnisation.
La réduction d’impôt escomptée dans le cadre du dispositif Pinel est acquise pour toute la durée d’engagement de location, soit 6 ou 9 ans selon le choix des acquéreurs.
Le retard de livraison de leur bien n’a pas eu pour effet de priver les consorts Z. - W. de cet avantage fiscal, mais de le décaler de l’année 2019 à l’année 2023, compte-tenu de l’allongement du délai d’achèvement de leur logement à 61 mois et 39 jours suivant la signature de l’acte d’acquisition, ainsi qu’il ressort d’un courrier de l’administration fiscale du 7 juillet 2023, et de l’achèvement des travaux le 21 décembre 2022, avant l’expiration du dit délai, suivant déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux de la SCCV [Adresse 23] du 16 décembre 2022.
Leur préjudice n’est constitué que de la perte de chance d’avoir pu bénéficier de cet avantage dès 2019.
Ils seront indemnisés par l’octroi d’une somme de 2.000 euros.
> sur les demandes indemnitaires de Monsieur U. et Madame T.
* préjudice financier lié aux emprunts bancaires : assurance du prêt :
Les consorts U. - T. réclament la somme de 1.739,23 euros au titre de l’assurance de leur prêt.
Ils produisent un tableau d’amortissement prévisionnel édité le 3 janvier 2018 aux termes duquel le coût annuel de l’assurance du prêt s’élève à 462,36 euros.
Ils ne justifient aucunement d’un allongement de la durée de l’assurance de leur prêt du fait du retard de livraison du bien.
Ils seront déboutés de leur demande
* préjudice moral :
Monsieur U. et Madame T. ont du faire face aux reports successifs de la date de livraison de leur bien acquis en vue de le louer, et au stress et à l’anxiété qui en ont nécessairement découlé.
Ils subissent un préjudice moral incontestable, qu’il y a lieu d’indemniser en leur octroyant à chacun une somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts.
* préjudice lié aux investissements de défiscalisation : perte de loyers / perte de l’avantage fiscal :
Les consorts U. - T. ont acquis le bien pour le mettre en location.
Le retard de livraison de l’appartement les a privés de la possibilité de le louer durant la période du 1er juillet 2019 au 3 avril 2023, soit durant 45 mois.
Leur préjudice, incontestable, est constitué de la perte de chance de pouvoir percevoir un loyer durant cette période, et non du montant de 45 loyers.
Ils justifient avoir conclu un bail de location à compter du 15 avril 2023 pour un loyer de 590 euros.
Ils réclament une indemnisation sur la base de la valeur locative que le promoteur aurait estimée lui-même soit 550 euros par mois.
La perte de chance de pouvoir percevoir un loyer durant la période de retard de livraison doit être évaluée à 70% du montant du loyer estimé à 550 euros, vu la situation et les caractéristiques du bien, soit 385 euros par mois.
Il y a par conséquent lieu de leur allouer une somme de 17.325 euros à titre d’indemnisation.
La réduction d’impôt escomptée dans le cadre du dispositif Pinel est acquise pour toute la durée d’engagement de location, soit 6 ou 9 ans selon le choix des acquéreurs.
Le retard de livraison de leur bien n’a pas eu pour effet de priver les consorts U. - T. de cet avantage fiscal, mais de le décaler de l’année 2019 à l’année 2023, compte-tenu de l’allongement du délai d’achèvement de leur logement à 61 mois et 39 jours suivant la signature de l’acte d’acquisition, ainsi qu’il ressort d’un courrier de l’administration fiscale du 7 juillet 2023, et de l’achèvement des travaux le 21 décembre 2022, avant l’expiration du dit délai, suivant déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux de la SCCV [Adresse 23] du 16 décembre 2022.
Leur préjudice n’est constitué que de la perte de chance d’avoir pu bénéficier de cet avantage dès 2019.
Ils seront indemnisés par l’octroi d’une somme de 2.000 euros.
> sur les demandes indemnitaires de Madame V.
* frais de relogement et de garde-meubles :
Madame V. a vendu à la SCCV [Adresse 23], par acte du 6 juillet 2017, sa maison avec jardin qui se trouvait sur l’assiette foncière du projet immobilier, moyennant le prix de 350.000 euros, payé comptant pour la somme de 150.000 euros et pour le solde de 200.000 euros moyennant une dation en paiement d’un appartement de type 4 duplex avec 3 terrasses, combles et parking dans la résidence à construire.
Elle justifie avoir loué un appartement au [Adresse 14] à [Localité 21] pour 620 euros par mois à compter du mois de juin 2017.
Elle ne justifie pas de la poursuite de cette location au-delà du mois de novembre 2019 et il ressort de l’acte introductif d’instance du 30 juin 2021 qu’elle n’y était plus domiciliée à cette date.
La location de l’appartement entre le 1er juillet 2019 et le 30 novembre 2019 est la conséquence du retard de livraison de son bien.
Elle doit être indemnisée à hauteur de 3.100 euros à ce titre.
Elle justifie par ailleurs avoir loué un box de stockage dès le mois de mai 2017 et un second dès le mois de juillet 2017.
Du fait du retard de livraison de son bien, ces locations se sont poursuivies au-delà du 30 juin 2019, jusqu’en mars 2021 ainsi qu’il ressort de la quittance de loyer du 9 mars 2021 pour le premier box et de la facture SHURGARD du 2 mars 2021 pour le second.
Le retard de livraison de son bien a ainsi induit une dépense de 5.880,20 euros, dont elle doit être indemnisée.
* préjudice moral :
Madame V. n’a jamais été tenue informée par la SCCV [Adresse 23] des reports successifs de la date de livraison du bien dans lequel elle devait établir sa résidence principale.
Elle a pu légitimement se sentir ignorée et croire avoir été oubliée, et avoir subi un stress et une anxiété particuliers face à l’ignorance de l’échéance de livraison de son logement.
Elle subit un préjudice moral incontestable, qu’il y a lieu d’indemniser en lui octroyant une somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts.
* préjudice de jouissance :
Madame V. déplore un retard de livraison de 48,7 mois durant lequel elle n’a pu disposer de son bien.
La SCCV [Adresse 23] soutient qu’elle est responsable du retard de livraison entre le 20 avril 2023 et le 25 juillet 2023 pour avoir refusé la mise à disposition de son bien lors du rendez-vous de livraison du 20 avril 2023 en raison de l’existence de réserves, qui n’affectaient pourtant pas l’habitabilité des lieux.
Dans un courrier du 3 juin 2023, Madame V. déplorait que lors du rendez-vous de pré-livraison du 6 avril 2023, 79 réserves avaient été relevées, que le 20 avril 2023, l’électricité était coupée de sorte que la chaudière n’avait pas pu être testée, qu’il restait beaucoup trop de réserves, que de nouvelles anomalies avaient été relevées et que le rendez-vous avait été écourté par le représentant de la SCCV [Adresse 23] et sollicitait un nouveau rendez-vous de livraison du bien.
Un rapport de réserves du 2 mai 2023 fait état, à cette date, de 43 réserves dont 33 non levées.
Dans un courrier du 25 août 2023, postérieur à la livraison du bien, Madame V. déplorait encore de nombreuses réserves.
Au vu de l’état de l’appartement le 20 avril 2023, il ne saurait être imputé à Madame V. les trois mois de retard de livraison jusqu’au 25 juillet 2023.
Madame V. a subi un préjudice de jouissance incontestable, indépendamment de l’indemnisation des loyers exposés du fait de ce retard.
Il est justifié qu’elle soit indemnisée à hauteur d’une somme qui doit être évaluée à 200 euros par mois soit 9.740 euros au total.
* * *
La SCCV [Adresse 23] sera en conséquence condamnée à payer, à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices :
- à Monsieur et Madame Y., la somme de 31.255 euros ;
- à Monsieur X., la somme de 31.850 euros :
- à Monsieur Z. et Madame W., la somme de 29.050 euros ;
- à Monsieur U. et Madame T., la somme de 24.325 euros ;
- à Madame V., la somme de 25.720,20 euros.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L’équité commande de condamner la SCCV [Adresse 23] à payer aux demandeurs, contraints d’ester en justice et d’exposer des frais pour faire valoir leurs droits, la somme de 1.000 euros chacun en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Succombant, la SCCV [Adresse 23] sera condamnée aux dépens.
En application de l’article 514 du code de procédure civile, l’exécution provisoire de la présente décision est de droit et il n’y a pas lieu de l’écarter comme demandé.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
DIT la clause relative aux causes légitimes de suspension du délai de livraison contenue dans les actes d’acquisition des consorts Y., U., T., Z., W., X. et V. valide ;
DEBOUTE en conséquence Monsieur S. et Madame Y., Monsieur U. et Madame T., Monsieur Z. et Madame W., Monsieur X. et Madame V. de leur demande tendant à voir déclarer la dite clause non-écrite ;
CONDAMNE la SCCV [Adresse 23] à payer à Monsieur Y. et Madame Y. la somme de 31.255 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du retard de livraison de leur bien ;
CONDAMNE la SCCV [Adresse 23] à payer à Monsieur X. la somme de 31.850 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du retard de livraison de son bien ;
CONDAMNE la SCCV [Adresse 23] à payer à Monsieur Z. et Madame W. la somme de 29.050 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du retard de livraison de leur bien ;
CONDAMNE la SCCV [Adresse 23] à payer à Monsieur U. et Madame T. la somme de 24.325 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du retard de livraison de leur bien ;
CONDAMNE la SCCV [Adresse 23] à payer à Madame V. la somme de 25.720,20 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du retard de livraison de son bien ;
DEBOUTE Monsieur Y. et Madame Y., Monsieur U. et Madame T., Monsieur Z. et Madame W., Monsieur X. et Madame V. pour le surplus ;
CONDAMNE la SCCV [Adresse 23] à payer à Monsieur Y. et Madame Y., Monsieur U. et Madame T., Monsieur Z. et Madame W., Monsieur X. et Madame V. la somme de 1.000 euros chacun en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire et DIT n’y avoir lieu de l’écarter ;
CONDAMNE la SCCV [Adresse 23] aux dépens.
La présente décision est signée par Madame Anne MURE, Vice-Présidente, et Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,