TJ PARIS (ch. 4-1), 26 mars 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10819
TJ PARIS (ch. 4-1), 26 mars 2024 : RG n° 21/03008
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « En l'espèce, il n'est pas contesté que M. X. emploie moins de cinq salariés et que le contrat litigieux a été conclu hors établissement au sens de l'article L. 221-1, I, 2° précité du code de la consommation.
Aux termes de ce contrat, celui-ci a pour objet le financement d'une « solution Web Novavocat » et il ressort de la facture de la société Cometik, fournisseur de cette « solution », que celle-ci comportait outre la création d'un site internet, son hébergement, son référencement ainsi que le suivi de celui. Il est constant que M. X. qui exerce la profession d'avocat a signé le contrat dans le cadre de son activité professionnelle afin de promouvoir celle-ci. Cependant, cette activité qui consiste dans le conseil juridique et la représentation en justice n'a pas de lien avec la création et la mise en ligne d'un site internet, sa mise à jour, son hébergement et son référencement. Ces missions ne relèvent donc pas du champ de l'activité principale de M. X. et celui-ci est en droit de se prévaloir des dispositions du code de la consommation relatives au droit de rétractation.
Le fait que le contrat comporte une mention selon laquelle le locataire « atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » est à cet égard indifférent et ne saurait faire obstacle à l'application des dispositions protectrices du code susvisé. Les notions de « rapport direct » et de « champ de l'activité principale » sont en effet des notions distinctes, la seconde ayant remplacé la première prévue par la réglementation antérieure et imposant de se référer à la nature de l'opération financée en considération de l'activité professionnelle du client et non uniquement à la finalité de cette opération et à son utilité pour l'exercice de ladite activité.
La société Locam ne peut par ailleurs pas se prévaloir des dispositions de l’article L. 221-28 3° du code de la consommation excluant l’exercice du droit de rétractation en cas de « biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ». En effet et en premier lieu, il ressort des développements qui précèdent que la « solution Web Novavocat » comportait, outre la création du site internet, son hébergement, son référencement ainsi que le suivi de ce référencement de sorte que le contrat n'avait pas pour seul objet la fourniture d'un bien. En second lieu et en toute hypothèse, la société Locam procède par voie d'allégations générales en faisant état d'éléments de personnalisation et d'identification (identité, adresse, profession, domaine d’activité et compétences) que le site comporte « nécessairement » et en affirmant qu'il a été créé pour répondre spécifiquement aux besoins de M. X. sans produire aucune pièce pour en justifier. Elle ne démontre notamment pas que la société Cometik a fait préciser à M. X. des « spécifications » particulières et qu'elle a eu à accomplir un travail spécifique de nature à faire du site commandé un bien nettement personnalisé.
C'est également à tort que la société Locam soutient que l'opération en cause est un acte de démarchage soumis au code monétaire et financier et exclu du champ d'application du code de la consommation. En effet, il est constant que l'article L. 221-2 4° du code de la consommation exclut du champ d'application du chapitre concernant les contrats conclus à distance et hors établissement (articles L. 221-1 à L. 221-29) les contrats portant sur des services financiers, ces services étant définis par l'article 2 de la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs, dont les dispositions ont été transposées en droit interne par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 dite [O], comme « tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements ». Cependant, en l'espèce, le contrat en litige est expressément intitulé « contrat de location ». En exécution de celui-ci, la société Locam acquiert la solution Web auprès du fournisseur et se trouve donc en être propriétaire. Le locataire est tenu de payer un loyer fixe et, à l'issue du contrat, il ne dispose d'aucune option lui permettant de se voir transférer la propriété du site. L'objet principal du contrat est donc la location en contrepartie du paiement d'un loyer et non un financement. Ce contrat ne constitue dès lors ni une opération de crédit au sens du code monétaire et financier, ni un service financier au sens du code de la consommation. Le fait que la société Locam soit agréée par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et qu'elle puisse, en application de l'article L. 311-2 6° du code monétaire et financier, effectuer des « opérations de location simple de biens mobiliers » ne signifie pas pour autant que la location alors conclue doive nécessairement être qualifiée de service financier au sens du code de la consommation et que les dispositions de ce code relatives aux contrats conclus hors établissement ne s'appliquent pas. En effet, l'article L. 311-2 du code monétaire et financier se borne à définir les « opérations connexes » que les établissements de crédit et sociétés de financement sont autorisés à réaliser sans bénéficier du monopole bancaire et il ne peut en être déduit que ces établissements peuvent alors s'affranchir des règles qui peuvent par ailleurs s'appliquer au titre du code de la consommation. Les dispositions du code monétaire et financier relatives au démarchage ne permettent pas davantage de soustraire le contrat de location objet du litige aux dispositions du code de la consommation.
Il ressort de l'ensemble de ces considérations que M. X. est bien fondé à se prévaloir de l'application des dispositions du code de la consommation relatives au droit de rétractation.
Il est constant que le contrat objet du litige ne comprend aucune information sur l'existence et les modalités du droit de rétractation et qu'aucun bordereau de rétractation n'y figure. Le délai de rétractation est donc, en application de l’article L. 221-20 du code de la consommation, prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation de 14 jours. Le contrat ayant été signé le 15 novembre 2019, M. X. s'est valablement rétracté par l'envoi de sa lettre recommandée réceptionnée le 20 janvier 2020. Le contrat est donc anéanti rétroactivement et la société Locam ne peut pas en solliciter l'exécution. Elle sera par conséquent déboutée de toutes ses demandes en paiement. »
2/ « M. X. prétend que la présente procédure et les nombreuses relances de la société Locam ont été source d'un stress important et que le refus de la société de prendre en compte l'exercice de son droit de rétractation a nécessité de multiples courriers et recherches de jurisprudence. Il sollicite en conséquence l'allocation des sommes de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral et de 2.500 euros en réparation de son préjudice financier. La société Locam s'oppose à ces demandes en faisant valoir qu'elles ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur quantum et que M. X. ne pouvait pas prétendre au bénéfice des dispositions du code de la consommation relatives au droit de rétractation.
Sur ce, Il convient de rappeler que l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l’octroi de dommages et intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur équipollente au dol et que l’appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d’une faute. Or, en l'espèce, M. X. ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi de la société Locam. De plus, à l'exception de la lettre recommandée du 3 avril 2020 sollicitant la régularisation des loyers impayés sous peine de résiliation du contrat, M. X. ne justifie d'aucune autre relance de la société Locam avant l'introduction de la présente instance. De par sa qualité d'avocat, il avait en outre connaissance du déroulement d'une procédure judiciaire et était, partant, mieux à même de supporter l'inquiétude que celle-ci peut générer. Enfin, il ne produit aucune pièce pour justifier du préjudice moral qu’il allègue. Il sera par conséquent débouté de la demande de dommages et intérêts qu'il forme de ce chef. Il en sera de même de la demande formée au titre du préjudice financier. En effet, à l'exception de son courrier de rétractation, M. X. ne produit aucune correspondance adressée à la société Locam et il ne démontre pas avoir exposé pour les recherches et démarches qu'il invoque des frais distincts de ceux susceptibles d'être indemnisés au titre de l'article 700 du code de procédure civile. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS
QUATRIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
JUGEMENT DU 26 MARS 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/03008. N° Portalis 352J-W-B7F-CT4C3. Assignation du : 19 janvier 2021.
DEMANDERESSE :
SAS LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS – SAS LOCAM
[Adresse 2], [Localité 3], représentée par Maître Guillaume MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire #129
DÉFENDEUR :
Monsieur X.
[Adresse 1] , [Localité 4], représenté par Maître Moad NEFATI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0559
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente, Julie MASMONTEIL, Juge, Pierre CHAFFENET, Juge,
assistées de Nadia SHAKI, Greffier,
DÉBATS : A l’audience du 16 janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame DETIENNE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT : Prononcé par mise à disposition au greffe, Contradictoire, En premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé en date du 15 novembre 2019, M. X. a conclu avec la société Locam – Location automobiles matériels (SAS) (ci-après la société Locam) un contrat de location pour une « solution web Novavocat », contrat d'une durée de 48 mois prévoyant un loyer mensuel de 250 euros HT, soit 300 euros TTC.
Par lettre recommandée reçue le 20 janvier 2020, M. X. a informé la société Locam de ce qu'il entendait exercer son droit de rétractation.
La société Locam n'a pas pris en compte cette rétractation et, par lettre du 3 avril 2020, elle a mis M. X. en demeure de régulariser les loyers impayés en l'informant qu'à défaut, le contrat serait résilié.
Les parties n’étant pas parvenues à trouver une issue amiable à leur litige, la société Locam a, par acte extra-judiciaire du 19 janvier 2021, fait citer M. X. devant ce tribunal.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 juin 2022, la société Locam demande au tribunal de :
« Vu les dispositions des articles 1103, 1104 et 1343-2 du Code Civil
Vu les pièces versées aux débats
- JUGER la société LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Au contraire,
- JUGER Monsieur X. irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions et l’en DEBOUTER
EN CONSEQUENCE
- CONDAMNER Monsieur X. au paiement de la somme de 15.720,00 € avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L 441-10 nouveau du code de commerce) et ce à compter de la date de la mise en demeure soit le 03.04.2020
- ORDONNER l'anatocisme des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil
- ORDONNER la restitution par Monsieur X. du site objet du contrat et ce, sous astreinte par 50 euros par jour de retard à compter de la date de la signification du jugement à intervenir.
- CONDAMNER Monsieur X. au paiement de la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- CONDAMNER Monsieur X. aux entiers dépens de la présente instance
- CONSTATER l'exécution provisoire de droit de la présente décision nonobstant appel et sans constitution de garantie. ».
[*]
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 29 juin 2022, M. X. demande au tribunal de :
« Vu les articles L. 221-3, L. 221-9 et L. 221-20 du code de la consommation
Vu les pièces
DIRE et JUGER que le Défendeur était en droit de se rétracter du contrat litigieux DEBOUTER la Demanderesse de toutes ses demandes
CONDAMNER la Demanderesse aux entiers dépens de la procédure
CONDAMNER la Demanderesse à verser au Défendeur une somme de 10.000 € au titre du préjudice moral
CONDAMNER la Demanderesse à verser au Défendeur une somme de 2.500 € au titre du préjudice financier
CONDAMNER la Demanderesse à verser au Défendeur une somme de 12.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. ».
[*]
L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux dernières écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant à voir « dire et juger » et « juger » ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes. Il ne sera donc pas statué sur ces « demandes » qui ne donneront pas lieu à mention au dispositif.
Il sera également relevé que si, aux termes du dispositif de ses conclusions, la société Locam demande au tribunal de juger M. X. irrecevable en toutes ses demandes, elle ne soulève dans le corps de ses écritures aucune fin de non-recevoir, ni ne développe aucune argumentation sur ce point. Les demandes de M. X. seront par conséquent déclarées recevables.
Sur l'exercice du droit de rétractation :
M. X. fait valoir en substance que le contrat conclu avec la société Locam était soumis aux dispositions des sous-sections 2, 3 et 6 du code de la consommation mentionnées à l’article L. 221-3 du même code applicables aux relations entre consommateurs et professionnels et notamment à celles de l’article L. 221-20 relatives au droit de rétractation et qu'en l'absence de bordereau de rétraction, il s'est valablement rétracté par l'envoi de sa correspondance réceptionnée par la société Locam le 20 janvier 2020.
La société Locam objecte, en premier lieu, que les dispositions du code de la consommation relatives au droit de rétractation ne sont pas applicables en l'espèce au motif que le site internet objet du contrat constitue un bien nettement personnalisé en ce qu'il a été créé pour répondre spécifiquement aux besoins de M. X., qu'il comporte nécessairement un ensemble d’éléments de personnalisation et d’identification et qu'il ne pourra pas être transposé à une autre personne.
Elle oppose, en deuxième lieu, au visa des articles L. 311-2, L. 341-1 à L. 341-3, L. 341-11 et L. 511-1 du code monétaire et financier, que le contrat de location est un acte de démarchage financier expressément soumis aux dispositions de ce code et non à celles du code de la consommation.
Elle prétend, en troisième lieu, que le contrat a été conclu par M. X. en qualité d'avocat, pour les besoins de son activité professionnelle qu'il vise à promouvoir et qu'il entre donc dans le champ de l'activité principale d'avocat de M. X.
Sur ce,
Aux termes de l'article L. 221-1, I, 2° du code de la consommation, sont considérés comme « contrat hors établissement : tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :
a) Dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ;
b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ; (...) ».
En application de l'article L. 221-18 du même code, « Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.
Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :
1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L. 221-4 ;
2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.
Dans le cas d'une commande portant sur plusieurs biens livrés séparément ou dans le cas d'une commande d'un bien composé de lots ou de pièces multiples dont la livraison est échelonnée sur une période définie, le délai court à compter de la réception du dernier bien ou lot ou de la dernière pièce.
Pour les contrats prévoyant la livraison régulière de biens pendant une période définie, le délai court à compter de la réception du premier bien. ».
L'article L. 221-5 du code de la consommation relatif l'obligation d'information pré-contractuelle prévoit que : « Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L.111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ; (...) ».
Selon l'article L. 221-20 du même code, « Lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° de l'article L. 221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L. 221-18.
Toutefois, lorsque la fourniture de ces informations intervient pendant cette prolongation, le délai de rétractation expire au terme d'une période de quatorze jours à compter du jour où le consommateur a reçu ces informations. ».
Il résulte de l'article L. 221-3 dudit code que la faculté de rétractation ouverte aux consommateurs par les articles susvisés est étendue aux « contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. ».
En l'espèce, il n'est pas contesté que M. X. emploie moins de cinq salariés et que le contrat litigieux a été conclu hors établissement au sens de l'article L. 221-1, I, 2° précité du code de la consommation.
Aux termes de ce contrat, celui-ci a pour objet le financement d'une « solution Web Novavocat » et il ressort de la facture de la société Cometik, fournisseur de cette « solution », que celle-ci comportait outre la création d'un site internet, son hébergement, son référencement ainsi que le suivi de celui.
Il est constant que M. X. qui exerce la profession d'avocat a signé le contrat dans le cadre de son activité professionnelle afin de promouvoir celle-ci. Cependant, cette activité qui consiste dans le conseil juridique et la représentation en justice n'a pas de lien avec la création et la mise en ligne d'un site internet, sa mise à jour, son hébergement et son référencement. Ces missions ne relèvent donc pas du champ de l'activité principale de M. X. et celui-ci est en droit de se prévaloir des dispositions du code de la consommation relatives au droit de rétractation.
Le fait que le contrat comporte une mention selon laquelle le locataire « atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » est à cet égard indifférent et ne saurait faire obstacle à l'application des dispositions protectrices du code susvisé. Les notions de « rapport direct » et de « champ de l'activité principale » sont en effet des notions distinctes, la seconde ayant remplacé la première prévue par la réglementation antérieure et imposant de se référer à la nature de l'opération financée en considération de l'activité professionnelle du client et non uniquement à la finalité de cette opération et à son utilité pour l'exercice de ladite activité.
La société Locam ne peut par ailleurs pas se prévaloir des dispositions de l’article L. 221-28 3° du code de la consommation excluant l’exercice du droit de rétractation en cas de « biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ». En effet et en premier lieu, il ressort des développements qui précèdent que la « solution Web Novavocat » comportait, outre la création du site internet, son hébergement, son référencement ainsi que le suivi de ce référencement de sorte que le contrat n'avait pas pour seul objet la fourniture d'un bien.
En second lieu et en toute hypothèse, la société Locam procède par voie d'allégations générales en faisant état d'éléments de personnalisation et d'identification (identité, adresse, profession, domaine d’activité et compétences) que le site comporte « nécessairement » et en affirmant qu'il a été créé pour répondre spécifiquement aux besoins de M. X. sans produire aucune pièce pour en justifier. Elle ne démontre notamment pas que la société Cometik a fait préciser à M. X. des « spécifications » particulières et qu'elle a eu à accomplir un travail spécifique de nature à faire du site commandé un bien nettement personnalisé.
C'est également à tort que la société Locam soutient que l'opération en cause est un acte de démarchage soumis au code monétaire et financier et exclu du champ d'application du code de la consommation.
En effet, il est constant que l'article L. 221-2 4° du code de la consommation exclut du champ d'application du chapitre concernant les contrats conclus à distance et hors établissement (articles L. 221-1 à L. 221-29) les contrats portant sur des services financiers, ces services étant définis par l'article 2 de la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs, dont les dispositions ont été transposées en droit interne par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 dite [O], comme « tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements ».
Cependant, en l'espèce, le contrat en litige est expressément intitulé « contrat de location ». En exécution de celui-ci, la société Locam acquiert la solution Web auprès du fournisseur et se trouve donc en être propriétaire. Le locataire est tenu de payer un loyer fixe et, à l'issue du contrat, il ne dispose d'aucune option lui permettant de se voir transférer la propriété du site. L'objet principal du contrat est donc la location en contrepartie du paiement d'un loyer et non un financement. Ce contrat ne constitue dès lors ni une opération de crédit au sens du code monétaire et financier, ni un service financier au sens du code de la consommation.
Le fait que la société Locam soit agréée par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et qu'elle puisse, en application de l'article L.311-2 6° du code monétaire et financier, effectuer des « opérations de location simple de biens mobiliers » ne signifie pas pour autant que la location alors conclue doive nécessairement être qualifiée de service financier au sens du code de la consommation et que les dispositions de ce code relatives aux contrats conclus hors établissement ne s'appliquent pas. En effet, l'article L.311-2 du code monétaire et financier se borne à définir les « opérations connexes » que les établissements de crédit et sociétés de financement sont autorisés à réaliser sans bénéficier du monopole bancaire et il ne peut en être déduit que ces établissements peuvent alors s'affranchir des règles qui peuvent par ailleurs s'appliquer au titre du code de la consommation.
Les dispositions du code monétaire et financier relatives au démarchage ne permettent pas davantage de soustraire le contrat de location objet du litige aux dispositions du code de la consommation.
Il ressort de l'ensemble de ces considérations que M. X. est bien fondé à se prévaloir de l'application des dispositions du code de la consommation relatives au droit de rétractation.
Il est constant que le contrat objet du litige ne comprend aucune information sur l'existence et les modalités du droit de rétractation et qu'aucun bordereau de rétractation n'y figure. Le délai de rétractation est donc, en application de l’article L. 221-20 du code de la consommation, prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation de 14 jours. Le contrat ayant été signé le 15 novembre 2019, M. X. s'est valablement rétracté par l'envoi de sa lettre recommandée réceptionnée le 20 janvier 2020. Le contrat est donc anéanti rétroactivement et la société Locam ne peut pas en solliciter l'exécution. Elle sera par conséquent déboutée de toutes ses demandes en paiement.
Il sera fait droit à la demande de restitution du site à laquelle M. X. ne s'oppose pas en précisant qu'il ne l'a jamais utilisé. Le prononcé d'une astreinte n'apparaît dès lors pas nécessaire.
Sur les demandes de dommages et intérêts de M. X. :
M. X. prétend que la présente procédure et les nombreuses relances de la société Locam ont été source d'un stress important et que le refus de la société de prendre en compte l'exercice de son droit de rétractation a nécessité de multiples courriers et recherches de jurisprudence. Il sollicite en conséquence l'allocation des sommes de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral et de 2.500 euros en réparation de son préjudice financier.
La société Locam s'oppose à ces demandes en faisant valoir qu'elles ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur quantum et que M. X. ne pouvait pas prétendre au bénéfice des dispositions du code de la consommation relatives au droit de rétractation.
Sur ce,
Il convient de rappeler que l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l’octroi de dommages et intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur équipollente au dol et que l’appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d’une faute. Or, en l'espèce, M. X. ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi de la société Locam.
De plus, à l'exception de la lettre recommandée du 3 avril 2020 sollicitant la régularisation des loyers impayés sous peine de résiliation du contrat, M. X. ne justifie d'aucune autre relance de la société Locam avant l'introduction de la présente instance. De par sa qualité d'avocat, il avait en outre connaissance du déroulement d'une procédure judiciaire et était, partant, mieux à même de supporter l'inquiétude que celle-ci peut générer. Enfin, il ne produit aucune pièce pour justifier du préjudice moral qu’il allègue. Il sera par conséquent débouté de la demande de dommages et intérêts qu'il forme de ce chef.
Il en sera de même de la demande formée au titre du préjudice financier. En effet, à l'exception de son courrier de rétractation, M. X. ne produit aucune correspondance adressée à la société Locam et il ne démontre pas avoir exposé pour les recherches et démarches qu'il invoque des frais distincts de ceux susceptibles d'être indemnisés au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les demandes accessoires :
La société Locam qui succombe sera condamnée aux dépens et à verser à M. X. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances introduites comme en l'espèce à compter du 1er janvier 2020. Aucun motif ne justifie de l'écarter.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
Déclare M. X. recevable en ses demandes ;
Déboute la société Locam – Location automobiles matériels (SAS) de l'intégralité de ses demandes en paiement ;
Ordonne à M. X. de restituer le site objet du contrat et ce, dans un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement ;
Déboute M. X. de ses demandes de dommages et intérêts ;
Condamne la société Locam – Location automobiles matériels (SAS) à payer à M. X. la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Locam – Location automobiles matériels (SAS) aux dépens ;
Rappelle que la présente décision bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l’exposé du litige ;
Fait et jugé à Paris le 26 Mars 2024.
Le Greffier La Présidente
Nadia SHAKI Géraldine DETIENNE