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TJ BOBIGNY (6e ch. 3e sect.), 25 mars 2024

Nature : Décision
Titre : TJ BOBIGNY (6e ch. 3e sect.), 25 mars 2024
Pays : France
Demande : 22/11849
Décision : 24/00174
Date : 25/03/2024
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Judilibre
Numéro de la décision : 174
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10822

TB BOBIGNY (6e ch. 3e sect.), 25 mars 2024 : RG n° 22/11849 ; jugt n° 24/00174 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L’article 1194 du même code ajoute que les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi.

A défaut d’exécution du contrat, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut notamment, selon l'article 1217 du même code, agir en exécution forcée et/ou réclamer des dommages et intérêts.

Toutefois, l'article 1231-6 du même code précise que les dommages et intérêts dus en raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent ne consistent que dans l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure, et l'éventuel préjudice indépendant de ce retard, qui ne serait pas réparé par les seuls intérêts moratoires, ne peut être indemnisé qu'en cas de mauvaise foi du débiteur.

Il résulte de l'application combinée des articles 1353 du même code, L. 112-2 et R. 112-3 du code des assurances, qu'il incombe à l'assureur qui entend opposer à son assuré une condition particulière, ou une clause d'exclusion, de limitation ou de déchéance de garantie, de rapporter la preuve que l'assuré en a eu connaissance et l'a acceptée ; à ce titre, une mention pré-remplie des conditions particulières, signées par l'assuré, attestant que ce dernier a pris connaissance des conditions générales, incluant la clause que l'assureur entend lui opposer, est suffisante à démontrer non seulement la connaissance mais encore la remise desdites conditions générales. »

2/ « En l’espèce, il résulte des conditions particulières que la SA l’Equité est l’assureur du véhicule litigieux.

Au soutien de sa demande de règlement d’une indemnité d’assurance de dommages, Mme X. épouse Y. sollicite l’application de la garantie vol stipulée aux conditions particulières et générales de la police d’assurance (article 3.B. du chapitre 2).

L’assureur fait d’abord valoir que « conformément aux Conditions Générales Titre I - chapitre 2, la garantie vol sera acquise en cas de sinistre si le véhicule est équipé d’une protection. Le niveau de protection exigé est indiqué en page 1 des Conditions Particulières : Niveau 1 – Pas de protection spécifique – équipement de série du véhicule […] » (page 3 des conditions particulières). En page une des conditions particulières, la « protection vol » exigée est un « antivol d’origine constructeur ».

Or, il résulte du formulaire relatif à l’état descriptif du véhicule, renseigné par la demanderesse le 18 mai 2021, que celle-ci a admis que son véhicule ne disposait pas du système antivol exigé par le contrat puisqu’elle a coché la réponse NON à la question le véhicule « est-il muni du système antivol exigé au contrat ». Cependant, compte-tenu du fait que l’antivol exigé au contrat est celui d’origine constructeur et de ce que le véhicule a été mis en circulation en 2013, ce ne peut être que par méprise ou mégarde que Mme X. épouse Y. a coché la réponse « non ». Il est en effet impossible que Mme X. épouse Y. ait volontairement retiré un antivol de série du véhicule. Le moyen est donc insusceptible de prospérer.

L’assureur oppose ensuite à Mme X. épouse Y. la clause de déchéance de garantie à l’article 5 du chapitre 2 des conditions générales de la police : « Important […] Vous perdez tout droit à indemnité si, volontairement, vous faites de fausses déclarations sur la date, la nature, les causes, circonstances ou conséquences du sinistre, la date et la valeur d’achat, l’état général ou le kilométrage du véhicule, ou sur l’existence d’autres assurances pouvant garantir le sinistre. Il en sera de même si vous employez sciemment des documents inexacts comme justificatifs ou usez de moyens frauduleux » Cette clause fait l’objet d’un rappel en page 14 des conditions générales : « FAUSSE DECLARATIONS En cas de fausses déclarations faites sciemment, sur la nature, les causes, les circonstances ou les conséquences d’un sinistre, vous perdez pour ce sinistre le bénéfice des garanties de votre contrat ».

Les conditions particulières, signées par l’assurée, comportent une mention préremplie indiquant que « le souscripteur déclare et reconnaît : avoir reçu et accepté sans réserve les présentes Conditions particulières et Conditions Générales référencées : CG_AUTO_11.2019 », de sorte que la clause de déchéance de garantie figurant auxdites conditions générales est opposable à Mme X. épouse Y.

Par ailleurs, dès lors que cette cause de déchéance de garantie est stipulée à deux reprises dans les conditions générales et que les clauses sont écrites en caractères gras dans un encadré grisé, il sera jugé qu’elles répondent au formalisme exigé par l’article L. 112-4 du code des assurances, étant observé que, s’agissant d’un contrat complexe, la multiplicité des encadrés et mentions en caractères gras, fort commune en matière d’assurance, ne peut être regardée comme portant atteinte à leur caractère apparent. Elles sont enfin rédigées de façon suffisamment claire et compréhensible au sens des articles L. 211-1 code de la consommation et L. 113-1 du code des assurances.

Mme X. épouse Y. soutient que ces clauses ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et sont donc abusives.

Il sera d’abord relevé que les clauses querellées restreignent le périmètre de la fausse déclaration à certaines hypothèses ayant une incidence sur l’appréciation de la situation par l’assureur : - les circonstances du sinistre (date, nature, causes, circonstances ou conséquences), qui constituent des éléments nécessaires à l’appréciation des conditions de la garantie ; - aux caractéristiques du véhicule (date et valeur d’achat, état général, kilométrage), qui constituent des éléments nécessaires à l’évaluation de l’indemnité due à l’assuré ; - à l’existence d’autres assurances pouvant garantir le sinistre, qui est susceptible d’avoir une incidence sur sa prise en charge ; - à l’utilisation de justificatifs inexacts ou de moyens frauduleux, qui, par leur nature, sont susceptibles de tromper l’assureur.

La fausse déclaration doit en outre avoir été faite « sciemment » ou « volontairement », ce qui exclut les hypothèses de l’erreur ou de la simple négligence. L’efficacité de la clause est ainsi subordonnée à la démonstration, par l’assureur qui s’en prévaut, de la mauvaise foi de l’assuré révélant la recherche d’un avantage indu au détriment de l’entreprise et de la collectivité des assurés. Cette prohibition des fausses déclarations volontaires ou faites sciemment présente donc un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel entre assureur et assuré et sa violation constitue une inexécution suffisamment grave pour justifier la déchéance de garantie. Il s’ensuit que les clauses querellées ne sauraient être considérées comme étant abusives et que la demande tendant à les voir réputer non écrites sera rejetée.

Il ne sera enfin pas répondu aux moyens tirés des articles L. 121-6 et L. 121-7 du code de la consommation dès lors que cela supposerait, pour la présente juridiction, de se prononcer sur la qualification du délit de pratiques commerciales agressives, qui relève de la compétence des juridictions répressives.

S’agissant des conditions de la mise en œuvre des clauses de déchéance de garantie, le rapport d’enquête privée contient un échange WhatsApp du 15 avril 2021 (le lendemain du dépôt de la plainte pour le vol du véhicule) entre Mme X. épouse Y. et le garagiste lui ayant vendu le véhicule litigieux.

Il ressort de cet échange que : - le 14 avril 2021 (jour du dépôt de plainte), le garagiste lui soumet une annonce pour l’achat d’un véhicule Peugeot 5008 et que Mme X. épouse Y. l’interroge « et pour l achat de voiture ? » ; - le 15 avril 2021, le garagiste lui indique « Nous pourrons racheter le Countryman [i.e. le véhicule litigieux] 9000 € en bon état et si vous racheter une voiture chez nous ? » ; - le 15 avril 2021, Mme X. épouse Y. lui répond : « Bonsoir [G] / Je serais intéressée par la 5008 / Je passes la bloquer début de semaine prochaine. / La mini a était vendu j’ai eu une meilleur offre. / merci de me faire un retour » ; - les 28 et 29 avril, Mme X. épouse Y. sollicite du garagiste qu’il lui transmette le contrôle technique du véhicule Mini Countryman ; - le 4 mai, Mme X. épouse Y. sollicite du garagiste l’envoi de la facture d’achat et d’une preuve de paiement du véhicule Mini Countryman.

Contrairement à ce que soutient Mme X. épouse Y., il est suffisamment établi qu’elle est à l’origine de ces conversations dès lors qu’elle s’y présente comme l’acheteuse du Mini Countryman, qu’elle en sollicite la preuve d’achat et le contrôle technique dans un temps contemporain de la déclaration de sinistre (dans le cadre de laquelle l’assureur lui a demandé ces documents), et qu’elle y communique une adresse de courriel personnelle identique à celle utilisée dans ses échanges avec l’assureur. Ainsi, alors que Mme X. épouse Y. a déclaré le vol de son véhicule Mini Countryman le 14 avril 2021 à 16h45, elle a ensuite indiqué au garagiste, qui lui proposait un rachat, qu’elle l’avait vendu à une tierce personne. Si Mme X. épouse Y. soutient qu’elle n’était point tenue de dire la vérité au garagiste et qu’elle avait un intérêt, dans l’hypothèse où le véhicule serait retrouvé, à lui dissimuler le vol afin de ne pas perturber l’appréciation de sa valeur par le commerçant qui le rachèterait, cela n’explique en réalité nullement pourquoi elle a indiqué qu’elle l’avait cédé à un tiers là où elle pouvait se contenter de lui opposer un simple refus. Cette contradiction flagrante entre le vol déclaré à la police et à l’assureur et ses déclarations au garagiste démontrent que Mme X. épouse Y. a menti sur la réalité du sinistre qu’elle allègue. Compte-tenu de l’avantage économique susceptible d’être retiré d’une indemnisation par l’assurance (la VRADE a été fixée à 10.240 euros), la fausse déclaration n’a pu être faite que de façon intentionnelle.

Il s’ensuit que la clause de déchéance de garantie est satisfaite et que Mme X. épouse Y. sera déboutée de ses demandes en paiement relatives au sinistre. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

SIXIÈME CHAMBRE TROISIÈME SECTION

ARRÊT DU 25 MARS 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/11849. N° Portalis DB3S-W-B7G-XAU5. Jugement n° 24/00174.

 

DEMANDEUR :

Madame X. épouse Y.

née le [Date naissance 1] à [Localité 9], [Adresse 4], [Localité 7], représentée par Maître Hugo PETIT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 2049

 

DÉFENDEURS :

La société APRIL PARTENAIRES

[Adresse 2], [Localité 5], représentée par Maître Philippe RAVAYROL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L 0155

La société L’EQUITÉ COMPAGNIE D’ASSURANCES ET DE RÉASSURANCES CONTRE LES RISQUES DE TOUTE NATURE

[Adresse 3], [Localité 6], représentée par Maître Philippe RAVAYROL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L 0155

La société GENERALI IARD

[Adresse 3], [Localité 6], représentée par Maître Philippe RAVAYROL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L 0155

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats et du délibéré :

Président : Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, Vice-Président

Assesseurs : Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge, Magistrat ayant fait rapport à l’audience, Monsieur François DEROUAULT, Juge

Assisté aux débats : Madame Reine TCHICAYA, Greffier

DÉBATS : Audience publique du 22 janvier 2024, à cette date, l’affaire été mise en délibéré au 25 Mars 2024.

JUGEMENT : Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort, signé par Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, assisté de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Suivant acte sous seing privé du 10 décembre 2019, Mme X. épouse Y. a souscrit auprès de la SA L’Equité (filiale de la SA Generali IARD), et par l’intermédiaire de la SAS April partenaires, une assurance automobile pour un véhicule Mini Countryman immatriculé [Immatriculation 8].

Le 14 avril 2021, Mme X. épouse Y. a porté plainte pour le vol de son véhicule puis a effectué, le 28 avril 2021, une déclaration de sinistre auprès de son conseiller, la société Vitalys assurances.

Suivant rapport déposé le 23 juin 2021, le cabinet Guy Jean-Baptiste a évalué la valeur de remplacement à dire d’expert du véhicule.

Par courriel du 2 juillet 2021, la SAS April partenaires a indiqué à Mme X. épouse Y. que le dossier avait été transmis à la SA L’Equité « pour accord de règlement ».

La SA L’Equité a diligenté une enquête, confiée au cabinet Ides investigations, qui a déposé un rapport le 31 juillet 2021.

Le 2 août 2021, la SA Genarali IARD (société mère de la SA L’Equité) a opposé un refus de prise en charge à Mme X. épouse Y.

Mme X. épouse Y. a saisi le médiateur de l’assurance.

Par courriers des 1er octobre 2021 et 3 janvier 2022, le conseil de Mme X. épouse Y. a mis en demeure la SAS April partenaires, Vitalys assurances et la SA Generali IARD d’avoir à verser à l’assurée la somme de 10.240 euros.

C’est dans ces conditions que Mme X. épouse Y. a, par actes d’huissier des 22 et 24 novembre 2022, fait assigner la SAS April partenaires, la SA L’Equité et la SA Generali IARD devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins notamment de solliciter l’indemnisation de son préjudice.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 octobre 2023 par ordonnance du même jour, et l'affaire appelée à l'audience de plaidoiries du 22 janvier 2024.

Le jugement a été mis en délibéré au 25 mars 2024, date de la présente décision.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 septembre 2023, Mme X. épouse Y. demande au tribunal judiciaire de Bobigny de :

- juger irrecevable la pièce n° 2 des défenderesses ;

- juger les clauses de déchéance alléguées abusives et les réputer non écrites ;

- débouter les défenderesses de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 10.240 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2021, au titre de l’indemnisation du sinistre ;

- condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant du retard d’indemnisation, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;

- condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;

- condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant de la résistance abusive, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;

- condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant de la violation de ses droits fondamentaux à la protection de ses données à caractère personnel et au respect de sa vie privée, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;

- condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, Mme X. épouse Y. fait valoir :

- au visa des articles 1103, 1217, 1221 et 1231-6 du code civil et L. 113-5, L. 121-1 et L. 121-6 du code des assurances, qu’il résulte des articles 3 du chapitre 2 et 2 du chapitre 3 des conditions générales du contrat que les conditions d’application de la garantie vol sont réunies ;

- que l’assureur lui oppose le fait qu’elle aurait fourni un faux relevé de compte et une fausse facture d’achat ; que ces allégations sont infondées ; que ces documents ne sont d’aucune utilité dès lors que la jurisprudence considère que les conditions d’acquisition du bien sont sans influence sur les droits tirés de la garantie ;

- qu’il n’est pas démontré qu’elle a frauduleusement déclaré le vol dès lors que de simples échanges WhatsApp avec le garagiste (dans lesquels elle indique avoir cédé le véhicule à un tiers) sont insuffisamment probants et qu’elle avait parfaitement le droit de lui dissimuler la vérité ;

- que la SAS April partenaires doit être tenue à garantie puisque le contrat (conditions générales et particulières) porte son logo et contient plusieurs mentions de cette société ; qu’elle doit donc être considérée comme le cocontractant et le coassureur ;

- que la SA Generali IARD doit être tenue à garantie dès lors que plusieurs courriers adressés à la demanderesse comportent son logo ; qu’elle s’est substituée à L’Equité et à April ; qu’il y a ainsi lieu de faire application du régime de la gestion d’affaires des articles 1301 et suivants du code civil ; que cette opacité est au demeurant caractéristique de pratiques commerciales trompeuses pénalement répréhensibles ;

- au visa du droit au respect de la vie privée et du RGPD, que le rapport d’enquête privée est illicite et doit être écarté des débats dès lors qu’est caractérisée une violation de la protection due aux données à caractère personnel ; qu’en effet, ces données ont été transmises à Generali par April/L’Equité et à l’enquêteur privé sans information et sans son consentement ; que la production d’échanges privés tenus avec un tiers sur WhatsApp constitue une violation de son droit au respect de la vie privée ;

- s’agissant de la déchéance de garantie en cas de fausse déclaration sur le sinistre qui lui est opposée par les assureurs, au visa des articles L. 112-2 et L. 112-4 du code des assurances, L. 211-1, L. 121-7 et L. 212-1 du code de la consommation, et L. 561-10-2 du code monétaire et financier, que la demande de justification du paiement du véhicule lors de l’achat est constitutive d’une pratique commerciale agressive ; que les clauses de déchéance alléguées sont abusives dès lors qu’elles excluent toute indemnisation et doivent ainsi être réputées non-écrites ;

- qu’en tout état de cause, les conditions d’application de ces clauses de déchéance de garantie ne sont pas réunies (mention en caractères très apparents, défaut de preuve de ce qu’elles figuraient dans les conditions générales initiales) et que la mauvaise foi de Mme X. n’est pas démontrée ;

- au visa de l’article L. 211-1 du code de la consommation, que la clause exigeant un antivol constructeur n’est pas claire ; que la garantie n’est aucunement conditionnée à la présence d’un quelconque système antivol ;

- qu’elle justifie de divers préjudices résultant de l’inexécution contractuelle imputable aux assureurs qui doivent être réparés.

*

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 janvier 2024, la SAS April partenaires, la SA L’Equité et la SA Generali IARD demandent au tribunal judiciaire de Bobigny de :

A titre principal,

- ordonner la mise hors de cause de la SAS April partenaires et de la SA Generali IARD ;

- débouter Mme X. de l’ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- limiter le montant de toute indemnité susceptible d’être allouée à Mme X. au titre des dommages matériels ayant affecté le véhicule lors du sinistre à la somme de 10.240 euros TTC, correspondant à la valeur à dire d’expert, déduction faite de la franchise contractuelle (11.000 € - 760 €) ;

- débouter Mme X. de ses demandes de dommages et intérêts complémentaires formées au titre d’un prétendu retard dans l’exécution du contrat, d’un prétendu préjudice moral et d’une prétendue résistance abusive ;

- débouter Mme X. de sa demande en paiement de dommages et intérêts tirée de la violation de ses données personnelles ;

En tout état de cause,

- condamner Mme X. à leur payer la somme de 3.000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme X. aux dépens, avec bénéfice du droit prévu par les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions, la SAS April partenaires, la SA L’Equité et la SA Generali IARD font valoir :

- s’agissant des demandes présentées contre la SAS April partenaires, qu’il est de jurisprudence constante qu’un courtier d’assurance ne saurait être tenu d’indemniser le dommage d’un assuré dès lors qu’il n’est pas l’assureur en charge du risque ; qu’il résulte clairement des conditions particulières que l’assureur du véhicule est la SA L’Equité ;

- que la SA L’Equité est une filiale de la SA Generali IARD ; que la théorie du mandat apparent est sans objet dès lors que le véritable assureur, la SA L’Equité, a été régulièrement assignée ; qu’il n’y a nulle pratique commerciale trompeuse ;

- au visa des articles 1103 et 1353 du code civil, que les conditions d’application de la garantie ne sont pas réunies ; que la présence d’un « antivol d’origine constructeur » est une condition de la garantie et non une clause d’exclusion ; que l’assurée échoue à rapporter la preuve de la présence de ce dispositif de protection ; que l’assurée a admis qu’elle n’en disposait point ;

- que Mme X. a fait de fausses déclarations au moment du sinistre, ce qui constitue contractuellement une cause de déchéance de garantie ; que la clause répond au formalisme légal ;

- subsidiairement, que le préjudice matériel ne saurait être plus ample que la VRADE ; que les autres préjudices ne sont pas démontrés ;

- que Mme X. ne justifie pas de la violation de ses données personnelles, que le seul fait que le courrier lui ayant été envoyé comporte le logo de la SA Generali IARD ne permet à l’évidence pas de déduire que la SA L’Equité a transmis à cette dernière des données personnelles ; que, s’agissant d’April, l’assurée l’a désignée comme mandataire exclusif pour le placement et la gestion du risque assuré, si bien qu’elle pouvait avoir accès auxdites données.

*

Pour un plus ample exposé des moyens développés par la ou les parties ayant conclu, il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la révocation de l’ordonnance de clôture du 11 octobre 2023 :

En l’espèce, la clôture de l’instruction a été prononcée le 11 octobre 2023 par ordonnance du même jour.

Par conclusions notifiées le 29 décembre 2023 par voie électronique, les défenderesses ont sollicité la révocation de ladite ordonnance.

Par message RPVA du 3 janvier 2024, Mme X. épouse Y. a exprimé son accord pour une révocation de l’ordonnance de clôture sans renvoi à la mise en état.

Le 18 janvier 2024, les défenderesses ont notifié par voie électronique de nouvelles conclusions récapitulatives.

Considération prise de l’accord des parties, il convient de révoquer l’ordonnance de clôture du 11 octobre 2023, de recevoir les conclusions notifiées par voie électronique le 18 janvier 2024 par la SAS April partenaires, la SA L’Equité et la SA Generali IARD, et d’ordonner la clôture à la date du 22 janvier 2024.

 

Sur le rapport d’enquête privée du 31 juillet 2021 :

Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, l’article 1353 du code civil disposant, qu’en matière contractuelle, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, et que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Vu l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon lequel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement.

Vu l'article 8 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon lequel toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

L’article 9 du code civil dispose que chacun a droit au respect de sa vie privée.

Dans les rapports entre un assureur et un assuré, la Cour de cassation juge que le droit à la preuve ne peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée qu'à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi (voir en ce sens : Civ. 1ère, 25 février 2016, nº 15-12.403).

En l’espèce, pour opposer la clause de déchéance de garantie stipulée au contrat, les défendeurs se fondent sur un rapport d’enquête privée contenant des échanges WhatsApp entre la demanderesse et le garage auprès duquel elle a acquis le véhicule litigieux, dans lesquels Mme X. épouse Y. indiquait, le 15 avril 2021, qu’elle avait vendu le véhicule Mini Countryman, alors qu’elle en avait dénoncé le vol la veille.

Arguant, au visa du droit au respect de la vie privée et des articles 12 et suivants du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données dit « RGPD »), d’une violation de ses données personnelles et du droit au respect de sa vie privée, Mme X. épouse Y. sollicite du tribunal qu’il écarte des débats le rapport d’enquête privée du 31 juillet 2021.

Ainsi, et contrairement à ce que soutiennent les défenderesses, la question soulevée n’est pas celle de la recevabilité d’un rapport d’enquête privée, admise par la jurisprudence, mais celle d’un rapport contenant des données personnelles transmises à un assureur dans le cadre de la souscription d’un contrat et des échanges couverts par le secret des correspondances.

 

S’agissant du défaut d’information de la possibilité de solliciter des preuves d’achat en cours d’exécution du contrat

L’article 12 du RGPD dispose notamment que le responsable du traitement prend des mesures appropriées pour fournir toute information visée aux articles 13 et 14 ainsi que pour procéder à toute communication au titre des articles 15 à 22 et de l'article 34 en ce qui concerne le traitement à la personne concernée d'une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible, en des termes clairs et simples

L’article 13 2) e) du RGPD dispose que, en plus des informations visées au paragraphe 1, le responsable du traitement fournit à la personne concernée, au moment où les données à caractère personnel sont obtenues, les informations complémentaires suivantes qui sont nécessaires pour garantir un traitement équitable et transparent : […] des informations sur la question de savoir si l'exigence de fourniture de données à caractère personnel a un caractère réglementaire ou contractuel ou si elle conditionne la conclusion d'un contrat et si la personne concernée est tenue de fournir les données à caractère personnel, ainsi que sur les conséquences éventuelles de la non-fourniture de ces données.

Mme X. épouse Y. fait d’abord valoir, au visa des articles 12 et 13 2) e) du RGPD, que l’assureur n’avait pas le droit de lui demander, en cours d’exécution du contrat et lors de la gestion du sinistre, des preuves de paiement du véhicule litigieux sans l’avoir informée en amont de la conclusion du contrat qu’il serait susceptible de le faire.

Or, force est de relever que les conditions générales prévoient (chapitre 3, article 2 « gestion des sinistres ») : « vous devez également […] nous fournir à notre demande, toutes pièces nécessaires à la gestion du sinistre : attestations, facture, dépôt de plainte, constats, certificats de non gage etc » (page 11), de sorte que Mme X. épouse Y. a bien été prévenue de cette possibilité.

 

S’agissant de la transmission des données personnelles de Mme X. épouse Y. à la SA Generali IARD et à l’enquêteur privé

Mme X. épouse Y. fait ensuite valoir que les données collectées par la SAS April partenaires et la SA l’Equité ont nécessairement été communiquées à la SA Generali IARD, laquelle les a transmises à l’enquêteur privé en méconnaissance de l’article 14 du RGPD, lequel prévoit que la personne dont les données sont traitées doit être informée « s'il est envisagé de communiquer les informations à un autre destinataire », « au plus tard lorsque les données à caractère personnel sont communiquées pour la première fois ».

Il résulte en effet du rapport d’enquête privée que la société Ides investigations :

- a été commise par la SA Generali IARD, tiers au contrat d’assurance litigieux ;

- a eu accès à deux relevés de compte LCL ainsi qu’à la facture d’achat et la facture de réparation du véhicule, ces documents ayant été transmis par Mme X. épouse Y. au moment du sinistre sur requête de l’assureur.

S’agissant de la transmission des données à la SA Generali IARD (société mère de la SA l’Equité, assureur de Mme X. épouse Y.), le tribunal considère que le seul fait que l’enquêteur privé indique qu’il a été commis par celle-ci ne suffit pas à établir un quelconque manquement au droit à la protection des données personnelles dès lors que, s’agissant de la société mère de l’assureur du véhicule, il est parfaitement possible que ces sociétés aient un service unique de gestion des prestataires, parmi lesquels les enquêteurs privés.

S’agissant de la transmission de ces documents à l’enquêteur privé, force est de relever qu’elle est prévue par le contrat (page 4 des conditions particulières) : « selon les finalités, nous transmettons vos données aux organismes suivants : nos prestataires intervenant dans le traitement de vos données, dans le strict cadre de leurs missions », étant par ailleurs observé que les conditions particulières font état du droit de l’assuré, selon les formes prévues par le RGPD, de s’opposer ou de limiter le traitement des données personnelles.

 

Sur le moyen tiré de la violation du droit au respect de la vie privée par la production d’une conversation privée :

En l’espèce, la production en justice de conversations électroniques privées entre des tiers et à l’insu de son auteur est, par elle-même, de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée, qui inclut la protection du secret des correspondances.

Il y a donc lieu d’examiner si la production en justice de conversations électroniques entre des tiers constitue, au nom du droit à la preuve, une atteinte nécessaire et proportionnée au droit au respect de la vie privée dont se prévaut Mme X. épouse Y.

Les assureurs cherchent ici à démontrer l’efficacité de la clause d’exclusion de garantie stipulée à l’article 5 des conditions générales de la police, selon lequel « vous perdez tout droit à indemnité si, volontairement, vous faites de fausses déclarations sur la date, la nature, les causes, circonstances ou conséquences du sinistre, la date et la valeur d’achat, l’état général ou le kilométrage du véhicule […] Il en sera de même si vous employez sciemment des documents inexacts comme justificatifs ou usez de moyens frauduleux ».

Ils ont donc un intérêt manifeste à prouver que Mme X. épouse Y. a frauduleusement déclaré le vol de son véhicule (qu’elle indique avoir vendu dans les messages WhatsApp en cause).

Il doit ici être observé que Mme X. épouse Y. ne pouvait ignorer que les conversations WhatsApp seraient susceptibles d’être rediffusées par leur destinataire, qu’elles ont été volontairement remises à l’enquêteur privé par le garagiste ayant vendu le véhicule à la demanderesse et qu’elles ne sont couvertes par aucun secret protégé par la loi, de sorte qu’elles n’ont manifestement pas été obtenues de façon frauduleuse.

Par ailleurs, dès lors qu’aucune mesure d’instruction légalement admissible dans un procès civil ne permettrait d’établir la réalité de cette cession, l’ingérence dans la vie privée de Mme X. épouse Y. est rendue nécessaire par le droit dont disposent les défenderesses à rapporter la preuve des faits qu’elles allèguent, en l’espèce le caractère frauduleux de la déclaration de vol.

Ainsi, la production des conversations WhatsApp dans un rapport d’enquête privée étant le seul moyen pour les assureurs de démontrer la fraude de l’assurée, l’ingérence dans le droit à la vie privée de celle-ci doit être considérée comme nécessaire au regard du but poursuivi et proportionnée.

Il s’ensuit que la demande tendant à voir écarter la pièce n°2 des défenderesses sera rejetée.

 

Sur les demandes principales en paiement :

L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L’article 1194 du même code ajoute que les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi.

A défaut d’exécution du contrat, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut notamment, selon l'article 1217 du même code, agir en exécution forcée et/ou réclamer des dommages et intérêts.

Toutefois, l'article 1231-6 du même code précise que les dommages et intérêts dus en raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent ne consistent que dans l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure, et l'éventuel préjudice indépendant de ce retard, qui ne serait pas réparé par les seuls intérêts moratoires, ne peut être indemnisé qu'en cas de mauvaise foi du débiteur.

Il résulte de l'application combinée des articles 1353 du même code, L. 112-2 et R. 112-3 du code des assurances, qu'il incombe à l'assureur qui entend opposer à son assuré une condition particulière, ou une clause d'exclusion, de limitation ou de déchéance de garantie, de rapporter la preuve que l'assuré en a eu connaissance et l'a acceptée ; à ce titre, une mention pré-remplie des conditions particulières, signées par l'assuré, attestant que ce dernier a pris connaissance des conditions générales, incluant la clause que l'assureur entend lui opposer, est suffisante à démontrer non seulement la connaissance mais encore la remise desdites conditions générales.

Par ailleurs, l'article L. 113-1 du code des assurances précise que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur :

- sauf exclusion conventionnelle - à la condition qu'elle soit formelle (claire et ne laissant aucune place à l'interprétation), limitée (ne vidant pas la garantie accordée de toute substance) et rédigée en caractères très apparents au sens de l'article L112-4 du même code -,

- sauf exclusion légale en cas de faute intentionnelle - lorsque l'assuré a voulu le dommage tel qu'il s'est réalisé - ou dolosive de l'assuré - lorsque l'assuré adopte délibérément un comportement dont il ne peut ignorer qu'il rend inéluctable la réalisation du risque assuré.

A ce dernier égard, il ressort des dispositions du code des assurances que, pour être valable, une clause d’exclusion de garantie doit être formelle (claire et ne laissant aucune place à l’interprétation, ce qui exclut de lui appliquer les dispositions des articles 1188 à 1192 du code civil relatifs à l’interprétation du contrat) et limitée (ne vidant pas la garantie accordée de toute substance) au sens de l’article L. 113-1, et rédigée en caractères très apparents au sens de l’article L. 112-4.

L’article L. 211-1 du code de la consommation dispose que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible. Elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur.

L’article L. 212-1 du code de la consommation dispose que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Conformément à l'article 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil, il incombe à l'assuré de justifier que les conditions nécessaires à l'application de la garantie d'assurance sont réunies, et à l'assureur qui s'en prévaut de démontrer que les conditions nécessaires à l'application d'une clause de déchéance ou d’exclusion de garantie sont réunies.

 

Sur les demandes présentées contre la SAS April partenaires :

En l’espèce, Mme X. épouse Y. soutient que la SAS April partenaires doit être considérée comme son cocontractant dès lors que les conclusions générales et particulières du contrat litigieux comportent de multiples références à cette entreprise et la désignent comme l’interlocuteur de l’assuré (accès aux données, réclamations, coordonnées d’April).

Il résulte cependant des stipulations claires et non équivoques des conditions générales que « le contrat est conclu entre : l’Assureur, désigné dans le texte par nous. La raison sociale et les mentions légales de la société d’assurances couvrant le risque figurent sur les conditions particulières » (page 3), lesquelles conditions particulières indiquant que « les garanties automobiles […] sont souscrites auprès de : L’EQUITE » (page 3).

Il en résulte que la SAS April partenaires n’est pas le cocontractant de Mme X. épouse Y. mais le délégataire de la SA l’Equité.

En l’absence de lien contractuel, la SAS April partenaires ne saurait être tenue par les stipulations de la police.

Mme X. épouse Y. sera ainsi déboutée de ses demandes dirigées contre la SAS April partenaires.

 

Sur les demandes présentées contre la SA Generali IARD :

Il est prévu, à l'article 1301 du code civil issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que : « Celui qui, sans y être tenu, gère sciemment et utilement l'affaire d'autrui, à l'insu ou sans opposition du maître de cette affaire, est soumis, dans l'accomplissement des actes juridiques et matériels de sa gestion, à toutes les obligations d'un mandataire. »

En l’espèce, Mme X. épouse Y. soutient que la SA Generali IARD s’est substituée à la SAS April partenaires et a assuré sa gestion d’affaires dès lors que :

- le courrier de refus d’indemnisation du 2 août 2021, le courrier du 25 janvier 2022 (signé par le délégué à la protection des données personnelles de la SA Generali IARD) et les courriels des 5 août 2021 et 3 janvier 2022 ont été adressés à la demanderesse par la SA Generali IARD ;

- c’est cette entreprise qui a commis l’enquêteur privé.

Il résulte cependant de ce qui précède que la cocontractante de Mme X. épouse Y. est la SA L’Equité.

En outre, les éléments rapportés, qui se limitent à indiquer une centralisation, au sein de la société mère, de la gestion des sinistres, sont insuffisants à caractériser le régime de la gestion d’affaires.

Les demandes dirigées contre la SA Generali IARD seront ainsi rejetées.

 

Sur les demandes présentées contre la SA L’Equité :

En l’espèce, il résulte des conditions particulières que la SA l’Equité est l’assureur du véhicule litigieux.

Au soutien de sa demande de règlement d’une indemnité d’assurance de dommages, Mme X. épouse Y. sollicite l’application de la garantie vol stipulée aux conditions particulières et générales de la police d’assurance (article 3.B. du chapitre 2).

L’assureur fait d’abord valoir que « conformément aux Conditions Générales Titre I - chapitre 2, la garantie vol sera acquise en cas de sinistre si le véhicule est équipé d’une protection. Le niveau de protection exigé est indiqué en page 1 des Conditions Particulières : Niveau 1 – Pas de protection spécifique – équipement de série du véhicule […] » (page 3 des conditions particulières).

En page une des conditions particulières, la « protection vol » exigée est un « antivol d’origine constructeur ».

Or, il résulte du formulaire relatif à l’état descriptif du véhicule, renseigné par la demanderesse le 18 mai 2021, que celle-ci a admis que son véhicule ne disposait pas du système antivol exigé par le contrat puisqu’elle a coché la réponse NON à la question le véhicule « est-il muni du système antivol exigé au contrat ».

Cependant, compte-tenu du fait que l’antivol exigé au contrat est celui d’origine constructeur et de ce que le véhicule a été mis en circulation en 2013, ce ne peut être que par méprise ou mégarde que Mme X. épouse Y. a coché la réponse « non ». Il est en effet impossible que Mme X. épouse Y. ait volontairement retiré un antivol de série du véhicule.

Le moyen est donc insusceptible de prospérer.

L’assureur oppose ensuite à Mme X. épouse Y. la clause de déchéance de garantie à l’article 5 du chapitre 2 des conditions générales de la police :

« Important […] Vous perdez tout droit à indemnité si, volontairement, vous faites de fausses déclarations sur la date, la nature, les causes, circonstances ou conséquences du sinistre, la date et la valeur d’achat, l’état général ou le kilométrage du véhicule, ou sur l’existence d’autres assurances pouvant garantir le sinistre.

Il en sera de même si vous employez sciemment des documents inexacts comme justificatifs ou usez de moyens frauduleux »

Cette clause fait l’objet d’un rappel en page 14 des conditions générales : « FAUSSE DECLARATIONS En cas de fausses déclarations faites sciemment, sur la nature, les causes, les circonstances ou les conséquences d’un sinistre, vous perdez pour ce sinistre le bénéfice des garanties de votre contrat ».

Les conditions particulières, signées par l’assurée, comportent une mention préremplie indiquant que « le souscripteur déclare et reconnaît : avoir reçu et accepté sans réserve les présentes Conditions particulières et Conditions Générales référencées : CG_AUTO_11.2019 », de sorte que la clause de déchéance de garantie figurant auxdites conditions générales est opposable à Mme X. épouse Y.

Par ailleurs, dès lors que cette cause de déchéance de garantie est stipulée à deux reprises dans les conditions générales et que les clauses sont écrites en caractères gras dans un encadré grisé, il sera jugé qu’elles répondent au formalisme exigé par l’article L. 112-4 du code des assurances, étant observé que, s’agissant d’un contrat complexe, la multiplicité des encadrés et mentions en caractères gras, fort commune en matière d’assurance, ne peut être regardée comme portant atteinte à leur caractère apparent.

Elles sont enfin rédigées de façon suffisamment claire et compréhensible au sens des articles L. 211-1 code de la consommation et L. 113-1 du code des assurances.

Mme X. épouse Y. soutient que ces clauses ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et sont donc abusives.

Il sera d’abord relevé que les clauses querellées restreignent le périmètre de la fausse déclaration à certaines hypothèses ayant une incidence sur l’appréciation de la situation par l’assureur :

- les circonstances du sinistre (date, nature, causes, circonstances ou conséquences), qui constituent des éléments nécessaires à l’appréciation des conditions de la garantie ;

- aux caractéristiques du véhicule (date et valeur d’achat, état général, kilométrage), qui constituent des éléments nécessaires à l’évaluation de l’indemnité due à l’assuré ;

- à l’existence d’autres assurances pouvant garantir le sinistre, qui est susceptible d’avoir une incidence sur sa prise en charge ;

- à l’utilisation de justificatifs inexacts ou de moyens frauduleux, qui, par leur nature, sont susceptibles de tromper l’assureur.

La fausse déclaration doit en outre avoir été faite « sciemment » ou « volontairement », ce qui exclut les hypothèses de l’erreur ou de la simple négligence. L’efficacité de la clause est ainsi subordonnée à la démonstration, par l’assureur qui s’en prévaut, de la mauvaise foi de l’assuré révélant la recherche d’un avantage indu au détriment de l’entreprise et de la collectivité des assurés.

Cette prohibition des fausses déclarations volontaires ou faites sciemment présente donc un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel entre assureur et assuré et sa violation constitue une inexécution suffisamment grave pour justifier la déchéance de garantie.

Il s’ensuit que les clauses querellées ne sauraient être considérées comme étant abusives et que la demande tendant à les voir réputer non écrites sera rejetée.

Il ne sera enfin pas répondu aux moyens tirés des articles L. 121-6 et L. 121-7 du code de la consommation dès lors que cela supposerait, pour la présente juridiction, de se prononcer sur la qualification du délit de pratiques commerciales agressives, qui relève de la compétence des juridictions répressives.

S’agissant des conditions de la mise en œuvre des clauses de déchéance de garantie, le rapport d’enquête privée contient un échange WhatsApp du 15 avril 2021 (le lendemain du dépôt de la plainte pour le vol du véhicule) entre Mme X. épouse Y. et le garagiste lui ayant vendu le véhicule litigieux.

Il ressort de cet échange que :

- le 14 avril 2021 (jour du dépôt de plainte), le garagiste lui soumet une annonce pour l’achat d’un véhicule Peugeot 5008 et que Mme X. épouse Y. l’interroge « et pour l achat de voiture ? » ;

- le 15 avril 2021, le garagiste lui indique « Nous pourrons racheter le Countryman [i.e. le véhicule litigieux] 9000 € en bon état et si vous racheter une voiture chez nous ? » ;

- le 15 avril 2021, Mme X. épouse Y. lui répond : « Bonsoir [G] / Je serais intéressée par la 5008 / Je passes la bloquer début de semaine prochaine. / La mini a était vendu j’ai eu une meilleur offre. / merci de me faire un retour » ;

- les 28 et 29 avril, Mme X. épouse Y. sollicite du garagiste qu’il lui transmette le contrôle technique du véhicule Mini Countryman ;

- le 4 mai, Mme X. épouse Y. sollicite du garagiste l’envoi de la facture d’achat et d’une preuve de paiement du véhicule Mini Countryman.

Contrairement à ce que soutient Mme X. épouse Y., il est suffisamment établi qu’elle est à l’origine de ces conversations dès lors qu’elle s’y présente comme l’acheteuse du Mini Countryman, qu’elle en sollicite la preuve d’achat et le contrôle technique dans un temps contemporain de la déclaration de sinistre (dans le cadre de laquelle l’assureur lui a demandé ces documents), et qu’elle y communique une adresse de courriel personnelle identique à celle utilisée dans ses échanges avec l’assureur.

Ainsi, alors que Mme X. épouse Y. a déclaré le vol de son véhicule Mini Countryman le 14 avril 2021 à 16h45, elle a ensuite indiqué au garagiste, qui lui proposait un rachat, qu’elle l’avait vendu à une tierce personne.

Si Mme X. épouse Y. soutient qu’elle n’était point tenue de dire la vérité au garagiste et qu’elle avait un intérêt, dans l’hypothèse où le véhicule serait retrouvé, à lui dissimuler le vol afin de ne pas perturber l’appréciation de sa valeur par le commerçant qui le rachèterait, cela n’explique en réalité nullement pourquoi elle a indiqué qu’elle l’avait cédé à un tiers là où elle pouvait se contenter de lui opposer un simple refus.

Cette contradiction flagrante entre le vol déclaré à la police et à l’assureur et ses déclarations au garagiste démontrent que Mme X. épouse Y. a menti sur la réalité du sinistre qu’elle allègue.

Compte-tenu de l’avantage économique susceptible d’être retiré d’une indemnisation par l’assurance (la VRADE a été fixée à 10.240 euros), la fausse déclaration n’a pu être faite que de façon intentionnelle.

Il s’ensuit que la clause de déchéance de garantie est satisfaite et que Mme X. épouse Y. sera déboutée de ses demandes en paiement relatives au sinistre.

 

Sur la demande en paiement à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation des droits à la protection des données à caractère personnel et au respect de la vie privée :

En l’espèce, il résulte de ce qui précède que la demande sera rejetée.

 

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire :

Sur les dépens :

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En application de l’article 699 du code de procédure civile, les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

En l’espèce, les dépens seront mis à la charge de Mme X. épouse Y., succombant à l’instance.

Autorisation sera donnée à ceux des avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre de recouvrer directement ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

 

Sur les frais irrépétibles :

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.).

Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, Mme X. épouse Y., condamnée aux dépens, sera condamnée à payer à chacune des défenderesses une somme qu’il est équitable de fixer à 600 euros.

 

Sur l’exécution provisoire :

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

REVOQUE l’ordonnance de clôture du 11 octobre 2023 ;

RECOIT les conclusions notifiées par voie électronique le 18 janvier 2024 par la SAS April partenaires, la SA L’Equité et la SA Generali IARD ;

ORDONNE la clôture de l’instruction à la date du 22 janvier 2024 ;

DÉBOUTE Mme X. épouse Y. de sa demande tendant à voir écarter la pièce n°2 des défenderesses (rapport d’enquête privée du 31 juillet 2021) ;

DÉBOUTE Mme X. épouse Y. de ses demandes dirigées contre la SAS April partenaires et la SA Generali IARD ;

DÉBOUTE Mme X. épouse Y. de sa demande tendant à voir juger les clauses de déchéance alléguées abusives et réputer non écrites ;

DÉBOUTE Mme X. épouse Y. de sa demande en paiement au titre de l’indemnisation du sinistre ;

DÉBOUTE Mme X. épouse Y. de sa demande en paiement au titre du préjudice résultant du retard d’indemnisation ;

DÉBOUTE Mme X. épouse Y. de sa demande en paiement au titre du préjudice moral ;

DÉBOUTE Mme X. épouse Y. de sa demande en paiement au titre du préjudice résultant de la résistance abusive ;

 Mme X. épouse Y. de sa demande en paiement au titre du préjudice résultant de la violation de ses droits fondamentaux à la protection de ses données à caractère personnel et au respect de sa vie privée ;

MET les dépens à la charge de Mme X. épouse Y. ;

ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme X. épouse Y. à payer à la SAS April partenaires la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme X. épouse Y. à payer à la SA L’Equité la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme X. épouse Y. à payer à la SA Generali IARD la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE Mme X. épouse Y. de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit.

La minute a été signée par Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, Vice-Président, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT