CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 14 mars 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10824
CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 14 mars 2024 : RG n° 22/05105
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Le chef de la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la résolution du contrat de vente du matériel « pharmapost » et des prestations de services associées souscrit par la Pharmacie X. auprès de la société Dipharma à la date de livraison, soit le 15 mai 2012, se trouve donc confirmé. »
2/ « L'interdépendance ou l'indivisibilité de l'ensemble contractuel peut prendre la forme de contrats concomitants ou successifs dont l'exécution est nécessaire à la réalisation de l'opération d'ensemble à laquelle ils appartiennent. Cette interdépendance peut être objective, c'est-à-dire déduite de l'opération économique poursuivie, ou subjective, c'est-à-dire déduite de la seule volonté des parties. Cette notion assure le lien entre les actes tout au long de leur existence juridique, et pas uniquement au moment de leur formation. Malgré la pluralité d'actes, les parties ne sont pas étrangères l'une à l'autre, et même en présence de contrats passés par des personnes différentes, l'inexécution de l'un aura nécessairement des répercussions sur l'autre, bien qu'il soit conclu avec un tiers, sans que cela puisse heurter les dispositions de l'ancien article 1165 du code civil ni l'effet relatif des contrats, ce lien ne créant aucune obligation sur la tête du tiers.
Le vice de formation ou l'exécution défectueuse d'un seul contrat va ainsi se répercuter sur l'ensemble. La destruction par ricochet de l'un des contrats interdépendants, par voie de caducité, ne sanctionne ni une faute contractuelle ni un vice de formation du contrat. Elle prend simplement acte de la disparition d'un élément essentiel au contrat postérieurement à sa formation.
Par deux arrêts de principe du 17 mai 2013 (n° 11-22.768 et n° 11-22.927), la chambre mixte de la Cour de cassation a énoncé, d'une part, que « les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants », d'autre part, que « sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance. » »
3/ « En l'espèce, la Pharmacie X. a passé commande d'un matériel suivant devis de la société Dipharma du 2 décembre 2011, la commande étant signée le 22 décembre 2011 et l'acompte réglé le 20 décembre 2011 par la société Pharmalease, devenue la société Cegelease, auprès de laquelle la société Pharmacie X. a souscrit un contrat de location du matériel le 6 décembre 2011, visant à financer l'installation dudit bien. Il s'ensuit, ce que souligne justement la société Cegelease, que cette dernière se trouve être propriétaire du matériel installé par la société Dipharma suivant le contrat de vente précité et créancière de l'obligation de prestation de service pesant sur l'installateur. Mais elle se trouve également liée, cette fois, en qualité de bailleur avec l'utilisateur du matériel installé, à savoir la Pharmacie X. par un contrat de location financière. Un lien de dépendance objectif existe entre les deux contrats, qui ont été concomitamment souscrits entre les différents protagonistes, et qui visent à la réalisation d'une opération unique concernant un même équipement professionnel dont il convenait d'assurer la mise à disposition et le financement au bénéfice d'un même utilisateur.
Le fait que la société Pharmacie X. n'ait pas tenue informée la société Cegelease des dysfonctionnements de l'équipement antérieurement à l'assignation ou n'ait pas jugé bon de l'attraire dans le cadre du référé-expertise pour lui permettre de participer à la mesure d'instruction diligentée, ne modifie en rien la nature des relations contractuelles existant entre les parties et n'est pas de nature à priver cet ensemble contractuel du lien d'interdépendance unissant les différentes conventions qui en font partie.
La société Cegelease ne peut invoquer les stipulations de l'article 2 des conditions générales du contrat de location, relatives à un « choix et une négociation directe entre le locataire et l'installateur de son choix, en fonction d'impératifs qui lui sont propres », ou encore de l'article 11 des mêmes conditions, relatives à la renonciation à recours et à garantie contre le loueur pour tout différend relatif à l'équipement, le loueur accordant un mandat général au locataire de mettre en jeu la responsabilité de l'installateur et exigeant du locataire une information régulière du déroulement des procédures, pour mettre en échec la dépendance objective unissant les rapports contractuels existants entre les différents protagonistes. Ces clauses ne sont de toute évidence pas suffisantes pour remettre en cause l'interdépendance objective de cet ensemble contractuel. Et surtout en ce qu'elles sont inconciliables avec cette interdépendance, elles sont, en tout état de cause, réputées non écrites.
Or, le chef du jugement qui a prononcé la résolution du contrat de vente du matériel « pharmapost » et des prestations de services associées souscrit par la Pharmacie X. auprès de la société Dipharma à la date de livraison, soit le 15 mai 2012, est confirmé, pour les motifs ci-dessus exposés. L'anéantissement du contrat principal, préalable nécessaire à la caducité par voie de conséquence du contrat de location, lorsque des contrats incluant une location financière, sont interdépendants, est donc en l'espèce établi. Compte tenu de la date de disparition formelle du contrat de vente, résolu à la date du 15 mai 2012, la caducité du contrat de location, qui entraîne la disparition de ce contrat et engendre des restitutions réciproques, produit ses effets à cette même date.
Ainsi, les développements de la société Cegelease relatifs à son absence de faute dans l'exécution du contrat de location sont inopérants, la caducité de ce contrat ne sanctionnant ni une faute contractuelle ni un vice de formation du contrat.
Cette caducité du contrat de location impose au loueur de rembourser les loyers échus et payés par la locataire, et ce à compter de 15 mai 2012, sans qu'il puisse invoquer une quelconque prescription, la créance de restitution étant née du prononcé de la résolution du contrat de vente par le jugement entrepris du 4 octobre 2022, lequel se trouve confirmé par le présent arrêt. »
4/ « C'est de manière erronée que la société Cegelease critique les premiers juges en ce qu'ils ont écarté les clauses contractuelles relatives à la fin du contrat, puisqu'en matière d'interdépendance contractuelle, la caducité exclut l'application de la clause de ces contrats stipulant une indemnité de résiliation. (Com. 12 juill. 2017, n° 15-27703, publié, Com.12 juill. 2017, n° 16-14014 ; Com. 6 déc. 2017, n° 16-21180 ; Com. 6 déc. 2017, n°16-22809, Ch. Mixte, 13 avr. 2018, n° 16- 21345). En effet, il n'est en l'espèce pas prononcé la résiliation du contrat, mais une caducité du contrat de location, privant d'applicabilité les clauses stipulées en cas de résiliation. Tel est le cas de la clause relative à l'indemnité de résiliation et l'indemnité d'indisponibilité du bien, ce qui justifie la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande reconventionnelle de la société Cegelease concernant l'indemnité contractuelle d'indisponibilité.
Par contre, la caducité du contrat de location de financement n'est que l'anéantissement de ce contrat en raison de la disparition d'un élément essentiel au contrat, compte tenu de son interdépendance avec le contrat de vente résolu. Elle impose dès lors au dépositaire du bien mis à disposition de restituer le matériel litigieux, à ses frais, au loueur, propriétaire du bien, sans qu'il puisse exiger de ce dernier qu'il vienne reprendre ledit bien. C'est donc de manière infondée que la Pharmacie X. exige que la société Cegelease soit condamnée à l'enlèvement du matériel à ses frais et sous sa responsabilité dans un délai de huit jours à compter de la signification de la décision de la cour d'appel à intervenir, et ce sous astreinte de 150 euros par jour à l'issue de ce délai. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 14 MARS 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/05105. N° Portalis DBVT-V-B7G-USJP. Jugement (R.G. n° 2021007303) rendu le 4 octobre 2022 par le tribunal de commerce de Lille Métropole.
APPELANTE :
SAS Cegelease
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant son siège social, [Adresse 1], représentée par Maître Benjamin Mourot, avocat constitué, substitué par Maître Lucas Dallongeville, avocats au barreau de Lille
INTIMÉES :
SELARL Pharmacie X.
prise en la personne de sa gérante en exercice domicilié en cette qualité audit siège, Mme X., ayant son siège social, [Adresse 3], représentée par Maître Mathieu Masse, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, assistée de Maître Valérie Plouton, avocat au barreau de Lyon, avocat plaidant
SAS W. mandataire judiciaire, en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Dipharma
ayant son siège social, [Adresse 2], Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 2 janvier 2023 (à personne morale), ordonnance de caducité partielle rendue le 8 juin 2023 (article 911 CPC)
DÉBATS à l'audience publique du 12 décembre 2023 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Stéphanie Barbot, présidente de chambre, Nadia Cordier, conseiller, Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 octobre 2023
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant commande signée auprès de la société Dipharma le 22 décembre 2011, la société Pharmacie X. s'est équipée d'un distributeur automatique « pharmapost » de parapharmacie, cet appareil permettant de distribuer des produits sans avoir à pénétrer dans le local commercial.
La société Cegelease a financé ce distributeur dans le cadre d'une location de matériel professionnel à durée déterminée sans option d'achat, conclue le 6 décembre 2011, le loyer étant mensuellement fixé, pour une durée irrévocable de 60 mois, à la somme de 543 euros hors taxes, soit 651,60 euros TTC.
Des problèmes techniques sont apparus dès l'installation de l'appareil. Faute de pouvoir implanter le distributeur Pharmapost standard avec écran selon le devis initial, la société Diapharma a établi un nouveau devis le 3 août 2012, les fonctions et capacités du modèle proposé étant réduites.
Au montage, des dégâts ont été occasionnés et des problèmes techniques multiples n'ont pas permis l'exploitation de l'appareil, lequel a été vandalisé fin 2012. Par la suite, les dysfonctionnements se sont accumulés.
Du 1er juin 2012 au 31 mai 2017, la Pharmacie X. s'est acquittée de l'ensemble de ses loyers, soit la somme de 39.054,77 euros TTC.
La société Pharmacie X. a assigné en référé la société Dipharma aux fins d'obtenir une expertise judiciaire.
L'expert, désigné par ordonnance du 16 avril 2014, a rendu son rapport le 4 juillet 2017.
Au vu des conclusions d'expertise, la société Phamarcie X. a assigné la société SAS Dipharma, représentée par son liquidateur, M. W. le 12 mai 2021 en résolution du contrat de vente de matériel et de prestations de services, et par voie de conséquence en résiliation du contrat de financement.
Par jugement réputé contradictoire et en premier ressort du 4 octobre 2022, le tribunal de commerce de Lille Métropole a notamment :
- débouté la société Cegelease de sa demande de prescription concernant les sommes qu'elle a perçues entre les 1er juin 2012 et 12 mai 2016 ;
- prononcé la résolution du contrat de vente du matériel ' pharmapost' et des prestations de service associées souscrit par la Pharmacie X. auprès de la société Dipharma à la date de livraison, soit le 15 mai 2012 ;
- dit bien fondée la société Pharmacie X. à solliciter, du fait de l'interdépendance des contrats, la caducité du contrat de location financement qu'elle a souscrit avec la société Cegelease à la date de livraison du matériel, soit le 15 mai 2012 ;
- prononcé la caducité, en date du 15 mai 2012, du contrat de location souscrit par la Pharmacie X. auprès de la société Cegelease ;
- condamné cette dernière à rembourser la totalité des loyers versés et fixé la somme due au titre du remboursement des loyers à 39 354,44 €, outre intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2021 ;
- donné acte de ce que le matériel est tenu à la disposition de la société Cegelease ;
- ordonné l'enlèvement du matériel aux frais et sous l'entière responsabilité de la société Cegelease dans un délai de trente jours à compter de la date de signification du présent jugement ;
- ordonné une astreinte de 150 euros par jours de retard et en s'en réservant la liquidation ;
- rejeté la demande reconventionnelle de la société Cegelease concernant l'indemnité contractuelle d'indisponibilité et l'astreinte afférente ;
- condamné la SCP W., ès qualités, à garantir la société Cegelease des condamnations pécuniaires qui sont prononcées contre elle et, en conséquence, à inscrire la somme due au passif de la liquidation de la société Dipharma :
- condamné la société Cegelease à payer à la société Pharmacie X. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration du 3 novembre 2022, la société Cegelease a interjeté appel en critiquant l'ensemble des chefs de la décision.
PRÉTENTIONS
Par conclusions signifiées par voie électronique le 1er septembre 2023, la société Cegelease demande à la cour, au visa des conditions générales du contrat de location, des articles 1134, 1147, 1382 anciens du code civil, applicables au contrat de location conclu le 6 décembre 2011, de l'article 2224 du code civil, des articles 122, 331 du code de procédure civile, de l'article 700 du code de procédure civile, de :
A titre principal,
- infirmer le jugement excepté en ce qu'il a condamné la SCP W., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Dipharma à la garantir des condamnations pécuniaires qui sont prononcées contre elle, et en conséquence, à inscrire la somme due au passif de la liquidation judiciaire de la société Dipharma ;
- statuant à nouveau :
- in limine litis,
- juger que la demande de la Pharmacie X. de restitution des sommes perçues entre le 1er juin 2012 et le 12 mai 2016, soit la somme de 31.535, 24 euros, outre intérêts au taux légal, est prescrite par application de l'article 2224 du code civil ;
- à titre principal,
- débouter la pharmacie de sa demande de résolution du contrat de location n°81213375/00 conclu, du fait de l'absence d'indivisibilité de ce contrat avec le contrat conclu avec la société Dipharma ;
- en conséquence :
- débouter la Pharmacie X. de sa demande de restitution des sommes perçues entre le 1er juin 2016 et le 1er mai 2017, soit la somme de 7.819,20 euros, outre intérêts au taux légal ;
- à titre reconventionnel,
- juger que la pharmacie a commis une faute en ne lui restituant pas le matériel au terme du contrat de location comme il lui était imposé par ce contrat ;
- en conséquence :
- condamner la pharmacie à lui payer une somme d'un montant de 651,60 euros au titre de l'indemnité contractuelle d'indisponibilité, à compter du 1er juin 2017, et jusqu'à parfaite restitution du matériel, outre intérêts au taux légal depuis cette date, le tout sous astreinte de 500 euros par mois de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir ;
- à titre subsidiaire,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCP W., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Dipharma, à la garantir, des condamnations pécuniaires qui sont prononcées contre elle, et en conséquence, à inscrire la somme due au passif de la liquidation judiciaire de la société Dipharma.
En tout état de cause :
- débouter la Pharmacie X. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et les dire mal fondées,
- condamner la Pharmacie X. à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Pharmacie X. aux entiers dépens.
[*]
Par conclusions signifiées par voie électronique le 25 avril 2023, la société Pharmacie X. demande à la cour, au visa de l'article 1134 du code civil, et suivants, de l'article 1186 du code civil, et de l'article 700 du code de procédure civile, de :
- in limine litis,
- confirmant le jugement, juger que la prescription a été interrompue par la mesure d'expertise judiciaire demandée, précision faite en outre que le rapport de l'expert judiciaire désigné a été rendu le 4 juillet 2017, de sorte que la prescription éventuellement applicable n'expirait que le 4 juillet 2022 ;
- en conséquence,
- rejeter la fin de non-recevoir opposée par la société Cegelease tenant à la prescription de la demande de remboursement des loyers entre le 1er juin 2012 et le 12 mai 2016 comme étant infondée et injustifiée ;
- la rejeter d'autant plus que la demande s'inscrit dans le cadre d'une demande de caducité du contrat de financement, dont l'accessoire est nécessairement la remise en l'état de la situation de manière rétroactive à date de signature des contrats, sans que la notion de prescription ne puisse s'appliquer à cette remise en l'état de la situation des parties ;
- en tant que de besoin, juger que la prescription éventuelle sur la restitution des loyers ne peut s'appliquer qu'à compter du prononcé judiciaire de la nullité ou de la caducité d'un contrat, par application de la jurisprudence européenne, de sorte qu'elle est bien fondée à solliciter dans la même instance cette demande de restitution, sans que la prescription de 5 ans puisse s'appliquer à cette demande ;
- à titre principal
- confirmant le jugement,
1/ sur la résolution du contrat de vente d'un appareil Pharmapost, et de prestation de services souscrit avec la société Dipharma
- juger que la société Dipharma a été défaillante au regard de ses obligations contractuelles de délivrance d'un appareil conforme à son descriptif et son utilisation, et par ailleurs de maintenance et de prestation services dès le départ du contrat,
- juger au surplus que les prestations de services n'ont plus été assurées de manière définitive dès avril 2013, date à laquelle la société Dipharma a commencé à évoquer ses graves difficultés financières ;
- juger que l'arrêt de ses prestations est devenu irrémédiable à compter du prononcé de la liquidation judiciaire de la société le 5 juin 2014 ;
- en conséquence,
- prononcer la résolution du contrat de vente du matériel et de prestations de services associées, souscrit le 22 décembre 2011 à la date de la livraison du bien, celui-ci n'ayant jamais pu fonctionner dans ses fonctions essentielles ;
- prendre acte de ce qu'elle tient le matériel à l'entière disposition de la société Cegelease ;
- « ordonner l'enlèvement du matériel aux frais de la société Cegelease, et sur pouvoir de démonte de cette dernière, et sous l'entière responsabilité de cette dernière, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt de la cour d'appel à intervenir » ;
2/ sur la caducité, et, ou, la résiliation du contrat de financement en raison de l'indivisibilité entre les deux contrats.
- confirmant le jugement,
- juger qu'elle n'a souscrit un contrat de location auprès de la société Cegelease - ex Pharmalease, qu'en considération de la vente de matériel et des prestations de services offertes par la société Dipharma pour la mise au point et la maintenance de celui-ci, de sorte que les deux contrats ne peuvent s'exécuter l'un sans l'autre ;
- en conséquence,
- à titre principal,
- juger que cette indivisibilité doit entraîner la caducité du contrat de location souscrit à la date de la livraison de l'appareil, soit au 15 mai 2012, celui-ci n'ayant jamais fonctionné, en conséquence du prononcé de la « résolution » du contrat de vente du matériel et de prestations de services ;
- « juger que les parties doivent être remises à la situation où elles se trouvaient sans signature de ces contrats, et condamner la société Cegelease à rembourser la totalité des sommes versées par la société Dipharma » ;
- à titre subsidiaire sur ce point,
- en conséquence,
- juger que cette indivisibilité doit entraîner la « résolution » du contrat de location souscrit à la date de la livraison de l'appareil, soit au 15 mai 2012, celui-ci n'ayant jamais fonctionné, en conséquence du prononcé de la résolution du contrat de vente du matériel et de prestations de services.
- en conséquence,
- ordonner la restitution des loyers versés à tort, à compter du 15 mai 2012, outre intérêts au taux légal depuis cette date ;
- confirmant le jugement,
- rejeter la demande formulée à titre reconventionnel par la société Cegelease sollicitant sa condamnation au paiement d'une indemnité contractuelle d'indisponibilité tant dans son principe que dans son montant ;
- rejeter toutes demandes, fins et conclusions telles que demandées par la société Cegelease dans le cadre de ses conclusions.
- condamner la société Cegelease à l'enlèvement du matériel à ses frais et sous sa responsabilité dans un délai de huit jours à compter de la signification de la décision de la cour d'appel à intervenir, et ce sous astreinte de 150 euros par jour à l'issue de ce délai ;
- y ajoutant,
- confirmer la décision des premiers juges s'agissant de la condamnation à l'article 700 du code de procédure civile à son profit au titre de la procédure de première instance ;
- condamner la société Cegelease au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de justice de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
[*]
Par ordonnance du 8 juin 2023, la caducité partielle de la déclaration d'appel de la société Cegelease à l'égard de la SAS W., en qualité de liquidateur de la société Dipharma a été prononcée.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
I - Remarques procédurales :
Le dispositif des écritures de la société Cegelease appelle deux remarques quant à l'étendue de la saisine de la cour et le moyen qu'elle indique soulever in limine litis.
En premier lieu, la déclaration d'appel de la société Cegelease critique tous les chefs du jugement, s'étendant ainsi également au chef ayant prononcé la résolution du contrat de vente du matériel « pharmapost » et de prestations de services associés souscrit par la Pharmacie X. auprès de la société Dipharma à la date de livraison.
Ceci est confirmé par le dispositif des écritures de la société Cegelease qui sollicitent l'infirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il a envisagé la garantie des condamnations mises à sa charge par la société Dipharma, représentée par son liquidateur.
Néanmoins, la société Cegelease s'attarde uniquement, aux termes des prétentions qui figurent au dispositif, à s'opposer au remboursement des loyers perçus et à combattre la résolution du contrat de financement, ne formulant aucune demande de rejet de la demande de résolution du contrat de vente au 15 mai 2012.
Il n'est en outre, dans le cadre des moyens de la société Cegelease, proposé aucune critique du chef du dispositif du jugement ayant prononcé la résolution du contrat de vente, ce qui ne peut conduire qu'à sa confirmation. Cela est d'autant plus incontournable que, compte tenu de la caducité partielle prononcée à l'encontre du liquidateur de la société Dipharma, l'absence de cette partie empêche, en tout état de cause, la remise en cause de ce chef du jugement par quiconque.
Le chef de la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la résolution du contrat de vente du matériel « pharmapost » et des prestations de services associées souscrit par la Pharmacie X. auprès de la société Dipharma à la date de livraison, soit le 15 mai 2012, se trouve donc confirmé.
En second lieu, la société Cegelease évoque in limine litis la prescription des sommes perçues au titre des loyers échus du 1er juin 2012 au 12 mai 2016.
Le moyen tiré de la prescription est toutefois une fin de non-recevoir, laquelle peut être soulevée en tout état de cause, et n'a pas à être examinée in limine litis contrairement aux exceptions de procédure.
Cette fin de non-recevoir est envisagée par la société Cegelease pour s'opposer à la demande de remboursement des loyers, ce qui suppose toutefois, au préalable, de trancher la question de savoir si cette restitution des loyers échus est liée à la résolution du seul contrat de financement ou n'est que la conséquence de la caducité du contrat de financement par suite de la résolution du contrat de vente prononcée par le jugement entrepris.
Ainsi, avant de pouvoir trancher éventuellement cette fin de non-recevoir tirée de la prescription, il y a lieu d'examiner si la caducité du contrat de location financière prononcée par le jugement querellé est encourue.
II - Sur la caducité ou la résolution du contrat de location financière :
La société Cegelease observe qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de son contrat et que sa locataire ne s'est jamais manifestée auprès d'elle. Elle ajoute que la seule obligation lui incombant était de s'assurer de la bonne livraison du matériel, conformément à ce qui était prévu par le contrat de location. Elle souligne qu'elle ne peut être tenue d'éventuels dysfonctionnements du matériel choisi par la locataire.
Elle prétend qu'il n'existe aucun lien juridique d'interdépendance entre elle-même et un fournisseur, la demande de résiliation du contrat de location formulée ne pouvant qu'être rejetée. Elle ajoute d'ailleurs que la pharmacie n'a pas jugé utile de l'aviser des prétendus dysfonctionnements affectant le matériel loué, ni même de solliciter sa mise en cause au stade de l'expertise afin de lui rendre les opérations d'expertises communes et opposables.
La société Cegelease estime prescrite l'action de la pharmacie concernant les loyers perçus avant le 12 mai 2016, l'assignation n'ayant été délivrée que le 12 mai 2021.
Elle soutient que la somme de 31.535, 24 euros (soit 31.235,57 euros perçus entre le 1er juin 2012 et le 1er mai 2016 + 299,67 euros de frais pour l'année 2012) lui est définitivement acquise.
Elle précise ne pas avoir été mise en cause au stade des opérations d'expertise, ces dernières, réalisées sur le matériel, pourtant sa propriété exclusive, ne lui étant pas opposables et n'ayant pu interrompre la prescription prévue par l'article 2224 du code civil. Elle rappelle que l'action en justice, même en référé expertise, doit être dirigée contre celui qu'on veut empêcher de prescrire.
Elle s'oppose à l'argumentation adverse relative à une demande de prononcé de la caducité du contrat de financement, laquelle aurait un effet totalement rétroactif, de sorte que la restitution de plein droit des sommes versées ne serait pas soumise à prescription, observant que dans l'hypothèse où la caducité du contrat de financement était prononcée, celle-ci n'aurait d'effet que pour l'avenir. Elle se reporte en la matière à la directive 93/13/CE et à la jurisprudence constante.
Elle ajoute que la pharmacie ne peut utilement lui opposer la directive 93/13/CE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives, qui n'impose pas un tel principe en cas de caducité du contrat et n'a pas d'effet direct en l'espèce, d'autant que cette directive concerne des contrats conclus entre professionnels et consommateurs.
La pharmacie X. conclut à une absence de livraison conforme et de délivrance de la prestation de maintenance par la société Dipharma, précisant que les dysfonctionnements n'ont jamais été corrigés. Le prononcé de la liquidation judiciaire de cette société n'a fait que rendre irrémédiable et définitive cette situation, la plaçant devant un matériel qui ne pouvait être utilisé conformément à sa finalité.
Elle en déduit que la demande de résiliation de ce contrat de vente de matériel et de prestations de services est parfaitement fondée. Se trouve alors justifiée la caducité par voie de conséquence du contrat de crédit-bail de la société Cegelease en raison de l'indivisibilité des contrats.
Elle revient sur le lien existant entre les deux contrats, la commercialisation des deux contrats par le même commercial, l'agrément de financement entre la société Cegelease et la société Dipharma pour l'ensemble des contrats proposés aux pharmaciens par cette dernière société, estimant qu'il est « incontestable que la société Cegelease (ex Pharmalease) est intervenue comme un véritable partenaire de la société Dipharma, et qu'à l'évidence un contrat-cadre est très certainement intervenu entre les deux sociétés ».
Elle ajoute que le prononcé de la caducité des contrats aura un effet rétroactif puisque la « résolution » du contrat de vente, contrat à exécution instantanée, débouche en l'espèce sur une restitution de la chose vendue et une restitution du prix de vente.
La pharmacie X. expose que son assignation en référé expertise et la mesure d'expertise ont interrompu la prescription.
Elle souligne que sa demande s'inscrit dans une demande de prononcé de la caducité du contrat de financement, qui a un effet totalement rétroactif, de sorte que la restitution de plein droit des sommes versées n'est pas soumise à prescription.
Elle estime qu'il faut se reporter en cette matière à la Directive 93/13/CE et à la jurisprudence constante de la CJUE qui s'y rapporte, le contrat n'ayant jamais pu exister, ce qui s'apparente à un anéantissement rétroactif, entraînant des restitutions consécutives et réciproques à la suite de la disparition du contrat. Elle en déduit que le point de départ du délai de prescription des restitutions consécutives à la disparition rétroactive des contrats souscrits ne saurait être fixé antérieurement au jour de la constatation judiciaire de la caducité du contrat et de son caractère rétroactif.
Réponse de la cour
En vertu des dispositions de l'ancien article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
L'interdépendance ou l'indivisibilité de l'ensemble contractuel peut prendre la forme de contrats concomitants ou successifs dont l'exécution est nécessaire à la réalisation de l'opération d'ensemble à laquelle ils appartiennent. Cette interdépendance peut être objective, c'est-à-dire déduite de l'opération économique poursuivie, ou subjective, c'est-à-dire déduite de la seule volonté des parties.
Cette notion assure le lien entre les actes tout au long de leur existence juridique, et pas uniquement au moment de leur formation. Malgré la pluralité d'actes, les parties ne sont pas étrangères l'une à l'autre, et même en présence de contrats passés par des personnes différentes, l'inexécution de l'un aura nécessairement des répercussions sur l'autre, bien qu'il soit conclu avec un tiers, sans que cela puisse heurter les dispositions de l'ancien article 1165 du code civil ni l'effet relatif des contrats, ce lien ne créant aucune obligation sur la tête du tiers.
Le vice de formation ou l'exécution défectueuse d'un seul contrat va ainsi se répercuter sur l'ensemble. La destruction par ricochet de l'un des contrats interdépendants, par voie de caducité, ne sanctionne ni une faute contractuelle ni un vice de formation du contrat. Elle prend simplement acte de la disparition d'un élément essentiel au contrat postérieurement à sa formation.
Par deux arrêts de principe du 17 mai 2013 (n° 11-22.768 et n° 11-22.927), la chambre mixte de la Cour de cassation a énoncé, d'une part, que « les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants », d'autre part, que « sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance. »
En l'espèce, la Pharmacie X. a passé commande d'un matériel suivant devis de la société Dipharma du 2 décembre 2011, la commande étant signée le 22 décembre 2011 et l'acompte réglé le 20 décembre 2011 par la société Pharmalease, devenue la société Cegelease, auprès de laquelle la société Pharmacie X. a souscrit un contrat de location du matériel le 6 décembre 2011, visant à financer l'installation dudit bien.
Il s'ensuit, ce que souligne justement la société Cegelease, que cette dernière se trouve être propriétaire du matériel installé par la société Dipharma suivant le contrat de vente précité et créancière de l'obligation de prestation de service pesant sur l'installateur. Mais elle se trouve également liée, cette fois, en qualité de bailleur avec l'utilisateur du matériel installé, à savoir la Pharmacie X. par un contrat de location financière.
Un lien de dépendance objectif existe entre les deux contrats, qui ont été concomitamment souscrits entre les différents protagonistes, et qui visent à la réalisation d'une opération unique concernant un même équipement professionnel dont il convenait d'assurer la mise à disposition et le financement au bénéfice d'un même utilisateur.
Le fait que la société Pharmacie X. n'ait pas tenue informée la société Cegelease des dysfonctionnements de l'équipement antérieurement à l'assignation ou n'ait pas jugé bon de l'attraire dans le cadre du référé-expertise pour lui permettre de participer à la mesure d'instruction diligentée, ne modifie en rien la nature des relations contractuelles existant entre les parties et n'est pas de nature à priver cet ensemble contractuel du lien d'interdépendance unissant les différentes conventions qui en font partie.
La société Cegelease ne peut invoquer les stipulations de l'article 2 des conditions générales du contrat de location, relatives à un « choix et une négociation directe entre le locataire et l'installateur de son choix, en fonction d'impératifs qui lui sont propres », ou encore de l'article 11 des mêmes conditions, relatives à la renonciation à recours et à garantie contre le loueur pour tout différend relatif à l'équipement, le loueur accordant un mandat général au locataire de mettre en jeu la responsabilité de l'installateur et exigeant du locataire une information régulière du déroulement des procédures, pour mettre en échec la dépendance objective unissant les rapports contractuels existants entre les différents protagonistes.
Ces clauses ne sont de toute évidence pas suffisantes pour remettre en cause l'interdépendance objective de cet ensemble contractuel. Et surtout en ce qu'elles sont inconciliables avec cette interdépendance, elles sont, en tout état de cause, réputées non écrites.
Or, le chef du jugement qui a prononcé la résolution du contrat de vente du matériel « pharmapost » et des prestations de services associées souscrit par la Pharmacie X. auprès de la société Dipharma à la date de livraison, soit le 15 mai 2012, est confirmé, pour les motifs ci-dessus exposés.
L'anéantissement du contrat principal, préalable nécessaire à la caducité par voie de conséquence du contrat de location, lorsque des contrats incluant une location financière, sont interdépendants, est donc en l'espèce établi.
Compte tenu de la date de disparition formelle du contrat de vente, résolu à la date du 15 mai 2012, la caducité du contrat de location, qui entraîne la disparition de ce contrat et engendre des restitutions réciproques, produit ses effets à cette même date.
Ainsi, les développements de la société Cegelease relatifs à son absence de faute dans l'exécution du contrat de location sont inopérants, la caducité de ce contrat ne sanctionnant ni une faute contractuelle ni un vice de formation du contrat.
Cette caducité du contrat de location impose au loueur de rembourser les loyers échus et payés par la locataire, et ce à compter de 15 mai 2012, sans qu'il puisse invoquer une quelconque prescription, la créance de restitution étant née du prononcé de la résolution du contrat de vente par le jugement entrepris du 4 octobre 2022, lequel se trouve confirmé par le présent arrêt.
Il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la société Cegelease à la demande de restitution des loyers perçus entre les 1er juin 2012 et 12 mai 2016 et condamné cette dernière société à restituer les loyers échus et honorés, soit la somme de 39.354,44 euros sur la période du 1er juin 2012 au 31 mai 2017, avec intérêt au taux légal à compter du 12 mai 2021, date de l'assignation.
III - Sur la demande d'indemnité contractuelle d'indisponibilité et sur les demandes de restitution du matériel sous astreinte :
La société Cegelease s'estime fondée à solliciter la mise en œuvre des clauses du contrat de location concernant l'indemnité d'indisponibilité et l'astreinte afférente. Elle soutient que la décision entreprise ne peut qu'être réformée en ce qu'elle a jugé que ces clauses devaient être réputées non écrites.
La pharmacie doit selon elle être condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation au titre de la non-restitution du bien loué au terme du contrat de location.
La pharmacie X. indique que la société Cegelease ne peut prospérer de ces chefs. Elle souligne que ces clauses vont à l'encontre de l'interdépendance manifeste des contrats et de l'économie du schéma contractuel d'ensemble, dans la mesure où elles ont pour but de faire échapper l'organisme de financement aux conséquences de la constatation judiciaire de cette interdépendance, et au prononcé de la caducité ou de la résiliation judiciaire du contrat de location.
La Pharmacie X. objecte que cette clause d'indemnité contractuelle est abusive et doit, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation dans des cas identiques, être purement et simplement écartée, de sorte que la demande reconventionnelle de la société Cegelaese à l'égard des « sociétés demanderesses », de paiement de cette indemnité, sera écartée.
Elle réplique en outre qu'elle n'a, en aucun cas, mis en difficulté la société Cegelease pour exécuter la décision de première instance, la décision ayant été exécutée sur le plan financier, et le règlement entre les parties ayant été effectué par un compte Carpa créé spécifiquement à cet effet. Par ailleurs, s'agissant de la restitution de la marchandise, le conseil de la société Cegelease avait lui-même écrit par courrier officiel que sa cliente proposait, soit de reprendre le matériel, soit de le laisser en place le temps de la procédure, matériel au demeurant à l'arrêt depuis de longues années.
Réponse de la cour
C'est de manière erronée que la société Cegelease critique les premiers juges en ce qu'ils ont écarté les clauses contractuelles relatives à la fin du contrat, puisqu'en matière d'interdépendance contractuelle, la caducité exclut l'application de la clause de ces contrats stipulant une indemnité de résiliation. (Com. 12 juill. 2017, n° 15-27703, publié, Com.12 juill. 2017, n° 16-14014 ; Com. 6 déc. 2017, n° 16-21180 ; Com. 6 déc. 2017, n°16-22809, Ch. Mixte, 13 avr. 2018, n° 16- 21345)
En effet, il n'est en l'espèce pas prononcé la résiliation du contrat, mais une caducité du contrat de location, privant d'applicabilité les clauses stipulées en cas de résiliation.
Tel est le cas de la clause relative à l'indemnité de résiliation et l'indemnité d'indisponibilité du bien, ce qui justifie la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande reconventionnelle de la société Cegelease concernant l'indemnité contractuelle d'indisponibilité.
Par contre, la caducité du contrat de location de financement n'est que l'anéantissement de ce contrat en raison de la disparition d'un élément essentiel au contrat, compte tenu de son interdépendance avec le contrat de vente résolu.
Elle impose dès lors au dépositaire du bien mis à disposition de restituer le matériel litigieux, à ses frais, au loueur, propriétaire du bien, sans qu'il puisse exiger de ce dernier qu'il vienne reprendre ledit bien.
C'est donc de manière infondée que la Pharmacie X. exige que la société Cegelease soit condamnée à l'enlèvement du matériel à ses frais et sous sa responsabilité dans un délai de huit jours à compter de la signification de la décision de la cour d'appel à intervenir, et ce sous astreinte de 150 euros par jour à l'issue de ce délai.
Ainsi, il y a lieu d'infirmer la décision querellée en ce qu'elle a ordonné l'enlèvement du matériel aux frais et sous l'entière responsabilité de la société Cegelease dans un délai de trente jours à compter de la date de signification du présent jugement, et prononcé une astreinte de 150 euros par jour de retard pour assurer l'exécution de cette obligation, et s'en est réservée la liquidation.
En revanche, compte tenu de la non-restitution par la société Pharmacie X. du matériel, qui, objet du contrat de financement arrivé à son terme le 1er juin 2017, a été anéanti rétroactivement à la date du 15 mai 2012, et au regard de cette caducité du contrat de financement prononcée par le jugement entrepris, confirmé de ce chef par le présent arrêt, le prononcé d'une astreinte, conformément aux modalités précisées au dispositif du présent arrêt, est justifié afin d'assurer l'exécution de cette décision par la société Pharmacie X.
IV - Sur les dépens et accessoires :
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Cegelease succombant principalement en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.
Compte tenu de l'équité et de la situation de chacune des parties, les demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.
Les chefs de la décision entreprises relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont confirmés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement du 4 octobre 2022 en ce qu'il a :
- ordonné l'enlèvement du matériel aux frais et sous l'entière responsabilité de la société Cegelease dans un délai de trente jours à compter de la date de signification du présent jugement,
- a prononcé à la charge de la société Cegelease une astreinte de 150 euros par jour de retard pour assurer l'exécution de cette obligation et s'en est réservée la liquidation ;
- a rejeté la demande d'astreinte formée par la société Cegelease ;
Statuant à nouveau de ces chefs ;
REJETTE la demande d'enlèvement du matériel, sous astreinte et aux frais du loueur, formée par la société Pharmacie X. ;
CONDAMNE la société Pharmacie X. à restituer à la société Cegelease le matériel Pharmapost installé et livré le 15 mai 2012, sous astreinte de 250 euros par mois de retard, commençant à courir 15 jours après la signification du présent arrêt, et ce pendant un délai de 6 mois ;
DIT n'y avoir lieu à se réserver la liquidation de la présente astreinte ;
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Cegelease aux dépens d'appel ;
DEBOUTE chacune des parties de sa demande d'indemnité procédurale ;
Le greffier La présidente
Marlène Tocco Stéphanie Barbot