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CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 18 janvier 2024

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 18 janvier 2024
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 22/05954
Date : 18/01/2024
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 18/03/2022
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10825

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 18 janvier 2024 : RG n° 22/05954 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Il est admis qu'en application des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil dans leurs versions applicables au contrat n° 2628197 en date du 17 juin 2016, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle et régulariser sa situation.

Les nouveaux articles 1224 et suivants du code civil dans leur version issue de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats applicable aux trois autres contrats imposent également préalablement à la résolution du contrat s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution, la délivrance d'une mise en demeure mentionnant expressément la clause résolutoire et le délai raisonnable permettant au débiteur défaillant de satisfaire à son engagement.

En matière de crédit à la consommation en particulier, il résulte des dispositions de l'article L. 312-39 du code de la consommation (L. 311-24 du code de la consommation en vigueur à l'époque de la conclusion du contrat du 17 juin 2016), que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle

En l'espèce, si les quatre contrats de prêt comprennent tous la même clause de déchéance du terme à l'article 3.3, ils se contentent d'indiquer de façon générique que « le prêteur pourra résilier le présent contrat après envoi à l'emprunteur d'une mise en demeure par lettre recommandée en cas de non-paiement à la bonne date de toutes sommes dues au titre du présent contrat. En cas de résiliation du contrat par le prêteur, l'emprunteur sera tenu de rembourser immédiatement toutes les sommes restant dues en vertu du présent contrat » et n'excluent pas de manière expresse et non équivoque l'envoi d'une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme permettant aux débiteurs de régulariser l'arriéré. »

2/ « Ces courriers en ce qu'ils n'avisent pas les parties de la sanction de la déchéance du terme en cas de non régularisation et ne comportent pas un intitulé avertissant d'une résiliation du prêt et non de l'assurance, ne peuvent être considérés comme des mises en demeure préalables.

Le second courrier, également envoyé par recommandé en date du 30 décembre 2019 au nom des deux époux X., dont l'objet est « déchéance du terme », comporte la phrase prononçant la déchéance du terme et la mise en demeure de payer le montant total de la somme due (échéances impayées / capital restant dû / indemnité de résiliation). Ce courrier, non précédé d'une mise en demeure préalable, ne peut donc constituer une déchéance du terme régulière. […]

Ces courriers, non précédés d'une mise en demeure sollicitant le règlement de l'arriéré des échéances impayées dans un délai connu et raisonnable pour permettre aux débiteurs de régulariser la situation, ne peuvent donc constituer une déchéance du terme régulière. Il en résulte que la déchéance du terme n'a pu régulièrement intervenir même par la délivrance de l'assignation, aucune mise en demeure portant sur le seul arriéré n'ayant été envoyée avant sa délivrance pour aucun des quatre contrats et il convient ainsi d'examiner la demande subsidiaire en prononcé de résiliation judiciaire. »

3/ « En application de l'article 1184 du code civil, dans sa version applicable au contrat du 17 juin 2016, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfait pas à son engagement. En application de l'article 1228 du code civil dans sa version issue de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, applicable aux trois autres contrats, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

En l'espèce, en assignant M. et Mme X. le 29 juillet 2021 en paiement du solde des prêts après déchéance du terme, la banque a manifesté clairement sa volonté de ne pas poursuivre les quatre contrats alors que ceux-ci n'étaient pas arrivés à leur terme juridique.

Les pièces du dossier établissent que M. et Mme X. ont définitivement cessé de s'acquitter du remboursement des mensualités des prêts à compter du 4 août 2019 mettant ainsi en échec le paiement de leurs crédits. Dès lors leur inexécution est suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation des contrats au jour du présent arrêt. »

4/ « En application de l'article 1229 alinéa 3 du code civil dans sa version issue de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, les restitutions liées à la résolution du contrat n'ont lieu que lorsque les prestations échangées n'avaient d'utilité qu'en cas d'exécution complète du contrat résolu, la distinction contrat instantané / contrat exécution successive, telle qu'opérée par le premier juge, ne paraissant pas toujours adaptée pour déterminer dans quelle mesure les restitutions doivent avoir lieu. Lorsque les prestations trouvaient une utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, la résolution n'aura pas d'effet rétroactif. Lorsque la résolution ne donne pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu de contrepartie, elle est qualifiée de résiliation ; ainsi la résiliation est depuis la réforme du droit des contrats simplement un cas déterminé de résolution s'appliquant quel que soit le type de contrat : contrat d'exécution successive ou instantané.

Or, en l'espèce, les quatre crédits à la consommation conclus ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de leur exécution puisque les emprunteurs ont bénéficié des sommes empruntées dès l'expiration du délai de rétractation après conclusion des contrats ; seules les modalités de remboursement étaient différées et échelonnées dans le temps. Dès lors les effets de la résolution prononcée s'opéreront sans effet rétroactif et il sera prononcé la résiliation des contrats à effet à la date du présent arrêt.) »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9-A

ARRÊT DU 18 JANVIER 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/05954 (17 pages). N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQHS. Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 novembre 2021 - Juge des contentieux de la protection de VILLEJUIF – R.G. n° 11-21-001275.

 

APPELANTE :

La SA YOUNITED

société anonyme à directoire et conseil de surveillance agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, N° SIRET : XXX, [Adresse 2], [Localité 4], représentée par Maître Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l'ESSONNE

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [Date naissance 1] à [Localité 7], [Adresse 3], [Localité 6], représenté par Maître Yann GRE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 381

Madame Y. épouse X.

née le [Date naissance 5] à [Localité 7], [Adresse 3], [Localité 6], représentée par Maître Yann GRE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 381

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant offre de contrat préalable n° 2628197 acceptée le 17 juin 2016, la société Younited a consenti à Mme X. née Y. et à M. X. un crédit à la consommation d'un montant de 5.500 euros, remboursable en 60 mensualités de 103,30 euros, moyennant un taux d'intérêts annuel nominal de 4,7 % et un taux annuel effectif global de 5,28 %.

Suivant offre de contrat préalable n° 3807156 acceptée le 7 juin 2017, la société Younited leur a consenti un crédit à la consommation d'un montant de 3 500 euros, remboursable en 72 mensualités de 55,26 euros, moyennant un taux d'intérêts annuel nominal de 4,31 % et un taux annuel effectif global de 6, 67 %.

Suivant offre de contrat préalable n° 4543259 acceptée par voie électronique le 3 janvier 2018, la société Younited leur a consenti un crédit à la consommation d'un montant de 8.000 euros, remboursable en 72 mensualités de 131,23 euros, moyennant un taux d'intérêts annuel nominal de 5,64 % et un taux annuel effectif global de 5,79 %.

Suivant offre préalable de contrat n° 5725015 acceptée par voie électronique le 23 octobre 2018, la société Younited a consenti aux époux X. un crédit à la consommation d'un montant de 6.500 euros, remboursable en 84 mensualités de 93,84 euros, moyennant un taux d'intérêts annuel nominal de 5,64 % et un TAEG de 5,79 %.

Des mensualités étant restées impayées, la société Younited a, par quatre lettres recommandées avec accusé de réception en date du 30 décembre 2019, informé les emprunteurs de la déchéance du terme pour chaque contrat et les a mis en demeure de rembourser l'intégralité des crédits.

Saisi par la société Younited d'une action en paiement de l'ensemble des sommes afférentes aux contrats de crédit, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villejuif a, par jugement réputé contradictoire en date du 16 novembre 2021 :

- constaté que la déchéance du terme stipulé au profit des époux X. n'a pas été régulièrement prononcée dans les quatre contrats de crédit ;

- déclaré en conséquence irrecevables les demandes de la société Younited en paiement des crédits n° 2628197, n° 3807156, n° 4543259 et n° 5725015 ;

- prononcé la résolution de ces quatre contrats de crédit ;

- constaté en conséquence la déchéance du terme des quatre contrats ;

- débouté la société Younited de l'ensemble de ses demandes en paiement ;

- débouté la société Younited de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Après avoir vérifié la recevabilité de l'action en paiement pour les quatre contrats de crédit au regard de la forclusion, la juridiction a estimé que la clause par laquelle le prêteur se réserve le droit de résilier le contrat unilatéralement en cas d'impayé peut être considérée comme une clause abusive. En l'absence de production par le prêteur d'une mise en demeure de régulariser les échéances impayées sous peine de déchéance préalable à la mise en demeure du 30 décembre 2019 ayant prononcé la déchéance, le juge a retenu que la déchéance du terme n'avait pas été acquise et que le prêteur ne pouvait se prévaloir du remboursement de l'intégralité des crédits.

Il a en outre précisé que la pièce produite par la société Younited et intitulée « mise en demeure préalable du 24 octobre 2019 » était en fait une lettre préalable à la résiliation de la couverture de l'assurance emprunteur et ne mentionnait ni la déchéance du terme, ni le délai de paiement.

Le juge a ensuite qualifié les différents contrats de crédit de contrats à exécution instantanée, dont l'inexécution doit conduire à leur résolution et non à leur résiliation. Les contrats ayant fait l'objet d'impayés en cours d'exécution par les consorts X., le juge a estimé qu'ils devaient être résolus et a ordonné que les parties soient replacées dans leur situation initiale.

Après examen des sommes versées en application des différents contrats, il a constaté :

- un trop versé par les emprunteurs de 2.496,31 euros pour le contrat du 17 juin 2016 ;

- un trop versé de 2.438,40 euros pour le contrat du 7 juin 2017 ;

- un montant restant dû par les emprunteurs de 1.367,84 euros pour le contrat du 3 janvier 2018 ;

- un montant restant dû de 1.105,77 euros pour le contrat du 23 octobre 2018.

Au total, le premier juge a retenu un trop versé par les époux X. de 2 461,10 euros, a donc considéré leur dette envers la société Younited comme soldée par compensation entre sommes dues et sommes trop perçues.

Dans ces conditions, il a estimé que les parties avaient d'ores et déjà été replacées dans l'état qui était le leur avant la signature des quatre contrats de crédits, et en conséquence, débouté la société Younited de ses demandes en paiement.

La société Younited a interjeté appel de cette décision le 18 mars 2022.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions, elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d'appel,

- y faire droit,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

A titre principal, de :

- condamner solidairement les époux X. à lui payer, au titre des quatre contrats de crédit, les sommes suivantes :

- pour le contrat n° 2628197 du 17 juin 2016 : 941,12 euros en principal avec intérêts au taux contractuel de 4,70 % l'an à compter de la mise en demeure du 30 décembre 2019, et à titre subsidiaire, à compter de l'assignation ;

- pour le contrat n° 3807156 du 7 juin 2017 : 1.048,74 euros en principal avec intérêts au taux contractuel de 4,31 % l'an à compter de la mise en demeure du 30 décembre 2019, et à titre subsidiaire, à compter de l'assignation ;

- pour le contrat n° 4543259 conclu par voie électronique le 3 janvier 2018 : 5.261,31 euros en principal avec intérêts au taux contractuel de 5,64 % l'an à compter de la mise en demeure du 30 décembre 2019, et à titre subsidiaire, à compter de l'assignation ;

- pour le contrat n° 5725015 conclu par voie électronique le 23 octobre 2018 : 3.233,49 euros en principal avec intérêts au taux contractuel de 5,64 % l'an à compter de la mise en demeure du 30 décembre 2019, et à titre subsidiaire, à compter de l'assignation ;

A titre subsidiaire, si la cour confirmait le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que la déchéance du terme n'était pas acquise, voir infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire des contrats et non leur résiliation, de :

- prononcer la résiliation judiciaire des quatre contrats sur le fondement des articles 1224 à 1229 du code civil,

- condamner solidairement M. et Mme X. à lui payer :

- la somme de 941,12 euros au titre du prêt n° 26 28 197 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 décembre 2019 et, à titre subsidiaire, à compter de l'assignation,

- la somme de 2.048,74 euros au titre du prêt n° 380756 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 décembre 2019 et, à titre subsidiaire, à compter de l'assignation,

- la somme de 5.261,31 euros au titre du prêt n° 4543259 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 décembre 2019 et, à titre subsidiaire, à compter de l'assignation,

- la somme de 3.233,49 euros au titre du prêt n° 5725015 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 décembre 2019 et, à titre subsidiaire, à compter de l'assignation,

- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,

A titre infiniment subsidiaire, si la Cour confirmait le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que la déchéance du terme n'était pas acquise, et a prononcé la résolution judiciaire des quatre contrats sur le fondement des articles 1224 à 1929 du code civil,de :

- condamner solidairement les consorts X. à lui verser les sommes de :

- 1.367,82 euros au titre du prêt n° 4543259 du 31 janvier 2018, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- 1.105,77 euros au titre du prêt n° 5725015 du 23 octobre 2018, au taux légal à compter du jugement,

En tout état de cause,

- voir déclarer M. et Mme X. irrecevables en leurs demandes, fins et conclusions comme prescrites et en tout état infondés et les en débouter,

- condamner solidairement les époux X. à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses conclusions n° 3 en date du 19 octobre 2023, elle fait valoir que le juge a refusé de constater la déchéance du terme motif pris de l'absence de mise en demeure préalable sur le fondement de l'arrêt de la cour de cassation du 3 juin 2015, alors que cet arrêt se fonde sur le droit commun et non sur le droit de la consommation qui devrait seul s'appliquer ; que les dispositions du code de la consommation ne prévoient aucune mise en demeure préalable.

Elle ajoute que l'exigence d'une mise en demeure préalable peut être écartée par une clause expresse du contrat. Elle soutient qu'en se référant spécifiquement aux dispositions du code de la consommation, les contrats de prêt Younited excluent l'exigence d'une mise en demeure préalable et ne prévoient que la défaillance de l'emprunteur.

Elle fait valoir qu'en tout état de cause, les mises en demeure du 30 décembre 2019 restent des mises en demeure préalables puisqu'elles précèdent l'assignation, qui vaut elle-même mise en demeure de payer, pour les quatre contrats.

Elle se prévaut également de la mise en demeure préalable du 24 octobre 2019 pour les contrats en date du 17 juin 2016 et du 23 octobre 2018, quand bien même la sanction n'est pas mentionnée.

Elle déduit de ces éléments que la déchéance du terme a valablement été acquise dans les quatre contrats de crédit.

Elle conteste à titre subsidiaire l'analyse du juge ayant qualifié de résolution avec effet rétroactif l'anéantissement des quatre contrats de crédit et soutient au contraire que, depuis l'ordonnance de réforme du droit des obligations du 10 février 2016, la sanction de l'inexécution par un cocontractant de son obligation est la résolution judiciaire à ses torts, terme désormais global et générique, mais qui s'intitule « résiliation » pour les contrats à exécution successive et qui ainsi ne vaut que pour l'avenir.

Elle sollicite donc l'infirmation de la décision en première instance et la résiliation des contrats avec paiement des sommes dues pour chacun.

A titre infiniment subsidiaire, elle fait valoir que le juge ne pouvait procéder d'office à la compensation entre les sommes dues et que la résolution de chaque contrat ne pouvait emporter de conséquences que sur le prêt concerné.

Aussi, si le jugement devait être confirmé du chef de la résolution, la société Younited indique qu'elle prendrait acte de ce qu'aucune autre somme n'est due pour les prêts du 17 juin 2016 et du 7 juin 2017, mais maintiendrait sa réclamation concernant le prêt du 3 janvier 2018 pour 1 367, 84 euros et de 1 105,77 euros pour le contrat en date du 23 octobre 2018.

La société de crédit soulève la prescription quinquennale de la demande en nullité de la stipulation d'intérêts et estime au fond que le TAEG a bien été déterminé conformément aux dispositions légales et qu'il a été mentionné pour le prêt du 23 octobre 2018.

Elle ajoute que la seule sanction d'un TAEG inexact est une amende contraventionnelle et non la déchéance du droit aux intérêts.

Elle soulève enfin la prescription de la demande reconventionnelle des époux X. tendant à la reconnaissance d'un devoir de conseil, d'informations et de mise en garde de sa part à leur égard et subsidiairement estime infondée la demande de dommages et intérêts à ce titre au motif qu'au vu des ressources et charges des époux X. à l'époque de la conclusion des contrats, il n'en résulte aucun risque d'endettement excessif.

[*]

Après changement d'avocat, les époux X. ont adressé de nouvelles conclusions à la cour le 11 septembre 2023, soit la veille de l'ordonnance de clôture, et ont sollicité par conséquent le report de celle-ci.

Aux termes de leurs dernières conclusions, ils demandent à la cour :

A titre principal, de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- dire n'y avoir lieu à prononcer la déchéance du terme, pour chacun des quatre prêts, en l'absence de respect des dispositions contractuelles et de la jurisprudence ;

- débouter en conséquence la banque de ses prétentions ;

- dire que l'appelante ne verse pas aux débats de documents qui soient à même de justifier du montant précis de sa créance et qu'elle n'apporte dès lors pas la preuve de sa créance ;

- la débouter en conséquence de sa demande ;

- prononcer la nullité de la clause d'intérêt du prêt litigieux ;

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque ;

- dire n'y avoir lieu à application d'une quelconque indemnité légale ;

- dire que le prêteur a manqué à son devoir de conseil ;

- condamner la banque au paiement de dommages et intérêts d'un montant équivalent aux sommes réclamées en réparation du préjudice de la concluante ;

- ordonner en tant que de besoin la compensation entre les créances réciproques des parties ;

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour considérerait que les concluants seraient redevables d'une quelconque somme au profit de l'appelante, de :

- leur accorder les plus larges délais pour régler cette dette éventuelle, en application de l'article 1244-1 du code civil ;

- les autoriser à régler leur dette en vingt-trois versements de 200 euros et un dernier versement majoré du solde ;

En toute hypothèse,

- condamner l'appelante au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens, dont attribution à Me Gré, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir que la notification de la déchéance du terme est irrégulière en l'absence de mise en demeure préalable, mais également en raison de l'imprécision de ses mentions et de la circonstance que l'un seul des époux en a été destinataire.

Ils soutiennent par ailleurs que leurs différents contrats de crédit ne font pas apparaître le taux et la durée de période du taux effectif global, ce qui doit entraîner la nullité de la clause d'intérêts, et partant, la substitution des intérêts légaux aux intérêts contractuels depuis l'origine de chacun des contrats.

Ils ajoutent que l'historique de compte produit par la banque ne permet pas de déterminer le montant de ses créances au titre des quatre prêts, déduction faite de tous les intérêts payés et devant être imputés sur le capital depuis la signature des contrats.

Ils prétendent encore que la banque a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde en leur faisant souscrire quatre prêts sur une période relativement courte à des taux d'intérêts très élevés, sans insister sur la portée de leurs engagements et l'importance de la charge desdits prêts.

Ils invoquent enfin un octroi abusif de crédit et réclament par conséquent le paiement de dommages intérêts d'un montant équivalent aux sommes réclamées.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Après avoir constitué nouvel avocat, les époux X. ont sollicité le 11 septembre 2023 le report de l'ordonnance de clôture initialement prévue le 12 septembre 2023, afin d'assurer le respect du contradictoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 2023.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Pour le contrat n° 2628197, au regard de sa date de conclusion, il convient de faire application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et leur numérotation antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016. Il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Pour les contrats n° 3807156/ n° 4543259/ n° 5725015, au regard de leur date de conclusion, s'appliqueront les dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016. Il en est de même des dispositions du code civil en leur version postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.

 

Sur la recevabilité :

La recevabilité de l'action de la société Younited pour les quatre crédits litigieux au regard du délai biennal de forclusion, vérifiée par le premier juge, ne fait pas l'objet de contestation. Les dispositions du jugement sont confirmées sur ce point.

 

Sur la déchéance du terme des contrats :

Il est admis qu'en application des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil dans leurs versions applicables au contrat n° 2628197 en date du 17 juin 2016, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle et régulariser sa situation.

Les nouveaux articles 1224 et suivants du code civil dans leur version issue de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats applicable aux trois autres contrats imposent également préalablement à la résolution du contrat s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution, la délivrance d'une mise en demeure mentionnant expressément la clause résolutoire et le délai raisonnable permettant au débiteur défaillant de satisfaire à son engagement.

En matière de crédit à la consommation en particulier, il résulte des dispositions de l'article L. 312-39 du code de la consommation (L. 311-24 du code de la consommation en vigueur à l'époque de la conclusion du contrat du 17 juin 2016), que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

En l'espèce, si les quatre contrats de prêt comprennent tous la même clause de déchéance du terme à l'article 3.3, ils se contentent d'indiquer de façon générique que « le prêteur pourra résilier le présent contrat après envoi à l'emprunteur d'une mise en demeure par lettre recommandée en cas de non-paiement à la bonne date de toutes sommes dues au titre du présent contrat. En cas de résiliation du contrat par le prêteur, l'emprunteur sera tenu de rembourser immédiatement toutes les sommes restant dues en vertu du présent contrat » et n'excluent pas de manière expresse et non équivoque l'envoi d'une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme permettant aux débiteurs de régulariser l'arriéré.

Il ressort du dossier des éléments différents pour les quatre contrats conclus, soit :

 

- pour les contrats n° 2628197 en date du 17 juin 2016 et n° 5725015 en date du 23 octobre 2018

La société Younited se prévaut d'une déchéance du terme régulière et produit aux débats, pour chacun des contrats cités, un courrier recommandé avec avis de réception du 24 octobre 2019, adressé à M. X. et Mme X., aux termes duquel elle précise que « Nous venons à nouveau d'être notifiés par votre banque d'un rejet de prélèvement. Étant donné la non régularisation de vos précédents impayés, votre dossier est transmis dès ce jour à notre direction du recouvrement. Vous nous devez aujourd'hui un montant total de 391,98 euros (NDLR : pour le premier contrat, et 383,22 euros pour le second contrat) (..) Nous vous invitons à procéder au règlement de la somme de 391,98 euros (NDLR : pour le premier contrat, et 383,22 euros pour le second contrat) par tous moyens à votre convenance dans un délai de 15 jours à réception de ce courrier », étant précisé que l'intitulé du courrier est « Mise en demeure- Avertissement avant résiliation de votre couverture assurance emprunteurs ». Ces courriers en ce qu'ils n'avisent pas les parties de la sanction de la déchéance du terme en cas de non régularisation et ne comportent pas un intitulé avertissant d'une résiliation du prêt et non de l'assurance, ne peuvent être considérés comme des mises en demeure préalables.

Le second courrier, également envoyé par recommandé en date du 30 décembre 2019 au nom des deux époux X., dont l'objet est « déchéance du terme », comporte la phrase prononçant la déchéance du terme et la mise en demeure de payer le montant total de la somme due (échéances impayées / capital restant dû / indemnité de résiliation).

Ce courrier, non précédé d'une mise en demeure préalable, ne peut donc constituer une déchéance du terme régulière.

 

- pour les contrats n° 3807156 en date du 7 juin 2017 et n° 4543259 en date du 3 janvier 2018

La société Younited produit, pour chaque contrat, un courrier recommandé en date du 30 décembre 2019 au nom des deux époux X. dont l'objet est « déchéance du terme » qui comporte la phrase prononçant la déchéance du terme, la mise en demeure de payer le montant total de la somme due (échéances impayées / capital restant dû / indemnité de résiliation, soit 2.720,74 euros pour le premier contrat et 7.133,31 euros pour le second contrat).

Ces courriers, non précédés d'une mise en demeure sollicitant le règlement de l'arriéré des échéances impayées dans un délai connu et raisonnable pour permettre aux débiteurs de régulariser la situation, ne peuvent donc constituer une déchéance du terme régulière.

Il en résulte que la déchéance du terme n'a pu régulièrement intervenir même par la délivrance de l'assignation, aucune mise en demeure portant sur le seul arriéré n'ayant été envoyée avant sa délivrance pour aucun des quatre contrats et il convient ainsi d'examiner la demande subsidiaire en prononcé de résiliation judiciaire.

 

Sur la résolution des contrats :

En application de l'article 1184 du code civil, dans sa version applicable au contrat du 17 juin 2016, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfait pas à son engagement.

En application de l'article 1228 du code civil dans sa version issue de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, applicable aux trois autres contrats, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

En l'espèce, en assignant M. et Mme X. le 29 juillet 2021 en paiement du solde des prêts après déchéance du terme, la banque a manifesté clairement sa volonté de ne pas poursuivre les quatre contrats alors que ceux-ci n'étaient pas arrivés à leur terme juridique.

Les pièces du dossier établissent que M. et Mme X. ont définitivement cessé de s'acquitter du remboursement des mensualités des prêts à compter du 4 août 2019 mettant ainsi en échec le paiement de leurs crédits.

Dès lors leur inexécution est suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation des contrats au jour du présent arrêt.

En application de l'article 1229 alinéa 3 du code civil dans sa version issue de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, les restitutions liées à la résolution du contrat n'ont lieu que lorsque les prestations échangées n'avaient d'utilité qu'en cas d'exécution complète du contrat résolu, la distinction contrat instantané / contrat exécution successive, telle qu'opérée par le premier juge, ne paraissant pas toujours adaptée pour déterminer dans quelle mesure les restitutions doivent avoir lieu.

Lorsque les prestations trouvaient une utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, la résolution n'aura pas d'effet rétroactif. Lorsque la résolution ne donne pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu de contrepartie, elle est qualifiée de résiliation ; ainsi la résiliation est depuis la réforme du droit des contrats simplement un cas déterminé de résolution s'appliquant quel que soit le type de contrat : contrat d'exécution successive ou instantané.

Or, en l'espèce, les quatre crédits à la consommation conclus ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de leur exécution puisque les emprunteurs ont bénéficié des sommes empruntées dès l'expiration du délai de rétractation après conclusion des contrats ; seules les modalités de remboursement étaient différées et échelonnées dans le temps.

Dès lors les effets de la résolution prononcée s'opéreront sans effet rétroactif et il sera prononcé la résiliation des contrats à effet à la date du présent arrêt.

 

Sur la prescription des demandes reconventionnelles pour les contrats conclus les 17 juin 2016, 7 juin 2017 et 3 janvier 2018 :

La société Younited soutient que les appelants ne peuvent invoquer pour les contrats conclus les 17 juin 2016, 7 juin 2017 et 3 janvier 2018, la nullité de la stipulation d'intérêts et un manquement de la banque à son devoir de mise en garde et de conseil au regard du délai de prescription quinquennale ayant commencé à courir à compter de la date d'acceptation des offres et devant se terminer au :

- 17 juin 2021 pour le contrat du 17 juin 2016,

- 7 juin 2022 pour le contrat du 7 juin 2017,

- 3 janvier 2023 pour le contrat du 3 janvier 2018.

 

1) pour la nullité de la stipulation d'intérêts

Répondant à une action en paiement du solde d'un crédit à la consommation, les emprunteurs peuvent opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d'une des dispositions du code de la consommation prévoyant la nullité d'une clause ou la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription.

La prescription est donc sans effet sur l'invocation d'un moyen qui tend non pas à l'octroi d'un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.

C'est donc vainement que la société Younited prétend que le moyen tiré de la nullité de la clause de stipulation d'intérêts serait prescrit pour trois des quatre contrats conclus.

Ce moyen est donc recevable pour tous les contrats.

 

2) pour le devoir de mise en garde et de conseil

Cette demande d'indemnités est une demande reconventionnelle formée par les intimés pour la première fois le 11 septembre 2023.

Il résulte de l'article L. 110-4-1 du code de commerce dans sa rédaction applicable aux contrats que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Cette prescription qui constitue une fin de non-recevoir et peut être opposée à tout moment, y compris pour la première fois en cause d'appel, est applicable à la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts présentée par l'emprunteur en ce qu'elle vise non pas à s'opposer à la demande en paiement du solde du crédit présentée par le prêteur mais à obtenir des indemnités.

S'agissant du conseil et de la mise en garde par la banque dans les offres de crédit du 17 juin 2016, du 7 juin 2017 et du 3 janvier 2018, le point de départ de la prescription ne saurait être postérieur à la date de signature des contrats. Or plus de 5 ans se sont écoulés avant que M. et Mme X. ne demandent par conclusions déposées par RPVA le 11 septembre 2023 la condamnation de la banque à lui payer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour non-respect du devoir de conseil et de mise en garde.

La demande de dommages et intérêts présentée par M. et Mme X. sur ces fondements est donc prescrite.

En conséquence, il convient d'accueillir les fins de non-recevoir soulevées par la société Younited pour les contrats conclus les 17 juin 2016, du 7 juin 2017 et du 3 janvier 2018.

En revanche cette demande n'est pas prescrite pour le contrat du 23 octobre 2018 puisqu'elle a été soulevée moins de cinq après la signature du contrat.

 

Sur la nullité de la clause d'intérêts :

Les appelants soulèvent donc reconventionnellement la nullité de la clause d'intérêts présente aux termes des différents contrats de crédits souscrits en ce qu'elle ne fait pas apparaître le taux et la durée de période du taux effectif global.

L'article L. 311-18 du code de la consommation dans sa version applicable pour le contrat conclu le 17 juin 2016 (devenu L. 312-28 applicable pour les trois contrats postérieurs) dispose qu'un encadré, inséré au début du contrat, informe l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.

Il résulte de l'article L. 311-48 al.1 du code de la consommation applicable pour le contrat conclu le 17 juin 2016 (devenu L. 341-1 applicable pour les trois contrats postérieurs) que lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées à l'article L. 311-18 du code de la consommation applicable pour le contrat du 17 juin 2016 (devenu L. 312-28 applicable pour les trois contrats postérieurs), il est déchu du droit aux intérêts.

L'article R. 311-5 du code de la consommation dans sa version applicable pour le contrat conclu le 17 juin 2016 (devenu R. 312-10 applicable pour les trois contrats postérieurs) précise que l'encadré mentionné à l'article L. 311-18 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat conclu le 17 juin 2016 (devenu L. 312-28 applicable pour les trois contrats postérieurs) indique en caractères plus apparents que le reste du contrat, dans l'ordre choisi par le prêteur [']

f) Le taux annuel effectif global et le montant total dû par l'emprunteur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit. Toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux sont mentionnées.

Le TAEG est défini par l'article L. 312-2 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat du 17 juin 2016 (devenu les articles L. 313-1 et suivants pour les trois crédits postérieurs) et son calcul est présenté à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat du 17 juin 2016 (devenu R. 314-3 pour les trois crédits postérieurs ) pour ce qui concerne les crédits à la consommation qui ne sont pas destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle et ne sont pas destinés à des personnes morales de droit public.

L'exigence de communication à l'emprunteur du taux de période et de la durée de la période n'est posée par l'article R. 313-1 du code de la consommation (devenu R. 314-3) que pour les crédits destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle ou qui sont destinés à des personnes morales de droit public ; ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Pour toutes les autres opérations de crédit, seule la durée de la période doit être expressément communiquée à l'emprunteur.

Contrairement à ce que prétendent les époux X., le taux de période mensuel n'est donc pas exigé par le code de la consommation pour ce type de crédits à la consommation offerts aux particuliers; la société de crédit ne précise par ailleurs pas en quoi le TAEG serait erroné et son calcul faux pour chacun des contrats.

Or, outre la base d'un taux de période mensuel et la prise en compte des frais de service figurant aux quatre contrats (60,50 euros pour le contrat du 17 juin 2016, 210 euros pour le contrat du 7 juin 2017, 0 euro pour le contrat du 3 janvier 2018 et 0 euro pour le contrat du 23 octobre 2018), ceux-ci précisent que le TAEG est calculé en considération de « la durée du contrat de crédit calculée pour le paiement de la première échéance, 30 jours après la date de mise à disposition des fonds : 60 mois pour le contrat du 17 juin 2016, (72 mois pour le contrat du 7 juin 2017, 72 mois pour le contrat du 3 janvier 2018 et 84 mois pour le contrat du 23 octobre 2018).

Le calcul du TAEG repose sur l'hypothèse que le contrat de crédit restera valable pendant cette durée ».

La durée de la période a été donc expressément portée à la connaissance des emprunteurs pour les différents contrats.

Les dispositions légales sont donc respectées et les contrats conclus les 17 juin 2016, 7 juin 2017, 3 janvier 2018 et 23 octobre 2018 n'encourent aucune nullité de leur stipulation d'intérêts ; M. et Mme X. doivent être déboutés de cette demande et de celle subséquente de restitution des intérêts perçus par la société de crédit.

 

Sur les sommes dues :

En application de l'article L. 311-24 du code de la consommation dans sa version applicable au litige eu égard à la date de conclusion du contrat, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 devenu 1231-5 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.

Selon l'article D.311-6 du code de la consommation, lorsque que le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L.311-24, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

Il s'infère de cette disposition que la notion de capital restant dû fait référence au capital rendu exigible par l'effet de la déchéance du terme.

La société Younited est fondée à obtenir paiement des sommes dues à la date de déchéance du terme soit :

- pour le contrat du 17 juin 2016 :

614,66 euros au titre des échéances impayées assurance comprise

1 883,76 euros au titre du capital restant dû

A déduire, au vu du décompte actualisé au 19 juillet 2021, d'un versement le 12 juillet 2021 d'un acompte de 1 708 euros.

soit une somme totale de 790,42 euros augmentée des intérêts au taux de 4,70 % à compter du présent arrêt.

Elle est en outre fondée à obtenir une indemnité de résiliation de 8 % laquelle, sollicitée à hauteur de 150,70 euros, est supérieure à 8 % et apparaît excessive ; elle doit être réduite à la somme de 50 euros et produire intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

- pour le contrat du 7 juin 2017 :

341,64 euros au titre des échéances impayées assurance comprise

2 202,87 euros au titre du capital restant dû

A déduire, au vu du décompte actualisé au 19 juillet 2021, le versement d'un acompte de 1 672 euros.

soit une somme totale de 872,51 euros augmentée des intérêts au taux de 4,31 % à compter du présent arrêt.

Elle est en outre fondée à obtenir une indemnité de résiliation de 8 % laquelle, sollicitée à hauteur de 176,23 euros, est supérieure à 8 % et apparaît excessive ; elle doit être réduite à la somme de 30 euros et produire intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

- pour le contrat du 3 janvier 2018 :

808,45 euros au titre des échéances impayées assurance comprise

5 856,35 euros au titre du capital restant dû

A déduire, au vu du décompte actualisé au 19 juillet 2021, le versement d'un acompte de 1 872 euros.

soit une somme totale de 4 792,80 euros augmentée des intérêts au taux de 5,64 % à compter du présent arrêt.

Elle est en outre fondée à obtenir une indemnité de résiliation de 8% laquelle, sollicitée à hauteur de 468,51 euros, est supérieure à 8% et apparaît excessive ; elle doit être réduite à la somme de 200 euros et produire intérêts au taux légal à compter du présent arrêt

- pour le contrat du 23 octobre 2018 :

0 euro au titre des échéances impayées assurance comprise

3 233,49 euros au titre du capital restant dû

soit une somme totale de 3 233,49 euros augmentée des intérêts au taux de 5,64 % à compter du présent arrêt.

Elle est en outre fondée à obtenir une indemnité de résiliation de 8 % laquelle, sollicitée à hauteur de 101,59 euros, doit être accueillie et produire intérêts au taux légal à compter du présent arrêt

Au vu de la résolution prononcée, il y a lieu de condamner solidairement M. et Mme X. à la société Younited au paiement des sommes dues et visées plus haut.

 

Sur le devoir de mise en garde et de conseil de la société de crédit pour le contrat conclu le 23 octobre 2018 :

Les époux X. soutiennent reconventionnellement que la banque a manqué à son devoir de mise en garde à leur égard au regard de leur situation financière et sollicitent sa condamnation au paiement de dommages et intérêts d'un montant équivalent à la dette.

Il est admis que le banquier est tenu à l'égard de ses clients profanes d'un devoir de mise en garde, en cas de risque d'endettement excessif de l'emprunteur. Ce devoir oblige le banquier, avant d'apporter son concours, à vérifier les capacités financières de son client et à l'alerter des risques encourus.

Le devoir de mise en garde n'existe donc qu'à l'égard de l'emprunteur profane et n'existe qu'en cas de risque d'endettement excessif.

La charge de la preuve du risque d'endettement pèse sur l'emprunteur, qui doit justifier d'une situation financière non compatible avec l'octroi du prêt au moment de la conclusion de celui-ci.

Il est manifeste en l'espèce que les appelants sont des emprunteurs profanes.

A l'examen du dossier, il apparaît que, contrairement à ce qu'indique la société de crédit, les époux X. n'ont pas conclu de multiples avenants à leur contrat initial mais ont conclu différents contrats à plusieurs mois, voire années, d'intervalle, que le taux pratiqué variant entre 4,31 % et 5,64 % ne peut être considéré comme un taux usuraire.

Les époux X. arguent sinon de l'octroi abusif de crédit entraînant la responsabilité de la banque en raison de l'octroi de quatre prêts sur une période de deux années.

Or, la banque a pris le soin de vérifier la situation financière des deux candidats emprunteurs par l'établissement d'une fiche de renseignements lors des négociations pour chaque contrat.

Pour le contrat du 23 octobre 2018, pour lequel la demande de dommages et intérêts n'est pas prescrite, la situation est la suivante :

- des revenus mensuels de 4 800 euros (3 050 + 1 750 euros) et des charges mensuelles avant octroi du crédit de 1 300 euros (750 + 550) outre les mensualités de 103,03, de 55,26 et de 131,20 euros au titre des précédents crédits à la consommation conclus, soit un reste à vivre de 3 210,51 euros et une situation après restructuration des crédits comme suit : des revenus mensuels de 4 800 euros pour des charges mensuelles, après octroi du crédit de 93,84 euros, de euros, de 1 683,33 euros (1 300 + 103,03+ 55,26+ 131, 20 + 93,84) soit un reste à vivre de 3 116, 67 euros.

Ainsi à la date de conclusion du dernier contrat, les époux X. bénéficiaient d'un reste à vivre de 3 116,67 euros, soit une somme suffisante pour un couple sans enfant à charge. Dès lors, la situation financière des emprunteurs était compatible avec l'octroi d'un nouveau prêt au moment de la conclusion de ce contrat conclu avec la société Younited.

Contrairement à ce que prétendent les appelants, il est acquis que les emprunteurs ont reçu toutes les informations relatives au risque de non-remboursement de leur obligation ou sur les conséquences qui pouvaient en découler, puisque la société Younited démontre leur avoir remis la fiche d'informations précontractuelles laquelle comporte une rubrique afférant à la défaillance, alertant l'emprunteur sur le fait que "Les impayés risquent d'avoir de graves conséquences pour vous et de vous empêcher d'obtenir un nouveau crédit" et que les contrats signés par les emprunteurs prévoient une rubrique intitulée "3-4 Avertissement sur les conséquences de la défaillance de l'emprunteur", rappelant les conséquences en cas de défaillance dans le remboursement des crédits.

La demande de dommages et intérêts doit être rejetée en l'absence de tout manquement à l'obligation de mise en garde de la banque.

 

Sur la demande de délais de paiement :

Les époux X. forment une demande de délais de paiement dans l'hypothèse où ils seraient condamnés au paiement de sommes à la société Younited et proposent d'effectuer 23 versements de 300 euros par mois.

Cependant force est de relever qu'ils ne justifient pas de leur situation financière et personnelle et ne versent aucune pièce.

Au regard de cette absence de justificatifs et de l'opposition de la banque, les délais de paiement sont rejetés.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement querellé relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées. M. et Mme X., qui succombent, supporteront in solidum les dépens d'appel et devront être condamnés in solidum au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement dont appel sauf en ce qu'il a prononcé la résolution des contrats n° 2628197, n° 3807156, n° 4543259 et n° 5725015 et en ce qu'il a débouté la société Younited de ses demandes en paiement ;

Y ajoutant,

Prononce la résiliation des contrats n° 2628197, n° 3807156, n° 4543259 et n° 5725015 aux torts de M. X. et de Mme Y. épouse X. ;

Condamne solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Younited :

- la somme de 790,42 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,70 % à compter du présent arrêt, pour le contrat n° 2628197 conclu le 17 juin 2016, outre une somme de 50 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

- la somme de 872,51 avec intérêts au taux contractuel de 4,31 % à compter du présent arrêt, pour le contrat n° 3807156 conclu le 7 juin 2017, outre une somme de 30 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

- la somme de 4 792,80 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,64 % à compter du présent arrêt, pour le contrat n° 4543259 conclu le 3 janvier 2018, outre une somme de 200 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

- la somme de 3 233,49 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,64 % à compter du présent arrêt, pour le contrat n° 5725015 conclu le 23 octobre 2018, outre une somme de 101,59 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner la capitalisation des intérêts ;

Déclare recevables les demandes formées par M.X. Mme Y. épouse X. au titre de la demande de nullité de la stipulation d'intérêts des quatre contrats ;

Déclare irrecevable comme prescrite la demande formée au titre du devoir de conseil et de mise en garde de la société Younited pour les contrats conclus les 17 juin 2016, 7 juin 2017 et 3 janvier 2018 ;

Déclare recevable la demande formée à ce titre en ce qui concerne le contrat du 23 octobre 2018 ;

Déboute M. X. et Mme Y. épouse X. de leur demande de dommages et intérêts pour manquement par la société Younited à son obligation de conseil et de mise en garde pour le contrat en date du 23 octobre 2018 ;

Déboute M. X. et Mme Y. épouse X. de leur demande en nullité de la stipulation d'intérêts au titre des quatre contrats ;

Déboute M. X. et Mme Y. épouse X. de leur demande de délais de paiement ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. in solidum à payer à la société Younited la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. in solidum aux dépens d'appel.

La greffière                                                  La présidente