CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 24 janvier 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10827
CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 24 janvier 2024 : RG n° 16/19898
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Il est de principe que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui. Au regard de ce principe, Mme X. et Mme Y. estiment que les fins de non-recevoir soulevées par la banque, fondées sur l'indemnisation perçue par elles à titre provisoire par suite du jugement correctionnel du 26 février 2020, sont elles-mêmes irrecevables car constitutives d'estoppel. Selon elles, il existe une contradiction dans l'argumentation de la banque dès lors que celle-ci, au soutien de sa fin de non-recevoir, tente de tirer argument de sa condamnation pénale, et dans le même temps, au soutien de son argumentation au fond, demande à la cour de ne pas tenir compte de cette condamnation puisqu'elle n'est pas définitive.
Contrairement à ce que soutiennent les intimées, la société BNP Paribas Personal Finance s'appuie sur la décision précitée du tribunal correctionnel tant dans ses développements relatifs aux fins de non-recevoir qu'elle leur oppose, que dans son argumentation au fond concluant au maintien du contrat nonobstant les clauses de variation de change et d'intérêt qualifiées d'abusives par les emprunteuses, du fait de l'indemnité allouée par le tribunal (pp. 11, 19, 27 des conclusions de l'appelante). L'appelante, qui ne se contredit pas, est ainsi recevable en ses fins de non-recevoir. »
2/ « Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.Aux termes de l'article 31 du même code, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
- Sur le principe de réparation intégrale du préjudice : Le jugement du 26 février 2020 n'est pas définitif, de sorte que la société BNP Paribas Personal Finance ne peut en tirer argument pour soutenir que la suppression de l'effet des clauses relatives à la variation du taux de change aboutirait à ce que la banque restitue une seconde fois aux emprunteuses le montant de l'effet de la variation du taux change, dès lors que celui-ci leur a déjà été restitué au titre du préjudice financier alloué à ces derniers par le juge pénal. En outre, les appelantes répliquent à raison que la nature juridique des restitutions consécutives à l'anéantissement rétroactif d'un contrat est distincte de celle d'une indemnisation délictuelle.
- Sur le défaut d'intérêt à agir :Les mêmes motifs amènent à considérer que, nonobstant la réparation de leur préjudice accordée par le juge pénal, Mme X. et Mme Y. conservent un intérêt à agir aux fins de voir déclarer non écrites les clauses qu'elles considèrent comme abusives, le tribunal correctionnel n'ayant au demeurant pas le pouvoir de prononcer l'annulation du prêt.
De plus, l'appréciation de l'existence d'un déséquilibre significatif au regard de l'indemnisation obtenue par les emprunteuses porte sur une condition de fond du caractère abusif des clauses par elles dénoncées. Or, l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
- Sur l'estoppel : Selon l'appelante, en introduisant une demande tendant à solliciter le réputé non écrit des clauses relatives à la variation du taux de change alors que devant le juge pénal - en leur qualité de parties civiles - elles ont sollicité une indemnisation fondée sur l'existence et le maintien de ladite clause, Mme X. et Mme Y. violent le principe selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui », de sorte que leur demande est irrecevable. Toutefois, la seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir. En l'espèce, les deux actions engagées par les emprunteuses, l'une en indemnisation du préjudice résultant d'une infraction, l'autre en déclaration de clause abusive, ne sont pas de même nature, si bien que la seconde est recevable. »
3/ « La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, notamment dans son arrêt C-609/19 du 10 juin 2021 et son ordonnance C-288/20 du 24 mars 2022, que « […] ». Il ressort également de cet arrêt que la charge de la preuve de ce caractère clair et compréhensible incombe au prêteur.
Il résulte de la lecture de l'entièreté des clauses reproduites ci-dessus, issues des différentes stipulations litigieuses qui ne se suivent pas strictement, que l'emprunteur est notamment informé :
- que le crédit, remboursable en euros, est financé par un emprunt souscrit en francs suisses par le prêteur sur les marchés monétaires internationaux de devises ; qu'il sera ouvert un compte interne en euros et un compte interne en francs suisses au nom de l'emprunteur dont le fonctionnement est expliqué ; que les frais de change occasionnés par les opérations de change rendues nécessaires entre les deux monnaies incombent à l'emprunteur, sont nécessaires au fonctionnement et au remboursement du crédit et font partie intégrante des règlements en euros ;
- que le taux de change initial cité est invariable jusqu'au déblocage des fonds et sert à l'établissement du tableau d'amortissement ; qu'au cours de la vie du crédit, les opérations de conversion en francs suisses du solde des règlements mensuels en euros après payement des charges annexes, de conversion en euros du solde débiteur du compte interne en francs suisses, en cas d'option de changement de monnaie, et de conversion en francs suisses du remboursement en euros en cas de remboursement anticipé, seront réalisées par le prêteur ;
- des modalités de remboursement du crédit, le système d'amortissement du capital étant décrit en stipulant qu'il évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué aux règlements mensuels de l'emprunteur ; que, s'il résulte de l'opération de change une somme inférieure à l'échéance en francs suisses exigible, l'amortissement du capital sera moins rapide et l'éventuelle part de capital non amorti au titre d'une échéance du crédit sera inscrite au solde débiteur du compte interne en francs suisses, tandis que, s'il résulte de l'opération de change une somme supérieure à l'échéance en francs suisses exigible, l'amortissement du capital sera plus rapide, ainsi que le remboursement, et qu'en tout état de cause, les opérations de crédit sur le compte en francs suisses seront affectées prioritairement au payement des intérêts de l'échéance et à l'amortissement du prêt ;
- qu'il y a un effet des variations du taux d'intérêt, tous les cinq ans, sur le montant des mensualités de remboursement, qui reste inchangé, ainsi que sur la durée du crédit, qui, dans l'hypothèse d'un règlement mensuel théorique supérieur à celui payé précédemment, sera allongée de cinq ans avec des mensualités inchangées, mais que si néanmoins le maintien des règlements ne suffisait pas, une augmentation des règlements serait prévue pour régler le solde pendant la durée allongée de cinq ans ' en étant toutefois plafonnée par référence à un indice des prix publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques ' puis que, dans l'hypothèse d'un non-apurement après révisions annuelles des échéances pendant la période complémentaire déplafonnée et s'il subsiste un solde débiteur, que les règlements seront poursuivis jusqu'à l'apurement du solde.
Il doit être ajouté que le contrat prévoit des modalités d'option, tous les cinq ans, lors de la révision du taux, pour une conversion en une monnaie de compte en euros, soit avec un taux fixe en euros, soit avec un taux variable en euros et qu'il prévoit également une faculté de remboursement par anticipation, total ou partiel pour peu qu'il soit supérieur à 10 %, moyennant payement du solde du compte en francs suisses ou en euros selon les cas, avec exonération d'indemnité de résiliation dans certains cas (changement d'activité professionnelle, revente en période de taux révisable, décès, cessation d'activité professionnelle) et application d'une indemnité dans les autres cas (équivalente à un semestre d'intérêts au taux du crédit en vigueur plafonné à 3 % du solde débiteur du compte).
Le contrat est complété d'une annexe illustrant l'impact des variations éventuelles du taux de change sur le plan de remboursement dans l'hypothèse où, au bout de cinq ans, le taux de change passe soit à 1 euro contre 1,61 franc suisse, soit à 1 euro contre 1,45 franc suisse. Ces exemples, qui correspondent à des variations limitées du taux de change de 5 %, font apparaître une durée du crédit variant entre 282 et 323 mois, inférieure en toute hypothèse à la durée initiale majorée de cinq ans, et des montants de mensualités qui n'excèdent pas ceux du tableau d'amortissement prévisionnel.
S'il résulte des stipulations du contrat une énonciation, compréhensible sur les plans formel et grammatical, des conditions et modalités d'exécution du prêt, il n'en reste pas moins qu'au-delà de cette description de ses caractéristiques ' se voulant exhaustive sur le plan technique au prix d'une prise de connaissance de longues stipulations non dénuées de complexité ', les effets de l'évolution de la parité entre l'euro et le franc suisse n'y sont pas mis en relief ni même explicités en eux-mêmes de telle sorte que l'emprunteur puisse envisager concrètement l'impact économique, potentiellement significatif, d'une évolution défavorable de la parité des monnaies sur ses obligations et évaluer, en toute connaissance de cause, le risque auquel il accepte de s'exposer, le cas échéant.
En conséquence, les clauses litigieuses ne forment pas un ensemble clair et compréhensible au sens de la disposition rapportée ci-dessus, de sorte qu'il convient d'examiner si elles ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties au contrat au détriment de l'emprunteur. »
4/ « Il résulte des stipulations du contrat de prêt que l'emprunteur s'expose à un risque financier, tributaire de la parité des monnaies de compte et de payement, et ce, sans que ce risque ne soit plafonné lors de la dernière période additionnelle éventuelle de remboursement comme en convient d'ailleurs la société BNP Paribas Personal Finance, risque en regard duquel cette dernière ne supporte que l'aléa tenant à la durée de perception des intérêts sans qu'il n'existe de mesure entre l'accroissement significatif du capital à rembourser pour l'emprunteur et le manque à gagner en intérêts pour la banque qui voit le capital en francs suisses remboursé par équivalent en euros selon le cours du change au moment de chaque payement. Il doit donc être considéré que la société BNP Paribas Personal Finance ne pouvait s'attendre, si l'emprunteur avait été normalement informé du fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et mis en mesure d'évaluer les conséquences économiques négatives potentielles selon les exigences ci-dessus, qu'il accepte le risque disproportionné qui résulte de ces clauses.
À supposer même qu'il doive être tenu compte du fait que le taux effectif global attaché au prêt offert à Mme X. et Mme Y., soit comparable au taux effectif global moyen des emprunts en euros à taux fixe existant alors sur le marché ' alors qu'il s'agit d'un élément extrinsèque aux droits et obligations des parties au contrat qui constituent le champ dans lequel doit être apprécié le déséquilibre significatif ', il ne ressort pas de la note technique Finexsi produite aux débats que l'emprunteur ne fût pas, seul, exposé au risque d'augmentation de la monnaie de compte. Ladite étude, outre qu'elle traduit elle-même un surcoût non négligeable du crédit, ce qui constitue une réalisation significative du risque, doit être regardée en considération de l'espèce dans laquelle les consommatrices, ayant emprunté l'équivalent de la somme de 319 588,99 euros au mois d'avril 2008 dont 314 866 euros de capital et des frais de change de 4 722,99 euros et remboursé les échéances et frais ' qu'elles exposent avoir été d'un total de 71 891,85 euros ' jusqu'à la date de remboursement par anticipation au mois de septembre 2013, se sont vu réclamer la somme de 404 709,54 euros (pièce no 2 des intimées).
C'est également vainement que la société BNP Paribas Personal Finance objecte au risque caractérisé ci-dessus la faculté pour l'emprunteur d'opter soit pour un prêt en euro, à taux fixe ou variable, soit pour un remboursement anticipé dès lors ' outre le fait que le contrat est, en principe, exécuté en dehors des levées d'option ', que lesdites options ne sont pas nécessairement de nature à gommer les effets de réalisation du risque au moment de leur exercice, lequel est, de plus, contraint par de multiples conditions, premièrement, de nature juridique, imposées par le contrat en terme de période pendant lesquelles il est rendu possible (lors des échéances de cinq ans), deuxièmement, de nature économique qui le rendent tributaire des capacités financières de l'emprunteur, comme le montrent les données financières ci-dessus.
Est pareillement inopérant pour apprécier le déséquilibre créé par les clauses critiquées le fait, étranger à l'économie du contrat, qu'Mme X. et Mme Y. aient été indemnisées du préjudice causé par la pratique commerciale trompeuse dont la société BNP Paribas Personal Finance a été convaincue, indemnisation qui aurait eu pour effet, d'après l'appelante, de supprimer l'effet de la variation du taux de change.
La société BNP Paribas Personal Finance n'établit donc pas que le déséquilibre en défaveur de l'emprunteur, que ce dernier n'a pu mesurer de manière transparente, ne serait pas significatif comme étant contrebalancé par le taux d'intérêt ou par la faculté d'opter pour un prêt à taux fixe ou encore de rembourser le crédit par anticipation.
Le cantonnement de la reconnaissance du caractère abusif à la seule clause, additionnelle et éventuelle, de remboursement de 5 années supplémentaire non plafonnée, revendiqué par la société BNP Paribas Personal Finance, ne saurait être retenu dès lors que l'exécution de cette clause n'est pas la seule manifestation, selon le mécanisme du contrat, de la réalisation éventuelle du risque, les emprunteuses faisant valoir, à juste titre, que ne seraient concernés que ceux qui ont poursuivi l'exécution du contrat en francs suisses sans pour autant qu'ils soient remis dans la situation qui aurait été la leur en l'absence des clauses abusives ci-dessus caractérisées.
En conséquence de tout ce qui précède, il y a lieu de déclarer abusives toutes les clauses reproduites ci-dessus qui sont indivisibles en ce que le principe descriptif de l'emprunt en francs suisses remboursable en euros est décliné par le fonctionnement de deux comptes dans chacune des devises, par les opérations de change et par les modalités de remboursement dans le temps. »
5/ « Dès lors qu'il est constant que les clauses litigieuses, jugées abusives en ce qu'elles font courir à l'emprunteur, en méconnaissance de cause, un risque tenant à la parité des monnaies de compte et de payement, définissent l'objet principal du contrat, que leur lecture et leur analyse montrent qu'elles sont indivisibles, et que le contrat énonce que le montant du crédit est en francs suisses alors que ses modalités de remboursement et les opérations de change nécessaires ne sont pas maintenues, c'est l'entièreté du contrat de prêt qui est affectée. En effet, à moins d'une substitution de dispositions ou d'une révision prohibée du contrat et en l'absence de dispositions nationales supplétives, le contrat ne peut subsister sans elles puisqu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de décider qu'il s'agirait d'un prêt en euros affecté de l'un quelconque des taux d'intérêts stipulés, y compris le taux fixe initial prévu pour une durée de cinq ans. Il en résulte que l'examen du caractère abusif des clauses sur les intérêts, d'une part, et de la clause de reconnaissance de la réception de certaines informations, d'autre part, n'est pas nécessaire à la solution du litige alors qu'en tout état de cause, la clause d'information reçue est sans portée sur l'appréciation de l'exécution de leurs obligations par les parties.
En conséquence du caractère non écrit des clauses essentielles du contrat l'affectant dans son entièreté, les emprunteuses font valoir à juste titre que la somme qu'il leur revient de restituer est l'équivalent en euros de la somme empruntée en francs suisses, selon le cours du change alors appliqué au contrat de 1,53 euros, qui est la seule reçue par elles.
Celle-ci s'élève à la somme de 314 866 euros (puisque la somme supplémentaire de 4 722,99 euros qu'elles ont reçue a été affectée au payement de frais de change à restituer par la banque de sorte qu'elle est d'un effet nul), si bien qu'Mme X. et Mme Y. doivent être condamnées à payer à la société BNP Paribas Personal Finance ladite somme de 314 866 euros et que la banque doit être condamnée à leur restituer la totalité des sommes perçues par elle en exécution du prêt en principal, intérêts et frais depuis sa conclusion à l'exception de la somme de 4 722,99 euros.
Il s'ensuit que la compensation doit être ordonnée comme demandé au dispositif des conclusions de l'appelante, entre la somme susdite de 314 866,00 euros correspondant au capital emprunté en euros, et celle de 484 398,89 euros correspondant à toutes les sommes perçues au titre du prêt, selon le chiffrage non contesté de l'établissement de crédit, diminuée de 4 722,99 euros soit 479 675,90 euros. En l'absence de contestation sur ce point,étant d'ailleurs rappelé que le prêt a été remboursé par anticipation, il n'est pas nécessaire de faire droit à la demande des intimées tendant à voir ordonner à la société BNP Paribas Personal Finance de procéder au calcul, au jour de l'exécution du jugement à intervenir, du préjudice financier correspondant à la somme des mensualités et autres frais facturés par la banque durant l'exécution du prêt et de la différence entre la dette en euros de Mme X. et Mme Y. invoquée par la banque et le montant débloqué en euros lors de la conclusion du prêt. »
6/ « S'agissant des dommages-intérêts sollicités, il doit être relevé que le tribunal correctionnel, dans son jugement en date du 26 février 2020, a retenu, d'une part, le principe suivant d'indemnisation des emprunteurs dont le prêt a été converti en euros : « le préjudice est constitué par le montant du capital restant dû à la date à laquelle la partie civile a arrêté ses comptes, duquel il convient de soustraire le montant du capital restant dû indiqué à la même date sur le tableau d'amortissement prévisionnel intégré à l'offre de prêt (ce montant de capital restant dû étant stipulé en francs suisses, il convient auparavant de le convertir en euros sur la base du taux de change indiqué à l'offre), les frais payés pour convertir le prêt en euros devant encore s'ajouter au montant déterminé », ce qui a conduit, selon la banque non contredite puisque la décision était exécutoire par provision, au versement par elle de la somme de 115 359,26 euros au titre du préjudice financier et, d'autre part, l'existence d'un préjudice moral « nécessairement issu de la commission de l'infraction retenue de pratique commerciale trompeuse mais aussi décrit comme résultant des effets de la souscription du contrat de prêt dans ces conditions » à celle de 10.000 euros au titre du préjudice moral de chaque emprunteuse. La demande de la société BNP Paribas Personal Finance tendant à ce que la somme de 115.359,26 euros versée au titre du préjudice financier causé par la pratique commerciale trompeuse de la banque soit également restituée par les emprunteuses n'est pas fondée en droit, et se heurte à la nature juridique distincte des condamnations considérées : restitution de sommes à la suite de la reconnaissance du caractère non écrit des clauses, d'un côté, et indemnisation d'un préjudice, de l'autre. La banque ne peut donc qu'être déboutée de cette prétention, étant observé que les obligations de restitution ordonnées dans la présente décision ne sont pas tributaires du sort de la procédure correctionnelle alors qu'au contraire, au-delà des dispositions pénales du jugement correctionnel, l'évaluation, lors de l'examen de leurs demandes en qualité de parties civiles, du dommage effectivement subi par les emprunteuses est dépendante quant à elle du sort donné au contrat dans le présent litige civil sur le fondement des clauses abusives.
En revanche, Mme X. et Mme Y. ne justifient pas de l'existence d'un préjudice moral distinct de celui qui est indemnisé par la somme versée en exécution du jugement correctionnel, de sorte qu'elles doivent être déboutées de leur prétention à ce titre.
La solution apportée au litige n'exige pas que soient examinés les moyens et prétentions subsidiaires relatifs à la pratique commerciale trompeuse non plus qu'à l'obligation d'information du prêteur, le jugement devant, par seule voie de conséquence, être infirmé. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 6
ARRÊT DU 24 JANVIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/19898 (19 pages). N° Portalis 35L7-V-B7A-BZW6C. Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 juin 2016 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013049762.
APPELANTE :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 1], [Localité 3], N° SIRET : XXX, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125, Ayant pour avocat plaidant Maître Elodie VALETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : R030
INTIMÉES :
Mme X.
[Adresse 4], [Localité 2]
Mme Y.
[Adresse 4], [Localité 2]
Représentées par Maître Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945, Ayant pour avocat plaidant Maître Charles CONSTANTIN-VALLET de la SELARL CONSTANTIN-VALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1759
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Marc BAILLY, Président de chambre ayant lu le rapport, et MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Marc BAILLY, Président de chambre, M. Vincent BRAUD, Président chargé du rapport, MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Yulia TREFILOVA
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Mélanie THOMAS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 18 mars 2009, Mme X. et Mme Y. ont signé un contrat de réservation en l'état futur d'achèvement avec la société civile immobilière LP Promotion Oscar pour un bien immobilier à usage locatif, sis à [Localité 5], présenté par la société Estuaire Consultants sous le régime fiscal de la loi Scellier.
Pour financer l'acquisition, la société Estuaire Consultants a sollicité la société BNP Paribas Personal Finance, qui a adressé à Mme X. et Mme Y. le 15 avril 2009 une offre de crédit, dite Helvet Immo, à taux révisable libellée en francs suisses, pour un montant de 488.971,15 francs suisses, soit la contrevaleur en euros de 319 589 euros, et dont le remboursement s'effectue en euros.
Le crédit prévoyait un différé partiel d'amortissement de 24 mois, un taux d'intérêt initial de 4,45 % l'an pendant les 5 premières années, révisable ensuite tous les 5 ans, le tout sur une durée de 25 ans.
Le 28 avril 2009, Mme X. et Mme Y. acceptaient l'offre de prêt et réitéraient leur acceptation devant notaire le 8 juin 2009.
Au terme de la période de différé partiel d'amortissement et par lettre du 10 juin 2011, la société BNP Paribas Personal Finance informait Mme X. et Mme Y. que le montant des échéances passerait de 1 202,92 euros à 1 879,61 euros à compter du 10 juillet 2011 et jusqu'au 10 mai 2014, fin de la première période de 5 ans avant la révision du contrat.
À la suite du décrochage de l'euro par rapport au franc suisse, Mme X. et Mme Y. ont, par acte en date du 30 juillet 2013, assigné les sociétés BNP Paribas Personal Finance et Estuaire Consultant devant le tribunal de commerce de Paris. Du fait de la procédure de liquidation judiciaire de la société Estuaire Consultants, elles se sont désistées de leur action vis-à-vis de cette dernière.
Concomitamment, Mme X. et Mme Y. ont remboursé leur crédit par anticipation, le 3 octobre 2013.
Par jugement contradictoire en date du 23 juin 2016, le tribunal de commerce de Paris a :
- Donné acte du désistement d'instance et d'action de Mme X. et Mme Y. à l'encontre d'Estuaires Consultants ;
- Condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Mme X. et Mme Y. la somme de 48 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation d'information ;
- Condamné Mme X. et Mme Y. à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 451,41 euros au titre du solde du remboursement anticipé de leur crédit ;
- Ordonné la compensation des dites sommes ;
- Condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Mme X. et Mme Y. Ia somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- Ordonné l'exécution provisoire de ce jugement ;
- Condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 144,84 euros dont 23,92 euros de taxe sur la valeur ajoutée.
Par déclaration du 5 octobre 2016, la société BNP Paribas Personal Finance a interjeté appel du jugement.
Par ordonnance en date du 6 juin 2017, le magistrat chargé de la mise en état a :
- Ordonné le sursis à statuer sur l'ensemble des demandes formées par Mme X. et Mme Y. dans l'attente d'une décision définitive à intervenir sur la procédure pénale suivie sous le numéro d'instruction 24/37/13/3 au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris ;
- Renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du mardi 12 juin 2018 à 13 heures 30, au greffe de la chambre, escalier K2, dernier étage.
Par jugement en date du 26 février 2020, la 13e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris a déclaré la société BNP Paribas Personal Finance coupable du délit de pratiques commerciales trompeuses, en allouant aux parties civiles, avec exécution provisoire, une somme au titre de leur préjudice financier et une somme au titre de leur préjudice moral. La banque a interjeté appel et l'arrêt de la cour d'appel de Paris sera rendu le 28 novembre 2023.
À la suite des arrêts rendus par la Cour de cassation le 30 mars 2022 et le 20 avril 2022, un calendrier de procédure a été établi par bulletin du 16 mai 2023, prévoyant une clôture le 17 octobre 2023 et des plaidoiries à l'audience du 20 novembre 2023.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 16 octobre 2023, la société anonyme BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 23 juin 2016 en ce qu'il a dit que la société BNP Paribas Personal Finance avait manqué à l'obligation d'information lors de la conclusion du contrat de prêt en francs suisses de Mme X. et Mme Y. ;
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 23 juin 2016 en ce qu'il a dit que la société BNP Paribas Personal Finance devra indemniser Mme X. et Mme Y. à hauteur de 48 000 euros au titre de la réparation du préjudice résultant de ce manquement ;
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 23 juin 2016, en ce qu'il a débouté Mme X. et Mme Y. du surplus de leurs demandes ;
Et, statuant à nouveau :
Sur les demandes formées par Mme X. et Mme Y. sur le fondement du droit des clauses abusives
À titre principal,
- Juger irrecevables les demandes formées par Mme X. et Mme Y. tendant à la constatation du caractère abusif et à la suppression de la clause relative à la variation du taux de change, de la clause relative à la variation du taux d'intérêt et de la clause de reconnaissance d'information du bordereau d'acceptation ;
À titre subsidiaire,
- Juger que les clauses relatives à la variation du taux de change et les clauses relatives à la variation du taux d'intérêt relèvent de l'objet principal et qu'elles sont rédigées de manière claire et compréhensible ;
- En conséquence, juger que les clauses relatives à la variation du taux de change et les clauses relatives à la variation du taux d'intérêt ne relèvent pas du contrôle des clauses abusives et débouter Mme X. et Mme Y. de leurs demandes sur le fondement des clauses abusives ;
- Juger que la « clause de reconnaissance d'acceptation du bordereau d'acceptation » n'est pas abusive ;
- En conséquence, débouter Mme X. et Mme Y. de leurs demandes sur le fondement des clauses abusives ;
À titre plus subsidiaire,
- Juger que les clauses relatives à la variation du taux de change, les clauses relatives à la variation du taux d'intérêt et la clause de reconnaissance d'information ne créent pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;
- En conséquence, débouter Mme X. et Mme Y. de leurs demandes sur le fondement des clauses abusives ;
À titre encore plus subsidiaire, sur le périmètre du réputé non écrit,
- Juger que seules les stipulations relatives à la variation du taux de change et à la variation du taux d'intérêt sont réputées non écrites et juger que les autres stipulations peuvent être maintenues, le contrat de prêt pouvant subsister en l'état ;
- En conséquence, juger qu'Mme X. et Mme Y. bénéficient d'un prêt de 314.866,00 euros à taux d'intérêt de 4,45 % ;
- À défaut, juger que seules les stipulations relatives à l'augmentation sans plafond du montant des échéances sont réputées non écrites et juger que les autres stipulations peuvent être maintenues, le contrat de prêt pouvant subsister en l'état ;
À titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour prononçait l'anéantissement rétroactif du contrat de prêt :
- Elle ordonnera la restitution par Mme X. et Mme Y. :
- de la contrevaleur en euros des montants empruntés en francs suisses, soit la somme de 319 588,99 euros ;
- de la somme de 115.359,26 euros versée par la société BNP Paribas Personal Finance en exécution du jugement pénal rendu le 26 février 2020 par la 13e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris ;
- Elle ordonnera la restitution par la société BNP Paribas Personal Finance de toutes les sommes perçues au titre du prêt, soit la somme de 484 398,89 euros au 17 octobre 2023, sauf à parfaire ;
- Elle ordonnera la compensation entre les restitutions réciproques à opérer ;
Sur les demandes subsidiaires formées par Mme X. et Mme Y. sur le fondement du dol qu'elles entendent imputer à la société BNP Paribas Personal Finance
- Juger que la société BNP Paribas Personal Finance n'a pas commis de dol ayant induit Mme X. et Mme Y. en erreur et ainsi vicié leur consentement lors de la conclusion du prêt Helvet Immo et débouter ces dernières de toutes ses demandes sur ce fondement ;
- À titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour entendait prononcer la nullité du contrat de prêt sur le fondement du dol, elle ordonnera les restitutions et la compensation dans les conditions mentionnées ci-dessus ;
Sur la demande infiniment subsidiaire formée par Mme X. et Mme Y. sur le fondement d'un prétendu manquement de la société BNP Paribas Personal Finance à son obligation d'information
- Juger que la société BNP Paribas Personal Finance a rempli son obligation d'information à l'égard de Mme X. et Mme Y. ;
- Juger qu'Mme X. et Mme Y. ne démontrent pas l'existence d'un préjudice indemnisable ;
- En conséquence, débouter Mme X. et Mme Y. de leurs demandes de dommages et intérêts ;
Sur la demande de dommages et intérêts sur le fondement du préjudice moral
À titre principal,
- Juger qu'Mme X. et Mme Y. ne souffrent d'aucun préjudice et débouter ces derniers de leur demande au titre du préjudice moral qu'elles prétendent subir ;
À titre subsidiaire,
- Déduire des dommages et intérêts versés au titre du préjudice moral les sommes versées par la société BNP Paribas Personal Finance en exécution du jugement pénal rendu le 26 février 2020 par la 13e chambre correctionnelle 1 du tribunal judiciaire de Paris à titre provisoire ;
En tout état de cause
- Débouter Mme X. et Mme Y. de l'intégralité de leurs demandes ;
- Juger que l'exécution provisoire n'est pas compatible avec la nature de l'affaire ;
- Débouter Mme X. et Mme Y. de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et donner acte à la société BNP Paribas Personal Finance qu'elle renonce à toute demande sur ce fondement ;
- Les condamner aux entiers dépens.
[*]
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 16 octobre 2023, Mme X. et Mme Y. demandent à la cour de :
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 23 juin 2016 (R. G. no 2013049762) en ce qu'il a jugé que la société BNP Paribas Personal Finance a manqué à son obligation renforcée d'information vis-à-vis de Mme X. et Mme Y. lors de la conclusion du prêt Helvet Immo ;
- Infirmer ce jugement dans toutes ses autres dispositions ;
Et, statuant à nouveau,
À titre principal, sur les clauses abusives :
- Juger que les clauses nos 1 à 5 (clause implicite d'indexation), nos 6 à 8 (clauses de révision des indices de variation du taux d'intérêt) et no 9 (clause de reconnaissance d'information) du contrat Helvet Immo sont abusives et réputées non écrites ;
- Juger que le contrat Helvet Immo ne peut subsister sans ces clauses abusives ;
- En conséquence, anéantir rétroactivement le contrat Helvet Immo souscrit par Mme X. et Mme Y. ;
- Ordonner les restitutions réciproques consécutives à l'anéantissement rétroactif du contrat de prêt Helvet Immo suivantes :
- Mme X. et Mme Y. doivent restituer à la société BNP Paribas Personal Finance le montant en euros mis à leur disposition lors de la conclusion du contrat de prêt, net de tout autre frais ;
- la société BNP Paribas Personal Finance doit restituer à Mme X. et Mme Y. l'ensemble des sommes perçues en euros en exécution du contrat litigieux ;
À titre subsidiaire, sur la pratique commerciale trompeuse :
- Juger que la société BNP Paribas Personal Finance s'est rendue coupable d'une pratique commerciale trompeuse, déloyale et dolosive ayant induit Mme X. et Mme Y. en erreur et, ainsi, vicié leur consentement lors de la conclusion du contrat Helvet Immo ;
- En conséquence, annuler le contrat Helvet Immo souscrit par Mme X. et Mme Y. ;
- Ordonner les restitutions réciproques consécutives à l'annulation de contrat de prêt Helvet Immo suivantes :
- Mme X. et Mme Y. doivent restituer à la société BNP Paribas Personal Finance le montant en euros mis à leur disposition lors de la conclusion du contrat de prêt, net de tout autre frais ;
- la société BNP Paribas Personal Finance doit restituer à Mme X. et Mme Y. l'ensemble des sommes perçues en euros en exécution du contrat litigieux ;
À titre infiniment subsidiaire, sur le manquement de la société BNP Paribas Personal Finance à son obligation renforcée d'information :
- Juger que la société BNP Paribas Personal Finance a manqué à son obligation renforcée d'information vis-à-vis de Mme X. et Mme Y. ;
- En conséquence, condamner la société BNP Paribas Personal Finance à indemniser Mme X. et Mme Y. du préjudice financier qu'elles subissent ;
- Ordonner à la société BNP Paribas Personal Finance de procéder au calcul, au jour de l'exécution du jugement à intervenir, de ce préjudice financier correspondant à la somme des mensualités et autres frais facturés par la banque durant l'exécution du prêt et de la différence entre la dette en euros de Mme X. et Mme Y. invoquée par la société BNP Paribas Personal Finance et le montant débloqué en euros lors de la conclusion du prêt ;
Et en tout état de cause :
- Juger recevables et bien fondées les demandes de Mme X. et Mme Y. et débouter la société BNP Paribas Personal Finance de ses demandes, moyens, fins et prétentions ;
- Condamner la société BNP Paribas Personal Finance à verser à Mme X. et Mme Y. chacune la somme de 50 000 euros en indemnisation de leurs préjudices moraux respectifs (soit 100 000 euros au total) ;
- Condamner la société BNP Paribas Personal Finance à verser à Mme X. et Mme Y. la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens.
[*]
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CELA EXPOSÉ,
Sur le caractère abusif des clauses litigieuses :
Mme X. et Mme Y. poursuivent, sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce, la reconnaissance du caractère abusif des clauses 1 à 5 du contrat de prêt qu'elles appellent la « clause implicite d'indexation », des clauses 6 à 8 prévoyant les révisions des taux d'intérêt dans différentes hypothèses, et de la clause 9 relative à la reconnaissance de la réception d'information par les emprunteurs figurant dans le document d'acceptation de l'offre.
Elles font valoir que les fins de non-recevoir soulevées par la société BNP Paribas Personal Finance sur le fondement de l'article 31 du code de procédure civile au motif qu'elles ont été indemnisées par jugement du tribunal correctionnel de Paris en date du 26 février 2020, sont d'une part irrecevables car constitutives d'estoppel ; d'autre part, mal fondées parce que, nonobstant la condamnation prononcée à leur profit, elles conservent un intérêt à agir aux fins d'anéantissement du contrat de prêt, outre que le jugement sur intérêts civils n'est pas définitif, et parce que ces fins de non-recevoir constituent en réalité la contestation des conditions de fond de leur action.
Mme X. et Mme Y. exposent ensuite :
- qu'à la suite de plusieurs questions préjudicielles posées par des juridictions françaises à la Cour de justice de l'Union européenne, cette dernière, par ses arrêts des 10 juin 2021 et ses ordonnances du 24 mars 2022 portant sur le contrat de prêt Helvet Immo, a rendu des décisions opposées à la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de clause abusive dans ladite affaire Helvet Immo ; que la Cour de cassation a ensuite opéré un « revirement de jurisprudence » en jugeant que l'obligation d'information du banquier en présence d'un prêt en devise étrangère est une obligation d'information renforcée en ce qu'elle ne consiste pas seulement à décrire le mécanisme d'un prêt qui expose l'emprunteur au risque important de l'évolution des taux de change, mais aussi à lui expliquer son fonctionnement concret, de telle sorte qu'il puisse réellement être en mesure d'évaluer les conséquences pendant toute la durée du contrat ;
- s'agissant des « clauses implicites d'indexation », que le contrat litigieux, sur la forme, n'est ni clair ni intelligible pour un consommateur ; que le langage utilisé par le prêteur ne contient aucun avertissement explicite sur les risques courus par le consommateur ; qu'il ne comporte pas d'avertissement clair et explicite sur l'existence du risque de change mais, au contraire, que l'information à ce sujet est dissimulée et inintelligible pour le consommateur ; que le contrat ne comporte pas d'information quant aux possibles variations de change ; qu'il ne contient pas d'avertissement sur la possibilité d'une dépréciation importante de la monnaie de payement et les risques économiques potentiellement significatifs qui en découlent pour le consommateur ni sur l'ensemble des risques inhérents à un prêt en devise étrangère ;
- que la banque a commercialisé le prêt grâce à un discours fondé sur la stabilité du cours de change ; qu'elle n'a pas informé les consommateurs du contexte économique connu, prévisible et susceptible d'avoir une incidence sur la portée de leur engagement ; qu'elle a caché aux consommateurs les anticipations de marché alors disponibles et ses propres anticipations de change ; qu'elle a intégré à ses offres de prêt postérieures au 1er octobre 2008 une simulation de l'impact des variations de change qui est insuffisante, inexacte, trompeuse et qui nuit à l'information du consommateur sur la portée de son engagement ;
- que la société BNP Paribas Personal Finance a d'ailleurs été condamnée en première instance par le tribunal correctionnel du chef de pratique commerciale trompeuse en raison de l'information donnée aux consommateurs sur le risque de change et ses conséquences.
La société BNP Paribas Personal Finance expose :
- que la demande tendant à la constatation et à la suppression des clauses abusives est irrecevable en raison de la violation du principe de réparation intégrale du préjudice, parce que le préjudice financier des emprunteuses a été réparé en exécution du jugement du tribunal correctionnel de Paris en date du 26 février 2020 ; qu'elle est également irrecevable en raison de l'absence de démonstration d'un déséquilibre significatif, parce que ce déséquilibre a été supprimé par la somme que leur a allouée le tribunal correctionnel, si bien que les emprunteuses sont dépourvues d'intérêt à agir ; qu'elle est encore irrecevable en raison de la violation du principe selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui », car leur demande tend à solliciter le réputé non écrit des clauses relatives à la variation du taux de change alors que devant le juge pénal « en leur qualité de parties civiles » elles ont sollicité une indemnisation fondée sur l'existence et le maintien de ladite clause ;
- que les clauses 1 à 5 dénommées « clause de monnaie de compte » - correspondant aux stipulations intitulées Description de votre crédit, Financement de votre crédit, Ouverture d'un compte interne en euros et d'un compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit, Opérations de change et Remboursement de votre crédit - ne peuvent pas être soumises au contrôle des clauses abusives dès lors que l'article L. 132-1 du code de la consommation devenu L. 212-1 prévoit que cette « appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible » ; que ces clauses forment l'objet principal du contrat ;
- que les derniers arrêts du 10 juin 2021 de la Cour de justice de l'Union européenne, des 30 mars et 20 avril 2022 de la Cour de cassation ne constituent pas un revirement de jurisprudence ; que le juge du contrat reste le juge du fond ;
- que le contrat de prêt litigieux répond à tous les critères posés par la Cour de justice de l'Union européenne quant à la transparence de l'information dispensée ; que les stipulations permettaient au consommateur « moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » de comprendre nécessairement qu'un prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros entraîne un risque de change, mais aussi d'évaluer « les conséquences économiques, potentiellement significatives [de la clause litigieuse] sur ses obligations financières » puisqu'au-delà de la parfaite description du mécanisme du prêt, l'explication du risque de change pouvant conduire à un allongement de la durée d'amortissement du prêt pour 5 ans, qui correspond à une augmentation de 20 à 25 %, est précisément exposée, d'autant plus qu'était joint à l'offre de prêt un document intitulé « Informations relatives aux opérations de change qui seront réalisées dans le cadre de la gestion de votre crédit », dont la lecture permettait aux emprunteurs de comprendre que, même dans le cas d'une variation modérée du taux de change, la durée d'amortissement du prêt et le coût du crédit pouvaient augmenter significativement ; qu'ainsi que l'ont décidé à de multiples reprises les juges nationaux, les informations sont suffisantes comme l'a encore reconnu le tribunal judiciaire de Paris saisi d'une action en suppression des clauses abusives dans son jugement du 22 novembre 2022 ;
- subsidiairement, que les clauses relatives à la variation du taux de change ne créent pas de déséquilibre significatif au détriment du consommateur ; que le contrat, qui prévoit une conversion en euro ou un remboursement anticipé, permet d'en limiter les effets défavorables pour les emprunteurs ; qu'il ressort des arrêts du 10 juin 2021 que le risque de change, lorsqu'il est plafonné, n'entraîne pas de déséquilibre significatif qui n'existerait que s'il était disproportionné ; que le prêt comporte les facultés de conversion en euro et de remboursement anticipé ; qu'une étude comparative des effets de l'exécution des prêts Helvet Immo avec des prêts contemporains montre l'absence de déséquilibre significatif ;
- plus subsidiairement, que les deux éléments essentiels d'un prêt de somme d'argent - le montant du principal et le taux d'intérêt - peuvent subsister en l'absence des clauses de variation de change et d'intérêt, ainsi que toutes les autres clauses du prêt ; que la jurisprudence admet le maintien partiel d'une clause, moyennant la suppression des éléments qui la rendent abusive, dès lors que cette suppression n'affecte pas la substance de la clause restante ; que le prêt Helvet Immo peut devenir un prêt en euros et se poursuivre à taux fixe dès lors que le grief des emprunteurs porte exclusivement sur la variation du principal et du taux d'intérêt ; que la sanction applicable devrait ainsi consister à réputer non écrites les stipulations relatives à l'augmentation sans plafond du montant des échéances à l'issue de la période initiale de remboursement puisque ce sont elles qui sont susceptibles d'induire un déséquilibre significatif caractérisé par l'absence de plafond à l'obligation ; que le reste du contrat peut et doit être maintenu puisque la suppression de l'obligation des emprunteurs de verser des échéances sans plafond pendant la période complémentaire de 5 ans n'affectera pas les précédentes obligations en exécution des clauses non abusives du contrat.
Sur les fins de non-recevoir :
a) Sur la recevabilité des fins de non-recevoir :
Il est de principe que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui. Au regard de ce principe, Mme X. et Mme Y. estiment que les fins de non-recevoir soulevées par la banque, fondées sur l'indemnisation perçue par elles à titre provisoire par suite du jugement correctionnel du 26 février 2020, sont elles-mêmes irrecevables car constitutives d'estoppel. Selon elles, il existe une contradiction dans l'argumentation de la banque dès lors que celle-ci, au soutien de sa fin de non-recevoir, tente de tirer argument de sa condamnation pénale, et dans le même temps, au soutien de son argumentation au fond, demande à la cour de ne pas tenir compte de cette condamnation puisqu'elle n'est pas définitive.
Contrairement à ce que soutiennent les intimées, la société BNP Paribas Personal Finance s'appuie sur la décision précitée du tribunal correctionnel tant dans ses développements relatifs aux fins de non-recevoir qu'elle leur oppose, que dans son argumentation au fond concluant au maintien du contrat nonobstant les clauses de variation de change et d'intérêt qualifiées d'abusives par les emprunteuses, du fait de l'indemnité allouée par le tribunal (pp. 11, 19, 27 des conclusions de l'appelante). L'appelante, qui ne se contredit pas, est ainsi recevable en ses fins de non-recevoir.
b) Sur le bien-fondé des fins de non-recevoir :
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l'article 31 du même code, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
- Sur le principe de réparation intégrale du préjudice :
Le jugement du 26 février 2020 n'est pas définitif, de sorte que la société BNP Paribas Personal Finance ne peut en tirer argument pour soutenir que la suppression de l'effet des clauses relatives à la variation du taux de change aboutirait à ce que la banque restitue une seconde fois aux emprunteuses le montant de l'effet de la variation du taux change, dès lors que celui-ci leur a déjà été restitué au titre du préjudice financier alloué à ces derniers par le juge pénal. En outre, les appelantes répliquent à raison que la nature juridique des restitutions consécutives à l'anéantissement rétroactif d'un contrat est distincte de celle d'une indemnisation délictuelle.
- Sur le défaut d'intérêt à agir :
Les mêmes motifs amènent à considérer que, nonobstant la réparation de leur préjudice accordée par le juge pénal, Mme X. et Mme Y. conservent un intérêt à agir aux fins de voir déclarer non écrites les clauses qu'elles considèrent comme abusives, le tribunal correctionnel n'ayant au demeurant pas le pouvoir de prononcer l'annulation du prêt.
De plus, l'appréciation de l'existence d'un déséquilibre significatif au regard de l'indemnisation obtenue par les emprunteuses porte sur une condition de fond du caractère abusif des clauses par elles dénoncées. Or, l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
- Sur l'estoppel :
Selon l'appelante, en introduisant une demande tendant à solliciter le réputé non écrit des clauses relatives à la variation du taux de change alors que devant le juge pénal ' en leur qualité de parties civiles ' elles ont sollicité une indemnisation fondée sur l'existence et le maintien de ladite clause, Mme X. et Mme Y. violent le principe selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui », de sorte que leur demande est irrecevable.
Toutefois, la seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir. En l'espèce, les deux actions engagées par les emprunteuses, l'une en indemnisation du préjudice résultant d'une infraction, l'autre en déclaration de clause abusive, ne sont pas de même nature, si bien que la seconde est recevable.
Sur les clauses de remboursement :
Les clauses critiquées par Mme X. et Mme Y. sont les suivantes :
DESCRIPTION DE VOTRE CRÉDIT
Le montant du crédit est de 488 971,15 francs suisses.
Il correspond au montant du financement en euros de votre projet et des frais de change relatifs à l'opération de change du montant de votre crédit en euros qui seront prélevés lors du déblocage des fonds au notaire.
La durée initiale est égale à 25 ans (voir "remboursement de votre crédit").
L'objet est le suivant : Acquisition d'un appartement à usage locatif [...]
FINANCEMENT DE VOTRE CRÉDIT
Votre crédit est financé par un emprunt souscrit en francs suisses par le Prêteur sur les marchés monétaires internationaux de devises.
Cet emprunt en francs suisses vous permet de bénéficier du taux d'intérêt défini aux présentes (voir "Charges de votre crédit").
Selon les modalités définies à l'article "Opérations de change", le montant en francs suisses de votre crédit permettra de libérer la somme de 314 866,00 euros chez le notaire le jour de la signature de l'acte de prêt et de payer les frais de change correspondant à cette opération, soit 4 722,99 euros.
OUVERTURE D'UN COMPTE INTERNE EN EUROS ET D'UN COMPTE INTERNE EN FRANCS SUISSES POUR GÉRER VOTRE CRÉDIT
Votre crédit sera géré :
- d'une part, en francs suisses (monnaie de compte) pour connaître à tout moment l'état de remboursement de votre crédit,
- et d'autre part, en euros (monnaie de paiement) pour permettre le paiement de vos échéances de votre crédit.
Dès réception de votre acceptation de l'offre, le Prêteur ouvrira un compte interne en euros et un compte interne en francs suisses à votre nom pour gérer votre crédit. Ces comptes ne constituent pas des comptes de dépôt. (en gras dans le texte )
* COMPTE INTERNE EN EUROS
Y seront inscrits en euros :
* au crédit,
- vos règlements mensuels en euros, valeur au jour de la réception des fonds par le Prêteur. Le montant de vos règlements, après paiement des charges annexes ci-dessous, sera converti en francs suisses, selon les modalités définies à l'article "Opérations de change", et inscrit au crédit du compte interne en francs suisses.
* au débit,
- les charges annexes :
-les frais de tenue de compte, au jour de l'arrêté de compte
- les frais de change, valeur au jour des versements effectués par le Prêteur au titre du versement du crédit et valeur au jour de la réception de vos règlements par le Prêteur.
- en cas d'exercice d'une des options de changement de monnaie de compte selon les modalités définies au paragraphe "Options pour un changement de monnaie de compte" :
- le solde débiteur du compte interne en francs suisses converti en euros, et les frais de change, selon les modalités définies au paragraphe "Opérations de change", valeur au jour de son inscription par le Prêteur au débit du compte interne en euros.
- les intérêts, valeur du jour de l'arrêté de compte.
La date d'arrêté de compte est fixée au 10 de chaque mois.
Avant le 15 février de chaque année, vous recevrez une situation de compte vous donnant le solde débiteur de votre compte interne en francs suisses et le montant des intérêts payés en francs suisses et en euros au titre de l'année civile écoulée.
* COMPTE INTERNE EN FRANCS SUISSES
Y seront inscrits en francs suisses :
* au crédit,
- les sommes en francs suisses correspondant au solde de vos règlements mensuels en euros après opération de change en francs suisses selon les modalités décrites au paragraphe "Opérations de change", valeur au jour de la réception de vos règlements en euros par le Prêteur.
* au débit,
- les versements effectués par le Prêteur, via le compte interne en euros, au titre du déblocage du crédit, valeur à la date d'émission des chèques.
- les frais de change liés au déblocage de votre prêt en euros.
- les intérêts, valeur au jour de l'arrêté de compte.
OPÉRATIONS DE CHANGE
Le prêt, objet de la présente offre, est un prêt de francs suisses. Ne s'agissant pas d'une opération de crédit international, vos versements au titre de ce prêt ne peuvent être effectués qu'en euros pour un remboursement de francs suisses.
En conséquence, il est expressément convenu et accepté que les frais de change occasionnés par les opérations décrites ci-dessous font partie intégrante des règlements en euros et des opérations de changement de monnaie de compte, frais sans lesquels le prêt n'aurait pas été octroyé en francs suisses.
En acceptant la présente offre de crédit, vous acceptez les opérations de change de francs suisses en euros et d'euros en francs suisses nécessaires au fonctionnement et au remboursement de votre crédit tels que précisés au sein de cette offre.
Nous attirons particulièrement votre attention sur le fait que, si au cours de la vie de votre crédit, vous résidez dans un pays dont la monnaie nationale n'est pas l'euro et que, de ce fait, vous ne disposez pas des euros nécessaires à la réalisation de vos versements dans cette devise, il vous appartient de vous procurer ces euros par tous moyens à votre convenance, sans intervention du Prêteur.
Dans le cas où vous réalisez à cette occasion une ou plusieurs opérations de change, les frais et risques y afférents seront entièrement à votre charge.
Le montant de votre prêt, qui comprend les frais de change relatifs à l'opération de change du montant de votre crédit de francs suisses en euros est fixé selon le taux de change de 1 euro contre 1,5300 francs suisses. Ce taux est invariable jusqu'au déblocage complet de votre crédit de sorte que le montant du financement en euros est arrêté définitivement. Le tableau d'amortissement joint à la présente offre de prêt a été établi sur la base de ce même taux de change.
Il est précisé que le taux de change applicable à la fixation du financement en euros de la présente opération n'est valable que 40 jours à dater de la réception de la présente offre par vous-même de sorte que toute nouvelle offre rééditée au titre de la présente opération postérieurement à ce délai comportera une nouvelle fixation du taux de change dans les conditions ci-dessus.
Par ailleurs, les opérations de change suivantes seront réalisées par le Prêteur au cours de la vie de votre crédit :
- la conversion en francs suisses du solde de vos règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes de votre crédit. Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant l'arrêté de compte.
- la conversion en euros du solde débiteur du compte interne en francs suisses en cas d'exercice d'une des deux options définies à l'article 'Options pour un changement de monnaie de compte'. Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date du changement de monnaie de compte.
- la conversion en francs suisses de votre remboursement en euros en cas de remboursement anticipé total ou partiel de votre crédit, à une période où la monnaie de compte de votre crédit est toujours le franc suisse, selon les modalités définies au paragraphe 'Remboursement anticipé'. Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date de réception de votre remboursement anticipé.
- en cas de défaillance de l'emprunteur (...), à une période où la monnaie de compte de votre crédit est toujours le franc suisse, cette monnaie de compte pourra à tout moment et unilatéralement être changée par le Prêteur et remplacée par l'euro. Ainsi votre crédit sera transformé d'office en prêt à taux révisable en euros suivant les conditions décrites au paragraphe 'Options pour un changement de monnaie de compte'. Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date du changement de monnaie de compte.
Le taux de change applicable à toutes les opérations de change intervenant au cours de la vie de votre crédit sera le taux de change de référence, publié sur le site Internet de la Banque Centrale Européenne (suit l'adresse électronique).
Les frais de change appliqués à chaque opération de change sont égaux à 1,50 % toutes taxes éventuelles comprises du montant à convertir.
REMBOURSEMENT DE VOTRE CRÉDIT
* MONTANT DE VOS RÈGLEMENTS MENSUELS
> Monnaie de paiement
La monnaie de paiement de votre crédit sera l'euro. Vos règlements mensuels se feront en euros.
> Règlements mensuels
- De la date d'ouverture du compte jusqu'au premier versement du crédit, vous n'aurez aucun règlement à effectuer.
La commission d'ouverture de 600,00 euros est payables à l'échéance suivant immédiatement la première utilisation du crédit.
- Après le premier versement du crédit, vos règlements seront :
- pendant les 24 premiers mois de différé partiel de règlement, d'un montant de 1 202,92 euros
- pendant les 276 mois suivants, d'un montant de 1 879,61 euros
Vous pourrez, si vous le souhaitez et sur simple demande, ne pas attendre le terme des 24 mois suivant le premier versement du crédit pour commencer à effectuer les règlements ci-dessus. En utilisant cette possibilité, vous rembourserez plus rapidement le solde de votre compte.
Ces montants sont déterminés par application d'un taux de change de 1 euro contre 1,5300 francs suisses sur le montant des échéances en francs suisses, en capital et intérêts, auquel sont ajoutées les charges annexes de votre crédit telles que déterminées ci-dessous.
>Amortissement du capital
L'amortissement du capital de votre prêt évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué à vos règlements mensuels, après paiement des charges annexes, selon les modalités définies au paragraphe 'Opérations de change'.
- S'il résulte de l'opération de change une somme inférieure à l'échéance en francs suisses exigible (en gras dans le texte ), l'amortissement du capital sera moins rapide et l'éventuelle part de capital non amorti au titre d'une échéance de votre crédit sera inscrite au solde débiteur de votre compte interne en francs suisses.
- S'il résulte de l'opération de change une somme supérieure à l'échéance en francs suisses exigible (en gras dans le texte), l'amortissement du capital sera plus rapide et vous rembourserez plus rapidement votre crédit.
En tout état de cause, les opérations de crédit sur le compte en francs suisses seront affectées prioritairement :
- au paiement des intérêts de l'échéance ;
- à l'amortissement du prêt,
> Impact des variations de taux d'intérêt sur le montant de vos règlements en euros.
À chaque 5ème anniversaire de votre premier règlement au titre du présent crédit, le taux d'intérêt de votre crédit sera révisé (voir "Charges de votre crédit"), et vous en serez avisé un mois à l'avance.
Sur la base des sommes restant dues sur le compte en francs suisses, de la durée résiduelle initiale de votre crédit, et du nouveau taux d'intérêt applicable, sera déterminé un nouveau montant d'échéance théorique en francs suisses.
Cette nouvelle échéance théorique sera alors convertie en euros, sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date de la révision du taux d'intérêt de votre crédit, pour obtenir un nouveau montant de règlement mensuel théorique en euros.
- Si le montant de ce règlement mensuel théorique est inférieur au règlement mensuel en euros précédemment payé, (en gras dans le texte) le montant de vos règlements en euros restera néanmoins inchangé, la durée de votre crédit sera raccourcie et vous rembourserez plus rapidement.
- Si le montant de ce règlement mensuel théorique est supérieur au règlement mensuel en euros précédemment payé (en gras dans le texte), le montant de vos règlements en euros restera également inchangé mais la durée de votre crédit sera allongée.
Néanmoins, si le maintien du montant de vos règlements en euros ne permettait pas de régler la totalité du solde de votre compte sur la durée résiduelle initiale majorée de 5 années, vos règlements en euros seraient alors augmentés.
Dans cette hypothèse, cette augmentation de vos règlements en euros sera établie de manière à permettre de régler le solde de votre compte sur la durée résiduelle initiale du crédit majorée de 5 années.
Toutefois, cette majoration ne pourra être supérieure à l'augmentation annuelle de l'indice INSÉÉ des prix à la consommation (série France entière hors tabac) sur la période des 5 dernières années précédant la révision du taux d'intérêt.
Si au terme de la durée initiale de votre crédit le solde de votre compte n'était pas apuré, la durée de votre crédit sera allongée dans la limite de 5 ans. Le taux d'intérêt de votre crédit sera alors révisé (voir "Charges de votre crédit") et vos échéances en francs suisses et vos règlements en euros correspondants, déterminés sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la fin de la durée initiale de votre crédit, seront recalculés pour permettre le remboursement en totalité de votre crédit au plus tard à la fin de la période complémentaire de 5 ans (hors report éventuel au titre du report chômage et/ou de l'arriéré résultant de règlements impayés).
Puis, le cas échéant, à chaque date anniversaire de votre crédit et pour la première fois à la fin de la première année de prolongation, toujours pour permettre le remboursement en totalité de votre crédit au plus tard à la fin de la période complémentaire de 5 ans :
- vos échéances en francs suisses seront augmentées en nombre et/ou en montant si vos règlements effectifs en euros de l'année écoulée n'ont pas permis de les régler intégralement compte tenu du taux de change applicable durant cette période,
- vos règlements en euros correspondant aux échéances en francs suisses seront déterminés sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant chaque date anniversaire de votre crédit.
Durant cette période complémentaire de 5 ans, le montant de vos règlements ne pourra être inférieur à celui de l'année précédente. Si à la fin de la 5ème année de prolongation, il subsiste un solde débiteur sur votre compte provenant d'un report éventuel au titre du chômage et/ou de l'arriéré résultant de règlements impayés, vous poursuivrez vos règlements jusqu'au paiement complet du solde. [...]
L'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi du 1er février 1995, devenu L. 212-1, dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
L'article L. 132-1, alinéa 7, dans sa rédaction issue de la loi du 1er février 1995, du code de la consommation prévoit toutefois que « l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert », et c'est l'ordonnance du 23 août 2001 qui a ajouté à ce dernier texte la mention finale « pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ».
Les parties conviennent que les clauses reproduites ci-dessus, clauses de remboursement, définissent l'objet principal du contrat dès lors qu'elles décrivent et déclinent l'obligation principale de l'emprunteur, de sorte qu'il revient à la cour d'examiner si elles sont rédigées de façon claire et compréhensible et, si tel n'est pas le cas, si elles créent un déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur.
La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, notamment dans son arrêt C-609/19 du 10 juin 2021 et son ordonnance C-288/20 du 24 mars 2022, que « l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat, qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de payement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite dès lors que le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives ». Il ressort également de cet arrêt que la charge de la preuve de ce caractère clair et compréhensible incombe au prêteur.
Il résulte de la lecture de l'entièreté des clauses reproduites ci-dessus, issues des différentes stipulations litigieuses qui ne se suivent pas strictement, que l'emprunteur est notamment informé :
- que le crédit, remboursable en euros, est financé par un emprunt souscrit en francs suisses par le prêteur sur les marchés monétaires internationaux de devises ; qu'il sera ouvert un compte interne en euros et un compte interne en francs suisses au nom de l'emprunteur dont le fonctionnement est expliqué ; que les frais de change occasionnés par les opérations de change rendues nécessaires entre les deux monnaies incombent à l'emprunteur, sont nécessaires au fonctionnement et au remboursement du crédit et font partie intégrante des règlements en euros ;
- que le taux de change initial cité est invariable jusqu'au déblocage des fonds et sert à l'établissement du tableau d'amortissement ; qu'au cours de la vie du crédit, les opérations de conversion en francs suisses du solde des règlements mensuels en euros après payement des charges annexes, de conversion en euros du solde débiteur du compte interne en francs suisses, en cas d'option de changement de monnaie, et de conversion en francs suisses du remboursement en euros en cas de remboursement anticipé, seront réalisées par le prêteur ;
- des modalités de remboursement du crédit, le système d'amortissement du capital étant décrit en stipulant qu'il évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué aux règlements mensuels de l'emprunteur ; que, s'il résulte de l'opération de change une somme inférieure à l'échéance en francs suisses exigible, l'amortissement du capital sera moins rapide et l'éventuelle part de capital non amorti au titre d'une échéance du crédit sera inscrite au solde débiteur du compte interne en francs suisses, tandis que, s'il résulte de l'opération de change une somme supérieure à l'échéance en francs suisses exigible, l'amortissement du capital sera plus rapide, ainsi que le remboursement, et qu'en tout état de cause, les opérations de crédit sur le compte en francs suisses seront affectées prioritairement au payement des intérêts de l'échéance et à l'amortissement du prêt ;
- qu'il y a un effet des variations du taux d'intérêt, tous les cinq ans, sur le montant des mensualités de remboursement, qui reste inchangé, ainsi que sur la durée du crédit, qui, dans l'hypothèse d'un règlement mensuel théorique supérieur à celui payé précédemment, sera allongée de cinq ans avec des mensualités inchangées, mais que si néanmoins le maintien des règlements ne suffisait pas, une augmentation des règlements serait prévue pour régler le solde pendant la durée allongée de cinq ans ' en étant toutefois plafonnée par référence à un indice des prix publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques ' puis que, dans l'hypothèse d'un non-apurement après révisions annuelles des échéances pendant la période complémentaire déplafonnée et s'il subsiste un solde débiteur, que les règlements seront poursuivis jusqu'à l'apurement du solde.
Il doit être ajouté que le contrat prévoit des modalités d'option, tous les cinq ans, lors de la révision du taux, pour une conversion en une monnaie de compte en euros, soit avec un taux fixe en euros, soit avec un taux variable en euros et qu'il prévoit également une faculté de remboursement par anticipation, total ou partiel pour peu qu'il soit supérieur à 10 %, moyennant payement du solde du compte en francs suisses ou en euros selon les cas, avec exonération d'indemnité de résiliation dans certains cas (changement d'activité professionnelle, revente en période de taux révisable, décès, cessation d'activité professionnelle) et application d'une indemnité dans les autres cas (équivalente à un semestre d'intérêts au taux du crédit en vigueur plafonné à 3 % du solde débiteur du compte).
Le contrat est complété d'une annexe illustrant l'impact des variations éventuelles du taux de change sur le plan de remboursement dans l'hypothèse où, au bout de cinq ans, le taux de change passe soit à 1 euro contre 1,61 franc suisse, soit à 1 euro contre 1,45 franc suisse.
Ces exemples, qui correspondent à des variations limitées du taux de change de 5 %, font apparaître une durée du crédit variant entre 282 et 323 mois, inférieure en toute hypothèse à la durée initiale majorée de cinq ans, et des montants de mensualités qui n'excèdent pas ceux du tableau d'amortissement prévisionnel.
S'il résulte des stipulations du contrat une énonciation, compréhensible sur les plans formel et grammatical, des conditions et modalités d'exécution du prêt, il n'en reste pas moins qu'au-delà de cette description de ses caractéristiques ' se voulant exhaustive sur le plan technique au prix d'une prise de connaissance de longues stipulations non dénuées de complexité ', les effets de l'évolution de la parité entre l'euro et le franc suisse n'y sont pas mis en relief ni même explicités en eux-mêmes de telle sorte que l'emprunteur puisse envisager concrètement l'impact économique, potentiellement significatif, d'une évolution défavorable de la parité des monnaies sur ses obligations et évaluer, en toute connaissance de cause, le risque auquel il accepte de s'exposer, le cas échéant.
En conséquence, les clauses litigieuses ne forment pas un ensemble clair et compréhensible au sens de la disposition rapportée ci-dessus, de sorte qu'il convient d'examiner si elles ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties au contrat au détriment de l'emprunteur.
La Cour de justice de l'Union européenne a également dit pour droit, dans les mêmes décisions C-609/19 du 10 juin 2021 et C-288/20 du 24 mars 2022, que l'article 3, paragraphe premier, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d'un contrat de prêt, qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de payement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans prévision d'un plafond, sur l'emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.
Il résulte des stipulations du contrat de prêt que l'emprunteur s'expose à un risque financier, tributaire de la parité des monnaies de compte et de payement, et ce, sans que ce risque ne soit plafonné lors de la dernière période additionnelle éventuelle de remboursement comme en convient d'ailleurs la société BNP Paribas Personal Finance, risque en regard duquel cette dernière ne supporte que l'aléa tenant à la durée de perception des intérêts sans qu'il n'existe de mesure entre l'accroissement significatif du capital à rembourser pour l'emprunteur et le manque à gagner en intérêts pour la banque qui voit le capital en francs suisses remboursé par équivalent en euros selon le cours du change au moment de chaque payement.
Il doit donc être considéré que la société BNP Paribas Personal Finance ne pouvait s'attendre, si l'emprunteur avait été normalement informé du fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et mis en mesure d'évaluer les conséquences économiques négatives potentielles selon les exigences ci-dessus, qu'il accepte le risque disproportionné qui résulte de ces clauses.
À supposer même qu'il doive être tenu compte du fait que le taux effectif global attaché au prêt offert à Mme X. et Mme Y., soit comparable au taux effectif global moyen des emprunts en euros à taux fixe existant alors sur le marché ' alors qu'il s'agit d'un élément extrinsèque aux droits et obligations des parties au contrat qui constituent le champ dans lequel doit être apprécié le déséquilibre significatif ', il ne ressort pas de la note technique Finexsi produite aux débats que l'emprunteur ne fût pas, seul, exposé au risque d'augmentation de la monnaie de compte.
Ladite étude, outre qu'elle traduit elle-même un surcoût non négligeable du crédit, ce qui constitue une réalisation significative du risque, doit être regardée en considération de l'espèce dans laquelle les consommatrices, ayant emprunté l'équivalent de la somme de 319 588,99 euros au mois d'avril 2008 dont 314 866 euros de capital et des frais de change de 4 722,99 euros et remboursé les échéances et frais ' qu'elles exposent avoir été d'un total de 71 891,85 euros ' jusqu'à la date de remboursement par anticipation au mois de septembre 2013, se sont vu réclamer la somme de 404 709,54 euros (pièce no 2 des intimées).
C'est également vainement que la société BNP Paribas Personal Finance objecte au risque caractérisé ci-dessus la faculté pour l'emprunteur d'opter soit pour un prêt en euro, à taux fixe ou variable, soit pour un remboursement anticipé dès lors ' outre le fait que le contrat est, en principe, exécuté en dehors des levées d'option ', que lesdites options ne sont pas nécessairement de nature à gommer les effets de réalisation du risque au moment de leur exercice, lequel est, de plus, contraint par de multiples conditions, premièrement, de nature juridique, imposées par le contrat en terme de période pendant lesquelles il est rendu possible (lors des échéances de cinq ans), deuxièmement, de nature économique qui le rendent tributaire des capacités financières de l'emprunteur, comme le montrent les données financières ci-dessus.
Est pareillement inopérant pour apprécier le déséquilibre créé par les clauses critiquées le fait, étranger à l'économie du contrat, qu'Mme X. et Mme Y. aient été indemnisées du préjudice causé par la pratique commerciale trompeuse dont la société BNP Paribas Personal Finance a été convaincue, indemnisation qui aurait eu pour effet, d'après l'appelante, de supprimer l'effet de la variation du taux de change.
La société BNP Paribas Personal Finance n'établit donc pas que le déséquilibre en défaveur de l'emprunteur, que ce dernier n'a pu mesurer de manière transparente, ne serait pas significatif comme étant contrebalancé par le taux d'intérêt ou par la faculté d'opter pour un prêt à taux fixe ou encore de rembourser le crédit par anticipation.
Le cantonnement de la reconnaissance du caractère abusif à la seule clause, additionnelle et éventuelle, de remboursement de 5 années supplémentaire non plafonnée, revendiqué par la société BNP Paribas Personal Finance, ne saurait être retenu dès lors que l'exécution de cette clause n'est pas la seule manifestation, selon le mécanisme du contrat, de la réalisation éventuelle du risque, les emprunteuses faisant valoir, à juste titre, que ne seraient concernés que ceux qui ont poursuivi l'exécution du contrat en francs suisses sans pour autant qu'ils soient remis dans la situation qui aurait été la leur en l'absence des clauses abusives ci-dessus caractérisées.
En conséquence de tout ce qui précède, il y a lieu de déclarer abusives toutes les clauses reproduites ci-dessus qui sont indivisibles en ce que le principe descriptif de l'emprunt en francs suisses remboursable en euros est décliné par le fonctionnement de deux comptes dans chacune des devises, par les opérations de change et par les modalités de remboursement dans le temps.
Sur les conséquences de la reconnaissance du caractère abusif des clauses litigieuses :
Mme X. et Mme Y. font valoir :
- que, dès lors que les clauses litigieuses ont été déclarées abusives, elles sont réputées non écrites en vertu de l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation c'est-à-dire privées d'effet pour l'avenir mais également rétroactivement depuis l'origine du contrat ; qu'elles doivent donc être replacées dans la situation de droit et de fait dans laquelle elles se seraient trouvées en leur absence ;
- que la directive 93/13 interdit au juge national de compléter ou de réviser le contenu d'une clause qu'il juge abusive pour laisser subsister le contrat ; que lorsque la clause abusive participe de l'objet principal du contrat, le maintien de ce dernier ne paraît pas juridiquement possible puisque l'ancien article L.132-1, devenu L. 241-1, du code de la consommation précise que « le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans ces clauses » ;
- que la « clause implicite d'indexation » formant l'objet principal du contrat, ce dernier ne peut subsister sans cette clause qui combine de nombreuses stipulations, sans lesquelles le contrat devient inexécutable ;
- que ce n'est que dans l'hypothèse où l'anéantissement rétroactif du contrat aurait des « conséquences particulièrement préjudiciables » pour le consommateur que, à sa demande, le juge national « dispose de la possibilité exceptionnelle de substituer à une clause abusive annulée une disposition de droit national à caractère supplétif » ou toutes autres mesures nécessaires à « restaurer ainsi l'équilibre réel entre les droits et les obligations réciproques entre cocontractants » ; qu'en l'espèce, les emprunteuses sollicitent l'anéantissement rétroactif du contrat ;
- que c'est en effet la seule sanction commandée par la directive comme de nature à mettre fin aux effets des clauses abusives ;
- qu'en conséquence, des restitutions réciproques doivent être ordonnées, celle de la créance de la banque correspondant au capital emprunté en euros et celle de la créance des emprunteuses correspondant à l'ensemble des versements qu'elles ont effectués en euros, soit la commission d'ouverture de compte, l'ensemble des mensualités, en ce compris les primes d'assurance, les frais de gestion, les frais de change, les éventuels frais d'étude de dossier lors de la conversion du prêt, les indemnités facturées par la banque lors de l'éventuel remboursement par anticipation, et de manière générale tous les payements effectués par les intimées ;
- que la société BNP Paribas Personal Finance devra donc procéder au calcul de ces créances au jour de l'arrêt à intervenir tout en fournissant aux intimées le détail de ce calcul et les justificatifs y afférents ;
- qu'en vertu de l'article 1382 ancien du code civil, elles sollicitent l'indemnisation de leurs préjudice moraux ; qu'en l'espèce, durant l'exécution du prêt, elles ont été contraintes d'observer l'augmentation de leur dette sans pouvoir y remédier ; qu'elles ont ensuite supporté un endettement supplémentaire après le rachat du crédit ; qu'il en est résulté pour elles une angoisse permanente ainsi qu'une gêne excessive dans leur quotidien depuis près de quinze ans, leur ayant causé un préjudice moral devant être évalué à la somme de 50 000 euros chacune.
La société BNP Paribas Personal Finance soutient :
- que si le contrat devait être annulé, les emprunteuses seraient redevables de la contre-valeur en euros du montant emprunté en francs suisses par application du taux de change au jour du payement, soit 319 588,99 euros (314 866,00 euros, correspondant au prix du bien immobilier et 4 722,99 euros, correspondant aux frais de change liés à l'opération) ;
- que les emprunteuses devront également restituer la somme de 115 359,26 euros, correspondant au montant du préjudice financier qui leur a été alloué par le jugement pénal, dès lors que la restitution par la banque de toutes les sommes qu'elle a perçues des emprunteuses intègre le montant de la variation du taux de change, auquel correspond le préjudice financier ;
- qu'elle devra quant à elle restituer les sommes reçues à hauteur de 484 398,89 euros correspondant aux mensualités perçues incluant le capital, les intérêts et les frais de change, avec compensation des sommes restituées ;
- que les emprunteuses sont mal fondées en leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, dès lors qu'elles en ont obtenu réparation par le juge pénal, pour un montant de 10 000 euros chacune ;
- qu'elle a accepté de faire une remise aux emprunteuses de la somme de 451,41 euros et a confirmé le solde du prêt au notaire des emprunteuses le 11 août 2020 ; qu'en conséquence, elle abandonne sa demande tendant à ce que le jugement soit confirmé en ce qu'il a condamné Mme X. et Mme Y. à payer le solde de leur dette à hauteur de 451,41 euros.
[*]
L'article L. 132-1 devenu L. 241-1 du code de la consommation dispose notamment que :
« Les clauses abusives sont réputées non écrites. (...)
« Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses. »
Les clauses litigieuses, reconnues abusives ci-dessus, doivent donc être réputées non écrites et les emprunteuses doivent se retrouver dans une situation qui aurait été la leur si les clauses n'avaient jamais existé.
Dès lors qu'il est constant que les clauses litigieuses, jugées abusives en ce qu'elles font courir à l'emprunteur, en méconnaissance de cause, un risque tenant à la parité des monnaies de compte et de payement, définissent l'objet principal du contrat, que leur lecture et leur analyse montrent qu'elles sont indivisibles, et que le contrat énonce que le montant du crédit est en francs suisses alors que ses modalités de remboursement et les opérations de change nécessaires ne sont pas maintenues, c'est l'entièreté du contrat de prêt qui est affectée.
En effet, à moins d'une substitution de dispositions ou d'une révision prohibée du contrat et en l'absence de dispositions nationales supplétives, le contrat ne peut subsister sans elles puisqu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de décider qu'il s'agirait d'un prêt en euros affecté de l'un quelconque des taux d'intérêts stipulés, y compris le taux fixe initial prévu pour une durée de cinq ans.
Il en résulte que l'examen du caractère abusif des clauses sur les intérêts, d'une part, et de la clause de reconnaissance de la réception de certaines informations, d'autre part, n'est pas nécessaire à la solution du litige alors qu'en tout état de cause, la clause d'information reçue est sans portée sur l'appréciation de l'exécution de leurs obligations par les parties.
En conséquence du caractère non écrit des clauses essentielles du contrat l'affectant dans son entièreté, les emprunteuses font valoir à juste titre que la somme qu'il leur revient de restituer est l'équivalent en euros de la somme empruntée en francs suisses, selon le cours du change alors appliqué au contrat de 1,53 euros, qui est la seule reçue par elles.
Celle-ci s'élève à la somme de 314 866 euros (puisque la somme supplémentaire de 4 722,99 euros qu'elles ont reçue a été affectée au payement de frais de change à restituer par la banque de sorte qu'elle est d'un effet nul), si bien qu'Mme X. et Mme Y. doivent être condamnées à payer à la société BNP Paribas Personal Finance ladite somme de 314 866 euros et que la banque doit être condamnée à leur restituer la totalité des sommes perçues par elle en exécution du prêt en principal, intérêts et frais depuis sa conclusion à l'exception de la somme de 4 722,99 euros.
Il s'ensuit que la compensation doit être ordonnée comme demandé au dispositif des conclusions de l'appelante, entre la somme susdite de 314 866,00 euros correspondant au capital emprunté en euros, et celle de 484 398,89 euros correspondant à toutes les sommes perçues au titre du prêt, selon le chiffrage non contesté de l'établissement de crédit, diminuée de 4 722,99 euros soit 479 675,90 euros. En l'absence de contestation sur ce point,étant d'ailleurs rappelé que le prêt a été remboursé par anticipation, il n'est pas nécessaire de faire droit à la demande des intimées tendant à voir ordonner à la société BNP Paribas Personal Finance de procéder au calcul, au jour de l'exécution du jugement à intervenir, du préjudice financier correspondant à la somme des mensualités et autres frais facturés par la banque durant l'exécution du prêt et de la différence entre la dette en euros de Mme X. et Mme Y. invoquée par la banque et le montant débloqué en euros lors de la conclusion du prêt.
S'agissant des dommages-intérêts sollicités, il doit être relevé que le tribunal correctionnel, dans son jugement en date du 26 février 2020, a retenu, d'une part, le principe suivant d'indemnisation des emprunteurs dont le prêt a été converti en euros : « le préjudice est constitué par le montant du capital restant dû à la date à laquelle la partie civile a arrêté ses comptes, duquel il convient de soustraire le montant du capital restant dû indiqué à la même date sur le tableau d'amortissement prévisionnel intégré à l'offre de prêt (ce montant de capital restant dû étant stipulé en francs suisses, il convient auparavant de le convertir en euros sur la base du taux de change indiqué à l'offre), les frais payés pour convertir le prêt en euros devant encore s'ajouter au montant déterminé », ce qui a conduit, selon la banque non contredite puisque la décision était exécutoire par provision, au versement par elle de la somme de 115 359,26 euros au titre du préjudice financier et, d'autre part, l'existence d'un préjudice moral « nécessairement issu de la commission de l'infraction retenue de pratique commerciale trompeuse mais aussi décrit comme résultant des effets de la souscription du contrat de prêt dans ces conditions » à celle de 10.000 euros au titre du préjudice moral de chaque emprunteuse.
La demande de la société BNP Paribas Personal Finance tendant à ce que la somme de 115.359,26 euros versée au titre du préjudice financier causé par la pratique commerciale trompeuse de la banque soit également restituée par les emprunteuses n'est pas fondée en droit, et se heurte à la nature juridique distincte des condamnations considérées : restitution de sommes à la suite de la reconnaissance du caractère non écrit des clauses, d'un côté, et indemnisation d'un préjudice, de l'autre.
La banque ne peut donc qu'être déboutée de cette prétention, étant observé que les obligations de restitution ordonnées dans la présente décision ne sont pas tributaires du sort de la procédure correctionnelle alors qu'au contraire, au-delà des dispositions pénales du jugement correctionnel, l'évaluation, lors de l'examen de leurs demandes en qualité de parties civiles, du dommage effectivement subi par les emprunteuses est dépendante quant à elle du sort donné au contrat dans le présent litige civil sur le fondement des clauses abusives.
En revanche, Mme X. et Mme Y. ne justifient pas de l'existence d'un préjudice moral distinct de celui qui est indemnisé par la somme versée en exécution du jugement correctionnel, de sorte qu'elles doivent être déboutées de leur prétention à ce titre.
La solution apportée au litige n'exige pas que soient examinés les moyens et prétentions subsidiaires relatifs à la pratique commerciale trompeuse non plus qu'à l'obligation d'information du prêteur, le jugement devant, par seule voie de conséquence, être infirmé.
Le présent arrêt étant contradictoire, donc insusceptible de recours par une voie ordinaire, il a force exécutoire en application des articles 500, 501, 539 et suivants du code de procédure civile. Il n'y a donc pas lieu d'en ordonner l'exécution provisoire.
Il convient de condamner la société BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens ainsi qu'à payer aux intimées la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR,
PAR CES MOTIFS,
INFIRME le jugement en ce qu'il :
- Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Mme X. et Mme Y. la somme de 48.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation d'information ;
- Condamne Mme X. et Mme Y. à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 451,41 euros au titre du solde du remboursement anticipé de leur crédit ;
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
REJETTE les fins de non-recevoir opposées par la société BNP Paribas Personal Finance aux demandes de Mme X. et Mme Y. tendant à la constatation du caractère abusif et à la suppression de la clause relative à la variation du taux de change, de la clause relative à la variation du taux d'intérêt et de la clause de reconnaissance d'information du bordereau d'acceptation ;
Dit que les clauses contractuelles, intitulées Description de votre crédit, Financement de votre crédit, Ouverture d'un compte interne en euros et d'un compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit, Opérations de change et Remboursement de votre crédit reproduites ci-dessus sont abusives et réputées non écrites ;
DIT n'y avoir lieu de statuer sur le caractère abusif des clauses de fixation d'intérêts et de réception d'information ;
CONDAMNE Mme X. et Mme Y. à restituer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 314 866 euros ;
CONDAMNE la société BNP Paribas Personal Finance à restituer à Mme X. et Mme Y. la somme de 479 675,90 euros ;
ORDONNE la compensation entre les sommes dues au titre des deux chefs de condamnation ci-dessus ;
DÉBOUTE la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande tendant à se voir restituer les sommes versées en exécution du jugement correctionnel en date du 26 février 2020 ;
DÉBOUTE Mme X. et Mme Y. de leur demande au titre du préjudice moral ;
CONFIRME toutes les autres dispositions non contraires ;
CONDAMNE la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Mme X. et Mme Y. la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens.
* * * * *
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT