CA PARIS (pôle 1 ch. 9), 12 mars 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10829
CA PARIS (pôle 1 ch. 9), 12 mars 2024 : RG n° 23/00161
Publication : Judilibre
Extrait : « Il est rappelé que les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives sont applicables aux conventions d'honoraires conclues entre un avocat et son client. Le juge de l'honoraire est, dès lors, tenu d'examiner, y compris d'office, le caractère abusif d'une telle convention ou de certaines de ses clauses au regard des dispositions protectrices du droit de la consommation. De plus, selon l'article 10, alinéa 5 de la loi n 71-1130 du 31 décembre 1971 : « Toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. ». Il en résulte que le juge de l'honoraire a le pouvoir d'écarter, comme nul, un pacte de quota litis, aux termes duquel seul est prévu un honoraire de résultat, lié au succès de l'action engagée, de tels honoraires devant nécessairement, en droit positif interne, être complémentaires à la rémunération des prestations effectuées (Cass. civ. 2e, 21 janvier 2010, pourvoi n° 06-18.697, Bull. 2010, II, n° 12 ; Cass. 2e civ., 10 septembre 2015, pourvoi n 14-23.627). Et, à l'absence d'honoraires de diligences est assimilé leur caractère dérisoire, lequel est apprécié souverainement par les juges du fond (Cass. 2e civ., 24 novembre 2011, pourvoi n° 10-25.554).
En l'espèce, la cour constate que la part de l'honoraire de résultat a été doublée entre la première convention et la seconde, sans modification aucune du montant des honoraires prévu au titre des diligences, qui est demeuré fixé à hauteur de 1200 euros.
Or, il est constant que l'avocate revendique un temps total passé au titre des diligences de 174 heures 30 ainsi qu'un taux de 250 euros hors taxes. En rapportant le montant fixé au titre de l'honoraire de diligences au volume d'heures revendiqué, il apparaît que le taux horaire pratiqué correspondrait à 6,87 euros (1200/174,5). Le taux horaire ainsi pratiqué apparaît manifestement dérisoire en ce qu'il correspond à 2,75 % de celui pourtant revendiqué par l'avocate (6,87/250). Le caractère dérisoire de l'honoraire de diligence est encore mis en évidence en le comparant à l'honoraire de résultat de 112500 euros (450000X0,25), alors que rapporté à celui-ci, il correspond à 1,07 %.
Dans ces conditions, la cour ne peut que constater le caractère dérisoire de l'honoraire de diligences fixé à hauteur de 1.200 euros tant au regard du travail accompli par l'avocat qu'au regard de l'honoraire de résultat porté à 25 % des gains du client, créancier d'un droit à indemnisation de son préjudice corporel dans la limite de sa contribution à la réalisation du dommage. Il en résulte que la convention doit s'analyser en un pacte illicite dès lors qu'elle prévoit une fixation d'honoraires essentiellement en fonction du résultat judiciaire et, par voie de conséquence, la cour déclarera la convention du 24 février 2022 nulle et de nul effet.
En l'absence de convention applicable, conformément à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, les honoraires doivent être examinés et fixés en tenant compte des « usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. ».
Et, au regard de l'ensemble des pièces en débat, en tenant compte de la complexité de l'affaire et des circonstances de l'espèce, la cour fixera le montant des honoraires de l'avocate à 35.000 euros toutes taxes comprises, auxquels il y a lieu d'ajouter la somme de 3.120 euros au titre des débours, s'agissant des frais d'expertise médicale avancés par Maître X. et qui correspondent aux deux factures réglées par celle-ci le 19 mars 2022 (cf. sa pièce n°7), soit en tout 38.120 euros (35.000 + 3.120). Compte tenu des sommes versées par M. Y. à hauteur de 136.440 euros toutes taxes comprises, il y a lieu de condamner Maître X. à lui payer la somme de 98.320 euros toutes taxes comprises (136.440 – 38.120). »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 1 CHAMBRE 9
ARRÊT DU 12 MARS 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/00161 (8 pages). N° Portalis 35L7-V-B7H-CHJBJ. Décision déférée à la Cour : Décision du 14 février 2023 - Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS - RG n° 211/357925.
APPELANT :
Maître X.
Avocat - [Adresse 1], [Localité 3], comparant en personne, assisté de Maître Lucie BLACHIER, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur Y.
[Adresse 2], [Localité 4], comparant en personne, assisté de Maître Octave LEMIALE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1050
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Nadine GRAND, magistrate honoraire désignée par décret du 19 août 2022 du Président de la République, aux fins d'exercer des fonctions juridictionnelles, entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Michel RISPE, Président de Chambre, Madame Sylvie FETIZON, Conseillère, Madame Nadine GRAND, Magistrate honoraire.
Greffier, lors des débats : Madame Shakiba EDIGHOFFER
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par signé par Michel RISPE, Président de Chambre et par Shakiba EDIGHOFFER, Greffière présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :
Le 27 mars 2012, M. Y. a été victime d'un accident alors qu'il circulait sur un scooter. Après avoir été dans le coma pendant deux mois, il est resté hospitalisé environ neuf mois.
Un premier avocat spécialisé en réparation du préjudice corporel lui a indiqué dans un premier temps qu'aucune négociation ne pouvait être engagée dans la mesure où le scooter avec lequel il roulait le jour de l'accident n'était pas assuré et qu'il reconnaissait avoir fait des manœuvres qui étaient susceptibles de le mettre en danger.
Six années plus tard, conseillé par son entourage, il prenait contact avec Maître X., qui acceptait de prendre en charge son dossier pour tenter d'obtenir son indemnisation en recherchant l'assureur du véhicule qui l'avait percuté et en négociant son indemnisation.
Le 4 avril 2019, une convention d'honoraires a été signée entre les parties. Elle prévoyait un honoraire fixe forfaitaire de 1.200 euros hors taxes et un honoraire de résultat de 10 % sur les sommes recouvrées.
Les recherches diligentées par Maître X. lui ont permis de retrouver la compagnie assurant le véhicule qui avait heurté le scooter conduit par M. Y. Maître X. a ainsi pu entrer en négociation avec cet assureur pour obtenir l'indemnisation de son client.
Le 24 février 2022, une nouvelle convention d'honoraires était signée par les parties. L'honoraire forfaitaire était maintenu à 1.200 euros hors taxes, soit 1.440 euros toutes taxes comprises, mais l'honoraire de résultat était porté à 25 % hors taxes des sommes recouvrées.
Le 9 mars 2022, un procès-verbal de transaction était signé par la compagnie d'assurance aux termes duquel elle acceptait de verser à M. Y. la somme de 450.000 euros au titre de la réparation de l'ensemble de ses préjudices résultant de l'accident survenu le 27 mars 2012 en retenant une part de responsabilité à hauteur de 35 %.
Le 11 mars 2022, M. Y. a opposé sa signature sur ce protocole d'accord transactionnel.
Le 11 mars 2022, M. Y. a également remis à Maître X. une note rédigée à la main, autorisant celle-ci à percevoir la somme de 136.440 euros toutes taxes comprises au titre de ses honoraires sur l'indemnité de 450.000 euros qui venait de lui être allouée au titre de l'accord transactionnel d'indemnisation.
Par la suite, M. Y. a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris d'une contestation des honoraires perçus par Maître X.
Par une décision du 14 février 2023, le délégataire du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris a :
- fixé à la somme de 27.120 euros toutes taxes comprises le montant total des honoraires et frais dus à Maître X. par M. Y. ;
- constaté le règlement de 136.440 euros toutes taxes comprises entre les mains de Maître X.,
- condamné par conséquent Maître X. à restituer à M. Y. la somme de 109.320 euros toutes taxes comprises avec intérêts aux taux légal à compter de la notification de la décision, outre les frais d'huissier de justice en cas de signification et la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 17 mars 2023, Maître X. a formé un recours à l'encontre de cette décision qui lui avait été notifiée le 21 février 2023.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 19 février 2024, où elles ont comparu.
Maître X. a repris oralement les termes de ses dernières conclusions. A titre principal, elle soulève la nullité de la décision du délégué du bâtonnier qui a déclaré nulle la première convention d'honoraire signée le 24 février 2022 pour dol, alors qu'aucune demande de nullité n'avait été formée sur cette première convention et que ce faisant il a été statué ultra petita. Elle conteste également le fait que cette décision ne pouvait ordonner l'exécution provisoire sur la totalité des montants. Elle demande donc à titre principal l'annulation de cette décision.
Subsidiairement, Maître X. conteste la présentation faite sur la précarité de M. Y. qui avait un domicile et un emploi d'assistant comptable depuis 2016. Elle indique que la recherche de l'assureur puis la négociation avec celui-ci ne relevaient pas de l'aide juridictionnelle. Elle réfute toutes manœuvres dolosives de sa part dans la signature des conventions ou de l'autorisation du prélèvement de ses honoraires, et fait valoir que M. Y. n'apporte aucune preuve sur ce point et procède par affirmation. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. Y., un avocat peut être rémunéré uniquement par un honoraire de résultat dans un cadre purement transactionnel. Par ailleurs, elle rappelle que M. Y. n'a pas usé du délai de rétractation de 14 jours prévu par les différentes conventions et par le protocole qu'il a signé.
A titre encore plus subsidiaire, si les conventions d'honoraires étaient annulées, elle produit la liste de ses diligences qui forment un total de 174 heures 30 de temps passé pour ce dossier et demande qu'un taux de 250 euros hors taxes soit retenu pour la fixation de ses honoraires.
[*]
M. Y. a repris oralement les termes de ses conclusions et fait valoir notamment qu'il n'a pas été informé de la possibilité de bénéficier de sa prise ne charge au titre de l'aide juridictionnelle, confirme que c'est sur la pression de Maître X. qu'il a signé la seconde convention et l'autorisation de prélèvement de ses honoraires. Il fait valoir que la seconde convention relève du pacte quota litis que l'avocat n'est pas autorisé à pratiquer. Il maintient qu'il était dans une situation de dénuement et que Maître X. a profité de sa faiblesse pour lui imposer le règlement d'un honoraire de résultat déraisonnable.
[*]
Les parties ont été informées que l'arrêt serait rendu le 12 mars 2024 par mise à disposition au greffe.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
La présente décision sera rendue contradictoirement entre les parties.
Préliminairement, il sera rappelé que les demandes tendant à voir donner acte, constater, juger ou encore dire et juger, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile mais des moyens au soutien de celles-ci en sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer de ces chefs.
En outre, selon une jurisprudence constante, les juges ne sont pas tenus de répondre à un simple argument, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni encore de répondre à une simple allégation dépourvue d'offre de preuve (cf. Cass. civ. 2ème, 26 octobre 2017, pourvoi n° 16-24.024 ; Civ. 2ème, 30 juin 2016, pourvoi n°15-21.089 ; Cass., 2e civ., 21 juin 2001, n° 99-20.384 ; Cass., 3e civ., 13 septembre 2018, n°17-22.498 ; Cass., 2e civ., 8 septembre 2016, n° 14-24.974 et 14-26.506 ; Civ. 1re, 8 avril 2021, n° 19-20.644).
Le recours formé par Maître X. le 17 mars 2023 à l'encontre de la décision du délégataire du bâtonnier qui lui a été notifiée le 21 février 2023 est recevable, pour avoir été intenté dans le délai d'un mois conformément aux dispositions de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991.
En droit, il sera rappelé qu'en matière de contestation d'honoraires d'avocats, l'article 53, 6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques a renvoyé au pouvoir exécutif le soin de prévoir la procédure applicable, dans le respect de l'indépendance de l'avocat, de l'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, au moyen de décrets en Conseil d'État.
Cette procédure est actuellement régie par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, dont la section V est intitulée « Contestations en matière d'honoraires et débours ».
En ce domaine, regroupées dans la section V dudit décret, les dispositions des articles 174 à 179 doivent dès lors recevoir application, alors qu'elles sont d'ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n° 124 ; Civ. 2e, 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144).
Il appartient à la cour d'apprécier, d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l'honoraire dû à l'avocat, en exécution de la mission qu'il lui a confiée.
* * *
En droit, l'article L. 311-7, 2°du code de l'organisation judiciaire donne compétence au premier président pour connaître des recours contre les décisions du bâtonnier prises sur contestation des honoraires d'avocat.
En cette matière, l'article 53, 6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques a renvoyé au pouvoir exécutif le soin de prévoir la procédure applicable, dans le respect de l'indépendance de l'avocat, de l'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, au moyen de décrets en Conseil d'Etat.
Et, cette procédure est actuellement régie par le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, dont la section V est intitulée « Contestations en matière d'honoraires et débours ».
Regroupées dans la section V dudit décret, les dispositions des articles 174 à 179 doivent recevoir application, alors qu'elles sont d'ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n° 124 ; Civ 2e, 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144).
L'article 277 de ce décret prévoit en outre qu’« Il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par le présent décret. »
Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l'ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d'honoraires est soumise d'apprécier, d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l'honoraire dû à l'avocat, en exécution de la mission qu'il lui a confiée.
En effet, selon l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable à l'espèce, « Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. ».
En outre, le 5ème alinéa de ce même article 10 dispose que « Toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. ».
Il en résulte que la convention d'honoraires peut définir le succès attendu du travail de l'avocat, ouvrant droit à un honoraire de résultat, comme un profit réalisé ou des pertes évitées (cf. Cass, 2e civ., 5 octobre 2017, pourvoi n° 16-23.050), mais aussi qu'aucun honoraire de résultat n'est dû s'il n'a pas été expressément stipulé dans une convention préalablement conclue entre l'avocat et son client (cf. Cass. 1ère civ., 3 mars 1998, pourvoi n° 95-21.387, Bull. 1998, I, n° 86 et pourvoi n° 95-21.053, Bull. 1998, I, n° 87 ; Civ. 2ème, 15 décembre 2011, pourvoi n° 10-30.894).
En tout état de cause, le défaut de convention applicable ne saurait avoir pour conséquence de priver l'avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte des usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci (cf. Cass. 2ème civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.271, Civ. 2ème, 29 juin 2017, pourvoi n° 16-18.459 et Civ. 2ème, 14 juin 2018, pourvoi n° 17-19.709).
Dans le cas d'espèce, la cour relève dans son rapport du 31 mai 2012, la psychomotricienne indique notamment que « il raconte son accident, insiste sur le fait qu'il regrette ses comportements à risque et reconnaît sa bêtise ». En effet, l'accident est survenu alors que M. Y. roulait sur un scooter qu'il avait emprunté, qui n'était pas assuré et avait reconnu avoir pris des risques dans sa conduite.
Il avait contacté un premier avocat qui lui avait laissé peu d'espoir sur l'obtention d'une indemnisation en raison de son défaut d'assurance et d'une conduite non conforme aux règles du code de la route. C'est seulement en 2019, pour un accident qui remontait à mai 2012, qu'il se rapprochera de Maître X. qui acceptera de prendre en charge son dossier et lui proposera une convention d'honoraires qu'il a été régularisée le 4 avril 2019.
La cour constate que si dans le mémoire adressé par le conseil de M. [D] [lire Y. ?] (cf. la page 3 de la décision attaquée rendue par le délégataire du bâtonnier), celui-ci reproche à Maître X. de ne pas l'avoir suffisamment informé du déroulé des négociations, il ne demande pas l'annulation de cette première convention du 4 avril 2019, mais seulement de celle du 24 février 2022 et de l'autorisation de prélèvement d'honoraires se rapportant à cette seconde convention.
Dans ces conditions, en annulant la première convention, la décision a effectivement statué ultra petita, comme le soutient Maître X.
C'est également à tort que la décision attaquée affirme que le montant exact de la transaction n'avait pas été porté à la connaissance de M. Y. En effet, ce montant apparaissait une fois dans le procès-verbal de transaction signé le 11 mars 2022 par M. Y. et, une autre fois, dans la lettre entièrement manuscrite de M. Y. autorisant le prélèvement de la somme de 136.440 euros toutes taxes comprises « au titre des honoraires sur les 450.000 euros d'indemnisation perçue ».
Par conséquent, la décision attaquée sera infirmée en son entier, mais en raison de l'effet dévolutif de l'appel, la cour est saisie aux fins de fixation des honoraires de Maître X.
S'agissant de la convention d'honoraires du 4 avril 2019, M. Y. soutient qu'il aurait dû être informé par son conseil de la possibilité de bénéficier de l'aide juridictionnelle.
Mais, il sera rappelé qu'il n'entre pas dans le pouvoir du juge de l'honoraire de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client, résultant d'un manquement à son devoir de conseil ou d'information ou de toute autre éventuelle faute pouvant engager sa responsabilité, mais seulement de fixer le montant des honoraires au regard des critères fixés par la loi et les décrets.
Et, en toute hypothèse, cette convention a été remplacée par celle signée le 24 février 2022 entre les mêmes parties.
En effet, entre le dépôt du rapport médical du 8 février 2022 et l'acceptation par l'assureur du 11 mars 2022 du montant de l'indemnisation, Maître X. a demandé à M. Y. de signer une nouvelle convention d'honoraires dans laquelle l'honoraire de résultat était porté à 25 %, l'honoraire forfaitaire de diligences restant inchangé. Cette convention a été signée par les parties en date du 24 février 2022.
Il est rappelé que les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives sont applicables aux conventions d'honoraires conclues entre un avocat et son client. Le juge de l'honoraire est, dès lors, tenu d'examiner, y compris d'office, le caractère abusif d'une telle convention ou de certaines de ses clauses au regard des dispositions protectrices du droit de la consommation.
De plus, selon l'article 10, alinéa 5 de la loi n 71-1130 du 31 décembre 1971 : « Toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. ».
Il en résulte que le juge de l'honoraire a le pouvoir d'écarter, comme nul, un pacte de quota litis, aux termes duquel seul est prévu un honoraire de résultat, lié au succès de l'action engagée, de tels honoraires devant nécessairement, en droit positif interne, être complémentaires à la rémunération des prestations effectuées (Cass. civ. 2e, 21 janvier 2010, pourvoi n° 06-18.697, Bull. 2010, II, n° 12 ; Cass. 2e civ., 10 septembre 2015, pourvoi n 14-23.627).
Et, à l'absence d'honoraires de diligences est assimilé leur caractère dérisoire, lequel est apprécié souverainement par les juges du fond (Cass. 2e civ., 24 novembre 2011, pourvoi n° 10-25.554).
En l'espèce, la cour constate que la part de l'honoraire de résultat a été doublée entre la première convention et la seconde, sans modification aucune du montant des honoraires prévu au titre des diligences, qui est demeuré fixé à hauteur de 1200 euros.
Or, il est constant que l'avocate revendique un temps total passé au titre des diligences de 174 heures 30 ainsi qu'un taux de 250 euros hors taxes.
En rapportant le montant fixé au titre de l'honoraire de diligences au volume d'heures revendiqué, il apparaît que le taux horaire pratiqué correspondrait à 6,87 euros (1200/174,5).
Le taux horaire ainsi pratiqué apparaît manifestement dérisoire en ce qu'il correspond à 2,75 % de celui pourtant revendiqué par l'avocate (6,87/250).
Le caractère dérisoire de l'honoraire de diligence est encore mis en évidence en le comparant à l'honoraire de résultat de 112500 euros (450000X0,25), alors que rapporté à celui-ci, il correspond à 1,07 %.
Dans ces conditions, la cour ne peut que constater le caractère dérisoire de l'honoraire de diligences fixé à hauteur de 1.200 euros tant au regard du travail accompli par l'avocat qu'au regard de l'honoraire de résultat porté à 25 % des gains du client, créancier d'un droit à indemnisation de son préjudice corporel dans la limite de sa contribution à la réalisation du dommage.
Il en résulte que la convention doit s'analyser en un pacte illicite dès lors qu'elle prévoit une fixation d'honoraires essentiellement en fonction du résultat judiciaire et, par voie de conséquence, la cour déclarera la convention du 24 février 2022 nulle et de nul effet.
En l'absence de convention applicable, conformément à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, les honoraires doivent être examinés et fixés en tenant compte des « usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. ».
Et, au regard de l'ensemble des pièces en débat, en tenant compte de la complexité de l'affaire et des circonstances de l'espèce, la cour fixera le montant des honoraires de l'avocate à 35.000 euros toutes taxes comprises, auxquels il y a lieu d'ajouter la somme de 3.120 euros au titre des débours, s'agissant des frais d'expertise médicale avancés par Maître X. et qui correspondent aux deux factures réglées par celle-ci le 19 mars 2022 (cf. sa pièce n°7), soit en tout 38.120 euros (35.000 + 3.120).
Compte tenu des sommes versées par M. Y. à hauteur de 136.440 euros toutes taxes comprises, il y a lieu de condamner Maître X. à lui payer la somme de 98.320 euros toutes taxes comprises (136.440 – 38.120).
Les dépens seront supportés par Maître X., partie perdante.
Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité pas plus que la situation économique des parties ne commandent qu'il soit alloué d'indemnité au titre des frais exposés dans le cadre de l'instance non compris dans les dépens.
Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant après débats publics, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe,
Infirme la décision entreprise ;
Statuant à nouveau,
Fixe le montant des honoraires dus par M. Y. à Maître X. à la somme de trente cinq mille (35.000) euros toutes taxes comprises ;
Fixe le montant des débours dus par M. Y. à Maître X. à la somme de trois mille cent-vingt (3.120) euros ;
Constate le règlement de cent trente six mille quatre cent quarante (136.440) euros toutes taxes comprises entre les mains de Maître X. ;
Condamne par conséquent Maître X. à payer à M. Y. la somme de quatre-vingt dix-huit mille trois-cent-vingt (98 320) euros toutes taxes comprises ;
Dit que ces sommes produiront des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Condamne Maître X. aux dépens ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'arrêt sera notifié aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE