CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA PARIS (pôle 4 ch. 10), 21 mars 2024

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 10), 21 mars 2024
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 10
Demande : 21/01856
Date : 21/03/2024
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 27/01/2021
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 10834

CA PARIS (pôle 4 ch. 10), 21 mars 2024 : RG n° 21/01856

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Il résulte de ces éléments que la société ORANGE a enregistré par erreur la commande par la société SECAD d'un iPhone supplémentaire ce qu'elle reconnaît par email du 29 juin 2017 demandant que le téléphone lui soit retourné. Cet iPhone a été renvoyé par Chronopost et reçu par le service retour de la société ORANGE le 3 juillet 2017 donc antérieurement à la première coupure de ligne. Elle a ensuite malgré tout suspendu toutes les lignes de téléphonie mobile de la société SECAD le 11 juillet 2017 soit plusieurs jours après le retour du téléphone et alors qu'elle savait que son envoi résultait d'une erreur de sa part puis à nouveau du 29 septembre au 2 octobre 2017 soit cinq jours au total.

Il se déduit des éléments repris ci-dessus qu'aucune faute ou négligence n'ont été commises par la société SECAD. Si la société SECAD apparaît dans le système informatique comme disposant de deux établissements, comme allégué, cela résulte des seules défaillances de la société ORANGE dans la mise à jour des coordonnées de ses clients.

La société ORANGE a donc commis par sa négligence plusieurs fautes : envoi d'un téléphone non commandé, suspension à deux reprises de lignes distinctes du téléphone pour lequel des factures n'étaient pas réglées (numéro de compte client également distinct), et remboursement des factures indues plusieurs mois plus tard, les 31 mai et 30 juin 2018 (ce dernier point n'est pas contesté). »

2/ « Il résulte des dispositions de l'article 1231-3 du code civil que le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive. La faute lourde se définit comme la négligence d'une extrême gravité confinant au dol dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de sa mission contractuelle qu'il avait acceptée. Elle n'exige pas la preuve d'un caractère intentionnel.

Le premier juge a qualifié la faute commise d'inexcusable et a ainsi privé la société ORANGE du bénéfice des clauses limitatives de responsabilité figurant dans ses conditions générales.

La société ORANGE qui dispose d'un service dédié aux entreprises intitulé « Business services », ne pouvait ignorer qu'en suspendant 14 lignes, elle engendrerait des difficultés importantes pour la société SECAD. Suspendre ainsi à deux reprises toutes les lignes téléphoniques de téléphonie portable de la société SECAD dont les factures étaient acquittées en raison du non-paiement des factures relatives à un téléphone qui n'avait jamais été commandé par cette dernière, ce dont la société ORANGE avait parfaitement connaissance et qui lui avait été restitué, dénote une négligence d'une extrême gravité en ce qu'elle témoigne de l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de sa mission contractuelle et constitue une faute lourde, et non une faute inexcusable, ce terme, plutôt réservé au droit du travail, étant inapproprié en cette matière, la privant du bénéfice des clauses limitatives de responsabilité figurant dans ses conditions générales. La décision déférée sera confirmée par substitution de motifs. »

3/ « 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 10

ARRÊT DU 21 MARS 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/01856 (8 pages). N° Portalis 35L7-V-B7F-CDAMD. Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 janvier 2021 - Tribunal de Commerce de PARIS : RG n° 2018050713.

 

APPELANTE :

SA ORANGE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés ès qualités audit siège [Adresse 1], [Localité 2], Représentée par Maître Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334, Assistée à l'audience de Maître Edith LAGARDE-BELLEC de l'AARPI WAGRAM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2524

 

INTIMÉE :

SARL SECAD

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège [Adresse 3], [Adresse 3], [Localité 4], Représentée par Maître Caroline SPIELREIN, avocat au barreau de PARIS, Assistée par Maître Francis SONCIN, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été appelée le 25 janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Florence PAPIN, Présidente, Mme Valérie MORLET, Conseillère, Madame Anne ZYSMAN, Conseillère, qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence PAPIN, Présidente dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Florence PAPIN, Présidente et par Catherine SILVAN, greffier, présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La société SECAD, société d'ingénierie spécialisée dans la fabrication de systèmes électroniques sur mesure et la mise en place de chaînes d'automatisation, déjà cliente de la société ORANGE, a conclu le 27 février 2017, afin que ses clients puissent joindre les ingénieurs et responsables de son service après-vente, un nouveau contrat portant sur 13 lignes de téléphonie mobile et a commandé à cette occasion un téléphone mobile de marque Apple.

La société ORANGE a enregistré la commande du téléphone deux fois, ce qui a en conséquence entrainé une double facturation.

Malgré de nombreux échanges téléphoniques ou courriels, la société SECAD a subi la coupure à plusieurs reprises de ses lignes téléphoniques pour non-paiement de facture.

C'est dans ces circonstances que la société SECAD a saisi le tribunal de commerce de Paris aux fins de se voir indemniser des conséquences de ces dysfonctionnements.

Le 6 janvier 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

- Condamné la société ORANGE à payer à la société SECAD la somme de 26.484 euros à titre de dommages et intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2018 ;

- Dit les parties mal fondées pour leurs demandes plus amples ou autres, et les en a déboutées ;

- Condamné la société ORANGE aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA ;

- Condamné la société ORANGE à payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société SECAD ;

- Ordonné l'exécution provisoire.

Le 27 janvier 2021, la société ORANGE a interjeté appel du jugement.

[*]

Par ses dernières conclusions (n°3), notifiées par voie électronique le 25 octobre 2023, la société ORANGE demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil,

1. Infirmer le jugement rendu le 6 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

- Condamné la société ORANGE à payer à la société SECAD la somme de 26.484 euros à titre de dommages-intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2018 ;

- Débouté la société ORANGE de ses demandes ;

- Condamné la société ORANGE à payer à la société SECAD la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société ORANGE à supporter les dépens ;

Statuant à nouveau :

2. Dire et juger que la société ORANGE n'a pas commis de faute,

- Dire et juger que les préjudices allégués par la société SECAD ne sont pas indemnisables ;

Subsidiairement,

- Dire et juger que les préjudices allégués par la société SECAD ne sont pas justifiés ;

Plus subsidiairement,

- Dire et juger que l'indemnisation à laquelle pourrait prétendre la société SECAD est en toute hypothèse plafonnée au montant facturé au titre des six derniers mois ;

En conséquence et en toute hypothèse,

- Rejeter les demandes de la société SECAD ;

A tout le moins,

- Réduire l'indemnisation qui pourrait lui être accordée à la somme maximale de 3.609,68 euros ;

A titre infiniment subsidiaire,

- Réduire l'indemnisation qui pourrait lui être accordée à la somme maximale de 4.445,46 euros ;

A titre encore plus subsidiaire,

- Confirmer le jugement rendu le 6 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a alloué à la société SECAD une indemnisation de 26.484 euros ;

- Débouter la société SECAD du surplus de ses demandes ;

3. Condamner la société SECAD à payer à la société ORANGE une somme de 4.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

4. Condamner la société SECAD à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

La société ORANGE fait valoir :

- qu'elle n'a pas commis de faute,

- que la suspension des lignes mobiles résulte du retard de la société SECAD à restituer le téléphone de marque Apple attendu depuis le mois d'avril 2017 ce qui a empêché l'annulation de la facturation ainsi que d'un défaut de paiement de ses factures portant sur les abonnements courants et consommations,

- que la faute lourde suppose un comportement d'une extrême gravité, la démonstration d'une intention de nuire ainsi que l'existence de manœuvres dans la gestion de l'incident,

- que les suspensions ne concernaient que les lignes mobiles alors que les autres lignes de la société n'ont pas été impactées et qu'elle n'a jamais cessé d'être joignable sur sa ligne de téléphone fixe et ne procèdent d'aucune intention de nuire,

- que suite à la première suspension, les lignes ont été rétablies le jour même et suite à la seconde suspension intervenue un vendredi, dès le lundi suivant,

- que le double enregistrement et les difficultés subséquentes proviennent du fait que la société SECAD n'a jamais informé la société ORANGE de son changement d'adresse de siège social, ni fourni son extrait K bis, ni ne l'a alertée sur le fait que l'adresse mentionnée sur les factures n'était plus actuelle, la société SECAD apparaissant dans son système informatique comme disposant de deux établissements,

- que le préjudice allégué est exclu des préjudices indemnisables en application de l'article 14. 1 de ses conditions générales du contrat du 27 février 2017 pleinement applicable,

- que cette clause définit la nature et le montant des préjudices pouvant être indemnisés ce qui a été admis par la Cour de cassation et ne constitue pas une clause abusive,

- que le contrat n'est pas un contrat d'adhésion, les conditions contractuelles étant négociables puisque la société a négocié la suppression des assurances attachées aux lignes mobiles et pouvait négocier d'autres conditions de l'offre en particulier son prix,

- que cette clause a été librement acceptée par la société,

- que de plus, la preuve des préjudices allégués n'est pas rapportée ni du lien de causalité,

- que jamais informée de l'utilisation spécifique de ces lignes de téléphonie mobile, le préjudice était pour elle imprévisible,

- qu'en toute hypothèse, il s'analyserait comme une perte de chance qui doit être certaine,

- que plus subsidiairement, la responsabilité de la société ORANGE est plafonnée par l'article 14. 2 des conditions générales dont il convient de déduire la somme de 1346,40 euros TTC versée à titre commercial.

[*]

Par ses dernières conclusions (n°4), notifiées par voie électronique le 28 novembre 2023, la société SECAD demande à la cour de :

- Dire et juger la société SECAD recevable et bien fondée en ses fins, moyens et prétentions.

Vu les dispositions 1193 et 1217 du code civil,

- Confirmer le jugement de première instance sauf en ce qu'il a limité la condamnation de la société ORANGE à la somme de 26.484 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices consécutifs à la suspension de l'ensemble de ses lignes téléphoniques ;

- L'infirmer de ce chef et statuant de nouveau ;

- Condamner la société ORANGE à payer à la société SECAD la somme de 76.664 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices consécutifs à la suspension de l'ensemble de ses lignes téléphoniques ;

- Débouter la société ORANGE de l'intégralité de ses autres demandes ;

- Dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure reçue le 29 janvier 2018 par la société ORANGE, en application de l'article 1231-7 du code civil ;

A titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

- Condamner la société ORANGE à payer à la société SECAD la somme de 5.813 euros TTC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

La société SECAD, qui fait appel incident sur le quantum du préjudice, fait valoir :

- qu'elle a vu l'ensemble de ses lignes suspendues à plusieurs reprises au motif qu'elle n'avait pas réglé les factures correspondant à un iPhone qu'elle n'a pourtant jamais commandé ainsi qu'à l'abonnement associé à ce téléphone qu'elle n'a jamais souscrit,

- qu'elle a été contrainte de s'acquitter de deux factures relatives à ce téléphone ainsi qu'à son abonnement associé pour un total de 374,64 € pour ne pas laisser ses lignes suspendues,

- que la société ORANGE se défend en invoquant un double enregistrement de la commande donc qu'elle a commis une faute,

- qu'en dépit des nombreuses réclamations et déclarations d'erreurs formulées par la société SECAD, la société ORANGE a volontairement maintenu la commande la contraignant à régler des factures pour un téléphone qu'elle n'a jamais commandé,

- qu'elle n'a pas deux établissements et a toujours contracté depuis au moins 2010 avec la société ORANGE mentionnant l'adresse de son siège social [Adresse 3] à [Localité 4] (31et 32),

- qu'il n'y avait aucune raison valable pour la société ORANGE de doubler la commande si ce n'est un dysfonctionnement de son propre système informatique dont elle est seule responsable ou une commande « forcée » de sa part dans le système informatique,

- que c'est donc à juste titre que le premier juge a retenu la faute de la société ORANGE et l'absence de souscription du contrat n°60303969,

- que cette dernière a sanctionné le non-paiement de factures indues par la suspension de l'ensemble des lignes téléphoniques dont les factures étaient régulièrement acquittées,

- qu'aucune faute ne peut lui être reprochée,

- que la faute de la société ORANGE, qui l'a contrainte à honorer des factures qu'elle savait indues sous la menace d'une interruption de service et a mis plus de neuf mois à la rembourser, est inexcusable,

- que s'agissant d'un contrat que la société ORANGE a passé toute seule avec elle-même sans son consentement, elle ne peut demander que les clauses de ce contrat soient appliquées et notamment la clause 14.1 de ses conditions générales de vente excluant toute indemnisation,

- que l'absence de règlement d'un téléphone non commandé ne peut affecter l'exécution d'un autre contrat et les conditions générales de ce contrat ne peuvent être appliquées au défaut de règlement de ce qui ne devait pas être contractuellement réglé,

- que de plus cette clause, figurant dans un contrat d'adhésion, est abusive en l'absence de contrepartie pour la société cliente,

- que la possibilité de faire des commentaires dans les conditions particulières n'implique pas que les conditions particulières ou générales soient négociables,

- que la faute lourde de la société ORANGE, s'agissant d'une manœuvre sciemment préjudiciable pour forcer le paiement, démontre une intention de nuire et conduit à exclure toute clause limitative,

- que la mise en demeure a été envoyée le 13 avril 2017 à une adresse erronée,

- que seul le règlement des factures indues a permis de rétablir la ligne,

- qu'elle doit garantir un service après-vente irréprochable et pour lequel une réponse efficiente et rapide par contact téléphonique est indispensable avant les déplacements sur place : plusieurs clients importants se sont plaints de ne pas pouvoir la contacter afin d'obtenir son intervention, assurant le service après-vente de l'installation des lignes de montage ainsi qu'une assistance technique sept jours sur sept,

- que toutes les lignes des téléphones portables et fixes de l'entreprise ont été suspendues et donc que les clients n'ont pu la joindre entendant un message peu rassurant indiquant que les lignes n'étaient plus attribuées,

- que ses techniciens en déplacement n'étaient absolument pas joignables et qu'il en a été également de même concernant les techniciens d'astreinte les week-ends,

- qu'elle a subi une perte de chiffre d'affaires ainsi que de temps de travail des salariés afin de résoudre ce problème,

- qu'elle a été victime d'une atteinte à son image qu'elle évalue à 10.000 euros dans la mesure où elle bénéficie d'un rayonnement national et international auprès de grands groupes industriels dans les domaines de la cosmétique, de l'agroalimentaire et pharmaceutique,

- que la clause limitative d'indemnisation insérée dans les conditions générales de vente (14.2) est inapplicable en l'espèce, le manquement portant sur une obligation essentielle, la fourniture de services de télécommunications.

[*]

La clôture a été prononcée le 17 janvier 2024.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la faute :

Le bon de commande en date du 27 février 2017 de la société SECAD à la société ORANGE, qui mentionne l'adresse du siège social de la première [Adresse 3] à [Localité 4], indique clairement qu'un seul iPhone est commandé.

L'adresse de la société SECAD figure également sur le cachet apposé sur les trois pages du bon de commande litigieux.

La société ORANGE produit elle-même, en pièce 35, le certificat de dépôt d'acte (les statuts mis à jour le 1er décembre 2008) par la société SECAD en date du 26 mai 2009 qui mentionne que son siège social est à cette adresse.

Les factures des 31 mai et 31 août 2017 auxquelles l'appelante fait allusion ont bien été envoyées à l'adresse du siège social de la société, figurant dans la cartouche d'envoi, une seconde adresse étant mentionnée uniquement en marge.

La facture de 250,68 euros dont la société ORANGE exige le règlement sous la menace de résilier l'ensemble des lignes, selon lettre de mise en demeure du 13 avril 2017, comporte un numéro client (60303969) qui ne correspond pas à celui de la société SECAD (60303970) tel que figurant sur les factures des 31 mai et 31 août 2017.

Cette lettre de mise en demeure a été envoyée à une adresse erronée de la société SECAD.

Devant la cour, la société ORANGE expose que lors de la première suspension du service survenu le 11 juillet 2017, la facture du 31 mai 2017 n'était pas payée et que lors de la seconde suspension survenue le 29 septembre 2017, la facture du 31 août 2017 portant sur les abonnements et consommations de la société n'était pas réglée sans produire de lettre de rappel ou de mise en demeure autre que la lettre de mise en demeure précitée envoyée à une adresse erronée qui ne fait état d'aucun autre impayé que celui relatif à l'iPhone non commandé.

La société SECAD rapporte la preuve quant à elle que le règlement de la facture du 31 août 2017, relative aux autres téléphones commandés le 27 février 2017, était intervenu le 28 septembre 2017 (pièce 10) soit avant la seconde suspension survenue le lendemain.

Il résulte des pièces 14 et 17 de la société SECAD que la seconde suspension a pris fin après le règlement le 2 octobre 2017 des factures indues d'un montant de 250,68 et 123,96 euros TTC.

Il en ressort que les suspensions sont bien en lien de causalité directe et unique avec les factures afférentes au téléphone non commandé et non avec l'absence de règlement de factures concernant les autres téléphones mobiles figurant sur le bon de commande du 27 février 2017.

Il résulte de ces éléments que la société ORANGE a enregistré par erreur la commande par la société SECAD d'un iPhone supplémentaire ce qu'elle reconnaît par email du 29 juin 2017 demandant que le téléphone lui soit retourné.

Cet iPhone a été renvoyé par Chronopost et reçu par le service retour de la société ORANGE le 3 juillet 2017 donc antérieurement à la première coupure de ligne.

Elle a ensuite malgré tout suspendu toutes les lignes de téléphonie mobile de la société SECAD le 11 juillet 2017 soit plusieurs jours après le retour du téléphone et alors qu'elle savait que son envoi résultait d'une erreur de sa part puis à nouveau du 29 septembre au 2 octobre 2017 soit cinq jours au total.

Il se déduit des éléments repris ci-dessus qu'aucune faute ou négligence n'ont été commises par la société SECAD.

Si la société SECAD apparaît dans le système informatique comme disposant de deux établissements, comme allégué, cela résulte des seules défaillances de la société ORANGE dans la mise à jour des coordonnées de ses clients.

La société ORANGE a donc commis par sa négligence plusieurs fautes : envoi d'un téléphone non commandé, suspension à deux reprises de lignes distinctes du téléphone pour lequel des factures n'étaient pas réglées (numéro de compte client également distinct), et remboursement des factures indues plusieurs mois plus tard, les 31 mai et 30 juin 2018 (ce dernier point n'est pas contesté).

Il résulte des dispositions de l'article 1231-3 du code civil que le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive.

La faute lourde se définit comme la négligence d'une extrême gravité confinant au dol dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de sa mission contractuelle qu'il avait acceptée. Elle n'exige pas la preuve d'un caractère intentionnel.

Le premier juge a qualifié la faute commise d'inexcusable et a ainsi privé la société ORANGE du bénéfice des clauses limitatives de responsabilité figurant dans ses conditions générales.

La société ORANGE qui dispose d'un service dédié aux entreprises intitulé « Business services », ne pouvait ignorer qu'en suspendant 14 lignes, elle engendrerait des difficultés importantes pour la société SECAD.

Suspendre ainsi à deux reprises toutes les lignes téléphoniques de téléphonie portable de la société SECAD dont les factures étaient acquittées en raison du non-paiement des factures relatives à un téléphone qui n'avait jamais été commandé par cette dernière, ce dont la société ORANGE avait parfaitement connaissance et qui lui avait été restitué, dénote une négligence d'une extrême gravité en ce qu'elle témoigne de l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de sa mission contractuelle et constitue une faute lourde, et non une faute inexcusable, ce terme, plutôt réservé au droit du travail, étant inapproprié en cette matière, la privant du bénéfice des clauses limitatives de responsabilité figurant dans ses conditions générales.

La décision déférée sera confirmée par substitution de motifs.

 

Sur le préjudice :

La société SECAD sollicite la somme de 1.664 euros au titre des coûts de personnel dédiés à la résolution du différend avec la société ORANGE. Au vu des justificatifs produits en pièces 22, 24 et 25, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande au titre des coûts de personnel.

Les emails de deux clients, les sociétés L'Oréal et Guerlain, sont versés aux débats lesquels ont essayé en vain de joindre par le biais de leur téléphone portable leurs interlocuteurs salariés de la société SECAD se heurtant à un message inquiétant selon lequel les lignes ne seraient plus attribuées alors que le service après-vente (SAV) de l'installation des lignes de montage a l'obligation d'intervenir à distance dans les 24 heures de l'appel.

S'agissant de clients prestigieux, il en est résulté une atteinte à l'image de la société qui a été justement réparée par le premier juge par l'allocation d'une somme de 10.000 euros de dommages et intérêts, point qui sera confirmé.

La société SECAD sollicite des dommages et intérêts d'un montant de 65.000 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires.

Le tribunal lui a alloué la somme de 14.820 euros au titre de sa perte de marge fixée à 38% de son chiffre d'affaires durant 3 jours ouvrables.

Cependant elle ne justifie par aucune pièce que la baisse alléguée de son chiffre d'affaires fin 2017 soit en lien de causalité direct et certain avec les deux suspensions des lignes pendant 3 jours ouvrables, les 2 jours supplémentaires de suspension correspondant à un week-end, période où des commandes ne peuvent être passées.

Dès lors, infirmant la décision déférée, il y a lieu de débouter la société SECAD de sa demande de ce chef.

* * *

En conséquence, infirmant le jugement déféré sur le quantum du préjudice, la société ORANGE est condamnée à payer à la société SECAD la somme totale de 11.664 euros de dommages et intérêts qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, la lettre de mise en demeure en date du 29 janvier 2018 n'étant pas produite aux débats. Il n'y a pas lieu de déduire de cette somme, la somme allouée par la société ORANGE à son client à titre de geste commercial et non à des fins d'indemnisation de son préjudice.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

La société ORANGE est condamnée aux dépens de l'appel et à payer à la société SECAD la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme la décision entreprise par substitution de motifs sauf en ce qui concerne le quantum du préjudice,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la société ORANGE à payer à la société SECAD la somme de 11.664 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne la société ORANGE à payer à la société SECAD une indemnité de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ORANGE aux dépens de l'appel,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER,                                           LA PRÉSIDENTE,