CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA POITIERS (2e ch. civ.), 26 mars 2024

Nature : Décision
Titre : CA POITIERS (2e ch. civ.), 26 mars 2024
Pays : France
Juridiction : Poitiers (CA), 2e ch. civ.
Demande : 23/00997
Décision : 24/123
Date : 26/03/2024
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 27/04/2023
Numéro de la décision : 123
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 10837

CA POITIERS (2e ch. civ.), 26 mars 2024 : RG n° 23/00997 ; arrêt n° 123 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La prescription ne court pas contre celui qui n'a pu agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention, soit de la force majeure.

Le point de départ du délai de prescription d'une action commence à courir à compter du moment où son auteur a pris connaissance des faits, ou a décelé les erreurs lui permettant de l'exercer. La prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l'erreur qu'il allègue (Cass. 1ère civ., 11 septembre 2013, n°12-20.816, Bull. 2013, I, n°172).

L'examen des circonstances de l'espèce, développée plus bas, ne permet pas de caractériser en quoi l'application de cette règle porterait une atteinte disproportionnée aux droits dont les appelants jouissent en vertu de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, et tout spécialement de son article 6 garantissant le droit à un procès équitable. Ces circonstances concrètes ne permettent pas non plus de postuler une infériorité de principe des consommateurs quant au défaut d'information ou d'exercice de leurs droits tiré du droit de l'Union Européenne, qui ne pourrait être levée qu'après la consultation alléguée d'un professionnel du droit, à une date qui ne procède que de la seule diligence des intéressés, et qui devrait être prise en compte comme point du départ du délai de prescription de leur action.

De même, l'invocation des règles nationales et européennes afférentes aux clauses abusives constitue un moyen de droit dépourvu de fait, alors que les appelants ne viennent pas soutenir que le bon de commande litigieux comporterait des clauses abusives. Et au besoin, la cour constate toute absence à cet égard. »

2/ « S'agissant d'un contrat de démarchage à domicile, il résulte de l'article L. 121-23 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, que le défaut d'information du consommateur par le professionnel sur les caractéristiques essentielles des biens ou services qui lui sont proposés emporte la nullité du bon de commande.

La rentabilité économique ne constitue une caractéristique essentielle d'une installation photovoltaïque au sens de l'article. 111-1 du code de la consommation qu'à la condition que les parties l'aient fait entrer dans le champ contractuel (Cass. 1ère civ., 21 octobre 2020, n°18-26.761, publié). »

3/ « Mais l'examen du bon de commande, seul document ayant valeur contractuelle, ne fait pas ressortir que les consommateurs avaient fait de la rentabilité économique de l'installation photovoltaïque une condition déterminante de leur consentement. Et la production d'un schéma manuscrit censé exposer cette rentabilité, que les époux X. indiquent émaner du préposé de l'entreprise leur ayant fait souscrire le bon de commande, alors qu'aucun élément y figurant ne permet d'en déterminer la date, l'auteur, ni l'installation ou les équipements auxquels il se réfère, n'est pas de nature à infléchir cette analyse.

Dès lors que la rentabilité de l'installation n'était pas entrée dans le champ contractuel, les consommateurs ne peuvent pas soutenir que le point de départ de leur action en nullité du contrat principal doit être reporté au jour de leur découverte prétendue de sa rentabilité réelle.

Au surplus, il n'apparaît pas en quoi le dommage d'infiltration d'eau ayant donné lieu au devis de réparation soit en lien de causalité avec le dol mis en exergue par les consommateurs.

Ainsi, le point de départ du délai de l'action en nullité du contrat principal ne pourra donc pas être reporté ni au 4 novembre 2021, jour d'établissement du devis de réparation, ni au 14 septembre 2021, jour du rapport d'expertise amiable sur la rentabilité réelle de l'installation. »

4/ « Mais la seule lecture du verso du bon de commande met en évidence qu'y sont reproduits exactement et intégralement les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, dans leur version alors applicable. Par là même, les consommateurs ont été ainsi pleinement informés des conséquences résultant du manquement du professionnel à son obligation d'information sur les caractéristiques essentielles des biens ou services qui leur sont proposés, et des délais et modalités de livraison des biens et services, ainsi de sur leur faculté subséquente d'exercer leur action en nullité. Et par leur signature du certificat de livraison le 9 janvier 2012, les époux X. ont attesté que l'installation ou la prestation de service leur avait été livrée conformément à leur commande. Au surplus, ils ne font valoir aucun dysfonctionnement ayant affecté l'installation après sa livraison, avant l'infiltration d'eau ayant donné lieu au devis de réparation du 4 novembre 2021.

Dès lors, à supposer même que le bon de commande aurait été grevé des nullités que lui imputent les consommateurs, ceux-ci étaient à même d'en prendre connaissance et d'exercer l'action y afférente à compter de la livraison réalisée le 9 janvier 2012. Ainsi, le délai de prescription de l'action des époux X. en nullité du contrat principal et du contrat affecté est venu à échéance le 9 janvier 2017, alors qu'ils ont assigné le liquidateur judiciaire de l'entrepreneur principal et la banque que le 18 juillet 2022. »

5/ « Commet une faute le prêteur qui verse les fonds sans procéder aux vérifications préalables lui permettant de relever que le contrat principal est affecté d'une cause de nullité ; en revanche, l'emprunteur, qui n'établit pas avoir subi de préjudice consécutif à la faute de la banque, demeure tenu de rembourser le capital emprunté.

Les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de l'exécution de la prestation de services qui doit être complète, hors le cas d'une prestation de services à exécution successive, et commet une faute à l'égard de l'emprunteur le prêteur qui délivre des fonds au vendeur sans s'assurer que celui-ci a exécuté son obligation (Cass. 1ère civ. 16 janvier 2013, n°12-13.022, Bull. 2013, I, n°6). La libération des fonds intervient au vu d'une attestation de fin de travaux, laquelle est opposable à l'emprunteur si elle permet de vérifier l'exécution complète du contrat principal ; elle lui est en revanche inopposable si son contenu ne permet pas de se convaincre d'une telle exécution complète.

Il appartient au prêteur de démontrer l'exécution du contrat principal, et non à l'emprunteur d'en démontrer l'inexécution. L'emprunteur qui détermine l'établissement de crédit à verser les fonds au vendeur au vu de la signature par lui du certificat de livraison du bien n'est plus ensuite recevable à soutenir, au détriment du prêteur, que le bien ne lui avait pas été livré (Cass. 1ère civ., 14 novembre 2001, n°99-15.690, Bull. 2001, I, n°280).

Les consommateurs soutiennent qu'en qualité de dispensateur de crédit affecté, la banque serait tenue à leur égard à une obligation particulière d'information et à un devoir d'alerte dans le déblocage des fonds. Mais la banque n'est tenue avant le déblocage des fonds qu'à la vérification de la régularité du contrat principal, ainsi qu'à la vérification de l'entière exécution de ses prestations par l'entrepreneur principal.

Ainsi, l'absence de toute obligation de la banque à l'égard des devoirs qu'entendent à ces égards lui imposer les époux X., rend sans objet la recherche de toute éventuelle prescription de ces chefs. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE POITIERS

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 26 MARS 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/00997. Arrêt n° 123. N° Portalis DBV5-V-B7H-GZFI. Décision déférée à la Cour : jugement du 9 mars 2023 rendu par le Juge des contentieux de la protection de LA ROCHE-SUR-YON.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [Date naissance 3] à [Localité 6], [Adresse 5], [Adresse 5], Ayant pour avocat plaidant Maître Sarah DUSCH, avocat au barreau de POITIERS.

Madame Y. épouse X.

née le [Date naissance 1] à [Localité 7], [Adresse 5], [Adresse 5], Ayant pour avocat plaidant Maître Sarah DUSCH, avocat au barreau de POITIERS.

 

INTIMÉES :

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

[Adresse 2], [Adresse 2], Ayant pour avocat plaidant Maître Aurélie DEGLANE de la SELARL BRT, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT.

S.C.P. B.T.S.G EN LA PERSONNE DE MAITRE Z. N. Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SAS NEXT GENERATION FRANCE »

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège. [Adresse 4], [Adresse 4], Défaillant

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Monsieur Fabrice VETU, Conseiller, Monsieur Cédric LECLER, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Claude PASCOT, Président, Monsieur Fabrice VETU, Conseiller, Monsieur Cédric LECLER, Conseiller.

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU

ARRÊT : - RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 26 décembre 2011, Monsieur X. et Madame Y. épouse X. (les époux X.) ont conclu avec la société par actions simplifiée Next Génération France un contrat portant sur l'achat et la pose d'une installation photovoltaïque et un chauffe-eau pour un montant de 25.000 €.

Le 29 décembre 2011, la société anonyme Sygma Banque leur a consenti un crédit affecté d'un montant de 25.000 € au taux débiteur fixe de 5,16 % (taeg de 5,28 %), remboursable en 180 mensualités de 209,44 € hors assurance.

Par jugement du 25 juin 2013, le tribunal de commerce de Paris a placé la société Next Génération France en liquidation judiciaire et a désigné la société civile professionnelle Btsg, en la personne de Monsieur Z. N., en qualité de liquidateur judiciaire (le liquidateur judiciaire).

Par actes des 18 et 19 juillet 2022, les époux X. ont attrait la société anonyme Bnp Paribas Personal Finance (la banque), venant aux droits de la société Sygma Banque, et le liquidateur judiciaire devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de La Roche sur Yon.

Dans le dernier état de leurs demandes, les époux X. ont demandé de :

- prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre eux-mêmes et la société Next Génération France ;

- prononcer la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre eux-mêmes et la banque ;

- constater que la banque avait commis une faute dans le déblocage des fonds et devait être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par eux-mêmes au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux ;

- condamner la société Next Génération à leur verser la somme de 10.000 € au titre de l'enlèvement de l'installation, et de la remise en état de l'immeuble à la charge de la liquidation ;

- condamner la banque à leur verser les sommes suivantes :

- 25.000 € correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation ;

- 12.699,20 € correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par eux-mêmes en exécution du prêt souscrit ;

- 5.000 € au titre du préjudice moral,

- 4.000 € au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, la banque a demandé de :

- déclarer irrecevable comme prescrite l'action des époux X. en nullité du contrat principal et en nullité du contrat de crédit affecté ;

- déclarer irrecevable comme prescrite l'action indemnitaire des époux X. à son encontre ;

- déclarer irrecevable faute de déclaration de créance l'action indemnitaire des époux X. à l'encontre de la société Next Generation France, et par voie de conséquence, de déclarer irrecevable leur action indemnitaire à son encontre ;

- débouter les époux X. de l'intégralité de leurs demandes ;

A titre subsidiaire sur la validité des contrats,

- rejeter la demande des époux X. tendant à prononcer la nullité du contrat principal et par voie de conséquence, rejeter leur demande tendant à prononcer la nullité du contrat de crédit affecté ;

A titre très subsidiaire, en cas de nullité des contrats,

- condamner les époux X. à restituer le montant du capital emprunté, déduction faite des remboursements effectués ;

- débouter les époux X. de leur demande tendant à la priver de son droit à restitution du capital ;

- débouter les époux X. de leur demande indemnitaire à son encontre ;

A titre encore plus subsidiaire, en cas de faute du prêteur,

- dire que le dommage des emprunteurs ne pourrait s'analyser que comme une perte de chance de ne pas contracter, qui ne sût dépasser 5 %, soit au maximum la somme de 1.000 euros ;

et au cas où elle fût déboutée de son droit à restitution du capital,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Next Generation France à la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

En toutes hypothèses,

- débouter les époux X. de l'intégralité de leurs demandes ;

- juger que les éventuelles condamnations seraient prononcées en deniers ou quittances ;

à titre principal,

- condamner in solidum époux X. à leur payer la somme de 1.400 euros au titre des frais irrépétibles ;

à titre subsidiaire,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Next Generation France à la somme de 1400 euros au titre des frais irrépétibles.

Le liquidateur judiciaire n'a pas comparu ni n'a constitué avocat.

Par jugement qualifié de contradictoire en date du 9 mars 2023, le juge des contentieux de la protection tribunal judiciaire de La Roche sur Yon a :

- déclaré prescrites les demandes formées par les époux X. ;

- débouté les époux X. de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamné in solidum les époux X. à verser à la banque une somme de 800 € au titre des frais irrépétibles.

Le 27 avril 2023, les époux X. ont relevé appel du jugement, en intimant la banque et le liquidateur judiciaire.

Le liquidateur judiciaire n'a pas constitué avocat.

Le 2 juin 2023, le greffe a avisé les époux X. d'avoir à procéder à l'égard du liquidateur judiciaire par voie de signification.

Le 28 juin 2023, les époux X. ont signifié leur déclaration d'appel au liquidateur judiciaire à sa personne.

Le 7 juillet 2023, les époux X. ont signifié leurs écritures déposées le 4 juillet 2023 au liquidateur judiciaire à sa personne.

{*]

Le 4 juillet 2023, les époux X. ont demandé l'infirmation intégrale du jugement déféré, et statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- déclarer leurs demandes recevables et bien fondées ;

- prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre eux-mêmes et la société Next Génération France ;

- mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société Next Génération France l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble à ses frais ;

- prononcer en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre eux-mêmes et la banque ;

- constater que la banque avait commis une faute dans le déblocage des fonds et devait être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par eux-mêmes au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux ;

- condamner la banque à leur verser l'intégralité des sommes suivantes :

- 25.000 € correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation ;

- 12.699,20 € correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par eux-mêmes en exécution du prêt souscrit ;

- 5.000 € au titre du préjudice moral,

- 6.000 € au titre des frais irrépétibles.

- débouter la banque et la société Next Génération France de l'intégralité de leurs prétentions contraires ;

- condamner la banque à supporter les dépens de l'instance.

{*]

Le 3 août 2023, la banque a demandé de :

à titre principal,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

y ajoutant :

- condamner in solidum les époux X. à lui payer la somme de 2.400 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;

A titre subsidiaire,

- juger n'y avoir lieu à nullité du contrat principal conclu le 26 décembre 2011 entre la société Next Génération France et les époux X. ;

- juger n'y avoir lieu à nullité du contrat de crédit conclu le 9 janvier 2012 entre la société Sygma, aux droits de laquelle elle est venue, et les époux X. ;

- en conséquence, débouter les époux X. de l'intégralité de leurs demandes ;

À titre plus subsidiaire, en cas de nullité des contrats,

- juger qu'aucune faute n'a été commise par la société Sygma Banque, aux droits de laquelle elle est venue, dans le déblocage des fonds,

- juger que les époux X. n'avaient justifié d'aucun préjudice certain, direct et personnel résultant directement d'une éventuelle faute de la société Sygma Banque, aux droits de laquelle elle est venue ;

- juger que les époux X. auraient dû lui restituer, le capital prêté, ce qu'ils avaient fait en procédant au remboursement intégral et anticipé du prêt ;

- en conséquence, débouter les époux X. de l'intégralité de leurs demandes ;

A titre encore plus subsidiaire, en cas de faute du prêteur et de préjudice des emprunteurs,

- juger que les époux X. auraient dû lui restituer le capital prêté, ce qu'ils avaient fait en procédant au remboursement intégral et anticipé du prêt ;

- limiter le montant des dommages et intérêts alloués aux époux X. à la somme maximum de 1.000 € ;

En toutes hypothèses,

- débouter les époux X. de l'intégralité de leurs demandes ;

- juger que les éventuelles condamnations prononcées le seraient en deniers et quittances ;

- condamner in solidum les époux X. à lui payer la somme de 2.400 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;

{*]

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 17 janvier 2024.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Sur les demandes d'annulation du contrat principal et du contrat de crédit affecté :

Selon l'article 2224 du Code civil,

Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La prescription ne court pas contre celui qui n'a pu agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention, soit de la force majeure.

Le point de départ du délai de prescription d'une action commence à courir à compter du moment où son auteur a pris connaissance des faits, ou a décelé les erreurs lui permettant de l'exercer.

La prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l'erreur qu'il allègue (Cass. 1ère civ., 11 septembre 2013, n°12-20.816, Bull. 2013, I, n°172).

L'examen des circonstances de l'espèce, développée plus bas, ne permet pas de caractériser en quoi l'application de cette règle porterait une atteinte disproportionnée aux droits dont les appelants jouissent en vertu de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, et tout spécialement de son article 6 garantissant le droit à un procès équitable.

Ces circonstances concrètes ne permettent pas non plus de postuler une infériorité de principe des consommateurs quant au défaut d'information ou d'exercice de leurs droits tiré du droit de l'Union Européenne, qui ne pourrait être levée qu'après la consultation alléguée d'un professionnel du droit, à une date qui ne procède que de la seule diligence des intéressés, et qui devrait être prise en compte comme point du départ du délai de prescription de leur action.

De même, l'invocation des règles nationales et européennes afférentes aux clauses abusives constitue un moyen de droit dépourvu de fait, alors que les appelants ne viennent pas soutenir que le bon de commande litigieux comporterait des clauses abusives.

Et au besoin, la cour constate toute absence à cet égard.

S'agissant d'un contrat de démarchage à domicile, il résulte de l'article L. 121-23 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, que le défaut d'information du consommateur par le professionnel sur les caractéristiques essentielles des biens ou services qui lui sont proposés emporte la nullité du bon de commande.

La rentabilité économique ne constitue une caractéristique essentielle d'une installation photovoltaïque au sens de l'article. 111-1 du code de la consommation qu'à la condition que les parties l'aient fait entrer dans le champ contractuel (Cass. 1ère civ., 21 octobre 2020, n°18-26.761, publié).

Les époux X. demandent l'annulation du contrat principal, et par voie de conséquence, celle du contrat de crédit affecté, en alléguant avoir été victimes d'un dol quant à la rentabilité de l'installation.

Mais la banque leur oppose la prescription affectant ces demandes.

A titre liminaire, il sera rappelé que les consommateurs ont signé le bon de commande le 26 décembre 2011, ont souscrit le crédit affecté le 9 janvier 2012, jour où ils ont signé l'attestation de livraison de l'installation.

Et ils n'ont assigné le liquidateur judiciaire de l'entrepreneur et la banque que le 18 juillet 2022.

* * * * *

En premier lieu, les consommateurs répliquent n'avoir pu prendre connaissance dans son ampleur et ses conséquences du défaut de rentabilité économique de l'installation, qui leur aurait été promise par le préposé de la société Next Generation France, qu'à compter du devis établi le 4 novembre 2021 par un entrepreneur aux fins de réparation des infiltrations d'eau à cause d'un panneau solaire.

Ils produisent à cet égard un rapport d'expertise amiable calculant la rentabilité de leur investissement consécutif à l'installation des panneaux solaire, qui porte la date du 14 septembre 2021.

Mais l'examen du bon de commande, seul document ayant valeur contractuelle, ne fait pas ressortir que les consommateurs avaient fait de la rentabilité économique de l'installation photovoltaïque une condition déterminante de leur consentement.

Et la production d'un schéma manuscrit censé exposer cette rentabilité, que les époux X. indiquent émaner du préposé de l'entreprise leur ayant fait souscrire le bon de commande, alors qu'aucun élément y figurant ne permet d'en déterminer la date, l'auteur, ni l'installation ou les équipements auxquels il se réfère, n'est pas de nature à infléchir cette analyse.

Dès lors que la rentabilité de l'installation n'était pas entrée dans le champ contractuel, les consommateurs ne peuvent pas soutenir que le point de départ de leur action en nullité du contrat principal doit être reporté au jour de leur découverte prétendue de sa rentabilité réelle.

Au surplus, il n'apparaît pas en quoi le dommage d'infiltration d'eau ayant donné lieu au devis de réparation soit en lien de causalité avec le dol mis en exergue par les consommateurs.

Ainsi, le point de départ du délai de l'action en nullité du contrat principal ne pourra donc pas être reporté ni au 4 novembre 2021, jour d'établissement du devis de réparation, ni au 14 septembre 2021, jour du rapport d'expertise amiable sur la rentabilité réelle de l'installation.

* * * * *

S'agissant d'un contrat de démarchage à domicile, il résulte de l'article L. 121-23 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, que le défaut d'information du consommateur par le professionnel sur les caractéristiques essentielles des biens ou services qui lui sont proposé, et des délais et modalités de livraison des biens ou d'exécution des prestations services, emporte la nullité du bon de commande.

Dans un deuxième temps, les consommateurs soutiennent que le bon de commande ne les a pas exactement informés des caractéristiques essentielles des biens ou services, et des délais et modalités de livraison des biens ou d'exécution des prestations services

Ils remarquent en particulier que le bon de commande ne mentionne pas la marque des panneaux, leur poids, leurs dimensions, et ne mentionne pas plus le type et la puissance de l'onduleur.

Ils observent en outre s'agissant du délai d'exécution que le bon de commande se borne à indiquer un délai de 12 semaines après métré, qui n'apporterait ainsi aucune précision concernant la date exacte de livraison, ou ses modalités concrètes.

Mais la seule lecture du verso du bon de commande met en évidence qu'y sont reproduits exactement et intégralement les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, dans leur version alors applicable.

Par là même, les consommateurs ont été ainsi pleinement informés des conséquences résultant du manquement du professionnel à son obligation d'information sur les caractéristiques essentielles des biens ou services qui leur sont proposés, et des délais et modalités de livraison des biens et services, ainsi de sur leur faculté subséquente d'exercer leur action en nullité.

Et par leur signature du certificat de livraison le 9 janvier 2012, les époux X. ont attesté que l'installation ou la prestation de service leur avait été livrée conformément à leur commande.

Au surplus, ils ne font valoir aucun dysfonctionnement ayant affecté l'installation après sa livraison, avant l'infiltration d'eau ayant donné lieu au devis de réparation du 4 novembre 2021.

Dès lors, à supposer même que le bon de commande aurait été grevé des nullités que lui imputent les consommateurs, ceux-ci étaient à même d'en prendre connaissance et d'exercer l'action y afférente à compter de la livraison réalisée le 9 janvier 2012.

Ainsi, le délai de prescription de l'action des époux X. en nullité du contrat principal et du contrat affecté est venu à échéance le 9 janvier 2017, alors qu'ils ont assigné le liquidateur judiciaire de l'entrepreneur principal et la banque que le 18 juillet 2022.

Leur action en nullité de ces deux contrats était donc déjà prescrite.

Il y aura donc lieu de déclarer prescrites les demandes en nullité du contrat principal et du contrat de crédit affecté formées par les époux X., et le jugement sera confirmé de ce chef.

 

Sur les demandes indemnitaires des consommateurs dirigées contre la banque :

Selon l'article 2224 du Code civil,

Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La prescription ne court pas contre celui qui n'a pu agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention, soit de la force majeure.

La prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage.

Il sera renvoyé aux observations figurant plus haut pour en retenir que comme s'agissant de l'action en nullité, les moyens présentés par les consommateurs tirés d'une atteinte à leurs droits garantis par la convention de sauvegarde des Droits de l'Homme, le Droit de l'Union Européenne, ou bien encore les règles relatives aux clauses abusives ne pourront manifestement pas prospérer aux fins d'aboutir au report du point de départ du délai de prescription de leur action à la date qu'ils revendiquent.

Et pour ce faire, il sera encore renvoyé aux circonstances développées plus bas.

Commet une faute le prêteur qui verse les fonds sans procéder aux vérifications préalables lui permettant de relever que le contrat principal est affecté d'une cause de nullité ; en revanche, l'emprunteur, qui n'établit pas avoir subi de préjudice consécutif à la faute de la banque, demeure tenu de rembourser le capital emprunté.

Les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de l'exécution de la prestation de services qui doit être complète, hors le cas d'une prestation de services à exécution successive, et commet une faute à l'égard de l'emprunteur le prêteur qui délivre des fonds au vendeur sans s'assurer que celui-ci a exécuté son obligation (Cass. 1ère civ. 16 janvier 2013, n°12-13.022, Bull. 2013, I, n°6).

La libération des fonds intervient au vu d'une attestation de fin de travaux, laquelle est opposable à l'emprunteur si elle permet de vérifier l'exécution complète du contrat principal ; elle lui est en revanche inopposable si son contenu ne permet pas de se convaincre d'une telle exécution complète.

Il appartient au prêteur de démontrer l'exécution du contrat principal, et non à l'emprunteur d'en démontrer l'inexécution.

L'emprunteur qui détermine l'établissement de crédit à verser les fonds au vendeur au vu de la signature par lui du certificat de livraison du bien n'est plus ensuite recevable à soutenir, au détriment du prêteur, que le bien ne lui avait pas été livré (Cass. 1ère civ., 14 novembre 2001, n°99-15.690, Bull. 2001, I, n°280).

Les consommateurs soutiennent qu'en qualité de dispensateur de crédit affecté, la banque serait tenue à leur égard à une obligation particulière d'information et à un devoir d'alerte dans le déblocage des fonds.

Mais la banque n'est tenue avant le déblocage des fonds qu'à la vérification de la régularité du contrat principal, ainsi qu'à la vérification de l'entière exécution de ses prestations par l'entrepreneur principal.

Ainsi, l'absence de toute obligation de la banque à l'égard des devoirs qu'entendent à ces égards lui imposer les époux X., rend sans objet la recherche de toute éventuelle prescription de ces chefs.

Les consommateurs font encore grief à la banque d'avoir participé au dol dont ils s'estiment victimes.

Mais il sera renvoyé aux développements précédents, pour en retenir que les époux X. défaillent à démontrer le dol dont ils s'estiment victimes.

Les emprunteurs font encore grief à la banque ne pas avoir vérifié la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation, ou de l'exécution complète de ses prestations par l'entrepreneur.

Or, par la signature de l'attestation de livraison, les consommateurs ont reconnu que l'entrepreneur principal avait intégralement exécuté ses obligations, sans que le dispensateur de crédit soit tenu à cet égard à de plus amples vérifications.

Et il sera renvoyé aux observations figurant plus haut, pour en retenir que c'est à la date de livraison de l'installation photovoltaïque le 9 janvier 2012 que les consommateurs ont été mis à même de constater les éventuelles irrégularités au code de la consommation grevant le contrat principal, et par voie de conséquence, l'éventuel défaut de vérification de la régularité du contrat principal par l'établissement de crédit.

Il sera déduit que les consommateurs ont eu connaissance des éventuels dommages résultant d'un éventuel manquement de l'établissement de crédit à ses obligations au 9 janvier 2012, jour de livraison des biens objets du crédit affectée, de telle sorte que c'est à cette date qu'a commencé à courir le délai de prescription de l'action indemnitaire des époux X. contre la banque en raison des éventuels manquements de celle-ci lors du déblocage des fonds.

Il y aura donc lieu de déclarer prescrites les demandes indemnitaires formées par les époux X., contre la banque et le jugement sera confirmé de ce chef.

 

Sur la prescription des autres demandes par voie de conséquence :

Ensuite des prescriptions retenues affectant les demandes susdites, il y aura lieu, par voie de conséquence, de déclarer prescrites l'ensemble des autres demandes des consommateurs, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Il y sera rajouté pour déclarer irrecevable, comme prescrite, la demandes des époux X., formée à hauteur d'appel, tendant à mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société Next Génération France l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble à ses frais.

* * * * *

Les époux X. seront déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance, et condamnés in solidum aux dépens de première instance et à payer à la banque la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance : le jugement sera confirmé de ces chefs.

Succombants à hauteur de cour, les consommateurs seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles d'appel, et seront condamnés in solidum aux entiers dépens d'appel et à payer à la banque la somme de 2.400 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La cour,

statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Déclare irrecevable la demande de Monsieur X. et Madame Y. épouse X. tendant à mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société Next Génération France l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble à ses frais ;

Déboute Monsieur X. et Madame Y. épouse X. de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamne in solidum Monsieur X. et Madame Y. épouse X. à payer à la société anonyme Bnp Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société anonyme Sygma Banque, la somme de 2.400 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne in solidum Monsieur X. et Madame Y. épouse X. aux entiers dépens d'appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER,                                           LE PRÉSIDENT,