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CA VERSAILLES (ch. civ. 1-3), 7 mars 2024

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (ch. civ. 1-3), 7 mars 2024
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 1re ch.
Demande : 21/01425
Date : 7/03/2024
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 2/03/2021
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10844

CA VERSAILLES (ch. civ. 1-3), 7 mars 2024 : RG n° 21/01425

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « En vertu des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». Il résulte des articles 122 et 124 du code de procédure civile que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées ; que, licite, la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu'à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent (Cass., ch. mixte, 14 février 2003, n° 00-19.423). L'irrecevabilité n'est encourue en cas d'inobservation de la clause que si celle-ci détaille les conditions particulières de sa mise en œuvre.

En l'espèce, le 13 février 2009, Mme X. épouse Y. a signé une lettre de mission de suivi patrimonial stipulant notamment : « en cas de litige, les parties contractantes s'engagent à rechercher en premier lieu un arrangement amiable puis en second lieu d'informer la commission Arbitrage et discipline de la Chambre des Indépendants du Patrimoine ([Adresse 1]). Ce n'est qu'en cas d'échec de cet arrangement amiable que le litige pourrait être porté devant les tribunaux compétents. » Il convient de constater que les modalités de l'« arrangement amiable », que les parties se sont engagées à rechercher en cas de différend ne sont pas définies, de même que n'est prévue qu'une simple « information » à une commission d'arbitrage et de discipline. En outre, cette clause ne manifeste pas plus de manière non équivoque la volonté par les parties de subordonner une action judiciaire à une tentative de conciliation alors qu'aucune sanction n'est prévue. Dès lors, cette clause ne peut être assimilée à une procédure de conciliation préalable et le non-respect allégué de cette disposition ne peut caractériser une fin de non-recevoir. Ce moyen sera donc rejeté. »

2/ « Il résulte de la combinaison des articles 2224 et L. 110-4 du code de commerce que les obligations entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La prescription quinquennale des sanctions qui s'attachent au dol court du jour où la victime l'a connu ou découvert.

Le manquement d'un conseiller en gestion de patrimoine à son obligation d'informer le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie libellé en unités de compte sur le risque de pertes présenté par un support d'investissement, ou à son obligation de le conseiller au regard d'un tel risque, prive ce souscripteur d'une chance d'éviter la réalisation de ces pertes. Celles-ci ne se réalisent qu'au rachat du contrat d'assurance-vie, quand bien même le support en cause aurait fait antérieurement l'objet d'un désinvestissement. (Cass., Com. 21 juin 2023, n°21-19.853). »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

CHAMBRE CIVILE 1-3

ARRÊT DU 7 MARS 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/01425. N° Portalis DBV3-V-B7F-ULLO Code nac : 58Z. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 novembre 2020 par le TJ de Nanterre (6e ch.) : R.G. n° 17/01145.

LE SEPT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

née le [Date naissance 4] à [Localité 11], de nationalité Française, [Adresse 3], [Localité 7], Représentant : Maître Morgane FRANCESCHI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 570, Représentant : Maître Sébastien BERNARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉES :

SA SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE

N° SIRET : XXX, [Adresse 8], [Localité 10], Représentant : Maître Xavier PERINNE de la SELEURL Xavier PERINNE SELARL, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R174 Représentant : Maître Vincent BOURGOIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 174

SAS AXYALIS PATRIMOINE

N° SIRET : YYY, [Adresse 6], [Localité 5]

SA MMA IARD venant aux droits de la société COVEA RISKS

N° SIRET : ZZZ, [Adresse 2], [Localité 9]

SOCIETE MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la société COVEA RISKS

N° SIRET : WWW, [Adresse 2], [Localité 9]

Représentant : Maître Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643, Représentant : Maître Philippe GLASER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J010, substitué par Maître Antoine SIMONNEAU

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 septembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Florence PERRET, Président, Madame Gwenael COUGARD, Conseiller, chargé du rapport, Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme FOULON,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 22 janvier 2010, Mme X. épouse Y. a souscrit, par l'intermédiaire de la société en gestion de patrimoine Axyalis Patrimoine, un contrat d'assurance vie libellé en euros dénommé « Sélection R Oxygène » proposé par la société SwissLife Assurance et Patrimoine, sur lequel elle a investi la somme initiale de 100.000 euros vers le support en unités de compte Optimiz 8/14%.

Le 15 décembre 2010, Mme Y. a effectué un versement complémentaire de 200.000 euros vers le même support.

Par avenant du 31 décembre 2010, Mme Y. a investi les fonds placés en unités de compte Optimiz 8/14% vers l'unité de compte Axyalis Coupons.

Le 7 juin 2011, Mme Y. a effectué un versement complémentaire de 100.000 euros investi sur cette dernière unité.

Par avenant du 11 juin 2014, Mme Y. a investi les fonds placés en unités de compte Axyalis Coupons vers l'unité de compte Kairos. Ce produit est arrivé à échéance le 30 décembre 2016.

Mme Y. a effectué de nombreuses opérations au titre du contrat d'assurance et en particulier des rachats partiels, le 6 janvier 2011 d'un montant de 13 931,73 euros, le 7 janvier 2011 d'un montant de 13 999,67 euros, le 19 janvier 2011 d'un montant de 14 010,44 euros, le 8 février 2011 d'un montant de 15.000 euros, le 6 avril 2011 d'un montant de 21 634,97 euros, le 16 juillet 2011 d'un montant de 26 341,06 euros, le 24 janvier 2017 d'un montant de 30.000 euros.

Par acte du 9 janvier 2017, Mme Y. a assigné devant le tribunal judiciaire de Nanterre les sociétés SwissLife Assurance et Patrimoine et Axyalis Patrimoine aux fins d'annulation, ou à défaut de résolution, des avenants de souscription aux produits Axyalis Coupons et Kairos, et de condamnation au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 291 482,79 euros de perte subie et de 342 842,29 euros de gain manqué.

Par acte du 28 décembre 2017, Mme Y. a également fait assigner devant le tribunal judiciaire de Nanterre les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles (ci-après les sociétés MMA) en leur qualité d'assureur de la société Axyalis Patrimoine.

Les deux instances ont été jointes le 8 février 2018.

Par ordonnance du 4 mai 2018, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société SwissLife Assurance et Patrimoine.

Le 16 juillet 2019, Mme Y. a sollicité le rachat total de son contrat.

Par jugement du 27 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- rejeté les demandes en nullité et en résolution formées par Mme Y.,

- déclaré irrecevables, car prescrites, les demandes indemnitaires formées au titre des actes conclus en 2010, à l'exception de celles fondées sur un défaut de suivi,

- déclaré recevable, mais mal fondé, le surplus des demandes indemnitaires présentées par Mme Y.,

- l'a rejeté,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire,

- condamné Mme Y. aux dépens,

- condamné Mme Y. à payer à la société SwissLife une indemnité de procédure de 1 200 euros,

- condamné Mme Y. à payer aux sociétés Axyalis Patrimoine, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles une indemnité de procédure de 1 200 euros,

- rejeté toutes autres demandes.

[*]

Par acte du 2 mars 2021, Mme Y. a interjeté appel et prie la cour par dernières écritures du 20 juin 2023 de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il:

* rejette les demandes en nullité et en résolution formées par Mme Y.,

* déclare irrecevables, car prescrites, les demandes indemnitaires formées au titre des actes conclus en

2010, à l'exception de celles fondées sur un défaut de suivi,

* déclare recevable, mais mal fondé, le surplus des demandes indemnitaires présentées par Mme Y.,

* le rejette,

* condamné Mme Y. aux dépens,

* la condamne à payer à la société SwissLife une indemnité de procédure de 1 200

euros,

* la condamne à payer aux sociétés Axyalis patrimoine, MMA Iard et MMA Iard

Assurances Mutuelles une indemnité de procédure de 1 200 euros,

* rejette toutes autres demandes

Statuant à nouveau

- dire non écrite, ou à tout le moins annuler, toute clause de conciliation obligatoire opposée par les sociétés Axyalis Patrimoine, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles.

- rejeter les fins de non-recevoir opposées en défense. Déclarer recevables les demandes de

Mme Y.

- annuler, ou à défaut prononcer la résolution de l'avenant de souscription au produit Axyalis Coupons du 31 décembre 2010, du versement supplémentaire vers ce produit du 22 juin 2011 et de l'avenant de souscription au produit Kairos de juin 2014.

- ordonner à l'assureur de restituer à l'appelante les 100.000 euros versés à l'occasion du versement supplémentaire du 22 juin 2011. Enjoindre également à l'assureur de recalculer la valeur finale de rachat total du contrat d'assurance en tenant compte du fait que les produits cédés par l'avenant annulé du 31 décembre 2010 doivent être considérés comme étant restés en vigueur et ne pas avoir été remplacés par Axyalis Coupons. Enjoindre à l'assureur Swisslife Assurance et Patrimoine d'adresser un versement complémentaire de 634.000 euros à Mme Y. à ce titre.

- dire que les sociétés Swisslife Assurance Patrimoine et Axyalis Patrimoine ont commis des manquements détaillés dans la discussion aux règles et obligations de protection de l'épargne, d'information, de mise en garde, et de conseil lors de la souscription et dans le suivi des unités de compte Axyalis Coupons et Kairos et qu'elles doivent, avec les assureurs de la société Axyalis Patrimoine, réparation de l'entier préjudice subi, ou à tout le moins des pertes de chance subies, du fait de ces manquements

- condamner in solidum ou, à défaut les unes ou les autres, les sociétés Axyalis patrimoine, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à verser à l'appelante la somme de 634 325,08 euros en réparation de son préjudice financier résultant des manquements commis par Axyalis Patrimoine et Swisslife Assurance et Patrimoine lors de la souscription ainsi que dans l'exécution et le suivi des unités de compte Axyalis Coupons et Kairos

- condamner les sociétés intimées à payer à Mme Y. in solidum, ou à défaut les ou unes les autres, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de l'avocat au titre de la procédure de première instance et d'appel

[*]

Par dernière écritures du 18 novembre 2022, les sociétés Axyalis Patrimoine, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles prient la cour de ;

- confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté l'irrecevabilité fondée sur l'absence de mise en 'uvre de la procédure de conciliation préalable, et l'infirmer sur ce dernier point.

Et statuant à nouveau:

A titre principal, sur l'irrecevabilité des demandes du fait du non-respect de la procédure de conciliation préalable.

- constater que la lettre de mission du 13 mars 2008 comporte une clause de procédure de conciliation obligatoire désignant la Commission Arbitrage et Discipline de la CNCGP ;

- constater que Mme Y. n'a pas saisi la Commission Arbitrage et Discipline de la CNCGP préalablement à l'introduction de son action ;

En conséquence,

- juger irrecevable l'action de Mme Y. à l'encontre de la société Axyalis Patrimoine et des sociétés MMA;

- rejeter les demandes formées par Mme Y. à l'encontre de la société Axyalis Patrimoine et des sociétés MMA.

A titre subsidiaire, sur l'irrecevabilité des demandes du fait de la prescription de l'action :

- constater que la demande dirigée à l'encontre de la société Axyalis Patrimoine et des sociétés MMA relative aux conditions de l'arbitrage réalisé le 31 décembre 2010, est prescrite depuis le 1er janvier 2016 ;

- constater que la demande dirigée à l'encontre de la société Axyalis Patrimoine et des sociétés MMA relative aux conditions du versement complémentaire en date du 7 juin 2011 est prescrite depuis le 8 juin 2016 ;

En conséquence,

- juger irrecevables comme prescrites, les demandes formées à l'encontre des sociétés Axyalis Patrimoine, MMA Iard et MMA Iard Assurance Mutuelle ;

- rejeter les demandes formées à l'encontre des sociétés Axyalis Patrimoine, MMA Iard et MMA Iard Assurance Mutuelle.

A titre très subsidiaire : sur le rejet des demandes en annulations des souscriptions et à défaut en résolution du contrat

- constater l'absence de dol et l'absence de manquement de la société Axyalis Patrimoine à son obligation d'information ;

- constater que Mme Y. a procédé au rachat de son contrat d'assurance n°0010020978001;

En conséquence,

- rejeter l'intégralité des demandes formées à l'encontre des sociétés Axyalis Patrimoine, MMA Iard et MMA Iard Assurance Mutuelle.

A titre plus subsidiaire encore : sur l'absence de bien fondé des demandes de Mme Y. formées à l'encontre des sociétés Axyalis Patrimoine et MMA,

- constater que la société Axyalis Patrimoine n'a commis aucune faute à l'égard de Mme Y. et débouter cette dernière de l'ensemble de ses prétentions ;

- constater l'absence d'application de la garantie des sociétés MMA ;

En conséquence,

- rejeter l'intégralité des demandes formées à l'encontre des sociétés Axyalis Patrimoine, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles.

A titre infiniment subsidiaire : sur la garantie de responsabilité civile professionnelle des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles

- juger que la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, assure la responsabilité civile professionnelle de la société Axyalis Patrimoine au titre du contrat d'assurance souscrit par la CNCGP auprès de la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles ;

- juger, dans le cas où la responsabilité de la société Axyalis Patrimoine devait être retenue, que la franchise d'un montant de 15.000 euros stipulée dans le contrat d'assurance souscrit par la CNCGP auprès de la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, s'applique.

En tout état de cause,

- condamner Mme Y. à payer à chacune des sociétés Axyalis Patrimoine, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme Y. aux entiers dépens de l'instance, dont distraction pour ceux d'appel directement au profit de Maître Philippe Châteauneuf, Avocat, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

Par dernière écritures du 6 juin 2023, la société SwissLife prie la cour de :

- déclarer Mme Y. mal fondée en son appel et l'en débouter intégralement,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 27 novembre 2020 en toutes ses dispositions,

Sur la demande de nullité ou de résolution des avenants :

- déclarer irrecevable car prescrite toute action de Mme Y. en nullité ou en résolution des avenants d'arbitrage et de versement complémentaire et en conséquence débouter Mme Y. de ses demandes,

- déclarer mal fondée la demande en nullité ou en résolution des avenants d'arbitrage et de versement complémentaire dès lors que le contrat n'existe plus suivant le rachat total et en conséquence confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme Y. de l'ensemble de ses demandes,

- en tout état de cause, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme Y. de l'ensemble de ses demandes,

- en tout état de cause, débouter Mme Y. de l'ensemble de ses demandes.

Sur la demande de dommages-intérêts :

- déclarer irrecevable car prescrite toute action de Mme Y. en responsabilité et en conséquence confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable les demandes de Mme Y.,

- déclarer mal fondée l'action de Mme Y. en responsabilité et en conséquence confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme Y. de ses demandes,

- en tout état de cause, débouter Mme Y. de l'ensemble de ses demandes.

En tout état de cause :

- débouter Mme Y. de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme Y. au paiement de la somme de 5.000 euros à SwissLife Assurance et Patrimoine au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Xavier Périnne en application de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2023.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l'action engagée à l'encontre des sociétés Axyalis et MMA :

Invoquant les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, les sociétés Axyalis et MMA affirment que l'action engagée par Mme X. épouse Y. est irrecevable faute d'avoir respecté la procédure de conciliation préalable obligatoire prévu par la lettre de mission de suivi patrimonial signée par l'appelante.

Elles font valoir que le changement de dénomination de l'instance de conciliation (devenue CNCGP, Chambre nationale des conseils de gestion de patrimoine, au lieu de CIP, Chambre des indépendants du patrimoine) est sans incidence sur la validité et l'opposabilité de la clause à Mme X. épouse Y.

Elles soutiennent que la clause litigieuse n'avait pas vocation à instituer une médiation des litiges de consommation et n'est pas donc pas abusive au sens de l'article R. 212-2 du code de la consommation.

Mme X. épouse Y. rétorque que la clause de conciliation qui lie la victime et l'assuré n'est pas invocable par l'assureur mis en cause dans le cadre d'une action directe.

Elle souligne avoir tenté de rechercher un arrangement amiable et en déduit qu'aucune irrecevabilité ne peut plus donc être invoquée par les sociétés MMA et Axyalis à ce titre.

L'appelante soutient ensuite que la clause litigieuse vise une information de la commission arbitrage de la Chambre des indépendants du patrimoine, qui n'est pas assimilable à une obligation de saisine à titre de conciliation et précise qu'il ne saurait lui être reproché, sur le fondement de l'article 1193 du code civil, de n'avoir pas saisi la Chambre nationale des conseils de gestion de patrimoine.

Elle fait valoir que la société Axyalis n'a pas satisfait à son obligation de proposer une médiation de la consommation et que la Chambre nationale des conseils de gestion de patrimoine n'était pas inscrite sur la liste des médiateurs de la consommation et ne pouvait donc intervenir dans ce type de litige, outre que les clauses de règlement amiable obligatoires dans les litiges de consommation constituent des clauses abusives.

Sur ce,

En vertu des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

Il résulte des articles 122 et 124 du code de procédure civile que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées ; que, licite, la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu'à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent (Cass., ch. mixte, 14 février 2003, n° 00-19.423).

L'irrecevabilité n'est encourue en cas d'inobservation de la clause que si celle-ci détaille les conditions particulières de sa mise en œuvre.

En l'espèce, le 13 février 2009, Mme X. épouse Y. a signé une lettre de mission de suivi patrimonial stipulant notamment : « en cas de litige, les parties contractantes s'engagent à rechercher en premier lieu un arrangement amiable puis en second lieu d'informer la commission Arbitrage et discipline de la Chambre des Indépendants du Patrimoine ([Adresse 1]). Ce n'est qu'en cas d'échec de cet arrangement amiable que le litige pourrait être porté devant les tribunaux compétents. »

Il convient de constater que les modalités de l'« arrangement amiable », que les parties se sont engagées à rechercher en cas de différend ne sont pas définies, de même que n'est prévue qu'une simple « information » à une commission d'arbitrage et de discipline.

En outre, cette clause ne manifeste pas plus de manière non équivoque la volonté par les parties de subordonner une action judiciaire à une tentative de conciliation alors qu'aucune sanction n'est prévue.

Dès lors, cette clause ne peut être assimilée à une procédure de conciliation préalable et le non-respect allégué de cette disposition ne peut caractériser une fin de non-recevoir. Ce moyen sera donc rejeté.

 

Sur la prescription :

Mme X. épouse Y. conteste toute prescription de son action au motif que le délai de prescription ne court qu'à compter du jour où la victime a connu ou aurait dû connaître le dommage, soit en l'espèce le 30 décembre 2016, date d'expiration de l'unité de compte Kairos, à laquelle il a connu les pertes subies, voire le 1er juillet 2014, date du terme de l'unité de compte Axyalis Coupons.

Elle réfute l'application de la prescription biennale, faisant valoir que l'action engagée contre l'assureur ou l'intermédiaire d'assurance sur le fondement d'un manquement à obligation précontractuelle d'information et de conseil ne dérive pas du contrat d'assurance, outre que les conditions générales ne contenaient pas d'informations précises sur cette prescription.

Les sociétés Axyalis et MMA soutiennent en réponse que la prescription est acquise puisque le point de départ du délai est la date de souscription du contrat.

La société Swisslife affirme que l'action en nullité des arbitrages et versements effectués en 2010/2011 était prescrite, s'il est fait application de l'article 2224 du code civil, en 2016 et même avant si la prescription biennale prévue par l'article L. 114-1 du code des assurances était retenue.

Elle expose que le point de départ de la prescription court à compter de la conclusion du contrat dès lors que le souscripteur a été informé de ses caractéristiques.

Sur ce,

L'action en nullité du contrat d'assurance ou de ses avenants, fondée sur le dol de l'assureur ou de son mandataire, qui repose sur l'existence de manoeuvres pratiquées avant la conclusion du contrat, ne dérive pas du contrat d'assurance, au sens de l'article L. 114-1 du code des assurances.

De même, l'action en responsabilité formée contre l'assureur en raison de son manquement à son obligation d'information ne dérive pas du contrat d'assurance et n'est donc pas soumise à la prescription biennale.

Il résulte de la combinaison des articles 2224 et L. 110-4 du code de commerce que les obligations entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La prescription quinquennale des sanctions qui s'attachent au dol court du jour où la victime l'a connu ou découvert.

Le manquement d'un conseiller en gestion de patrimoine à son obligation d'informer le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie libellé en unités de compte sur le risque de pertes présenté par un support d'investissement, ou à son obligation de le conseiller au regard d'un tel risque, prive ce souscripteur d'une chance d'éviter la réalisation de ces pertes. Celles-ci ne se réalisent qu'au rachat du contrat d'assurance-vie, quand bien même le support en cause aurait fait antérieurement l'objet d'un désinvestissement.(Cass., Com. 21 juin 2023, n°21-19.853).

En l'espèce, l'action de Mme X. épouse Y. n'est pas prescrite à l'égard des investissements sur le produit Kairos effectués le 23 juin 2014, pour avoir été initiée par assignation du 9 janvier 2017.

Au surplus, c'est seulement à la date de l'échéance du produit d'investissement Axyalis Coupons soit le 1er juillet 2014, que Mme X. épouse Y. était en mesure d'apprécier la réalisation de son dommage constitué de la perte de son capital ou de déterminer l'existence d'un dol.

L'action de Mme X. épouse Y. est donc recevable comme initiée dans le délai prescrit et le jugement querellé sera infirmé de ce chef.

 

Sur la nullité des contrats et le manquement des sociétés Axyalis et Swisslife à leurs obligations contractuelles :

Mme X. épouse Y. affirme, sur le fondement des articles L. 131-1 et L. 132-27 du code des assurances ainsi que L. 111-1 et L. 120-1 du code de la consommation, que les intimées ont manqué à leur devoir d'information et de conseil qui implique de fournir à l'assuré, tant au moment de la conclusion du contrat qu'à l'occasion des avenants, des informations claires, exactes, loyales et adaptées à sa situation personnelle.

Elle précise qu'alors qu'elle avait indiqué souhaiter orienter ses économies vers des placements à risque mesuré, la société Axyalis lui a fait souscrire son propre produit à très haut risque, à savoir Axyalis Coupon.

Elle affirme que la société Axyalis a également manqué à son obligation de suivi mentionnée dans la lettre de mission de suivi patrimonial, les risques du produit Axyalis Coupons s'étant renforcés pendant l'exécution du contrat.

Concernant les fautes commises lors de la souscription de l'unité de compte Kairos, Mme X. épouse Y. souligne qu'un seul produit lui a été proposé, qui lui a été présenté comme plus sécuritaire alors qu'il était en réalité plus risqué.

Elle fait valoir que la société Swisslife ne peut s'exonérer de sa responsabilité alors que la société Axyalis est sa filiale ou sous-filiale et que les deux sociétés ont nécessairement élaboré ensemble le produit Kairos.

Mme X. épouse Y. soutient que les manquements ainsi démontrés sont de nature à entraîner la nullité des avenants de souscription au produit Axyalis Coupons et de l'avenant de souscription du produit Kairos pour dol, réfutant que le rachat ultérieur du contrat puisse faire obstacle à cette résolution.

Elle expose qu'en tout état de cause, la responsabilité des intimées est engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle et subsidiairement, délictuelle en raison de sa perte de chance puisqu'elle n'avait aucun motif de s'intéresser à un produit très risqué et que, si une information et un conseil adéquats lui avaient été fournis, la probabilité qu'elle souscrive à un tel produit étaient très faibles, voire nulles.

L'appelante précise avoir subi une perte de 199.000 euros et affirme que, si elle avait pu placer ses économies autrement, elle aurait pu espérer un rendement de 28 840 euros supplémentaire.

Sur la garantie des sociétés MMA, Mme X. épouse Y. soutient qu'en vertu de l'article L. 124-3 du code des assurances, l'action directe de la victime contre l'assureur de l'auteur du dommage constitue un droit propre à l'indemnité due en vertu du contrat d'assurance et que l'assureur doit être tenu in solidum avec son assuré.

Les sociétés Axyalis et MMA soutiennent que toute unité de compte figurant sur la liste de l'article R. 131-1 du code des assurances satisfait au critère de protection suffisante de l'épargne au sens de l'article L. 131-1.

Elles rappellent que la société Axyalis est un courtier en assurance et non un gestionnaire de portefeuille, en déduisant que son rôle n'était donc pas de contrôler le choix des actions composant le panier de référence et l'analyse des fonds. Elles soulignent qu'aucun mandat d'arbitrage n'a été confié à la société Axyalis et qu'aucune violation de suivi ne peut donc lui être reprochée.

Les intimées affirment que la remise des documents précontractuels suffisait à remplir l'obligation d'information et de conseil à la charge de la société Axyalis qui constitue une obligation de moyens, celle-ci s'étant renseignée sur le patrimoine et les objectifs de Mme X. épouse Y. et celui-ci ayant accepté les risques inhérents aux produits d'investissement.

Sur la demande d'annulation du contrat ou des avenants, les sociétés Axyalis et MMA font valoir que la société Axyalis n'est pas partie au contrat conclu entre Mme X. épouse Y. et la société Swisslife et qu'aucun dol ne peut donc lui être reproché.

Elles indiquent sur le fond que les conditions du dol ne sont pas remplies : l'intention dolosive et le caractère déterminant du consentement ne sont pas démontrés, la société Axyalis n'a dissimulé aucune information à Mme X. épouse Y. et ne pouvait pas prévoir la contre-performance des coupons Axyalis et Kairos.

Les sociétés Axyalis et MMA affirment que Mme X. épouse Y. a été parfaitement informée du fonctionnement de son contrat d'assurance-vie et des caractéristiques d'unités de compte Axyalis Coupons et Kairos.

Soutenant qu'il n'existe aucun lien entre les fautes alléguées et le préjudice de Mme X. épouse Y., les intimées soulignent subsidiairement que la perte de chance est égale à zéro et précisent que n'est pas démontré l'existence d'un rendement supplémentaire qu'aurait pu espérer l'appelante.

Très subsidiairement, elles indiquent que, si la responsabilité de la société Axyalis était retenue, celle-ci serait garantie par les sociétés MMA.

La société Swisslife soutient que la demande de nullité ou résolution des avenants d'arbitrage ne peut aboutir dès lors que Mme X. épouse Y. a procédé au rachat de son contrat.

Elle affirme que les unités de compte Axyalis et Kairos sont conformes au code des assurances au sens de son article L. 131-1.

Elle conteste avoir commis de faute au titre de son devoir d'information et expose que l'assureur et le courtier respectent leurs obligations dès lors qu'ils ont délivré à Mme X. épouse Y. une information suffisante sur les dispositions essentielles du contrat et sur le risque inhérent à celui-ci.

Réfutant tout dol, elle affirme que ne sont démontrés ni l'existence de manoeuvres dolosives ni l'intention dolosive, que la société Axyalis n'est pas partie au contrat qu'elle a conclu avec Mme X. épouse Y. et que le dol est exclu lorsque le souscripteur au contrat d'assurance-vie a reçu la documentation contractuelle dans laquelle sont indiquées toutes les caractéristiques importantes de son engagement et notamment des risques encourus.

La société Swisslife fait valoir que Mme X. épouse Y. ne saurait se prévaloir de sa propre erreur dès lors qu'elle a été avertie du fonctionnement et des risques de l'unité de compte, outre qu'elle ne justifie pas que cette erreur aurait été déterminante de son consentement.

Elle conclut également au rejet de la demande de résolution des avenants d'arbitrage.

L'intimée soulève l'irrecevabilité des demandes de dommages et intérêts formées par Mme X. épouse Y. au motif d'une part que l'appelante ne précise pas le régime de responsabilité sur laquelle elle se fonde et d'autre part que les actions en responsabilité sont prescrites en application des dispositions de l'article L. 114-1 du code des assurances.

Elle conclut au rejet de la demande sur le fond, exposant n'avoir commis aucune faute et faisant valoir que le préjudice résultant d'un manquement au devoir de conseil est constitué par la perte de chance de souscrire de meilleures garanties ou d'effectuer un meilleur placement, les calculs effectués par Mme X. épouse Y. étant en conséquence infondés.

Sur ce,

Sur l'éligibilité du produit souscrit à l'assurance-vie :

L'article L. 131-1 du code des assurances dispose que le capital ou la rente garantis peuvent être exprimés en unités de compte constituées de valeurs mobilières ou d'actifs offrant une protection suffisante de l'épargne investie et figurant sur une liste dressée par décret en Conseil d'État.

Les articles R. 131-1 et R. 332-2, dans leur version applicable, ne limitent pas strictement aux seules obligations les produits que sont susceptibles de proposer les entreprises d'assurance.

L'article L. 213-5 du code monétaire et financier définit les obligations comme des titres négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale.

En l'occurrence, les EMTN Axyalis Coupons, qui constituent des titres de créances complexes, peuvent être assimilés à des obligations en ce qu'elles confèrent un droit de créance général sur l'émetteur.

Elles sont négociées ou négociables sur un marché reconnu puisqu'elles ont été admises à la cotation à la bourse de Luxembourg, État partie à l'accord sur l'Espace Economique Européen et que cette place boursière a reçu un agrément comme marché réglementé.

L'Autorité de contrôle prudentiel a procédé le 15 octobre 2010 à une recommandation portant sur la commercialisation des contrats d'assurance sur la vie en unités de compte constituées d'instruments financiers complexes, considérant par là même que les produits structurés prenant la forme d'EMTN sont éligibles aux contrats d'assurance-vie.

Ces produits structurés présentent un risque de perte en capital uniquement dans le cas d'une très forte baisse de l'une des actions du sous-jacent de référence qui était fixé à 40 % concernant le produit Axyalis Coupons.

Il en résultait donc une protection suffisante de l'épargne investie, en dépit du fait que toute prise de risque n'était pas totalement exclue.

Par suite, le produit Axyalis Coupons pouvait être proposé à la souscription par la SAS Axyalis Patrimoine.

Le moyen tiré de l'inéligibilité du produit à l'assurance-vie ne peut qu'être rejeté.

 

Sur la nullité du contrat et la résolution des avenants :

L'article 1116 du code civil dans sa version applicable en l'espèce dispose que "le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n 'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé".

En l'espèce, Mme X. épouse Y. se contente d'alléguer de l'existence d'un dol sans démontrer l'existence de manoeuvres frauduleuses qui auraient été commises par la société Swisslife (lors de la signature du contrat originel) ou par la société Axyalis (à l'occasion de la conclusion des avenants), alors même que les éléments versés aux débats font ressortir que de nombreux documents précontractuels lui ont été remis contenant des informations précises et détaillées sur les placements souscrits et le risque encouru en termes de perte de capital.

Rien ne permet de justifier que les intimées auraient délibérément cherché à tromper Mme X. épouse Y.

Toute erreur peut également être écartée en se fondant sur les éléments suivants :

-  la société Axyalis Patrimoine justifie avoir remis à chaque entretien avec Mme X. épouse Y. les brochures et notices d'informations concernant les supports Axyalis Coupons et Kairos et lui avoir fait signer un document attestant qu`elle avait reçu toutes les informations nécessaires, s'agissant notamment des risques inhérents à chacun des placements envisagés,

-  concernant le support Axyalis Coupons et le support Kairos, les brochures paraphées par Mme X. épouse Y. rappellent dans 1'onglet "Inconvénients" que "le produit ne comporte pas de protection du capital" et que "dans le pire des scenarii les investisseurs peuvent perdre jusqu' à la totalité de leur investissement",

-  des cas concrets (favorables et défavorables) sont également présentés,

-  les avenants "aux dispositions générales du contrat valant note d'information. Demande de souscription à l'Unité de compte structurée Axyalis Coupons" signés les 31 décembre 2010 et 22 juin 2011 par l'appelante rappellent encore que "l'EMTN Axyalis Coupons/ est un produit à capital non garanti et présente des risques de perte en capital à l'échéance ou en cas de rachat anticipé", et il est en outre précisé que "la valeur des unités de compte n 'est pas garantie, mais est sujette à des fluctuations à la hausse ou à la baisse, dépendant en particulier de l'évolution des marchés financiers.",

-  l'avenant aux"aux dispositions générales du contrat valant note d'information. Sélection de l'Unité de compte structurée Kairos" signé le 23 juin 2014 comporte un questionnaire aux termes duquel le souscripteur déclare avoir compris "que cette unité de compte représente un placement risqué", "qu'il encourt un risque de perte en capital en cas de constatation à maturité d'une valeur de l'une des actions du panier inférieure à 45% de sa valeur de référence" et "que le risque maximal est la perte totale de son capital".

Ainsi, la répétition des avertissements dans les différents avenants selon des présentations de nature à attirer spécialement l'attention du souscripteur, concernant les risques de perte intégrale du capital, ne pouvait manquer d'alerter des personnes normalement diligentes sur les conséquences d'un investissement qui était tributaire des fluctuations du marché des capitaux à la hausse mais aussi à des baisses importantes.

Dès lors, la demande d'annulation ou de résolution des avenants de souscription formée par Mme X. épouse Y. sera rejetée et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

 

Sur la demande de dommages et intérêts :

Il convient à titre liminaire de dire que Mme X. épouse Y. indique fonder sa demande de dommages et intérêts sur la responsabilité contractuelle (article 1147 du code civil) ou subsidiairement délictuelle (article 1382 du code civil) et qu'aucune irrecevabilité ne peut être retenue au motif qu'elle ne préciserait pas le régime de responsabilité invoqué.

Aux termes de l'ancien article 1147, en vigueur jusqu'au 30 septembre 2016 et applicable au présent litige, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Les articles 1149 et 1150 du même code alors applicables précisaient en outre que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, étant précisé que le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée.

L'obligation d'information qui pèse sur le conseiller en gestion du patrimoine et le conseiller financier, obligation de moyens, lui impose d'informer son client non seulement sur les avantages que présente la solution d'investissement proposée mais également sur les inconvénients qui en sont le corollaire, sur les risques engendrés et plus généralement sur toute circonstance raisonnablement prévisible et propre à priver l'investisseur de tout ou partie du bénéfice qu'il peut légitimement attendre de son investissement.

En l'espèce, la société Axyalis avait reçu de Mme X. épouse Y. suivant "lettre de mission de suivi patrimonial" du 13 février 2009 la mission de lui "apporter une assistance patrimoniale dans la durée" avec les prestations suivantes : "actualiser votre situation patrimoniale chaque fois que cela sera nécessaire, évaluer votre politique de placements et d'épargne et mettre en place une stratégie de gestion à moyen et long terme intégrant vos objectifs et critères de gestion personnels, examiner la situation des investissements réalisés par l'intermédiaire de notre société et de votre exposition au risque, vous conseiller sur les arbitrages nécessaires à cette gestion et répondant aux critères retenus".

Dès lors la société Axyalis était tenue d'une obligation de conseil et de mise en garde à l'égard de Mme X. épouse Y.

L'article L. 533-13 du code monétaire et financier prévoit que "les prestataires de services d'investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille se procurent les informations nécessaires concernant les connaissances et l'expérience de leurs clients, notamment de leurs clients potentiels, en matière d'investissement en rapport avec le type spécifique d'instrument financier ou de service, leur situation financière, y compris leur capacité à subir des pertes, et leurs objectifs d'investissement, y compris leur tolérance au risque, de manière à pouvoir leur recommander les services d'investissement et les instruments financiers adéquats et adaptés à leur tolérance au risque et à leur capacité à subir des pertes. (...)

I bis.-Lorsqu'ils fournissent les services mentionnés aux 4 ou 5 de l'article L. 321-1 qui impliquent un changement d'instruments financiers, les prestataires de services d'investissement, autres que les sociétés de gestion de portefeuille, obtiennent les informations nécessaires sur l'investissement du client et analysent les coûts et avantages du changement d'instruments financiers. Lorsqu'ils fournissent le service mentionné au 5 de l'article L. 321-1, ces mêmes prestataires indiquent au client si les avantages liés à un changement d'instruments financiers sont ou non supérieurs aux coûts liés à un tel changement."

Il appartenait donc à la société Axyalis d'assurer l'adéquation des supports conseillés avec le profil de risque déclaré de l'investisseur.

L'analyse patrimoniale réalisée par Mme X. épouse Y. le 12 mars 2008 mentionnait que le souscripteur pensait qu' "on peut placer une petite partie de ses économies sur des placements risqués" et révélait une assez large acceptation du risque, sans que soit produit devant la cour le profil d'investissement de l'appelante ni la stratégie de gestion mise en place par le courtier.

La synthèse du rendez-vous réalisé avec Mme X. épouse Y. le 11 juin 2014 précise qu'a été effectué un "point complet et très détaillé du support SG Option Europe Axyalis Coupon EMTN. Une des valeurs du panier le composant (Vallourec) ne remplit pas les conditions permettant le paiement des coupons ni le remboursement du capital initial à terme prévu le 1/07/2014" et souligne "nous vous avons présenté notre meilleure proposition afin de préserver le capital initial investi et nous vous avons expliqué en détail le produit de remplacement Kairos."

La notice Kairos paraphée par Mme X. épouse Y. mentionne dès la couverture qu'il s'agit de "titres de créances de droit français présentant un risque de perte en capital en cours de vie et à l'échéance", d'un "produit de placement risqué alternatif à un investissement dynamique risqué de type actions". Il est précisé que "l'investisseur est exposé au marché actions par le biais d'une indexation à l'échéance à l'action la moins performante parmi cinq actions françaises (Saint-Gobain, Carrefour, Schneider Electric, Société Générale, Vallourec)".

Mme X. épouse Y. démontre qu' à la date de souscription du produit SG Option Axyalis Coupons, trois des cinq sociétés composant le panier d'actions, à savoir les sociétés Vallourec, Carrefour et Société Générale, se trouvaient en difficulté économique, ce qui constituait un risque supplémentaire de non-remboursement du capital investi à l'échéance.

Si Mme X. épouse Y. ne pouvait pas ignorer en 2014 les mauvaises performances de l'action Vallourec (déjà présente dans le panier support produit Axyalis Coupons) du fait de l'entretien qu'elle avait eu avec son courtier en juin 2014, la société Axyalis Patrimoine lui a toutefois présenté le produit Kairos comme étant le moyen de "préserver son investissement" mis en péril par le placement Axyalis Coupons, alors même qu'elle ne pouvait ignorer, de par sa qualité de professionnel en investissements financiers, que la valeur de l'action Vallourec (qui figurait dans le panier des 5 actions de ce nouveau produit) était déjà inférieure au plancher fixé de 55 % ce qui induisait dès la signature de cet arbitrage une perte en capital, information non portée à la connaissance de Mme X. épouse Y. dans le courrier précité.

Ainsi, même si elle a remis à Mme X. épouse Y. les documents précontractuels et contractuels attirant son attention sur le risque encouru de perte en capital, et n'était pas tenue de garantir la rentabilité des produits proposés, la société Axyalis Patrimoine a manqué à son devoir de conseil lors des arbitrages litigieux en ne donnant pas à l'intéressé toutes les informations utiles et nécessaires pour appréhender véritablement le degré de ce risque.

Il convient en conséquence de dire que la société Axyalis Patrimoine, en sa qualité de conseil en gestion de patrimoine indépendant, a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde à l'égard de Mme X. épouse Y., ce qui engage sa responsabilité.

A l'inverse, Mme X. épouse Y. ne démontre pas que la responsabilité de la société Swisslife pourrait être retenue. Elle ne justifie pas en effet que la société Axyalis aurait été la "filiale ou sous-filiale" de la société Swisslife à la date des contrats et n'établit pas que celle-ci était tenue d'une obligation de conseil à son égard dès lors qu'elle avait recours à un courtier. Les demandes formées par Mme X. épouse Y. à l'égard de la société Swisslife seront en conséquence rejetées.

Le dommage subi par l'investisseur ou l'assuré du fait de manquements à des obligations précontractuelles consiste en la perte d'une chance de mieux investir ses capitaux.

Il est de jurisprudence constante que l'indemnisation du dommage résultant de la perte d'une chance ne doit être mesurée qu'à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée.

En l'espèce le préjudice de Mme X. épouse Y. est certain et réside dans la perte de chance de ne pas souscrire aux produits Axyalis Coupons et Kairos qui n'étaient pas adaptés à son profil d'investisseur par suite du défaut de conseil de la société Axyalis Patrimoine.

Mme X. épouse Y. ne démontre pas qu'elle aurait pu espérer un rendement particulier au cours de la période considérée ou qu'elle aurait conservé le placement "Optimiz 8/14" réalisé originellement.

Il n'est pas contesté en revanche que Mme X. épouse Y. n'a pas récupéré le capital investi au terme du contrat, ayant perçu la somme de 123 964, 50 euros pour un total investi de 403 500 euros, soit une perte de 279 535, 50 euros au vu des pièces produites.

Considérant que tout investissement financier est affecté d'un aléa, et spécialement le type de placement choisi par Mme X. épouse Y. vu le contexte économique général ressortant de ses propres pièces, il y a lieu de fixer la perte de chance à 30% et de condamner la société Axyalis à lui verser la somme de 83 860, 65 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier.

Il convient de constater que la garantie due par les sociétés MMA à la société Axyalis Patrimoine n'est pas contestée et cette condamnation sera donc prononcée in solidum.

 

Sur les demandes accessoires :

Mme X. épouse Y. étant accueillie en son recours, le jugement attaqué sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Parties perdantes, les sociétés Axyalis et MMA ne sauraient prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et devront en outre supporter in solidum les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, s'agissant des dépens d'appel, avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à Mme X. épouse Y. la charge des frais irrépétibles exposés et les sociétés Axyalis et MMA seront en conséquence condamnées in solidum à lui verser une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande en revanche de débouter la société Swisslife de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de conciliation préalable ;

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes en nullité et en résolution formées par Mme X. épouse Y. ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes formées par Mme X. épouse Y. ;

Condamne in solidum la société Axyalis Patrimoine et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles à verser à Mme X. épouse Y. la somme de 83 860, 65 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier ;

Déboute Mme X. épouse Y. de ses demandes à l'encontre de la société Swisslife ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne in solidum la société Axyalis Patrimoine et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles à verser à Mme X. épouse Y. la somme de

5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Swisslife de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société Axyalis Patrimoine et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

-  prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévuesau deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-  signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,                                        Le président,