CA VERSAILLES (ch. 1-7), 13 mars 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10845
CA VERSAILLES (ch. 1-7), 13 mars 2024 : RG n° 23/04428
Publication : Judilibre
Extrait : « Une clause est abusive lorsqu'elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur ou du non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (article L. 212-1 du code de la consommation).
Il convient de rappeler qu'il entre dans les pouvoirs du premier président, statuant en matière de fixation des honoraires d'avocat, d'examiner le caractère abusif des clauses des conventions d'honoraire.
En l'espèce, les appelants qui réclament le retrait de l'ensemble des clauses abusives sans préciser quelles clauses seraient abusives dans la convention, excipent de fait du caractère abusif de la fiche de temps. Or, la fiche de temps est un relevé de temps corrélé à des diligences, ce n'est pas une clause d'un contrat. En outre, M. et Mme X. en contestent le bien fondé, ce qui a été vu, mais n'expliquent nullement ce qui, dans cette fiche de temps, caractériserait un déséquilibre significatif de sorte que ce moyen ne peut qu'être écarté. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
CHAMBRE 1-7
ORDONNANCE DU 13 MARS 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/04428. N° Portalis DBV3-V-B7H-V6KO. Code nac : 97J.
LE TREIZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE prononcé par mise à disposition au greffe,
Nous, Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre à la cour d'appel de VERSAILLES, délégué par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière de contestations d'honoraires et de débours relatifs à la profession d'avocat ; vu les articles 176 et 178 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, assisté de Vincent MAILHE, Faisant fonction de greffier, avons rendu l'ordonnance suivante :
ENTRE :
DEMANDEURS :
Maître H. X.
Maître S. X.
[Adresse 3], [Adresse 3], [Localité 2], comparants
ET :
DÉFENDERESSE :
SELARL K. U.
[Adresse 1], [Adresse 1], [Localité 2], représentée par Maître Antoine DE LA FERTE de la SELARL LYVEAS AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 283
à l'audience publique du 10 janvier 2024 où nous étions Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre assisté de Vincent MAILHE, Faisant fonction de greffier, avons indiqué que notre ordonnance serait rendue ce jour ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Le syndicat des copropriétaires de la résidence « Le cinq » et quelques copropriétaires de cette résidence, dont M. et Mme X., ont confié à la SELARL K. U., représentée par maître K. U. avocate au barreau de Chartres, la défense de leurs intérêts dans le cadre d'une procédure de malfaçons pour solliciter la désignation d'un expert. Une convention d'honoraires a été signée entre le syndicat des copropriétaires, certains copropriétaires et la SELARL le 21 janvier 2022.
M. et Mme X. ont saisi le bâtonnier du barreau de Chartres d'une contestation des honoraires de la SELARL K. U. le 24 janvier 2023.
Par ordonnance du 24 mai 2023, le bâtonnier par délégation de l'ordre des avocats du barreau de Chartres a déclaré irrecevable la contestation des honoraires facturés à la copropriété laquelle n'est que de la compétence exclusive du syndic ; fixé les honoraires dus par M. et Mme X. à la SELARL K. U., avocate de ce barreau, à la somme de 616,56 € conformément à la facture du 26 septembre 2022 et débouté les époux X. de toutes les autres demandes.
Cette décision a été notifiée à M. et Mme X. par lettre recommandée, la date de réception n'étant pas connue de la cour.
M. et Mme X. ont formé un recours contre cette ordonnance par lettre recommandée avec accusé de réception, expédiée le 13 juin 2023.
Après un renvoi à la demande de l'intimée, l'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 10 janvier 2024.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Dans leur déclaration d'appel, M. et Mme X. ont limité leur appel à trois dispositions :
La condamnation au paiement de la somme de 616,56 euros correspondant à la facture du 26 septembre 2022
L'irrecevabilité de leur contestation d'honoraires
La demande formée sur l'arrêt de la CJUE du 13 janvier 2023
À l'appui de leur recours, M. et Mme X. se sont référés oralement à leurs dernières écritures (n°3) aux termes desquelles ils demandent :
- l'infirmation de l'ordonnance du 24 mai 2023
- d'ordonner l'invalidation de la convention d'honoraires en date du 21 janvier 2022 conclue avec la SELARL CMS
- ordonner qu'aucune rémunération ne sera due à la SELARL au titre des prestations ou services résultant de la convention d'honoraires invalidée
- ordonner le retrait de l'ensemble des clauses abusives
- condamner la SELARL K. U. au paiement d'une amende à peine d'une astreinte définitive de 3.000 euros par infraction constatée
Subsidiairement,
- renvoyer l'affaire devant le bâtonnier délégué ou tel expert afin de déterminer le montant des honoraires de la SELARL K. U.
- Condamner la SELARL K. U. au paiement de la somme de 180 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il est renvoyé aux écritures des appelants pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
[*]
La SELARL K. U. demande la confirmation de l'ordonnance et la condamnation des appelants à payer une amende civile de 5000 euros ainsi que 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'intimée a développé à l'oral les moyens et arguments contenus dans ses conclusions écrites notifiées par RPVA le 9 janvier 2024 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des moyens et prétentions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Sur la recevabilité du recours :
L'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 prévoit que la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, qui est saisi par l'avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le délai de recours est d'un mois.
En l'espèce, l'ordonnance rendue le 24 mai 2023 par le bâtonnier délégué de l'ordre des avocats du barreau de Chartres a été notifiée à M. et Mme X. Ces derniers ont formé un recours contre cette ordonnance par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 13 juin 2023.
Le recours a été formé dans le délai d'un mois.
En conséquence, le recours de M. et Mme X. est déclaré recevable.
Sur le fond :
Il est rappelé que la procédure spécifique de contestation des honoraires est limitée à la fixation des honoraires.
En l'espèce, une « convention d'honoraires et conditions générales d'assistance et de service » a été signée en date du 21 janvier 2022 entre la SELARL K. U., le SDC Résidence « Le cinq » et 12 copropriétaires dont M. et Mme X.
Cette convention prévoyait notamment dans son 3/ « qu'il sera distingué les diligences réalisées pour le compte du Syndicat des copropriétaires et de celles réalisées pour le compte de chaque copropriétaire ».
Sur les demandes au titre de la facture de 616,56 euros :
M. et Mme X. reprochent au délégué du bâtonnier d'avoir statué ultra petita considérant que l'avocate, défenderesse en première instance, n'avait pas demandé leur condamnation au paiement de la somme de 616,56 euros et que cette demande ne faisait pas partie de l'objet du litige.
La saisine du bâtonnier dans le cadre de la procédure de contestation d'honoraires a pour objet principal la fixation des honoraires.
En l'espèce, M. et Mme X. ont saisi le bâtonnier le 24 janvier 2023 pour une nouvelle évaluation des honoraires de la SELARL K. U., notamment.
La SELARL K. U. a relevé devant le bâtonnier que la contestation des époux X. ne pouvait porter que sur la facture impayée les concernant, soit la facture du 26 septembre 2022 pour 616,56 euros.
Il appartenait donc au bâtonnier de fixer les honoraires au regard de la convention signée entre les parties et spécifiquement entre M. et Mme X. et de cette facture, étant précisé que les appelants n'ont intérêt à agir que pour leur compte et non celui du syndicat ou des autres copropriétaires.
Le bâtonnier, en fixant les honoraires, n'a donc pas statué ultra petita mais dans le cadre de sa saisine en contestation d'honoraires, dont l'objet était fixé par les demandes respectives des parties.
Les appelants prétendent ensuite que cette somme de 616,56 euros serait indue car comprenant des prestations exclues de la convention d'honoraires.
La convention d'honoraires prévoyait en 1/ que la mission confiée est « soutien des intérêts du SDC et des copropriétaires listés (dont les appelants), dans le litige qui les oppose à l'entreprise Bouygues en suite de la découverte de griefs affectant l'immeuble et ce par la mise en œuvre des actions adéquates et notamment, une assignation en référés expertise, assistance aux opérations d'expertise judiciaire, assignation au fond etc.
Le 3-1 prévoyait le taux horaire de 160 euros HT, l'honoraire de déplacement de 80 euros HT, la provision de 1.600 euros HT à l'engagement de la procédure et le 3-2 précisait le temps appliqué notamment pour le courrier : 15 minutes ou le téléphone par tranche de 15 minutes.
La facture querellée N°176 fixait à 3 heures X 160 euros HT soit 480 euros HT outre 33,80 euros de frais soit 616,56 euros TTC la somme due par les époux X. le 26 septembre 2022. Elle applique donc le taux horaire convenu.
Il résulte des pièces versées aux débats que les 3 heures retenues correspondent aux diligences effectuées pour le compte des époux X. en application du 1/ s'agissant des diligences et du 3/ s'agissant des taux, de la convention d'honoraires et qui sont repris dans la feuille de temps soit pour des diligences qui leur sont propres, telles qu'un mail qui leur est adressé en juin 2022 ou un entretien téléphonique en février 2022 par exemple, soit pour des diligences communes au SDC et aux autres copropriétaires.
Les époux X. ne justifient pas en quoi cette somme serait indue et, comme l'a justement retenu le bâtonnier, la somme de 616,56 euros pour leur représentation dans la procédure de référé est plus que modérée au regard du travail réalisé : les conclusions en référé sont versées au dossier auxquelles étaient annexées 66 pièces, la SELARL K. U. a représenté les époux X. comme les autres copropriétaires et le SDC devant le juge des référés qui a rendu une ordonnance le 26 septembre 2022. Cette procédure a nécessairement entraîné des actes, tels que ceux listés dans la fiche de temps, pour le compte des époux X. par le cabinet K. U.
En conséquence, la décision du bâtonnier sera confirmée de ce chef.
Sur les clauses abusives :
Une clause est abusive lorsqu'elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur ou du non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (article L. 212-1 du code de la consommation).
Il convient de rappeler qu'il entre dans les pouvoirs du premier président, statuant en matière de fixation des honoraires d'avocat, d'examiner le caractère abusif des clauses des conventions d'honoraire.
En l'espèce, les appelants qui réclament le retrait de l'ensemble des clauses abusives sans préciser quelles clauses seraient abusives dans la convention, excipent de fait du caractère abusif de la fiche de temps. Or, la fiche de temps est un relevé de temps corrélé à des diligences, ce n'est pas une clause d'un contrat. En outre, M. et Mme X. en contestent le bien fondé, ce qui a été vu, mais n'expliquent nullement ce qui, dans cette fiche de temps, caractériserait un déséquilibre significatif de sorte que ce moyen ne peut qu'être écarté.
Sur la recevabilité de « la demande en remboursement de charges » :
Les époux X. sollicitent dans la procédure spécifique de contestation d'honoraires un remboursement d'une somme de 1.743,42 euros sur une facture du 22 novembre 2023 dans un intitulé « remboursement de charges ».
Outre que le premier président ou son délégataire sont incompétents à connaître d'un remboursement de charges au visa de l'article 15 de la loi de 1965, les époux X. ne sont pas fondés, comme l'a rappelé le bâtonnier, à intervenir pour les sommes sollicitées au syndicat des copropriétaires.
En conséquence, cette demande sera écartée.
Sur les autres demandes :
Il convient de rappeler que le magistrat délégué du premier président conformément à l'article 4 du code de procédure civile, ne statue (donc au dispositif de la décision) que sur des prétentions récapitulées au dispositif des dernières conclusions des parties ou, en procédure orale, soutenues à l'audience. Par prétention, il faut entendre une demande en justice tendant à ce qu'il soit tranché un point litigieux. Ainsi, il ne sera pas répondu aux demandes de « constater », aux visas, aux « dire et juger », qui ne constituent pas des prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l'examen des griefs formulés contre la décision et à la discussion des prétentions et moyens, pas dans le dispositif. Le magistrat délégué n'a répondu de ce fait à de tels "dire et juger" qu'à condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans le dispositif de son arrêt, mais dans ses motifs.
Les époux X. demandent, dans le dispositif de leurs conclusions n° 3 la condamnation de la SELARL K. U. au paiement d'une amende à peine d'une astreinte définitive de 3 000 euros par infraction constatée sans aucune motivation pas plus qu'un fondement juridique. En tout état de cause, la compétence limitée du délégué du premier président statuant en matière de contestation d'honoraires exclut qu'il soit statué sur cette demande irrecevable.
De même, alors qu'aucun fondement juridique n'est allégué, il n'y a pas lieu à renvoyer au bâtonnier ou à un expert, d'autant que qu'il a été statué sur la fixation des honoraires.
Sur l'amende civile :
Selon l'article 559 du code de procédure civile, en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés.
L'amende civile prévue par l'article 559 du code de procédure civile est une sanction relevant de la seule initiative du juge, de sorte que la demande présentée à ce titre par l'intimée sera déclarée irrecevable.
Sur les frais du procès :
M. et Mme X. qui succombent seront condamnés aux dépens.
Il ne serait pas équitable de laisser à la charge de la SELARL K. U. la part des frais non compris dans les dépens. En conséquence, M. et Mme X. seront condamnés à payer à la SELARL K. U. la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
Statuant par mise à disposition au greffe et par ordonnance contradictoire,
Le magistrat délégué par le premier président,
- Déclare M. et Mme X. recevables en leur recours
- Confirme l'ordonnance du délégué du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Chartres fixant les honoraires dus par M. et Mme X. à la SELARL K. U., avocate, à la somme de 616,56 € TTC
- Rejette le surplus des demandes
Y ajoutant,
- Dit que les dépens de la présente procédure seront supportés par M. et Mme X.
- Condamne M. et Mme X. à payer à la SELARL K. U. la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Dit qu'en application de l'article 177 du décret du 27 novembre 1991, la présente décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour par lettre recommandée avec avis de réception.
Prononcé par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
ET ONT SIGNÉ LA PRÉSENTE ORDONNANCE :
V. MAILHE N. BOURGEOIS DE RYCK
LE GREFFIER PREMIERE PRESIDENTE DE CHAMBRE