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TJ PARIS (ch. 9-2), 30 janvier 2024

Nature : Décision
Titre : TJ PARIS (ch. 9-2), 30 janvier 2024
Pays : France
Juridiction : T.jud. Paris
Demande : 21/09552
Décision : 24/6
Date : 30/01/2024
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 19/07/2021
Numéro de la décision : 6
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10852

TJ PARIS (ch. 9-2), 30 janvier 2024 : RG n° 21/09552 ; jugt n° 6 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Il en résulte que lorsqu'une clause définit l'objet principal du contrat, elle échappe au mécanisme des clauses abusives, à condition d'être rédigée de façon claire et compréhensible. Définissent l'objet principal du contrat les clauses qui fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci. En l'espèce, il est acquis aux débats que les clauses litigieuses définissent l'objet principal du contrat puisqu'elles décrivent l'obligation principale des emprunteurs.

S'agissant de l'appréciation du caractère clair et compréhensible de ces clauses, la CJUE a dit pour droit, par deux arrêts en date du 10 juin 2021, que […]. La charge de la preuve du caractère clair et compréhensible des clauses concernées incombe au professionnel.

En l'espèce, est discutée l'intelligibilité des clauses susvisées en ce qu'elles ne comporteraient pas d'avertissement suffisant sur les risques engendrés par le mécanisme financier qu'elles contiennent.

La clause « Remboursement de votre crédit » explique que l'amortissement du prêt peut être plus ou moins rapide selon l'évolution du taux de change, tout en indiquant que le crédit peut être allongé d'une période de cinq ans pour permettre le remboursement du solde restant dû. Toutefois, en évoquant uniquement le ralentissement de l'amortissement du capital du prêt, le contrat n'explicite pas le risque d'augmentation de la dette résultant de l'augmentation du capital restant dû. À aucun moment, ces clauses n'évoquent ce risque d'augmentation de la contre-valeur en euros du capital restant dû et du risque corrélatif d'une augmentation de la dette qui n'est pas limitée. Il ne saurait être attendu d'un consommateur raisonnablement attentif et avisé qu'il comprenne le risque d'augmentation du capital restant dû à la lecture des clauses expliquant le fonctionnement du mécanisme de change.

Les emprunteurs peuvent d'autant moins être alertés sur ce risque que la banque a joint au contrat de crédit un tableau d'amortissement en précisant seulement « Le tableau d'amortissement joint à la présente offre de prêt a été établi sur la base de ce même taux de change » dans la clause « Opérations de change ». Or, il n'est pas précisé que ce tableau d'amortissement est purement théorique puisque la part d'intérêts et de capital amorti variera nécessairement à chaque échéance. Ainsi, le risque d'accroissement de l'endettement n'est pas explicité, pas plus que son caractère illimité. Les emprunteurs ne pouvaient dès lors évaluer le risque d'endettement résultant de la signature de ce contrat de crédit.

Sur l'évolution de la parité euros/francs suisses, il appartenait à la banque, en sa qualité de professionnel, d'envisager et d'informer le consommateur de toutes les évolutions possibles de cette parité, en particulier les risques encourus en cas de dépréciation significative de l'euro. À cet égard, la notice annexée à l'offre de prêt, comportant une simulation, ne porte que sur une variation de 5% du cours de change, sans que la banque n'explique les raisons pour lesquelles elle a opté pour ce pourcentage de variation, outre qu'une telle variation limitée de 5% n'attire pas suffisamment l'attention du consommateur sur le fait que celle-ci peut être supérieure et ne lui permet donc pas de mesurer l'ampleur des variations de change auxquelles il s'expose, avec les conséquences qui en découlent.

De plus, l'expression « risque de change » n'est jamais utilisée d'une manière générale. Elle n'est évoquée que dans une hypothèse particulière, lorsque le consommateur déménage hors de la zone euro et devra alors lui-même acquérir des euros pour procéder aux paiements mensuels. Cela démontre que la banque pouvait insérer un avertissement explicite sur le risque de change en général, ce qu'elle a délibérément choisi de ne pas faire.

Il ne saurait être retenu que la clause « Remboursement de votre crédit » informe suffisamment de la durée du prêt de cinq ans et de l'augmentation du montant des échéances. En effet, lorsque le risque de change inhérent au contrat se réalise, cela a pour conséquence, non seulement une augmentation de la durée du prêt de cinq années maximum mais, si le paiement de la mensualité fixe sur cette période complémentaire ne suffit pas à apurer le prêt, la mensualité est alors déplafonnée.

La banque ne justifie pas d'une information utile du consommateur sur ce point, en particulier en cas de forte dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse. Il en résulte que les effets de l'évolution de la parité entre l'euro et le franc suisse ne sont pas mis en relief ni suffisamment explicités aux termes du contrat et dans les documents annexes communiqués aux emprunteurs, de telle sorte que ces derniers puissent envisager concrètement l'incidence économique potentiellement significative d'une évolution défavorable de la parité des monnaies sur leurs obligations et évaluer, en toute connaissance de cause, le risque auquel ils acceptent de s'exposer, le cas échéant. Par conséquent, ces clauses ne constituent pas un ensemble clair et compréhensible au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation. »

2/ « Il convient, dès lors, d'examiner si elles ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties au contrat au détriment de l'emprunteur. À cet égard, la CJUE a également dit pour droit, dans les deux arrêts précités du 10 juin 2021, que […].

En l'espèce, ainsi que cela a été précédemment retenu, le contrat de prêt expose les emprunteurs à un risque financier du fait de la parité des monnaies de compte et de paiement mais sans que ce risque ne soit plafonné lors de la dernière période éventuelle de remboursement. Il doit être ajouté que si la banque supporte aussi le risque de change, elle ne supporte que l'aléa tenant à la durée de perception des intérêts sans qu'il n'existe de mesure entre l'accroissement significatif du capital à rembourser pour les emprunteurs et le manque à gagner en intérêts pour la banque qui voit le capital en francs suisses remboursé par équivalent en euros, selon le cours du change au moment de chaque paiement. Il s'en déduit que la BNP PPF ne pouvait s'attendre, si les emprunteurs avaient été normalement informés du fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et mis en mesure d'évaluer les conséquences économiques négatives potentielles, à ce que ces derniers acceptent le risque disproportionné qui résulte de ces clauses.

La banque fait par ailleurs valoir que les coûts mis à la charge des emprunteurs par les clauses relatives au risque de change ne traduisent aucun déséquilibre significatif puisque la note du cabinet Finexsi démontre que la situation des emprunteurs en général est comparable à celle dans laquelle ils se seraient trouvés en ayant souscrit à la même époque un prêt en euros à taux fixe. Cependant, cette étude inclut la variation du taux d'intérêt alors qu'est ici en cause le déséquilibre lié au seul taux de change, constituant une variable distincte, résultant de clauses spécifiques seules examinées ici. Au demeurant, ces éléments allégués par la banque sont extrinsèques aux droits et obligations des parties au contrat qui constituent le champ dans lequel doit être apprécié le déséquilibre significatif. En effet, le caractère abusif de la clause doit être apprécié à la date de conclusion du contrat, peu important les conditions de son exécution.

Il n'est par conséquent nullement démontré que le déséquilibre en défaveur des emprunteurs, que ces derniers n'ont d'ailleurs pas pu appréhender d'une manière claire, ne serait pas significatif.

Par ailleurs, c'est à tort que la banque soutient que la possibilité de convertir le prêt en euros à taux fixe ou à taux variable tous les cinq ans (clause « Options pour un changement de monnaie de compte ») et la possibilité de rembourser le prêt de façon anticipée à tout moment (clause « Remboursement anticipé »), ont le même effet qu'un plafond, de sorte qu'il n'existe aucun déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.En effet, outre le fait que le contrat est en principe exécuté en dehors des levées d'option, ces options ne sont pas nécessairement de nature à effacer les effets de réalisation du risque au moment de leur exercice. En outre, la première de ces options ne peut être exercée que lors de la survenance d'échéances précises, étant ajouté qu'elle met à la charge des emprunteurs le paiement de frais de conversion et de frais de change. Quant à la seconde option, son exercice dépend des capacités financières des emprunteurs.

Les clauses litigieuses seront déclarées abusives, en ce qu'elles font encourir aux emprunteurs, en méconnaissance de cause, un risque tenant à la parité des monnaies de compte et de paiement. »

3/ « Contrairement à ce que soutient la BNP PPF, il ne saurait être retenu que seules les stipulations relatives à la variation du taux de change soient jugées non écrites. En effet, ces clauses participent à l'économie même du contrat de prêt, pour un prêt à intérêts indexé sur le franc suisse, de sorte qu'en l'absence de ces clauses le contrat de prêt ne peut pas subsister. Il n'appartient pas en outre au juge de réécrire les stipulations du contrat de prêt pour lui permettre d'être exécuté sans ces clauses. La banque n'est en outre pas fondée à affirmer que l'anéantissement rétroactif du prêt conduirait nécessairement à l'enrichissement sans cause des emprunteurs, alors que selon les cas d'espèce elle peut être créancière du solde dû à la suite des restitutions réciproques.

De même, le cantonnement de la reconnaissance du caractère abusif à la seule clause de remboursement de cinq années supplémentaires non plafonnée ne saurait être retenu, alors que la réalisation du risque de change ne découle pas uniquement de l'exécution de cette clause. En effet, cette stipulation ne constitue qu'une modalité de paiement du risque de change qui s'est réalisé. La suppression du mécanisme de déplafonnement n'aurait pour effet que de limiter l'ampleur de la réalisation du risque de change, pour les seuls consommateurs exécutant leur contrat jusqu'à son terme.

En outre, la clause implicite d'indexation constitue un ensemble indivisible de stipulations, en ce que le principe descriptif de l'emprunt en francs suisses remboursable en euros est décliné par le fonctionnement de deux comptes dans chacune des devises, par les opérations de change et par les modalités de remboursement dans le temps. »

4/ « En l'espèce, les clauses reconnues abusives doivent être réputées non-écrites et M. et Mme X. doivent se retrouver dans une situation qui aurait été la leur si les clauses n'avaient jamais existé. Or, il est acquis aux débats que lesdites clauses constituent l'objet principal du contrat. En outre, leur lecture et analyse révèlent qu'elles forment un tout indivisible. Les modalités de remboursement stipulées au contrat et les opérations de change nécessaires n'étant pas maintenues, alors que le montant du prêt est en francs suisses, l'entièreté du prêt est affectée. En conséquence, le contrat de crédit sera anéanti de manière rétroactive.

L'anéantissement rétroactif de ce contrat emporte remise en état des parties, qui sont replacées dans la situation dans laquelle elles se seraient trouvées si elles ne l'avaient pas conclu, en opérant une compensation entre les créances de restitution réciproques suivantes : - la créance de la banque, correspondant au montant du capital emprunté en euros ; - la créance des emprunteurs, correspondant à l'ensemble des versements qu'ils ont effectués en euros.

M. et Mme X. devront donc restituer à la banque la contre-valeur en euros du capital libéré en francs suisses par application du taux de change initial rappelé par le contrat, dans la mesure où c'est la somme qu'ils ont effectivement perçue en euros lors du déblocage des fonds. »

5/ « Dès lors que les emprunteurs ne sollicitent pas la mainlevée de l'inscription hypothécaire grevant le bien financé par le contrat de prêt, la demande de maintien de cette mesure formée par la BNP PPF ne constitue pas une prétention. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS

NEUVIÈME CHAMBRE DEUXIÈME SECTION

JUGEMENT DU 30 JANVIER 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/0955. Jugement n° 6. N° Portalis 352J-W-B7F-CU2BY. Assignation du : 19 juillet 2021.

 

DEMANDEURS :

Monsieur X.

[Adresse 4], [Localité 2]

Madame X.

[Adresse 4], [Localité 2]

représentés par Maître Morgane GRÉVELLEC, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E2122, et Maître Stéphane COERCHON, avocat au barreau d’ANNECY, avocat plaidant

 

DÉFENDERESSE :

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

[Adresse 1], [Localité 3], représentée par Maître Philippe METAIS du BRYAN CAVE LEIGHTON PAISNER LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R030

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Monsieur Gilles MALFRE, Vice-président, Monsieur Augustin BOUJEKA, Vice-Président, Monsieur Alexandre PARASTATIDIS, Juge, assisté de Alise CONDAMINE-DUCREUX, Greffière lors de l’audience, et Pïerre-Louis MICHALAK, Greffier lors de la mise à disposition,

DÉBATS : A l’audience du 5 décembre 2023 tenue en audience publique devant Monsieur Gilles MALFRE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

JUGEMENT : Prononcé en audience publique, Contradictoire, en premier ressort

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Au cours des années 2008 à 2010, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE (la BNP PPF) a commercialisé, principalement par l'intermédiaire de mandataires, un contrat de crédit immobilier libellé en devise étrangère, dénommé « Helvet Immo ».

En vue de réaliser une opération d'acquisition d'un bien immobilier à usage locatif, M. et Mme X. ont accepté le 13 novembre 2008 l'offre de crédit immobilier « Helvet Immo » émise le 8 octobre 2008, portant sur une somme de 254.866,50 francs suisses (monnaie de compte) et remboursable en euros (monnaie de paiement) sur 25 ans à un taux d'intérêt révisable, fixé initialement à 4,52 % l'an.

Considérant notamment que l'évolution défavorable des taux de change depuis la date de conclusion du prêt avait eu une incidence notable sur le montant à rembourser en principal, M. et Mme X. ont fait assigner par acte du 19 juillet 2021 la BNP PPF devant le tribunal de céans, aux fins de contestation de ce prêt, notamment en ce qu'il comporte des clauses abusives.

Par jugement du 26 février 2020, le tribunal correctionnel de Paris a condamné la BNP PPF du chef de pratique commerciale trompeuse. Elle a interjeté appel de ce jugement et l'affaire est pendante devant la cour d'appel de Paris.

La Cour de Justice de l'Union Européenne (la CJUE), par deux arrêts du 10 juin 2021, a statué sur huit questions préjudicielles portant sur diverses clauses de ce prêt.

Par ordonnance du 15 février 2022, le juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer, dans l'attente des arrêts devant être rendus par la Cour de cassation, à la suite des deux arrêts de la CJUE du 10 juin 2021.

La Cour de cassation s'est prononcée le 30 mars 2022, de sorte que la cause de ce sursis a disparu.

Par ordonnance du 10 janvier 2023, le juge de la mise en état a ordonné le renvoi devant la formation de jugement de l'examen des fins de non-recevoir soulevées par la BNP PPF ainsi que de l'entier litige au fond.

[*]

Par conclusions du 2 octobre 2023, M. et Mme X. demandent au tribunal :

- À titre principal, de les dire recevables en leur demande, de dire abusive la clause d'indexation en francs suisse, d'annuler le prêt, de dire que chaque partie devra restituer à l'autre partie les sommes reçues de l'autre en exécution du prêt, de fixer le montant versé par la BNPPPF à la somme de 159 740 euros, d'ordonner la compensation de ces créances et de condamner la partie débitrice à rembourser à la partie créancière le solde dû.

- À titre subsidiaire, de dire abusive la clause d'indexation en francs suisse, de juger cette clause non écrite, de condamner la BNP PPF à appliquer un tableau d'amortissement des flux intervenus entre les parties, à hauteur des sommes payées en euros, sans conversion en francs suisses, sur la base d'un montant initial de 159.740 euros, d'imputer dans ce tableau, pour chaque échéance, les paiements faits par les époux X. sur les intérêts calculés en application du taux de période contractuel sur le capital restant dû avant l'échéance et à affecter le solde, à l'exception de la cotisation à l'assurance, mais avec réintégration des frais de change, à l'amortissement du capital et si, après ces opérations, la BNP PPF est débitrice, de la condamner à payer le solde dû.

À titre subsidiaire, si seule la clause d'indexation en francs suisse était jugée non écrite, sans annulation du contrat, de condamner la BNPPPF à appliquer un tableau d'amortissement, en retenant les sommes versées par les époux X. pour leur valeur en euros, de les imputer en priorité sur les intérêts et ensuite le capital, celui-ci étant fixé en euro avec comme base la somme prêtée en euro au jour de l'offre, le taux d'intérêt applicable étant le taux contractuel, révisé tous les cinq ans, base moyenne mensuelle SWAP francs suisse 5 ans.

- À titre infiniment subsidiaire, de condamner la BNPPF à les indemniser de leur préjudice consécutif à la faute délictuelle commise par la banque, ce préjudice étant égal à la différence en euro, au jour de la décision, entre la contrepartie en euro du capital restant dû en francs suisse, et le capital restant dû par suppression de la clause d'indexation.

- En tout état de cause, de débouter la banque de ses demandes et de la condamner à leur payer la somme de 12.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Par conclusions du 2 octobre 2023, la BNP PPF demande au tribunal:

- Sur les demandes formées au titre des clauses abusives, à titre principal, s'agissant de la clause relative à la variation du taux de change, de dire irrecevables ces demandes, à titre subsidiaire, de juger que cette clause est rédigée de manière claire et compréhensible, en conséquence, de débouter M. et Mme X. de leurs demandes, à titre plus subsidiaire, de juger que cette clause ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en conséquence, de débouter M. et Mme X. de leurs demandes, à titre encore plus subsidiaire, de juger que seules les stipulations relatives à la variation du taux de change sont réputées non écrites, les autres stipulations étant maintenues, le contrat de prêt subsistant en l'état, en conséquence, de juger que M. et Mme X. bénéficient d'un prêt d'un montant de 164.430 euros à taux d'intérêt variable ou à défaut à taux d'intérêt fixe de 4,52%, à défaut, de juger que seules les stipulations relatives à l'augmentation sans plafond du montant des échéances sont réputées non écrites, les autres stipulations étant maintenues, le contrat de prêt subsistant en l'état, à titre infiniment subsidiaire, si le tribunal prononçait l'anéantissement rétroactif du prêt, d'ordonner la restitution par M. et Mme X. de la contre-valeur en euros des montants empruntés en francs suisses, soit la somme de 164.430 euros, la BNP PPF étant condamnée à rembourser les sommes perçues au titre du prêt, soit la somme de 168.121,59 euros au 2 octobre 2023, sauf à parfaire, la compensation entre les restitutions réciproques étant ordonnée, sans qu'il n'y ait lieu de condamner la BNP PPF à établir rétroactivement et à appliquer un tableau d'amortissement des différents flux intervenus entre les parties, à hauteur des sommes payées en euros, sans conversion en francs suisses, sur la base d'un montant initial de 159 740 euros, et d'ordonner en outre le maintien de l'inscription hypothécaire sur le bien immobilier financé par le prêt jusqu'au remboursement par M. et Mme X. des sommes dues au titre de ces restitutions.

- Sur la demande formée au titre d'un manquement à l'obligation d'information, à titre principal, de dire irrecevable cette demande, à titre subsidiaire, de débouter M. et Mme X. de leur demande de dommages-intérêts.

- En tout état de cause, de débouter M. et Mme X. de leurs demandes, de juger que l'exécution provisoire n'est pas compatible avec la nature de l'affaire et de rejeter leur demande de condamnation au titre des frais irrépétibles.

[*]

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 octobre 2023 et l'affaire a été renvoyée pour plaidoirie à l'audience du 5 décembre 2023.

Par message RPVA du 26 janvier 2024, la BNP PPF a adressé une note en délibéré.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

L’envoi d’aucune note en délibéré n’a été autorisé.

 

Sur la recevabilité des demandes fondées sur le droit des clauses abusives, s'agissant de la clause d'indexation sur le franc suisse :

Cette irrecevabilité est reprise au dispositif des conclusions de la BNP PPF mais n'est soutenue par aucun moyen, cette irrecevabilité n'étant soutenue que s'agissant de la demande subsidiaire des emprunteurs au titre de l'obligation d'information.

Cette fin de non-recevoir ne peut donc qu'être rejetée.

M. et Mme X. sont donc recevables en leurs demandes fondées sur les clauses abusives.

 

Sur la demande tendant à voir déclarer abusive la clause d'indexation sur le franc suisse :

M. et Mme X. font valoir qu'il appartient à la banque de rapporter la preuve qu'elle a fourni au consommateur des informations suffisantes sur le risque encouru, et que cette preuve fera défaut dès lors qu'il apparaît que si elle avait été transparente, le consommateur n'aurait pas accepté ce risque disproportionné.

Ils rappellent que dans le prêt souscrit le franc suisse est la monnaie de compte et l'euro la monnaie de paiement et que le risque de change pèse exclusivement sur les emprunteurs.

Ils estiment que le prêt n'indique pas clairement l'identité entre la devise dans laquelle le prêt doit être remboursé et celle dans laquelle il a été contracté, puisqu'il existe une confusion, entretenue, entre la monnaie dans laquelle l'emprunteur paye (l'euro) et celle dans laquelle il rembourse l'emprunt (le franc suisse). Ils notent surtout que le fait que l'échéance soit libellée et prélevée en euro et qu'elle soit constante occulte totalement l'indexation du prêt sur le franc suisse.

Ils en concluent que le prêt masque la réalité d'une absence de plafonnement du risque qui est entièrement à la charge de l'emprunteur, faisant faussement supposer que ce prêt est contracté en euros.

Ils ajoutent que la clause relative au risque de change n'est pas compréhensible d'un point de vue formel et grammatical, précisant qu'il n'est fait référence qu'aux variations globale du taux de change, outre qu'il est indiqué uniquement que la conséquence d'un taux de change désavantageux est un amortissement du capital moins rapide mais sans aucune autre explication.

En outre, M. et Mme X. considèrent que la clause selon laquelle l'intégralité du risque de change est mise à la charge des emprunteurs n'est pas compréhensible, outre que les implications de la souscription de cet engagement ne sont pas explicitées, alors que les deux seules hypothèses chiffrées dans le contrat de prêt visent une augmentation du franc suisse de 5 % et une baisse de 3 %, soit des variations faibles et sans répercussion importante. Ils notent de plus que la banque a annexé à l'offre de prêt une simulation de variation des taux anachroniques, au vu du risque et du contexte de change lors de la signature du prêt et insuffisamment explicites, cette simulation ayant été effectuée en maintenant la monnaie dans un « tunnel » avec une fluctuation de +-5%.

Les demandeurs estiment par conséquent que la clause d'indexation sur le franc suisse est abusive.

Si la banque objecte qu'elle a proposé aux emprunteurs de figer le taux de change en cours de prêt, pour arrêter définitivement le capital restant dû en euros, M. et Mme X. rappellent que cette proposition ne modifie pas les conditions initiales du prêt et le caractère abusif de la clause, outre qu'accepter une telle proposition revient, pour les emprunteurs, à réaliser définitivement la perte consécutive à la hausse du franc suisse.

En réponse, la BNP PPF soutient que les clauses relatives au risque de change ne peuvent être soumises au contrôle des clauses abusives dans la mesure où, ayant trait au remboursement du montant mis à disposition de l'emprunteur, elles relèvent de l'objet principal du contrat et sont rédigées de manière claire et compréhensible.

Elle considère que les clauses relatives au risque de change satisfont à l'exigence de transparence, dans la mesure où la lecture de l'offre de prêt permet à un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé de comprendre nécessairement qu'un prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros entraîne un risque de change, en sa faveur ou en sa défaveur.

Elle précise que le mécanisme d'ajustement de la variation est clair et compréhensible : c'est la durée initiale d'amortissement du prêt qui est réduite sans limite ou augmentée dans la limite de 5 ans ; la mensualité reste constante et ne peut être augmentée que dans l'hypothèse où la période complémentaire de 5 ans serait insuffisante pour un complet remboursement du prêt.

Elle en conclut que les stipulations du prêt ont mis les emprunteurs en mesure d'évaluer les conséquences économiques potentiellement significatives de la clause de monnaie de compte sur leurs obligations financières.

Au surplus, elle souligne que le risque réel auquel s'exposaient les emprunteurs était présenté dans la notice des prêts conclus après le 1er octobre 2008 illustrant les conséquences d'une évolution, avec une certaine amplitude, du taux de change par rapport à celui existant à la date d'octroi du crédit.

De plus, elle soutient que les clauses critiquées ne créent pas de déséquilibre significatif au détriment du consommateur. Elle fait valoir à cet égard que l'offre de prêt prévoit deux mécanismes qui permettent aux emprunteurs de limiter leur exposition au risque de change : ils ont la possibilité de convertir leur prêt en euros à taux fixe ou à taux variable tous les 5 ans (clause « Options pour un changement de monnaie de compte ») et ils peuvent aussi rembourser leur prêt de façon anticipée à tout moment (clause « Remboursement anticipé »).

Elle ajoute que la note du cabinet d'experts financiers Finexsi démontre que la situation globale des emprunteurs ayant souscrit un prêt Helvet Immo est comparable à celle dans laquelle ils se seraient trouvés en ayant souscrit, à la même époque, un prêt en euros à taux fixe, exempt de toute variation du taux de change et du taux d'intérêt.

Ceci étant rappelé,

Les clauses du contrat de prêt dénommées : « description de votre crédit », « financement de votre crédit », « ouverture d'un compte interne en euros et d'un compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit », « opérations de change » et « remboursement de votre crédit », constituent, ensemble, une clause implicite d'indexation et sont ainsi rédigées :

« DESCRIPTION DE VOTRE CREDIT

Le montant du crédit est de 254 866,50 francs suisses

Il correspond au montant du financement en euros de votre projet et des frais de change relatifs à l'opération de change du montant de votre crédit en euros qui seront prélevés lors du déblocage des fonds au notaire

La durée initiale est égale à 25 ans (voir « remboursement de votre crédit »)

L'objet est le suivant : Acquisition d'un appartement à usage locatif et financement de frais à hauteur de 8.500 euros, de frais d'acte notarié de 7.900 euros et de la commission d'ouverture d'un montant de 600 euros.

FINANCEMENT DE VOTRE CREDIT

Votre crédit est financé par un emprunt souscrit en francs suisses par le Prêteur sur les marchés monétaires internationaux de devises.

Cet emprunt en francs suisses vous permet de bénéficier du taux d'intérêt défini aux présentes (voir « Charges de votre crédit »).

Selon les modalités définies à l'article « Opérations de change », le montant en francs suisses de votre crédit permettra de libérer la somme de 162.000 euros chez le notaire le jour de la signature de l'acte de prêt et de payer les frais de change correspondant à cette opération, soit 2 430 euros.

OUVERTURE D'UN COMPTE INTERNE EN EUROS ET D'UN COMPTE INTERNE EN FRANCS SUISSES POUR GERER VOTRE CREDIT

Votre crédit sera géré :

- d'une part, en francs suisses (monnaie de compte) pour connaître à tout moment l'état de remboursement de votre crédit,

- et d'autre part, en euros (monnaie de paiement) pour permettre le paiement de vos échéances de votre crédit.

Dès réception de votre acceptation de l'offre, le Prêteur ouvrira un compte interne en euros et un compte interne en francs suisses à votre nom pour gérer votre crédit. Ces comptes ne constituent pas des comptes de dépôt.

* COMPTE INTERNE EN EUROS

Y seront inscrits en euros :

* au crédit,

- vos règlements mensuels en euros, valeur au jour de la réception des fonds par le Prêteur. Le montant de vos règlements, après paiement des charges annexes ci-dessous, sera converti en francs suisses, selon les modalités définies à l'article « Opérations de change », et inscrit au crédit du compte interne en francs suisses.

* au débit,

- les charges annexes :

- les primes d'assurance, valeur au jour de l'arrêté de compte

- les frais de tenue de compte, au jour de l'arrêté de compte,

- les frais de change, valeur au jour des versements effectués par le Prêteur au titre du versement du crédit et valeur au jour de la réception de vos règlements par le Prêteur.

- en cas d'exercice d'une des options de changement de monnaie de compte selon les modalités définies au paragraphe « Options pour un changement de monnaie de compte » :

- le solde débiteur du compte interne en francs suisses converti en euros, et les frais de change, selon les modalités définies au paragraphe « Opérations de change », valeur au jour de son inscription par le Prêteur au débit du compte interne en euros.

- les intérêts, valeur du jour de l'arrêté de compte.

La date d'arrêté de compte est fixée au 10 de chaque mois.

Avant le 15 février de chaque année, vous recevrez une situation de compte vous donnant le solde débiteur de votre compte interne en francs suisses et le montant des intérêts payés en francs suisses et en euros au titre de l'année civile écoulée.

* COMPTE INTERNE EN FRANCS SUISSES

Y seront inscrits en francs suisses :

* au crédit,

- les sommes en francs suisses correspondant au solde de vos règlements mensuels en euros après opération de change en francs suisses selon les modalités décrites au paragraphe « Opérations de change », valeur au jour de la réception de vos règlements en euros par le Prêteur.

* au débit,

- les versements effectués par le Prêteur, via le compte interne en euros, au titre du déblocage du crédit, valeur à la date d'émission des chèques.

- les frais de change liés au déblocage de votre prêt en euros.

- les intérêts, valeur au jour de l'arrêté de compte.

OPERATIONS DE CHANGE

Le prêt, objet de la présente offre, est un prêt de francs suisses. Ne s'agissant pas d'une opération de crédit international, vos versements au titre de ce prêt ne peuvent être effectués qu'en euros pour un remboursement de francs suisses.

En conséquence, il est expressément convenu et accepté que les frais de change occasionnés par les opérations décrites ci-dessous font partie intégrante des règlements en euros et des opérations de changement de monnaie de compte, frais sans lesquels le prêt n'aurait pas été octroyé en francs suisses.

En acceptant la présente offre de crédit, vous acceptez les opérations de change de francs suisses en euros et d'euros en francs suisses nécessaires au fonctionnement et au remboursement de votre crédit tels que précisés au sein de cette offre.

Nous attitrons particulièrement votre attention sur le fait que, si au cours de la vie de votre crédit, vous résidez dans un pays dont la monnaie nationale n'est pas l'euro et que, de ce fait, vous ne disposez pas des euros nécessaires à la réalisation de vos versements dans cette devise, il vous appartient de vous procurer ces euros par tous moyens à votre convenance, sans intervention du Prêteur.

Dans le cas où vous réalisez à cette occasion une ou des opérations de change, les frais et risques y afférents seront entièrement à votre charge.

Le montant de votre prêt, qui comprend les frais de change relatifs à l'opération de change du montant de votre crédit de francs suisses en euros est fixé selon le taux de change de 1 euro contre 1,550 francs suisses. Ce taux est invariable jusqu'au déblocage complet de votre crédit de sorte que le montant du financement en euros est arrêté définitivement. Le tableau d'amortissement joint à la présente offre de prêt a été établi sur la base de ce même taux de change.

Il est précisé que le taux de change applicable à la fixation du financement en euros de la présente opération n'est valable que 40 jours à dater de la réception de la présente offre par vous-même de sorte que toute nouvelle offre rééditée au titre de la présente opération postérieurement à ce délai comportera une nouvelle fixation du taux de change dans les conditions ci-dessus.

Par ailleurs, les opérations de change suivantes seront réalisées par le Prêteur au cours de la vie de votre crédit :

- la conversion en francs suisses du solde de vos règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes de votre crédit. Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant l'arrêté de compte.

- la conversion en euros du solde débiteur du compte interne en francs suisses en cas d'exercice d'une des deux options définies à l'article « Options pour un changement de monnaie de compte ». Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date du changement de monnaie de compte.

- la conversion en francs suisses de votre remboursement en euros en cas de remboursement anticipé total ou partiel de votre crédit, à une période où la monnaie de compte de votre crédit est toujours le franc suisse selon les modalités définies au paragraphe « Remboursement anticipé ». Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date de réception de votre remboursement anticipé.

- en cas de défaillance de l'emprunteur [...] à une période où la monnaie de compte de votre crédit est toujours le franc suisse, cette monnaie de compte pourra à tout moment et unilatéralement être changée par le prêteur et remplacée par l'euro. Ainsi votre crédit sera transformé d'office en prêt à taux révisable en euros suivant les conditions décrites au paragraphe « Options pour un changement de monnaie de compte ». Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date du changement de monnaie de compte.

Le taux de change applicable à toutes les opérations de change intervenant au cours de la vie de votre crédit sera le taux de change de référence, publié sur le site Internet de la Banque Centrale Européenne (suit l'adresse du site internet)

Les frais de change appliqués à chaque opération de change sont égaux à 1,50 % toutes taxes éventuelles comprises du montant à convertir.

REMBOURSEMENT DE VOTRE CREDIT

Montant de vos règlements mensuels

> Monnaie de paiement

La monnaie de paiement de votre crédit sera l'euro. Vos règlements mensuels se feront en euros

> Règlements mensuels

- de la date d'ouverture du compte jusqu'au premier versement du crédit, vous n'aurez aucun règlement à effectuer.

- Après le premier versement de votre crédit, vos règlements seront :

pendant les 24 premiers mois de différé total de règlement, d'un montant initial de 32,88 euros correspondant au montant initial de la prime d'assurance.

Ce règlement peut varier en fonction des révisions des primes d'assurance, selon les modalités prévues dans la notice d'assurance jointe à l'offre.

- Ensuite, vos règlements seront :

pendant les 276 mois suivants, d'un montant de 1 098,38 euros (assurance initiale et frais de change inclus)

Vous pourrez, si vous le souhaitez et sur simple demande ne pas attendre le terme des 24 mois suivant le premier versement du crédit pour commencer à effectuer les règlements ci-dessus. En utilisant cette possibilité vous rembourserez plus rapidement le solde de votre compte.

Ces montants sont déterminés par application d'un taux de change de 1 euro contre 1,550 francs suisses sur le montant des échéances en francs suisses, en capital et intérêts, auquel sont ajoutées les charges annexes de votre crédit telles que déterminées ci-dessous.

> Amortissement du capital

L'amortissement du capital de votre prêt évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué à vos règlements mensuels après paiement des charges annexes selon les modalités définies au paragraphe « Opérations de change »

- s'il résulte de l'opération de change une somme inférieure à l'échéance en francs suisses exigible l'amortissement du capital sera moins rapide et l'éventuelle part de capital non amorti au titre d'une échéance de votre crédit sera inscrite au solde débiteur de votre compte interne en francs suisses.

- s'il résulte de l'opération de change une somme supérieure à l'échéance en francs suisses exigible l'amortissement du capital sera plus rapide et vous rembourserez plus rapidement votre crédit.

En tout état de cause, les opérations de crédit sur le compte en francs suisses seront affectées prioritairement :

- au paiement des intérêts de l'échéance ;

- à l'amortissement du prêt.

> Impact des variations de taux d'intérêt sur le montant de vos règlements en euros.

A chaque 5ème anniversaire de votre premier règlement au titre du présent crédit, le taux d'intérêt de votre crédit sera révisé (voir « Charges de votre crédit »), et vous en serez avisé un mois à l'avance.

Sur la base des sommes restant dues sur le compte en francs suisses, de la durée résiduelle initiale de votre crédit, et du nouveau taux d'intérêt applicable, sera déterminé un nouveau montant d'échéance théorique en francs suisses.

Cette nouvelle échéance théorique sera alors convertie en euros, sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date de la révision du taux d'intérêt de votre crédit, pour obtenir un nouveau montant de règlement mensuel théorique en euros.

- Si le montant de ce règlement mensuel théorique est inférieur au règlement mensuel en euros précédemment payé, le montant de vos règlements en euros restera néanmoins inchangé, la durée de votre crédit sera raccourcie et vous rembourserez plus rapidement.

- Si le montant de ce règlement mensuel théorique est supérieur au règlement mensuel en euros précédemment payé le montant de vos règlements en euros restera également inchangé mais la durée de votre crédit sera allongée. Néanmoins si le maintien du montant de vos règlements en euros ne permettait pas de régler la totalité du solde de votre compte sur la durée résiduelle initiale majorée de 5 années, vos règlements en euros seraient alors augmentés.

Dans cette hypothèse, cette augmentation de vos règlements en euros sera établie de manière à permettre de régler le solde de votre compte sur la durée résiduelle initiale du crédit majorée de 5 années.

Toutefois, cette majoration ne pourra être supérieure à l'augmentation annuelle de l'indice INSEE des prix à la consommation (série France entière hors tabac) sur la période des 5 dernières années précédant la révision du taux.

Si au terme de la durée initiale de votre crédit, le solde de votre compte n'était pas apuré, la durée de votre crédit sera allongée dans la limite de 5 ans. Le taux d'intérêt de votre crédit sera alors révisé (voir « Charges de votre crédit ») et vos échéances en francs suisses et vos règlements en euros correspondants, déterminés sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la fin de la durée initiale de votre crédit, seront recalculés pour permettre le remboursement en totalité de votre crédit au plus tard à la fin de la période complémentaire de 5 ans (hors report éventuel au titre du report chômage et/ou de l'arriéré résultant de règlements impayés).

Puis, le cas échéant, à chaque date anniversaire de votre crédit et pour la première fois à la fin de la première année de prolongation, toujours pour permettre le remboursement en totalité de votre crédit au plus tard à la fin de la période complémentaire de 5 ans :

- vos échéances en francs suisses seront augmentées en nombre et/ou en montant si vos règlements effectifs en euros de l'année écoulée n'ont pas permis de les régler intégralement compte tenu du taux de change applicable durant cette période,

- vos règlements en euros correspondant aux échéances en francs suisses seront déterminés sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant chaque date anniversaire de votre crédit.

Durant cette période complémentaire de 5 ans, le montant de vos règlements ne pourra être inférieur à celui de l'année précédente. Si à la fin de la 5ème année de prolongation, il subsiste un solde débiteur sur votre compte provenant d'un report éventuel au titre du chômage et/ou de l'arriéré résultant de règlements impayés, vous poursuivrez vos règlements jusqu'au paiement complet du solde. »

En vertu de l'article L. 132-1 du code de la consommation, issu de la transposition de la directive n°93/13/CE du 5 avril 1993, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. L'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Il en résulte que lorsqu'une clause définit l'objet principal du contrat, elle échappe au mécanisme des clauses abusives, à condition d'être rédigée de façon claire et compréhensible. Définissent l'objet principal du contrat les clauses qui fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci.

En l'espèce, il est acquis aux débats que les clauses litigieuses définissent l'objet principal du contrat puisqu'elles décrivent l'obligation principale des emprunteurs.

S'agissant de l'appréciation du caractère clair et compréhensible de ces clauses, la CJUE a dit pour droit, par deux arrêts en date du 10 juin 2021, que l'article 4§2 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat.

Elle a rappelé, aux termes de ces arrêts, que l'exigence de transparence doit être comprise comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur les plans formel et grammatical, mais également qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret de cette clause et d'évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières, ce qui implique notamment que le contrat doit exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel la clause concernée fait référence, ainsi que, le cas échéant, la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d'autres clauses.

La charge de la preuve du caractère clair et compréhensible des clauses concernées incombe au professionnel.

En l'espèce, est discutée l'intelligibilité des clauses susvisées en ce qu'elles ne comporteraient pas d'avertissement suffisant sur les risques engendrés par le mécanisme financier qu'elles contiennent.

La clause « Remboursement de votre crédit » explique que l'amortissement du prêt peut être plus ou moins rapide selon l'évolution du taux de change, tout en indiquant que le crédit peut être allongé d'une période de cinq ans pour permettre le remboursement du solde restant dû. Toutefois, en évoquant uniquement le ralentissement de l'amortissement du capital du prêt, le contrat n'explicite pas le risque d'augmentation de la dette résultant de l'augmentation du capital restant dû. À aucun moment, ces clauses n'évoquent ce risque d'augmentation de la contre-valeur en euros du capital restant dû et du risque corrélatif d'une augmentation de la dette qui n'est pas limitée.

Il ne saurait être attendu d'un consommateur raisonnablement attentif et avisé qu'il comprenne le risque d'augmentation du capital restant dû à la lecture des clauses expliquant le fonctionnement du mécanisme de change.

Les emprunteurs peuvent d'autant moins être alertés sur ce risque que la banque a joint au contrat de crédit un tableau d'amortissement en précisant seulement « Le tableau d'amortissement joint à la présente offre de prêt a été établi sur la base de ce même taux de change » dans la clause « Opérations de change ».

Or, il n'est pas précisé que ce tableau d'amortissement est purement théorique puisque la part d'intérêts et de capital amorti variera nécessairement à chaque échéance. Ainsi, le risque d'accroissement de l'endettement n'est pas explicité, pas plus que son caractère illimité. Les emprunteurs ne pouvaient dès lors évaluer le risque d'endettement résultant de la signature de ce contrat de crédit.

Sur l'évolution de la parité euros/francs suisses, il appartenait à la banque, en sa qualité de professionnel, d'envisager et d'informer le consommateur de toutes les évolutions possibles de cette parité, en particulier les risques encourus en cas de dépréciation significative de l'euro.

À cet égard, la notice annexée à l'offre de prêt, comportant une simulation, ne porte que sur une variation de 5% du cours de change, sans que la banque n'explique les raisons pour lesquelles elle a opté pour ce pourcentage de variation, outre qu'une telle variation limitée de 5% n'attire pas suffisamment l'attention du consommateur sur le fait que celle-ci peut être supérieure et ne lui permet donc pas de mesurer l'ampleur des variations de change auxquelles il s'expose, avec les conséquences qui en découlent.

De plus, l'expression « risque de change » n'est jamais utilisée d'une manière générale. Elle n'est évoquée que dans une hypothèse particulière, lorsque le consommateur déménage hors de la zone euro et devra alors lui-même acquérir des euros pour procéder aux paiements mensuels. Cela démontre que la banque pouvait insérer un avertissement explicite sur le risque de change en général, ce qu'elle a délibérément choisi de ne pas faire.

Il ne saurait être retenu que la clause « Remboursement de votre crédit" informe suffisamment de la durée du prêt de cinq ans et de l'augmentation du montant des échéances.

En effet, lorsque le risque de change inhérent au contrat se réalise, cela a pour conséquence, non seulement une augmentation de la durée du prêt de cinq années maximum mais, si le paiement de la mensualité fixe sur cette période complémentaire ne suffit pas à apurer le prêt, la mensualité est alors déplafonnée.

La banque ne justifie pas d'une information utile du consommateur sur ce point, en particulier en cas de forte dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse.

Il en résulte que les effets de l'évolution de la parité entre l'euro et le franc suisse ne sont pas mis en relief ni suffisamment explicités aux termes du contrat et dans les documents annexes communiqués aux emprunteurs, de telle sorte que ces derniers puissent envisager concrètement l'incidence économique potentiellement significative d'une évolution défavorable de la parité des monnaies sur leurs obligations et évaluer, en toute connaissance de cause, le risque auquel ils acceptent de s'exposer, le cas échéant.

Par conséquent, ces clauses ne constituent pas un ensemble clair et compréhensible au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

Il convient, dès lors, d'examiner si elles ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties au contrat au détriment de l'emprunteur.

À cet égard, la CJUE a également dit pour droit, dans les deux arrêts précités du 10 juin 2021, que l'article 3§1 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d'un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu'il soit plafonné, sur l'emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.

Elle a rappelé, en ce qui concerne l'appréciation du caractère abusif d'une clause contractuelle, qu'il incombe au juge national de déterminer, en tenant compte des critères énoncés à l'article 3§1, ainsi qu'à l'article 5 de la directive 93/13, si, eu égard aux circonstances propres au cas d'espèce, une telle clause satisfait aux exigences de bonne foi, d'équilibre et de transparence posées par cette directive.

En l'espèce, ainsi que cela a été précédemment retenu, le contrat de prêt expose les emprunteurs à un risque financier du fait de la parité des monnaies de compte et de paiement mais sans que ce risque ne soit plafonné lors de la dernière période éventuelle de remboursement. Il doit être ajouté que si la banque supporte aussi le risque de change, elle ne supporte que l'aléa tenant à la durée de perception des intérêts sans qu'il n'existe de mesure entre l'accroissement significatif du capital à rembourser pour les emprunteurs et le manque à gagner en intérêts pour la banque qui voit le capital en francs suisses remboursé par équivalent en euros, selon le cours du change au moment de chaque paiement.

Il s'en déduit que la BNP PPF ne pouvait s'attendre, si les emprunteurs avaient été normalement informés du fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et mis en mesure d'évaluer les conséquences économiques négatives potentielles, à ce que ces derniers acceptent le risque disproportionné qui résulte de ces clauses.

La banque fait par ailleurs valoir que les coûts mis à la charge des emprunteurs par les clauses relatives au risque de change ne traduisent aucun déséquilibre significatif puisque la note du cabinet Finexsi démontre que la situation des emprunteurs en général est comparable à celle dans laquelle ils se seraient trouvés en ayant souscrit à la même époque un prêt en euros à taux fixe.

Cependant, cette étude inclut la variation du taux d'intérêt alors qu'est ici en cause le déséquilibre lié au seul taux de change, constituant une variable distincte, résultant de clauses spécifiques seules examinées ici.

Au demeurant, ces éléments allégués par la banque sont extrinsèques aux droits et obligations des parties au contrat qui constituent le champ dans lequel doit être apprécié le déséquilibre significatif. En effet, le caractère abusif de la clause doit être apprécié à la date de conclusion du contrat, peu important les conditions de son exécution.

Il n'est par conséquent nullement démontré que le déséquilibre en défaveur des emprunteurs, que ces derniers n'ont d'ailleurs pas pu appréhender d'une manière claire, ne serait pas significatif.

Par ailleurs, c'est à tort que la banque soutient que la possibilité de convertir le prêt en euros à taux fixe ou à taux variable tous les cinq ans (clause « Options pour un changement de monnaie de compte ») et la possibilité de rembourser le prêt de façon anticipée à tout moment (clause « Remboursement anticipé »), ont le même effet qu'un plafond, de sorte qu'il n'existe aucun déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.

En effet, outre le fait que le contrat est en principe exécuté en dehors des levées d'option, ces options ne sont pas nécessairement de nature à effacer les effets de réalisation du risque au moment de leur exercice. En outre, la première de ces options ne peut être exercée que lors de la survenance d'échéances précises, étant ajouté qu'elle met à la charge des emprunteurs le paiement de frais de conversion et de frais de change. Quant à la seconde option, son exercice dépend des capacités financières des emprunteurs.

Les clauses litigieuses seront déclarées abusives, en ce qu'elles font encourir aux emprunteurs, en méconnaissance de cause, un risque tenant à la parité des monnaies de compte et de paiement.

 

Sur les conséquences de la reconnaissance du caractère abusif de la clause implicite d'indexation :

M. et Mme X. rappellent que du fait du caractère abusif de cette clause du prêt, ce contrat doit être annulé rétroactivement, estimant que le contrat de prêt ne peut pas subsister sans la clause implicite d'indexation.

Ils en concluent que chaque partie doit être condamnée à restituer les sommes qu'elle a reçues de l'autre, les créances ainsi déterminées étant connexes, la compensation sera ordonnée, précisant avoir perçu la somme de 159 740 euros, alors qu'au 10 avril 2022, ils ont remboursé une somme de 149 159,08 euros.

En réponse, la BNP PPF soutient que seules les clauses relatives à la variation du taux de change pourraient être réputées non écrites, soulignant que le prêt serait alors maintenu sous la forme d'un prêt en euros à taux fixe, tout en évitant de placer M. et Mme X. dans la situation d'un prêt en euros à taux zéro, ce qui leur conférerait un enrichissement sans cause.

Elle estime, de même, que seules les stipulations prévoyant l'augmentation des échéances sans plafond pourraient être déclarées abusives, précisant qu'en supprimant les stipulations relatives à l'augmentation des échéances sans plafond prévues à l'article « Remboursement de votre crédit », qui prévoit un déplafonnement du montant des échéances pendant la période complémentaire de 5 ans si le versement d'échéances constantes en euros pendant la durée complémentaire de 5 ans ne permet pas l'apurement de la dette, ce qui aurait pour conséquence la suppression de tout risque de déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.

Ceci étant rappelé.

Contrairement à ce que soutient la BNP PPF, il ne saurait être retenu que seules les stipulations relatives à la variation du taux de change soient jugées non écrites.

En effet, ces clauses participent à l'économie même du contrat de prêt, pour un prêt à intérêts indexé sur le franc suisse, de sorte qu'en l'absence de ces clauses le contrat de prêt ne peut pas subsister.

Il n'appartient pas en outre au juge de réécrire les stipulations du contrat de prêt pour lui permettre d'être exécuté sans ces clauses. La banque n'est en outre pas fondée à affirmer que l'anéantissement rétroactif du prêt conduirait nécessairement à l'enrichissement sans cause des emprunteurs, alors que selon les cas d'espèce elle peut être créancière du solde dû à la suite des restitutions réciproques.

De même, le cantonnement de la reconnaissance du caractère abusif à la seule clause de remboursement de cinq années supplémentaires non plafonnée ne saurait être retenu, alors que la réalisation du risque de change ne découle pas uniquement de l'exécution de cette clause. En effet, cette stipulation ne constitue qu'une modalité de paiement du risque de change qui s'est réalisé. La suppression du mécanisme de déplafonnement n'aurait pour effet que de limiter l'ampleur de la réalisation du risque de change, pour les seuls consommateurs exécutant leur contrat jusqu'à son terme.

En outre, la clause implicite d'indexation constitue un ensemble indivisible de stipulations, en ce que le principe descriptif de l'emprunt en francs suisses remboursable en euros est décliné par le fonctionnement de deux comptes dans chacune des devises, par les opérations de change et par les modalités de remboursement dans le temps.

 

Sur l'anéantissement rétroactif du prêt et les demandes de restitution :

L'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose que « Les clauses abusives sont réputées non écrites. […] Les dispositions du présent article sont d'ordre public ». Elles sont donc privées de tout effet pour l'avenir, mais également de manière rétroactive, dès l'origine du contrat dès lors qu'elles ne lient pas le consommateur.

Ce même texte ajoute que « Le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans ces clauses. ».

La constatation du caractère abusif d'une clause, qui est donc réputée non écrite, implique que le consommateur soit replacé dans la situation de droit et de fait dans laquelle il se serait trouvé en son absence. Si le contrat peut subsister sans ladite clause, celle-ci est simplement privée d'effet ab initio. Si, au contraire, le contrat ne peut pas subsister sans cette clause, il doit être anéanti dans son entier.

En l'espèce, les clauses reconnues abusives doivent être réputées non-écrites et M. et Mme X. doivent se retrouver dans une situation qui aurait été la leur si les clauses n'avaient jamais existé.

Or, il est acquis aux débats que lesdites clauses constituent l'objet principal du contrat. En outre, leur lecture et analyse révèlent qu'elles forment un tout indivisible. Les modalités de remboursement stipulées au contrat et les opérations de change nécessaires n'étant pas maintenues, alors que le montant du prêt est en francs suisses, l'entièreté du prêt est affectée.

En conséquence, le contrat de crédit sera anéanti de manière rétroactive.

L'anéantissement rétroactif de ce contrat emporte remise en état des parties, qui sont replacées dans la situation dans laquelle elles se seraient trouvées si elles ne l'avaient pas conclu, en opérant une compensation entre les créances de restitution réciproques suivantes :

- la créance de la banque, correspondant au montant du capital emprunté en euros ;

- la créance des emprunteurs, correspondant à l'ensemble des versements qu'ils ont effectués en euros.

M. et Mme X. devront donc restituer à la banque la contre-valeur en euros du capital libéré en francs suisses par application du taux de change initial rappelé par le contrat, dans la mesure où c'est la somme qu'ils ont effectivement perçue en euros lors du déblocage des fonds.

Ils devront rembourser à ce titre la somme de 162.000 euros, à laquelle il doit être ajouté la somme de 2 430 euros correspondant aux frais de change liés à l'opération. Les emprunteurs doivent donc la somme totale de 164 430 euros.

Sur les sommes dues par la banque, elles correspondent à l'ensemble des versements que M. et Mme X. ont effectués auprès de la banque, durant l'exécution du contrat de prêt.

Il convient de retenir le quantum indiqué par la BNP PPF, plus récent et d'un montant plus élevé que celui visé par M. et Mme X., soit la somme de 168 121,59 euros, au 2 octobre 2023, au surplus non utilement contestée.

Après compensation entre ces deux créances réciproques, il en résulte un solde de 3 691,59 euros en faveur de M. et Mme X., au 2 octobre 2023, que la banque sera condamnée à rembourser.

 

Sur la demande de maintien de l'inscription hypothécaire :

Dès lors que les emprunteurs ne sollicitent pas la mainlevée de l'inscription hypothécaire grevant le bien financé par le contrat de prêt, la demande de maintien de cette mesure formée par la BNP PPF ne constitue pas une prétention.

 

Sur les frais irrépétibles :

Au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, la BNP PPF sera condamnée à payer la somme de 10.000 euros.

 

Sur l'exécution provisoire :

La BNP PPF entend que l'exécution provisoire de droit soit écartée, soutenant qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire, en ce que l'anéantissement rétroactif du contrat avec exécution provisoire emporterait des conséquences irréversibles pour elle.

Cependant, aucune considération ne justifie de faire droit à cette demande, alors que le risque d'insolvabilité des emprunteurs en cas d'infirmation du jugement n'est nullement établi.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe

DIT M. X. et Mme X. recevables en leurs demandes fondées sur les clauses abusives ;

DIT que les clauses du contrat de prêt Helvet Immo du 13 novembre 2008 intitulées : « Description de votre crédit », « Financement de votre crédit », « Ouverture d'un compte interne en euros et d'un compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit », « Opérations de change » et « Remboursement de votre crédit », sont abusives et réputées non écrites ;

PRONONCE l'anéantissement rétroactif de ce contrat ;

CONDAMNE en conséquence la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à M. X. et Mme X. la somme de 3 691,59 euros, arrêtée au 2 octobre 2023 ;

DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux dépens, ainsi qu'à payer à M. X. et Mme X. la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Fait et jugé à Paris le 30 janvier 2024

Le Greffier                                       Le Président