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CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 22 mai 2008

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 22 mai 2008
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch. sect. 1
Demande : 07/01223
Date : 22/05/2008
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Numéro de la décision : 265
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1234

CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 22 mai 2008 : RG n° 07/01223 ; arrêt n° 265

Publication : Juris-Data n° 365827

 

Extrait : « Considérant que l'insertion dans l'offre préalable de crédit d'une clause permettant l'augmentation, dans des proportions considérables, du montant du découvert initialement convenu sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, fait obstacle, d'une part, à l'information que ce dernier doit recevoir, préalablement à tout nouvel engagement, sur l'ensemble des caractéristiques du crédit projeté, notamment sur les charges de remboursement à venir, qu'une nouvelle offre de crédit, si elle lui avait été proposée à chaque dépassement du crédit précédemment autorisé, aurait permis d'assurer ainsi que, d'autre pari, à la faculté de rétractation imposée par l'article L. 311-15 du code de la consommation à l'occasion de chaque nouvelle offre de crédit ;

Considérant que la clause litigieuse qui permet au prêteur d'augmenter le montant du crédit initialement consenti sans soumettre à l'emprunteur une nouvelle offre préalable lors de chaque dépassement du crédit autorisé est de nature à créer au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat par rapport aux dispositions protectrices prévues par la loi en sa faveur ; que la loi encadre très strictement les conditions dans lesquelles le consentement de l'emprunteur doit être donné de manière à le protéger contre des engagements dont il n'aurait pas pu évaluer toute la portée au moment où il les prend ; que tel est précisément le cas en l'espèce ;

Qu'il s'ensuit que la clause litigieuse est abusive et par suite doit être réputée non écrite en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Considérant que le premier juge n'a pas excédé ses pouvoirs en relevant d'office le moyen tiré du caractère abusif de la clause litigieuse ; qu'il résulte en effet de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, que la protection qu'elles assurent implique que le juge national puisse apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat qui lui est soumis ; qu'il n'a statué qu'au regard du caractère abusif de la clause litigieuse et non pas de la conformité du contrat aux dispositions de l'article L. 311-9 du code de la consommation, de sorte que le reproche que lui fait la société Sogéfinancement d'avoir relevé d'office le moyen tiré de la violation de ces dispositions qui ne peut être invoqué que parles emprunteurs, n'est pas fondée ;

Considérant que, dès lors que la clause permettant l'augmentation du montant du découvert est non écrite conformément à l'article L. 132-1 du code de la consommation, le montant du découvert reste fixé à 1.500 euros ; qu'il a été dépassé depuis le mois d'octobre 2002, sans être régularisé depuis cette époque ».

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 22 MAI 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07/01223. Arrêt n° 265. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT-QUENTIN du 09 février 2007

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE :

SOCIÉTÉ SOGEFINANCEMENT

[adresse], Représentée par la SCP LE ROY, avoué à la Cour et ayant pour avocat la SCP BRAUT ANTONINI HOURDIN HANSER du barreau de SAINT QUENTIN

 

ET :

INTIMÉ :

Monsieur X.

Assigné à sa personne suivant exploit de la SCP DUBOIS Huissiers de Justice Associés à SAINT-QUENTIN en date du 20 juillet 2007 à la requête de la Société SOGEFINANCEMENT. Non comparant.

 

DÉBATS : A l'audience publique du 21 mars 2008 devant M. GRANDPIERRE, Président, entendu en son rapport, magistrat rapporteur siégeant, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 22 mai 2008.

GREFFIER : M. DROUVIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Le Président en a rendu compte à la Cour composée de : M. GRANDPIERRE, Président, Mme CORBEL et M. DAMULOT, Conseillers qui en ont délibéré conformément à la Loi.

[minute page 2] PRONONCÉ PUBLIQUEMENT : Le 22 mai 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; M. GRANDPIERRE, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

Statuant sur l'appel interjeté par la société Sogéfinancement contre le jugement rendu le 9 février 2007 par le Tribunal d'instance de Saint-Quentin qui a déclaré irrecevable comme étant forclose l'action en payement qu'elle a engagée contre Monsieur X., ensemble l'a déboutée de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et condamnée aux dépens ;

Considérant que la société Sogéfinancement, qui poursuit l'infirmation du jugement, demande que Monsieur X. soit condamné à lui payer la somme de 10.517,24 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 12,73 % à compter du 26 juillet 2006, jour de la mise en demeure ;

Qu’à l'appui de son recours et après avoir exposé qu’elle a accordé un prêt à Monsieur X. qui a cessé tout remboursement malgré une mise en demeure du 26 juillet 2006, la société Sogéfinancement soutient que le premier juge n'avait pas le pouvoir de relever d'office le moyen tiré d'une prétendue forclusion de l'action ; qu'à titre subsidiaire, elle fait valoir que l'obligation d'une offre préalable à toute augmentation du capital prêté n'a été instaurée qu'à compter du 29 juillet 2005 ;

Considérant que Monsieur X. a été assigné à sa personne ; que, par application des dispositions de l'article 473, alinéa 2, du Code de procédure civile, le présent arrêt sera réputé contradictoire ;

 

MOTIFS (justification de la décision)    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Considérant qu'en fait, par offre préalable acceptée le 31 mai 2002, la société Sogéfinancement a consenti à Monsieur X. une ouverture de crédit utilisable par fractions d'un découvert initialement autorisé de 1.500 euros, assortie d'une carte et ouvrant droit, pour l'établissement de crédit, à la perception d'intérêts au taux effectif global de 14,76 % calculés sur les sommes réellement empruntées ; qu'à la suite d'incidents de payement, la société Sogéfinancement a prononcé la déchéance du terme par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 26 juillet 2006 ;

Considérant que, comme l'a relevé le premier juge, dès le 9 octobre 2003, Monsieur X. était débiteur d'une somme excédant 1.500 euros ;

Considérant qu'est insérée au contrat une clause selon laquelle la « réserve maximum autorisée » est de 1.500 euros et une autre stipulation aux termes de laquelle l'emprunteur « autorise la Société générale à prélever sur [son] compte crédit Alterna et en cas de dépassement de la réserve autorisée, sur [son] compte courant Société générale, les sommes correspondant aux utilisations de la carte » ;

Qu'en l'espèce, aucun avenant écrit n'a été conclu ;

Considérant que l'insertion dans l'offre préalable de crédit d'une clause permettant l'augmentation, dans des proportions considérables, du montant du découvert initialement convenu sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, fait obstacle, d'une part, à l'information que ce dernier doit recevoir, préalablement à tout nouvel engagement, sur l'ensemble des [minute page 3] caractéristiques du crédit projeté, notamment sur les charges de remboursement à venir, qu'une nouvelle offre de crédit, si elle lui avait été proposée à chaque dépassement du crédit précédemment autorisé, aurait permis d'assurer ainsi que, d'autre pari, à la faculté de rétractation imposée par l'article L. 311-15 du code de la consommation à l'occasion de chaque nouvelle offre de crédit ;

Considérant que la clause litigieuse qui permet au prêteur d'augmenter le montant du crédit initialement consenti sans soumettre à l'emprunteur une nouvelle offre préalable lors de chaque dépassement du crédit autorisé est de nature à créer au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat par rapport aux dispositions protectrices prévues par la loi en sa faveur ; que la loi encadre très strictement les conditions dans lesquelles le consentement de l'emprunteur doit être donné de manière à le protéger contre des engagements dont il n'aurait pas pu évaluer toute la portée au moment où il les prend ; que tel est précisément le cas en l'espèce ;

Qu'il s'ensuit que la clause litigieuse est abusive et par suite doit être réputée non écrite en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Considérant que le premier juge n'a pas excédé ses pouvoirs en relevant d'office le moyen tiré du caractère abusif de la clause litigieuse ; qu'il résulte en effet de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, que la protection qu'elles assurent implique que le juge national puisse apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat qui lui est soumis ; qu'il n'a statué qu'au regard du caractère abusif de la clause litigieuse et non pas de la conformité du contrat aux dispositions de l'article L. 311-9 du code de la consommation, de sorte que le reproche que lui fait la société Sogéfinancement d'avoir relevé d'office le moyen tiré de la violation de ces dispositions qui ne peut être invoqué que parles emprunteurs, n'est pas fondée ;

Considérant que, dès lors que la clause permettant l'augmentation du montant du découvert est non écrite conformément à l'article L. 132-1 du code de la consommation, le montant du découvert reste fixé à 1.500 euros ; qu'il a été dépassé depuis le mois d'octobre 2002, sans être régularisé depuis cette époque ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 311-37 du code de la consommation, les actions en paiement doivent être engagées, à peine de forclusion, dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance; que, dans le cas d'une ouverture de crédit d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, le dépassement du découvert convenu constitue, en l'absence de régularisation, un incident qui manifeste la défaillance de l'emprunteur, contrairement à ce que soutient la société Sogéfinancement, et qu'il constitue le point de départ du délai biennal de forclusion édicté par l'article précité ;

Que la société Sogéfinancement n'ayant introduit son action que par assignation du 16 octobre 2006, soit plus de deux ans après le point de départ du délai de forclusion, sa demande est irrecevable ;

Que, par voie de conséquence, il convient de confirmer le jugement frappé d'appel et de débouter la société Sogéfinancement de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

[minute page 4] Confirme le jugement rendu le 9 février 2007 par le Tribunal d'instance de Saint-Quentin au profit de Monsieur X. ;

Déboute la société Sogéfinancement de sa demande d'indemnité sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société Sogéfinancement aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,                                            LE PRÉSIDENT,